C.L.R. James

C.L.R. James

Cyril Lionel Robert James

Cyril Lionel Robert James (1901 - 1989): Ecrivain et militant politique, intellectuel, originaire de la colonie britannique de Trinidad and Tobago (Trinité-et-Tobago) aux Antilles. Visionnaire, James commença à militer très tôt pour l'indépendance de son pays et défendait l'idée d'une fédération des Antilles britanniques (cette fédération vit le jour après l'indépendance, mais ne dura que quelques années). Il oeuvra toute sa vie pour la révolution prolétarienne mondiale et pour la cause du panafricanisme. Il était l'auteur de nombreux ouvrages, dont une étude historique de la révolution de Saint-Domingue (Les Jacobins Noirs, 1938, traduit en français en 1949) et une pièce de théâtre sur la vie de Toussaint Louverture dans laquelle le chanteur et acteur noir américain Paul Robeson joua le rôle principal).

Sommaire

Le chroniqueur de cricket et l'historien de la littérature

Fait rarissime pour un militant léniniste, James était connu dès les années 1930 pour ses écrits sur le cricket (notamment pour le Manchester Guardian - ancêtre du Guardian actuel) dans lesquels il mélangea aisément des références à l'histoire et à l'esthétique du cricket, à la lutte des classes, à l'histoire des peuples colonisés, à l'art, à la philosophie et à la littérature. Il était l'auteur d'une étude importante de l'écrivain américain Herman Melville - écrite dans le but d'empêcher son expulsion des États-Unis - et de plusieurs articles sur l'œuvre de William Shakespeare.

L'opposition de gauche

James quitta son pays natal en 1932 pour le Lancashire en Angleterre où il aida son ami, le joueur de cricket antillais Learie Constantine (le futur Lord Constantine) à écrire ses mémoires. Côtoyant de près les ouvriers de la ville 'rouge' de Nelson, il évolua rapidement vers la gauche. Se retrouvant à Paris pour faire de la recherche pour son livre sur Toussaint L'Ouverture, il fut témoin des événements de février 1934, et devint convaincu que l'Internationale Communiste sous Staline était devenue une force contre-révolutonnaire. D'abord membre du parti travailliste, il rejoignit rapidement un petit groupe trotskiste, le Marxist Group, qui pratiquait l'entrisme dans l'Independent Labour Party. En 1937, il publia World Revolution, 1917-1936: The Rise and Fall of the Communist International, une étude qui fut remarquée par, entre autres, Léon Trotsky et George Orwell (lui-même pendant un temps membre de l'Independent Labour Party). Après avoir quitté l'ILP, le groupe de James fusionna en 1938 avec d'autres organisations pour former la Revolutionary Socialist League. Pendant ces années, il se fit remarquer comme un défenseur des droits des peuples colonisés. En 1935, il devint président d'une association de défense de l'indépendance de l'Abyssinie (actuellement l'Ethiopie), victime de l'agression de l'Italie mussolinienne. Il était également actif au sein de l'International African Service Bureau.

La question noire aux États-Unis

En 1938, James partit militer aux États-Unis, devenant un spécialiste de la "question noire" (ses débats avec Léon Trotsky sur cette question sont célèbres dans le mouvement trotskiste). En 1940, il rompit avec le principal groupe trotskiste américain, le Socialist Workers' Party et adhéra au Workers' Party de Max Schachtman, formant une tendance (la tendance Johnson-Forest) avec Raya Dunayevskaya, qui avait été la secrétaire de Trotsky. À cette époque, il développa une version de la théorie selon laquelle l'Union soviétique n'était pas un "État ouvrier dégénéré" (position défendue par les trotskistes orthodoxes) mais une forme de "capitalisme d'État". A la même époque, il traduit en anglais la biographie démystificatrice de Boris Souvarine sur Staline.

En réponse à la tendance droitière du Workers' Party, le groupe de James réadhéra au SWP américain en 1947, mais deux années plus tard, alors que le mouvement trotskiste international traversait partout une grave crise, il se sépara définitivement avec le trotskisme orthodoxe et prit un pas théorique important en rejetant la notion du parti d'avant-garde, tout en se réclamant de l'héritage révolutionnaire de Lénine.

Expulsé vers l'Angleterre

Se trouvant en 1953 en situation irrégulière, il fut expulsé des États-Unis (en 1968 il y retourna pour enseigner à l'Université du District of Columbia) et partit pour l'Angleterre.

Après quelques années passées en Angleterre, James retourna à Trinidad en 1958, où il devint le rédacteur en chef de The Nation, le journal du People's National Movement du futur premier ministre, Eric Williams - un des ses anciens élèves et l'auteur d'un ouvrage historique important, Capitalism and Slavery (1964).

James et l'Afrique

Le rayonnement personnel et intellectuel de James aux Antilles britanniques, en Grande-Bretagne, aux États-Unis et en Afrique était considérable. À travers l'International African Service Bureau il retrouva un ami d'enfance, le communiste George Padmore (Malcolm Nurse), devenu l'un des théoriciens du mouvement panafricaniste, et rencontra Kwame Nkrumah, premier président de Ghana (de 1960 à 1966) et leader du mouvement des pays non-alignés. Il eut une grande influence sur toute une génération de jeunes intellectuels aux Antilles et dans la diaspora antillaise comme Tim Hector (avec lequel il anima brièvement l'International Caribbean Service Bureau) et l'historien et activiste, mort violemment en 1980, Walter Rodney (How Europe Underdeveloped Africa). Ses écrits sur Toussaint L'Ouverture ont inspiré le poète martiniquais Aimé Césaire, auteur lui-même d'une pièce de théâtre sur la révolution haïtienne, La Tragédie du roi Christophe (1963). Dans les années 1950, il collabora avec le philosophe Cornelius Castoriadis, fondateur de la revue Socialisme ou barbarie. Il était également proche de Daniel Guérin, l'auteur entre autres d'un livre, Les Antilles décolonisées (1956).

James passa les dernières années de sa vie en Angleterre, où il vivait à Brixton, quartier de Londres célèbre pour sa nombreuse communauté antillaise. Loin d'être oublié, il eut une influence considérable sur la jeune génération de militants de la cause noire et de l'extrême gauche.

Sources et documentation

  • C.L.R. James, Les Jacobins noirs. Toussaint Louverture et la Révolution de Saint-Domingue, trad. française de Pierre Naville (1re éd. Gallimard, 1949), 2e éd. avec textes complémentaires, traduits par Claude Fivet-Demorel, Éditions caribéennes, 1983. Réédité 2008, Editions Amsterdam.
  • Proposition d'inscription de la Collection C.L.R. James au Registre de la Mémoire du Monde de l'UNESCO. Contient des informations biographiques.
  • CLR James Archive et biographie de Anna Grimshaw (en anglais) sur le site marxists.org
  • Sur le rôle de James dans la formation politique d'un militant antillais, voir cet article en anglais sur la vie de Tim Hector: Paul Buhle's Tim Hector, Sara Abraham, Against the Current n° 125 (November/December 2006).
  • La revue britannique International Socialism a publié un article très complet sur la vie et la politique de CLR James, CLR James, the revolutionary as artist, par Christian Hogsbjerg (International Socialism n° 112, hiver 2006).
  • Kent Worcester, C.L.R. James. A Political Biography (State University of New York Press, New York, 1996)
  • C.L.R. James, Actualité de la Révolution française in Perspectives socialistes (revue bimensuelle de l’Union de la gauche socialiste), n°4 (15 fév. 1958), pp. 20-21 (extrait d'un projet d'introduction par James à Lutte de classes dans la révolution française de D. Guérin)
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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article C.L.R. James de Wikipédia en français (auteurs)

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