- Micronouvelle
-
La micronouvelle (parfois aussi appelée microroman) est un récit imaginaire, suggestif, parfois caustique, rédigé en un nombre extrêmement restreint de mots. C'est la forme la plus concise de récit littéraire prosaïque, parfois proche du poème par le rythme qu'il imprime.
Elle est connue dans les littératures anglaise et hispanique sous les locutions micro-fiction, short-short story et microconte.
Sommaire
Caractéristiques
La rédaction d'une micronouvelle est un art qui dispose de ses caractéristiques propres, totalement différentes de celles qui régissent la rédaction d'une nouvelle et même d'une nouvelle brève. En effet, dans une micronouvelle, l'histoire et les personnages, imaginaires, contrairement à d'autres formes de fragments, sont suggérés ou simplement croqués d'un trait plutôt que décrits. Parfois proche de l'aphorisme, souvent incisive, la micronouvelle aime jouer sur les mots, détourner les expressions courantes et faire appel à la culture générale du lecteur. Elle est particulièrement bien adaptée à l'humour noir.
La micronouvelle guide l'imagination du lecteur de façon à ce qu'il puisse lui-même retrouver les différents composants du récit.
La défense de la micronouvelle comme genre à part entière a déjà été prise, aux États-Unis notamment, par des critiques littéraires comme Mary Louise Pratt et Gitte Mose[1]. En France, par la revue interuniversitaire French Fixxion et, en particulier, par le Pr. Irène Langlet[2].
Le terme micronouvelle est parfois employé, dans un sens large, comme synonyme de nouvelle brève, ce qui peut être source de confusion. Dans ce cas, il désigne un texte qui revêt les caractéristiques de la nouvelle et non pas celles qui lui sont propres et qui sont évoquées ci-dessus.
Le mythe de son origine
Si les origines de la microfiction en général remontent jusqu'à l'Antiquité, la paternité de la micronouvelle est attribuée à Ernest Hemingway. Il aurait inauguré le genre, dans les années vingt, par un texte de six mots bien connu « For sale : baby shoes, never worn » (« À vendre : chaussures de bébé, jamais portées »). Tout y est suggéré : les personnages (la mère et l'enfant) et l'histoire (en résumé : elle est enceinte et elle fait des achats en prévision de la naissance. Elle perd l'enfant et décide de revendre ce qu'elle a acheté). Ce texte a titillé l'imagination de nombreux auteurs contemporains. Il semble néanmoins de plus en plus douteux que Hemingway en ait été le véritable auteur.
Notons aussi, en France, les fragments sans titre de Xavier Forneret (XIXe siècle), d'un humour noir manifeste, ainsi que les Nouvelles en trois lignes de Félix Fénéon (à partir de 1906), de véritables nouvelles journalistiques, rédigées sous une forme caustique dont la micronouvelle s'inspire largement.
Les différentes formes de micronouvelles
L'auteur Jacques Fuentealba relève trois formes de micronouvelles : le Hemingway (6 mots), le Fénéon (3 phrases ou lignes maximum) et le Pépin (300 signes maximum avec le titre).
L'écrivain canadien Laurent Berthiaume élargit la micronouvelle à une centaine de mots maximum.
Les records
Luis Felipe Lomeli est l'auteur d'une micronouvelle de 4 mots, El Emigrante, qui a supplanté, en 2005, celle d'Augusto Monterroso (El Dinosaurio) :
- « ¿Olvida usted algo? -¡Ojalá! »
- (« Oubliez-vous quelque chose ? - Pourvu que oui ! »)
Micronouvellistes
La littérature hispanique compte de nombreux micronouvellistes dont, parmi les plus célèbres, Augusto Monterroso (El Dinosaurio), Luis Felipe Lomeli (El Emigrante), Alfredo Alamo, Santiago Eximeno et José Luis Zarate.
Dans la littérature anglo-saxonne, citons notamment Frederic Brown, Raymond Carver, Robert Coover et Sean Hill, qui a la particularité de se plier aux contraintes de Twitter pour maximaliser le nombre de caractères de ses micronouvelles.
En langue allemande, les Acht-Wort-Geschichten (micronouvelles de huit mots exactement, inspirées du schéma de la micronouvelle de Hemingway), forme la plus courte des Kurzgeschichten (nouvelles brèves), en sont encore au stade expérimental.
En France et dans les pays francophones, la micronouvelle tend aujourd'hui à se développer et se populariser. En témoigne le succès du Prix Pépin, remporté en 2008 par Timothée Rey avec la micronouvelle Le Développement du râble, de même que la fondation, en 2010, de l'Institut de Twittérature Comparée Bordeaux-Québec, sous l'impulsion de Jean-Michel Le Blanc et de Jean-Yves Fréchette. En 2011, la revue interuniversitaire French Fixxion reconnaît le travail des micronouvellistes comme faisant partie de l'avant-garde et la micronouvelle comme un genre à part entière. Parmi les micronouvellistes d'expression française, épinglons, en outre, Jacques Fuentealba (Scribuscules, éd. la Clef d'argent, 2011 ; Tout feu tout flamme, éd. Outworld, 2009 ; Invocations et autres élucubrations, éd. Efímeras, 2008), Vincent Bastin, Olivier Gechter, Anthony Boulanger, Stéphane Bataillon (La Mauvaise Troupe) ainsi que Laurent Berthiaume et le collectif Oxymoron (Cent onze micronouvelles, éd. Le grand fleuve, 2007).
Jean-Luc Caizergues aborde ce genre littéraire sous l'angle de la poésie dans Mon Suicide (Flammarion, 2008), de même que Stéphane Bataillon.
Sources et liens externes
- Pedro de Miguel, El microrrelato: ese arte pigmeo
- Vincent Bastin, Micronouvelles : Pour une définition et une première défense de la micronouvelle française
- Jacques Fuentealba, Micronouvelles : le poids des mots. Petits mais costauds in Black Mamba (n° 18), 2010
- Jacques Fuentealba, Nanofictions, in Deliciouspaper (n° 7), 2009
- Víctor Montoya, ¿Por qué escribo microrrelatos?, in Escritoresdelmundo.com
- Laurent Berthiaume, La Micronouvelle, in Brèves littéraires (n° 74), 2006
- Juan Armando Epple, Introducción: Brevísima relación sobre el cuento brevísimo, in Brevísima relación. Antología del micro-cuento hispanoamericano, Santiago de Chile, éd. Mosquito comunicaciones, 1990
- Avizora Publicaciones: El Microrrelato
- David Lagmanovich, La extrema brevedad: microrrelatos de una y dos líneas, in Espéculo: Revista de estudios literarios, éd. Universidad Complutense de Madrid, n°32
Références
- Mary Louise Pratt, The Short Story: The Long and the Short of It, in The New Short Story Theories, éd. Charles May, Ohio UP, Athens, 1994 ; Gitte Mose, Danish Short Shorts in the 1990s and the Jena-Romantic Fragments, in The Art of Brevity: Excursions in Short Fiction Theory and Analysis, éd. Per Winther, Jakob Lothe et Hans H. Skei, Université de Caroline du Sud, Columbia 2004
- Irène Langlet, Les Echelles de bâti de la science-fiction, in Revue française de Fixxion contemporaine - Critical Review of Contemporary Franch Fixxion, n° 1, Micro/Macro, 2011
Voir aussi
- Microfiction
- Fragment
- Prix Pépin (science-fiction)
- Twittérature
- Drabble
Catégories :- Genre et forme littéraire
- Fiction humoristique
- Forme d'humour
Wikimedia Foundation. 2010.