- Dulce melos
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Le dulce melos est un des instruments les moins connus dans la famille du cymbalum et du tympanon. C’est de lui dont nous avons les traces les plus anciennes, dès le XVe siècle. Cependant, la littérature traitant du dulce melos est maigre, il ne nous est parvenu que quelques écrits antérieurs au XXe siècle et seulement quelques dictionnaires instrumentaux contemporains lui consacrent une entrée.
Le terme dulce melos vient du latin et du grec ancien. Le terme dulce est en fait la forme neutre du mot dulcis qui signifie doux. Le mot melos signifie en grec le mot son, chanson. Donc le terme dulce melos peut être traduit par « son doux ». Ici, nous avons donc un nom d’instrument qui se réfère à une impression auditive. C’est par ailleurs ce terme qui est à l’origine du mot anglais dulcimer employé pour désigner un instrument de la famille du tympanon dans les îles britanniques et en Amérique du Nord. Ce mot est également la traduction du terme tympanon.
Le premier manuscrit
Le premier traité donnant une description et une figure précises du dulce melos, est celui que rédigea vers 1440 Henri Arnault de Zwolle, grand humaniste, médecin et astrologue à la cour de Bourgogne puis auprès de Louis XI, à la fin du XVe siècle. Dans son travail, il donne également la description du clavicorde. Il décrit ainsi le dulce melos :
« Notez, pour la composition de l’instrument appelé dulce melos, que cet instrument, tel qu’il se présente à moi en ce moment, peut être composé de trois façons. Premièrement d’une manière populaire et grossière, comme il en est de celui dont je m’occupe en ce moment, car dans celui là, c’est seulement par un bâton que se produit le contact avec les cordes, à la manière villageoise. »
Ensuite il décrit plus précisément l’instrument :
« Cet instrument, et même le suivant peuvent être appelés dulce melos, bien qu’on en puisse jouer à la manière d’un clavicorde. […] Les distances entre ces trois derniers chevalets seront respectivement le double l’une de l’autre, en sorte que le deuxième chevalet sera au point de la quatrième division, et le troisième chevalet au point de la sixième division, et le quatrième chevalet exactement au point de la septième division, et ceci en divisant la longueur totale de l’instrument en 7 parties égales.[…] Il doit y avoir 12 paires de cordes. »
— in Arnault de Zwolle 1932[1440] : 19-20
Dans la suite de sa description Arnault de Zwolle donne comme autre mode de jeu pour cet instrument : le clavier. Il explique également l’accord de ce clavicorde touche par touche en fonction des différentes divisions de cordes.
En effet dans sa description l’auteur donne un schéma précis d’un instrument complètement chromatique sur trois octaves. Les cordes sont ici tendues sur quatre chevalets qui les divisent en trois portions de longueurs proportionnelles. Celle du milieu est deux fois moins longue que celle de gauche et celle de droite l’est deux fois moins que celle du milieu. On obtient ainsi pour chaque note (une par paire de cordes) son octave et sa double octave. Par ailleurs, l’auteur définit comme mode de jeu possible le mode de jeu frappé. Cependant il ne donne pas d’indications concernant la forme de la caisse de résonance (rectangulaire ou trapézoïdale) et le nombre d’ouïes de l’instrument. Henri Arnault de Zwolle indique également que la manière de jouer « avec un bâton » est une manière « villageoise ». Ce mode de mise en vibration est donc caractéristique des populations rurales au XVe siècle. Le dulce melos n’est pas un instrument réservé à l’élite du Moyen Âge.
Il est également intéressant de noter que c’est le mode de jeu et non l’instrument qui est considéré comme villageois. Le dulce melos est donc perçu de manière différente selon le mode de jeu. Le dulce melos possède donc deux modes de jeu distincts et deux images associées. C’est le mode de jeu frappé qui définit son image en tant qu’instrument populaire.
La doulcemelle est connue depuis le Moyen Âge [1]
Cette terminologie, bien qu’elle aussi connaisse un certain nombre de variantes orthographiques apparaît le plus souvent en Bretagne, à Paris et jusqu’en Lorraine. Dans son Histoire de Bretagne, Arthur de la Borderie cite l’instrument en deux occasions. Tout d’abord dans une liste de personnes et d’instrumentistes : « Une longue série d’officiers, depuis le grand chambellan jusqu’aux menestrells, trompettes, physiciens, échansons, joueurs de doulcemer, chantres de nuit, queulx, chevaucheurs d’écurie, etc. » (in Borderie 1906 :418) ; ensuite il nomme un instrumentiste, « le joueur de doulcemer, Henri Guiot » .
De même, d’autres noms d’instrumentistes (Robinet le Françoys, Jehan Carrier) apparaissent dans les livres de comptes de la cour à Paris (in Heyde 1970 : 160-161). Par ailleurs, en 1506, René II de Lorraine, lors d’un séjour à Verdun a également payé un « joueur de doulce-mer » (in Jacquot 1886 :28). Ces exemples montrent ici l’existence et la pratique de la doulcemelle dans le royaume de France au XVe et au XVIe siècles. L’instrument y apparaît dans diverses circonstances musicales, en groupe ou seul lors d’occasions profanes.[1](ibid. :384).
Les images associées au dulce melos
La première image associée au dulce melos est celle venant de son nom. Elle fait référence à une impression auditive qui est celle de la douceur du son.
Par ailleurs, à l’origine, le dulce melos possède une image double caractérisée par le mode de mise en vibration employé. Ainsi, il est considéré comme rural et populaire s’il est frappé avec un bâton. Plus tard, cette image sera reprise mais certains éléments s’y grefferont. Au XIXe siècle, il sera considéré comme un tympanon ou un dulcimer du fait de son nom étymologiquement similaire. Au XXe siècle, l’image d’un ancêtre du piano lui sera accolée. Seul le clavier est décrit comme mode de jeu et plus précisément, comme un instrument frappé avec un bâton ayant évolué vers le clavier. Pour Arnault de Zwolle le dulce melos est un instrument aux modes de jeu variés, pouvant être joué dans les villages. Il est caractérisé par le son qu’il produit.
De nos jours, l’aspect populaire n’est plus important pour décrire l’instrument. C’est avant tout un instrument à clavier considéré comme un modèle théorique de piano moderne au XVe siècle. Son image est en quelque sorte celle d’une étape de construction intermédiaire entre le tambourin à cordes et le piano à queue.
Références et notes
- Xavier Fresque, Les cithares sur table médiévales, leurs modes de jeux et leurs dénominations, Paris Sorbonne, parle d'un “un instrument employé en dehors du Comté de Bourgogne, la Doulcemelle.”
Catégories :- Cithare
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