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Jean-Marie Brohm
Jean-Marie Brohm est un sociologue, anthropologue et philosophe français. Professeur de sociologie à l'Université Montpellier III, il a été le fondateur et l'animateur du groupe Quel Corps ?[1], membre du comité de rédaction du mensuel Répertoire et est actuellement directeur de publication de la revue Prétentaine. Il est l'auteur de plusieurs dizaines d'ouvrages, notamment sur la sociologie critique du sport.
Pour Brohm la «[....] théorie critique du sport est fondée sur trois axes principaux :
1) Le sport n'est pas simplement du sport, c'est un moyen de gouvernement, un moyen de pression vis-à-vis de l'opinion publique et une manière d'encadrement idéologique des populations et d'une partie de la jeunesse, et ceci dans tous les pays du monde, dans les pays totalitaires comme dans les pays dits démocratiques. On a pu s'en apercevoir au cours de ces grands évènements politiques qu'ont constitué les jeux olympiques de Moscou, les championnats du monde de football en Argentine et, plus récemment, en France.
2) Le sport est devenu un secteur d'accumulation de richesse, d'argent, et donc de capital. Le sport draine des sommes considérables, je dirais même, qu'aujourd'hui, c'est la vitrine la plus spectaculaire de la société marchande mondialisée. Le sport est devenu une marchandise-clé de cette société.
3) Dernier point, l'aspect proprement idéologique. Le sport constitue un corps politique, un lieu d'investissement idéologique sur les gestes, les mouvements. On le voit par exemple pour les sports de combat. C'est aussi une valorisation idéologique de l'effort à travers l'ascèse, l'entraînement, le renoncement, le sportif étant présenté comme un modèle idéologique. Par ailleurs, le sport institue un ordre corporel fondé sur la gestion des pulsions sexuelles, des pulsions agressives, dans la mesure où, paraît-il, le sport serait un apaiseur social, un intégrateur social, réduirait la violence, permettrait la fraternité, tout ce discours qui me semble un fatras invraisemblable d'illusions et de mystifications. Nous avons donc radiographié le sport à partir de ses trois angles : politique, économique, idéologique.»[2]
Sommaire
Les débuts de la critique radicale du sport
Malgré quelques remarques des avant-coureurs [3]et deux articles antérieurs de Brohm,[4] c’est en 1968 avec le numéro 43 («Sport, culture et répression») de la revue partisans que débute vraiment la critique radicale du sport.
«Il fallait se décider à présenter un jour une étude critique, révolutionnaire du sport, des loisirs physiques et de la culture du corps en régime capitaliste. Les événements révolutionnaires de Mai nous en ont donné la possibilité et l’occasion […].»[5]
Dans son texte «La civilisation du corps: sublimation et désublimation» Brohm analyse la civilisation capitaliste du corps. Celle-ci, après une longue hostilité, semble enfin affirmer le corps; mais selon Brohm il s’agit là d’un leurre. La désublimation serait aussi répressive que la sublimation: «Il n’y a pas de frontières entre la sublimation et la désublimation. Elles passent l’une dans l’autre et se conditionnent réciproquement.» [6] Le capitalisme, en vendant «la consommation du bonheur physique» ne change rien à la misère réelle du corps de la majorité des gens. «Loin de satisfaire ses besoins, l’individu en consommant satisfait les besoins du système. C’est cette conjonction entre les nécessités capitalistes de la consommation manipulée (impulsée par la publicité) et le processus de contrôle et de manipulation des pulsions et des besoins qui explique à notre avis la profondeur et l’intensité de la consommation désublimante répressive. Si le corps est omniprésent dans la culture de masse, c’est parce que celle-ci permet de canaliser socialement, au profit de l’appareil, le retour des pulsions refoulées.»[7]
Les textes des alliés de Brohm analysaient le sport et l’éducation sportive, mais aussi les politiques sportives gaulliste et stalinienne.
«[…] les textes parus dans ce numéro […] font l’effet d’une bombe dans les milieux sportifs et les milieux EPS. Le sport et l’EPS qui jusque-là, n’étaient perçus qu’en termes de valeurs positives, brutalement, vont être contestés dans leurs fondements et dans leur rôle même. En retour , les résistances des deux champs seront toutes aussi violentes.»[8]
La critique militante et théorique du sport restera inséparable d’une réflexion politique, sociologique et anthropologique sur le corps et c’est ainsi que se définit aussi le programme de la revue Quel corps ? (1975-1997) à laquelle collabore (entre autres) Louis-Vincent Thomas.
Notes et références
- ↑ voir l'anthologie L'opium Sportif: La Critique Radicale Du Sport. De L'extreme Gauche a Quel Corps, éd. par Jean-Pierre Escriva et Henri Vaugrand, Paris, L’Harmattan, 1996
- ↑ Compétition : La vraie toxicomanie
- ↑ voir notamment Jacques Ellul, La technique ou l’enjeu du siècle
- ↑ «Forger des âmes en forgeant des corps» (partisans n° 15, mai 1966) et «Sociologie politique du sport»(partisans , n° 28, juin 1967)
- ↑ Joh. Knief, Pierre Languillaumie, Jean-Marie Brohm, «sport, culture et répression« [éditorial], partisans, n° 43, p. 5-10, citation p. 5
- ↑ partisans, n° 43, p. 46-65, citation p. 57
- ↑ l.c., p. 64
- ↑ Jacques Gleyse, Archéologie de l'éducation physique au XXème siècle en France : le corps occulté, Paris 2006, p. 225
Ouvrages (selection)
- Sociologie politique du sport, 1976, réédition : Nancy, P.U.N., 1992, 398 p
- Le mythe olympique, Paris: Bourgois, 1981
- Les dessous de l'olympisme, La Découverte, 1984, Collection : Cahiers libres, avec Michel Caillat (ISBN 2707114642)
- Les meutes sportives: Critique de la domination, Paris: L'Harmattan, 1993
- Le corps analyseur: essai de sociologie critique, Paris: Anthropos, 2001, ISBN 2-7178-4224-1
- Le football, une peste émotionnelle : La barbarie des stades, Editions Gallimard, 2006, avec Marc Perelman (ISBN 2070319512)
- La tyrannie sportive. Théorie critique d’un opium du peuple, Paris: Beauchesne 2006, ISBN 2701014956
- Heidegger, le berger du néant, Homnisphères, 2007, avec Roger Dadoun et Fabien Ollier ISBN 2915129282
- 1936, Les Jeux olympiques à Berlin, André Versaille éditeur, 2008 ISBN 9782874950100
Articles (selection)
- «Philosophie du corps? quel corps?» In: Encyclopédie Philosophique Universelle, t. 1, L'Univers Philosophique, Paris: P.U.F, 1989
- «Critique des fondements de l'éducation physique et sportive. Les STAPS, une imposture majeure» In: Les Sciences de l'éducation pour l'ère nouvelle, n⁰ 1/2, Université de Caen, 1991
- «Tranche de vie et analyse institutionelle impliquée. L'affaire Brohm» In: Traité d'éducation physique et sportive à l'usage de toutes les générations, Montpellier: Éditions Quel Corps, 1994
- «Apparitions des Énigmes. Complémentarisme de l'ethnopsychanalyse et de la phénoménologie» In: Prétentaine, n⁰ 11, janvier 1999
- Louis Althusser et la dialectique matérialiste, in Contre Althusser, Paris, 10/18, 1974, pages 15-92; et in Contre Althusser. Pour Marx ( nouvelle édition modifiée ), Paris, Les Éditions de la Passion, 1999, pages 15-79.
- La réception d'Althusser : histoire politique d'une imposture, in Contre Althusser. Pour Marx, Paris, Les Éditions de la Passion, 1999, pages 265-301.
Liens externes
- Jean Marie Brohm et la critique du sport
- Jacques Gleyse, « Brohm Jean-Marie. Sociologie politique du sport », Corps et Culture, Numéro 1 (1995), Le développement du sport
- La Théorie critique du sport
- Les enjeux de la critique du sport - entretien avec Brohm
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