- Pyriculariose
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La pyriculariose est une maladie des organes aériens du riz (feuilles, tiges et panicules).
Symptômes et dégâts
Les symptômes foliaires débutent par l’apparition de lésions blanchâtres qui évoluent vers des lésions nécrotiques en forme de losange dont le centre est grisâtre et les bords bruns. Dans le cas d’attaques sévères sur des individus très sensibles, les lésions peuvent fusionner et provoquer la mort de la feuille. Ces lésions entraînent la diminution de l’activité photosynthétique des feuilles, ce qui a pour conséquence une baisse du tallage, de la hauteur des plantes, puis finalement du nombre de grains et de leur poids, et donc conduit à une baisse importante du rendement (Bastiaans, 1991, Goto, 1965, Prabhu & De Faria, 1982). Les nœuds, la tige, les semences et la panicule peuvent également être attaqués. Cette dernière forme de la maladie est la plus dommageable pour les cultures car elle empêche le remplissage des grains, ce qui a des conséquences directes sur le rendement, mais aussi sur la qualité de la récolte (Katsube & Koshimizu, 1970).
La pyriculariose du riz est présente dans toutes les zones où cette plante est cultivée (Ou, 1985). Cette maladie peut être particulièrement destructrice dans certaines conditions. Une culture en situation irriguée avec de forts intrants azotés est notamment favorable à son développement (Teng et al., 1991 ; Bastiaans, 1991). Les riz en culture pluviale sont particulièrement sensibles à la maladie. En revanche, les riz irrigués en conditions tempérées et les riz cultivés en altitude sont moins sujets à cette maladie. Les pertes de rendement provoquées par la pyriculariose sont très variables en fonction des agrosystèmes. Elles peuvent atteindre 100% dans certaines conditions environnementales et pratiques culturales (Khush, 1989 ; Vera Cruz et al., 2007).
Biologie de Magnaporthe grisea
L’agent responsable de la pyriculariose est un champignon filamenteux Ascomycète de type pyrénomycète. C’est sous sa forme asexuée (Pyricularia oryzae Cavara) qu’il a été décrit pour la première fois en 1891. La forme sexuée est appelée Magnaporthe grisea. Elle a été obtenue pour la première fois au laboratoire en croisant deux isolats de Pyricularia grisea pathogènes de Digitaria sanguinalis (Hebert, 1971). Les espèces du genre Magnaporthe sont capables de provoquer des lésions sur au moins 65 espèces de 33 genres de monocotylédones différents (Nukina, 1998).
Ce champignon présente sur milieu de culture un mycélium constitué de filaments cloisonnés dont les articles possèdent un seul noyau haploïde. Ce mycélium peut produire des conidiophores portant des bouquets de conidies, les organes de multiplication asexuée du champignon. Lorsque ces conidies sont libérées, elles peuvent se fixer sur des surfaces hydrophobes (dans la nature, des cuticules de feuilles) grâce à un mucilage glycoprotéique adhésif (Hamer et al., 1988). Dans les conditions environnementales favorables, la spore produit un tube germinatif qui arrête rapidement sa croissance (2h) pour se différencier en une cellule spécialisée dans la pénétration, l’appressorium (6h) (Wang et al., 2005). Commence alors une phase de maturation (8h) durant laquelle l’appressorium est rendu imperméable aux solutés tout en restant perméable à l’eau grâce à la mélanisation de sa paroi ; le cytosquelette quant à lui se réorganise (Park et al., 2004). La pénétration mécanique directement à travers la cuticule et la paroi des cellules végétales (8-12 h) est réalisée par la formation d’un hyphe de pénétration et grâce à la forte pression osmotique développée dans l’appressorium. Le champignon colonise ensuite rapidement les tissus végétaux dans une phase de biotrophie en différenciant des hyphes secondaires globuleux qui semblent passer d’une cellule à l’autre par les plasmodesmes (Kankanala et al., 2007). La phase de nécrotrophie ne débute que quelques jours plus tard, concomitante avec l’apparition des premières lésions (5 jours). Le maximum de sporulation (2 000 à 6 000 spores par lésion et par jour) est atteint 7 à 10 jours après le début de l’infection (Kato, 1974), mais les lésions continuent de produire des spores pendant au moins 15 jours. Les spores sont dispersées par la pluie et le vent, en majorité sur des distances inférieures à 3 mètres (Suzuki, 1975 ; Notteghem et al., 1977 ; Ou, 1985). Un cycle infectieux foliaire peut être réalisé en moins de 7 jours dans les conditions les plus favorables.
Lutte contre la pyriculariose
Du fait du coût élevé des traitements, la lutte chimique contre M. oryzae n’est rentable que dans les zones de production où le riz est cultivé sur de grandes surfaces (Amérique du Nord et du Sud) et dans les pays où cette céréale présente une forte valeur ajoutée (Japon, Corée du Sud, Chine). Le marché des fongicides sur le riz, représentait en 2001, 10% du marché mondial (600 millions US$ sur 6 000 millions US$), dont la moitié concernait uniquement le marché japonais (Watkins, 2003). Les fongicides les plus utilisés sont des inhibiteurs de la voie de biosynthèse de la mélanine tels que le carpropamide et le tricyclazole qui rendent les appressoria non fonctionnels. Malgré, l’utilisation intensive de ces produits depuis 20 ans l’apparition de souches résistantes reste rare (Woloshuk et al., 1983 ; Howard et Ferrari, 1989, Shigyo et al., 2002). Au Japon, une alternative utilisée est l’induction des défenses du riz par l’application de probenazole qui possède une activité élicitrice (Shimono et al., 2003).
Les effets de diverses pratiques culturales sur la sensibilité du riz à la pyriculariose sont décrits dans la littérature. Cependant, les mécanismes qui induisent cette variation de la sensibilité demeurent mal connus. De nombreuses études ont montré que la sensibilité du riz à M. oryzae est augmentée lors d’apports de fortes doses d’azote (Mohanty et Gangopadhyay, 1982), de phosphore (Kozaka, 1965 ; Tokunaga et al., 1965) et diminuée avec l’apport de silice (Rodrigues et al., 2003 ; Hayasaka et al., 2005). La sensibilité du riz à la pyriculariose augmente lorsque les plantes sont soumises à des déficits hydriques (Kahn & Libby, 1958). Une adaptation de la date de semis en fonction des périodes défavorables au développement de la maladie permet de limiter l’influence de la pyriculariose. Enfin, l’enfouissement ou la destruction des pailles peuvent se révéler importants pour détruire l’inoculum primaire dans les zones où une conservation est possible dans les débris de récolte (Kozaka, 1965).
L’utilisation de cultivars résistants s’est présentée comme une alternative efficace dès 1904. Les premiers programmes d’amélioration de la résistance variétale furent initiés au Japon (Ezuka, 1979). La sélection a d’abord été basée sur le choix de lignées ayant un niveau de résistance modéré. Sans posséder une résistance totale, ces lignées réduisent les pertes. Cependant, avec l’augmentation de l’emploi de fertilisants azotés, ces résistances partielles ont été jugées insuffisantes. Dans le cadre de la révolution verte, des programmes de sélection basés sur l’introgression de gènes de résistance découverts dans des cultivars étrangers ont permis d’aboutir à des variétés présentant une résistance totale à M. oryzae (Takahashi, 1965). Depuis, de nombreux gènes de résistance du riz à la pyriculariose ont été recherchés dans différentes variétés. Parallèlement, plusieurs gènes d’avirulence ont été caractérisés et clonés, non seulement chez M. oryzae mais également chez d’autres agents pathogènes fongiques.
De nombreux gènes de résistance à la pyriculariose ont déjà été caractérisés et cartographiés (Ballini et al., 2008), mais seulement sept d’entre eux ont été clonés. De même, seulement cinq gènes d’avirulence de M. oryzae ont été clonés dont un seul correspond à un gène de résistance cloné (Pita). La connaissance moléculaire des interactions gène pour gène est donc limitée. En conditions naturelles, des souches virulentes apparaissent régulièrement, 2 à 6 ans après l’introduction des cultivars résistants (Kiyosawa, 1989 ; Bonman et al., 1992). C’est pourquoi différentes stratégies permettant d’obtenir des résistances durables ont été proposées comme l’accumulation de gènes de résistance spécifiques (pyramiding ; Bonman et al., 1992) ou encore l’accumulation de résistances partielles contrôlées par des QTL (Ramalingam et al., 2003), voire l’accumulation des deux types de résistance (Bonman et al., 1992). D’autres stratégies préconisent l’emploi de mélanges variétaux résistants et sensibles (Abe, 2004 ; Zhu et al., 2000) et la prise en compte des populations de l’agent pathogène (lineage exclusion ; Zeigler et al., 1994). Plus de 300 QTL de résistance à la pyriculariose ont été identifiés (Ballini et al. 2008, Vergne et al., 2008). Comment expliquer les faillites toujours nombreuses de la résistance ? Les populations de l’agent pathogène pourraient avoir une évolution trop rapide par rapport à la mise en place de nouvelles résistances par les sélectionneurs. De plus, les dispositifs d’évaluation de la résistance à la pyriculariose ne permettent pas toujours de détecter de manière précoce le contournement de la résistance. Enfin, la mauvaise connaissance de la génétique de la résistance est un facteur majeur de l’échec du déploiement de certaines variétés supposées résistantes (Ou, 1985).
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