Chronique du règne de charles ix

Chronique du règne de charles ix

Chronique du règne de Charles IX

Chronique du règne de Charles IX[1] est un roman historique de Prosper Mérimée, publié en 1829.

Sommaire

Contexte

À partir de 1816, les romans historiques de Walter Scott sont extrêmement populaires en France.

En 1826, Alfred de Vigny publie à son tour un roman historique, Cinq-Mars, qui a beaucoup de succès. Dès cette année-, dans les milieux littéraires parisiens, on se met à regarder dun œil plus sévère lœuvre de Scott[2], et Prosper Mérimée nest pas en reste. Il veut écrire un roman historique, mais très différent de ceux de Walter Scott, très différent aussi de celui de Vigny.

Issu dune famille voltairienne, Mérimée est critique à légard de la religion. Cependant, il fréquente beaucoup les milieux protestants. Écrivant sur les guerres de religion, il se montre, dans ce livre, plutôt favorable aux huguenots persécutés. Parmi ses nombreuses sources[3], sa préférence va à dAubigné.

Résumé

En 1572, durant une courte période de paix des guerres de religion, Bernard de Mergy, jeune noble protestant, se rend à Paris pour se mettre aux ordres de Coligny. Il y retrouve son frère, George, converti au catholicisme.

Amoureux d'une noble catholique, Diane de Turgis, Bernard tente de la séduire et de conquérir l'estime du roi. Mais il ne peut faire oublier sa religion, dans cette époque d'intolérance.

Pour les beaux yeux de Diane, il se bat en duel et tue son rival, Comminges. Blessé, il est soigné par Ambroise Paré. Il est ensuite caché par une sorcière à qui Diane fait dire une messe blanche pour son rétablissement. Mais Diane, qui est très dévote, veut à tout prix le convertir.

Au hasard d'une rue, il échappe de justesse à des catholiques. Et il se trouve fort heureusement chez Diane pendant le massacre de la Saint-Barthélemy. Cette nuit-, Diane tente une nouvelle fois, mais en vain, de le convertir. Déguisé en moine, Bernard fuit Paris.

George, de son côté, a refusé dabattre Coligny, puis de prendre part au massacre. Il est emprisonné. Libéré sur ordre du frère du roi, il participe au siège de La Rochelle, ville dans laquelle Bernard a trouvé refuge.

Bernard, qui combat sous les ordres de La Noue, tend une embuscade à un groupe de cavaliers menés par un capitaine en qui il ne reconnaît pas son frère. Il ordonne à ses arquebusiers de ne pas manquer le capitaine. George est grièvement blessé. Il meurt stoïquement, refusant lassistance dun moine et dun ministre de la religion réformée qui se disputent impudemment son âme.

Quant à savoir si Bernard va se consoler et si Diane va prendre un autre amant, lauteur laisse au lecteur le soin den décider.

Analyse

Chronique du règne de Charles IX est un réquisitoire contre l'intolérance religieuse et les luttes fratricides (au sens propre, puisque Bernard finit par se battre contre son frère, à la fin du roman). La lutte intérieure de Bernard, partagé entre sa foi protestante et son amour pour une catholique fervente, illustre également les déchirements de ce temps.

La reconstitution historique est scrupuleuse. On peut déceler quelques anachonismes : les mœurs sinspirent parfois de celles du début du XVIIe siècle. On peut noter aussi un manque de cohérence entre la préface (disant que le massacre est le fait dune émeute populaire) et le roman («  tout semble partir du Louvre et de la volonté de Charles IX[4] »).

Plutôt que Bernard, le véritable héros du livre paraît être George[5], converti par opportunisme, sceptique et tolérant, en qui lon reconnaît Mérimée.

Même si lattention se déplace constamment des événements historiques aux préoccupations héroïques ou amoureuses de Bernard (on a pu reprocher au livre son manque dunité), la composition est habile[6].

Par rapport à Vigny

Mérimée, qui méprise profondément la bourgeoisie de la Restauration (issue des Lumières et de la Révolution), reste pourtant fidèle à la tradition des Lumières. Il est hostile à la conception romantique du roman historique, représentée par le Cinq-Mars de Vigny, qui met au premier plan les grands personnages historiques, figés dans une caricature[7]. Au contraire de Vigny, Mérimée confie les premiers rôles à des personnages fictifs.

Par rapport aux classiques

Mériméeet, en cela, il est proche des romantiquessoppose tout aussi vigoureusement aux conventions classiques (idéalisation des héros historiques, forme traditionnelle empêchant toute approche réaliste).

Par rapport à Scott

Scott envisage les événements avec le recul dun observateur du XIXe siècle. Tandis que Mérimée se veut contemporain des faits quil rapporte, proche et familier de ces événements, ce qui lui permet de déceler, au jour le jour, maint détail accidentel et fugitif.

Scott, nous dit Georg Lukács, saventure dans lenchevêtrement concret du processus historique lui-même. Les enseignements généraux quil tire de lhistoire, il les tire de modifications des lois de la vie, de la structure de la société, des rapports des hommes entre eux. Cest -dedans quil puise le réalisme de ses tableaux historiques. Tandis que Mérimée est plus empirique. Cest en sattachant davantage aux traits individuels et aux détails, quil présente dune manière particulièrement réaliste les mœurs de lépoque. Et les enseignements généraux, il les tire directement des données historiques[8].

Chez Mérimée, si lon en croit Lukács, les événements « privés » ne sont pas assez imbriqués dans la vie du peuple. Aux moments cruciaux, ils se cantonnent dans les sphères sociales supérieures. Les préoccupations réelles du peuple ne sont pas montrées. Les questions décisives de lépoqueet surtout lopposition des deux religionsapparaissent comme des problèmes purement idéologiques. Ce caractère est souligné par le scepticisme de lauteur, qui se manifeste trop ouvertement en cours daction.

Lukács reproche un manque de « lien véritablement organique » entre la nuit de la Saint-Barthélemy et les destins privés des personnages principaux. Lévénement surgit un peu comme une catastrophe naturelle. Le fait quelle devait arriver, et arriver ainsi, « nest pas montré par Mérimée comme une nécessité historique[9] ».

Notes et références

  1. Lédition originale porte le titre : 1572. Chronique du temps de Charles IX, par l'auteur du « Théâtre de Clara Gazul », Paris, Alexandre Mesnier, 1829. Le livre est réédité chez Fournier jeune, en 1832. Le titre devient alors : 1572. Chronique du règne de Charles IX. Le titre actuel apparaît en 1842.
  2. Selon Georg Lukács (Le Roman historique, Payot & Rivages, 2000), le roman historique naît de la Révolution française. Il représente lascension politique de la bourgeoisie. « Révolutionnaire » (Scott, Balzac), il se développe « en lutte avec le romantisme », qui est «  réactionnaire » (Cinq-Mars, roman dun Vigny nostalgique de la féodalité). Sous Charles X, on ne faisait pas cette distinction. On pouvait voir en Vigny un pur disciple de Scott, et reprocher à Scott tout aussi bien dêtre un « financier » (Mérimée) quun romantique grandiloquent.
  3. Mérimée en cite quelques-unes dans son placard publicitaire publié le 5 mars 1829 dans Le Journal des débats, Le Courrier français et Le Constitutionnel : Brantôme, La Noue, Tavannes, Vieille-Ville, d'Aubigné, Henri Estienne. On peut y ajouter de L'Estoile, Montluc, de Thou et dautres encore, cités par Maurice Parturier, qui répertorie également les études consacrées aux sources (« Notice » du roman, in Prosper Mérimée, Romans et Nouvelles, I, Garnier, 1967, p. 6-7).
  4. Charles Magnin, Le Globe, 7 mars, 25 avril et 30 mai 1829.
  5. Charles Magnin, toujours dans Le Globe, fut le premier à en faire la remarque.
  6. Maurice Parturier, « Introduction » dans op. cit., I, p. VI.
  7. Mérimée raille Vigny dans le chapitre VIII, intitulé Dialogue entre le lecteur et lauteur, p. 85-88.
  8. Georg Lukács, op. cit., p. 85-86.
  9. Georg Lukács, op. cit, p. 87.
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