- Accident de criticité
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Un accident de criticité désigne un accident nucléaire provoqué par une réaction nucléaire en chaîne involontaire et incontrôlée dans un combustible nucléaire fissile comme l'uranium ou le plutonium.
Sommaire
Mécanisme
L’accident de criticité peut être défini comme étant une libération fortuite d’énergie survenant à la suite d’une réaction en chaîne de fissions. Une telle situation peut se produire dans une installation lorsque la quantité de matière fissile présente est supérieure à la masse critique qui dépend de la géométrie et des propriétés physico-chimiques du milieu considéré. L’excursion de puissance est accompagnée de l’émission intense de rayonnements neutrons et gamma ainsi que du relâchement de produits de fission. La criticité d’un milieu est caractérisée par son coefficient de multiplication effectif, keff, qui traduit un bilan neutronique entre les productions de neutrons par fissions et les pertes par absorptions et par fuites. Selon que le keff est supérieur, égal ou inférieur à 1, le système est dit sur-critique, critique ou souscritique. Afin de caractériser les écarts par rapport à une situation critique, la notion de réactivité ρ est souvent introduite. Par définition, est une valeur sans unité s’exprimant de façon conventionnelle en pcm (pour cent mille). Une unité plus physique et plus représentative de la réactivité est souvent utilisée : il s’agit du « Dollar » qui correspond à la proportion β de neutrons émis de façon retardée. Cette unité permet d’identifier, selon que ρ est inférieure ou supérieure à β, la nature des neutrons qui « piloteront » la dynamique d’un accident de criticité.
Conséquences
L'accident peut être mortel pour les personnes à proximité du siège de l'accident ; elles développent généralement le syndrome d'irradiation aiguë (maladie des rayons) dans les heures suivantes. Dans les cas de manipulation manuelle, l'opérateur est généralement exposé à un équivalent de dose de plusieurs dizaines de sieverts et décède en quelques jours. On notera qu'un accident de criticité ne peut pas produire d'explosion nucléaire.
Une telle réaction, qui se déclenche brutalement dès que les conditions propices sont réunies, peut causer une irradiation grave, voire létale, des personnes se trouvant à proximité de l'équipement concerné, et conduire à une émission limitée de gaz radioactifs. Cependant, dans les configurations typiques des installations du cycle du combustible, elle n'induit pas de dégagement important d'énergie et, en tout état de cause, ne présente pas de caractère explosif[1].
Causes d'un tel accident
Un accident de criticité peut être lié à une erreur humaine ou une défaillance d'un équipement durant laquelle un paramètre dépasse son seuil critique. Cet état peut être atteint par un non-respect de procédure (utilisation d'un conteneur de trop grand diamètre pour une solution concentrée de plutonium) ou de manipulation (transfert d'une solution concentrée dans un équipement de géométrie quelconque). Il peut aussi résulter d'une perte de géométrie (rupture de confinement) ou d'une agression externe (séisme, inondation).
Prévention
La physique nucléaire permet de prédire à partir de quelle valeur un paramètre (masse, diamètre, volume, concentration…) permet de rendre critique un équipement ou une installation, en fonction du type de combustible (uranium, plutonium), de sa nature (composé chimique, concentration lorsqu'il est dans une solution), de la géométrie de l'équipement et de son environnement. Ces calculs complexes, mettant en jeu des hypothèses pessimistes, permettent de vérifier a priori les procédures afin de s'assurer que la criticité ne puisse jamais être atteinte. Des marges amont et des mesures de sécurité adaptées sont prises pour se prémunir contre les erreurs humaines et les défaillances.
La discipline visant à prévenir l'accident de criticité est appelé criticité.
En France, le réacteur expérimental Silene a été développé en 1974 pour étudier la phénoménologie et les conséquences d'un accident de criticité[2].
Cas réels connus
En résumé :
- 22 accidents dans des installations de « procédé » :
- 21 dans des milieux en solution
- 1 avec des lingots
- 9 morts
- 38 accidents sur des maquettes critiques ou des réacteurs de recherche
- 1945 (Los Alamos) à 1997 (Russie)
Des accidents de criticité se sont produits en contexte civil et militaire :- 21 août 1945, Laboratoire national de Los Alamos, Nouveau-Mexique (USA). Cet accident provoque la mort de Harry Daghlian Jr..
- 21 mai 1946, Laboratoire national de Los Alamos, Nouveau-Mexique (USA). Cet accident provoque la mort de Louis Slotin.
- 15 mars 1953, Mayak Production Association - Oural. Amputation des jambes de l'un des deux opérateurs (décédé 35 ans après l'accident),
- 21 avril 1957, Mayak Production Association - Oural. Un opérateur est décédé 12 jours après l'accident (dose : 30 Gy), 5 autres opérateurs reçurent des doses estimées 3 Gy,
- 2 janvier 1958, Mayak Production Association – Oural. 3 opérateurs décédèrent 5-6 jours après, le 4e opérateur eut de graves problèmes de santé et perdit la vue quelques années plus tard,
- 16 juin 1958, Oak Ridge Y-12 Plant. 1 personne vécut 14,5 ans, 1 personne vécut 17,5 ans, 5 en vie 29 ans après,
- 15 octobre 1958, Institute of Nuclear Sciences à Vinca (Yougoslavie)
- 30 décembre 1958, Laboratoire national de Los Alamos - Nouveau-Mexique (USA). L’opérateur reçut 120 Gy et décéda 36h00 après l’accident, 2 autres opérateurs reçurent une dose 1,34 et 0, 53 Gy,
- 16 octobre 1959, Idaho Chemical Processing Plant.
- 5 décembre 1960, Mayak Production Association – Oural. 5 opérateurs reçurent des doses comprises entre 0,24 et 2 rem,
- 14 juillet 1961, Siberian Chemical Combine. Un opérateur reçut 2 Gy, sans lésion clinique durable,
- 7 avril 1962, Hanford Works. 3 personnes reçurent des doses importantes sans lésion clinique apparente,
- 7 septembre 1962, Mayak Production Association – Oural. Pas de personnel ayant subi des doses significatives,
- 30 janvier 1963, Siberian Chemical Combine. 4 personnes se situant à environ 10 mètres du réservoir ont reçu des doses comprises entre 0,06 et 0,17 Gy,
- 2 décembre 1963, Siberian Chemical Combine. Équivalent de dose maximale de 5 rem,
- 24 juillet 1964, United Nuclear Fuels Recovery Plant,
- 3 novembre 1965, Electrostal Machine Building Plant. Un opérateur situé à env. 4,5 m de la pompe reçut 3,4 rem,
- 16 décembre 1965, Mayak Production Association. 17 opérateurs reçurent des doses < 0,1 rem, 7 opérateurs < 0,2 rem et 3 opérateurs < 0,7 rem,
- 10 décembre 1968, Mayak Production Association. Le Chef d’atelier décéda 1 mois après l’accident (2450 rem), l’opérateur a perdu la vue et il fut amputé d’une main et des deux jambes (700 rem), 6 opérateurs reçurent des doses < 1,64 rem, 4 opérateurs < 0,15 rem,
- 24 août 1970, Windscale Works – UK. Irradiation très faible de deux agents,
- 17 octobre 1978, Idaho Chemical Processing Plant. 2 personnes faiblement irradiées,
- 13 décembre 1978, Siberian Chemical Combine. Un opérateur reçut 2,5 Gy et 20 Gy au niveau des bras et des mains – amputation des bras et dégradation de la vue, 7 autres personnes reçurent des doses comprises entre 0,05 et 0,6 Gy,
- 23 septembre 1983, Constituyentes (Argentine),
- 15 mai 1997, Novosibirsk Chemical Concentration Plant. Doses insignifiantes,
- 30 septembre 1999, JCO Fuel Fabrication Plant - Tokaimura Ibaraki (Japon).
Notes et références
Références
Voir aussi
Bibliographie
- (en) [PDF] A Review of Criticality Accidents, Los Alamos National Laboratory LA-13638, 2000 edition.
- 22 accidents dans des installations de « procédé » :
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