- Tragédie de Khodynka
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La tragédie de Khodynka est une bousculade qui eut lieu le 18 mai 1896 sur le champ de Khodynka, à Moscou, pendant les cérémonies accompagnant le couronnement de l'empereur Nicolas II de Russie. Elle fit 1 389 victimes.
Sommaire
Le contexte
Comme il était de tradition en France d'offrir au peuple des fêtes pour le couronnement d'un roi de France, en Russie une telle tradition était également de mise. Dans diverses villes de la Russie impériale de nombreuses fêtes furent prévues.
Des milliers de personnes conviées aux festivités données à l'occasion du couronnement affluèrent vers le champ de Khodynka, près de Moscou. Chacun des invités devait recevoir un saucisson, des noisettes, des raisins secs, des figues et un gobelet en métal émaillé, sur lequel étaient gravées les initiales de Nicolas II et de son épouse Alexandra Feodorovna.
Le champ de Khodynka, lieu où se déroulèrent les festivités, était un terrain vague ceint par des cabanes de bois. En son centre, une multitude de fontaines déversaient des boissons légères. Ce terrain était dans un état déplorable, criblé de trous non rebouchés par les organisateurs. Il y avait, près des cabanes de bois, un profond ravin duquel était extrait le sable pour entretenir les rues de Moscou. A l'arrière de ce ravin, se trouvaient deux puits, creusés en 1891 à l'occasion de l'Exposition française. De simples grosses planches avaient été déposéesn afin d'obstruer les puits.
Les festivités devaient être suivies de pièces de théâtre et d'un départ de montgolfières. Chaque invité se présentant devant les fontaines muni de son gobelet pouvait boire gratuitement, la nourriture était également offerte.
En ce jour du 17 mai 1896, la foule attirée par la gratuité des diverses activités commença à se diriger vers le champ de Khodynka. A minuit, deux cent mille personnes se présentaient déjà sur le terrain. Vers quatre heures du matin, leur nombre augmenta, jusqu'à quatre cent mille personnes qui pour la plupart choisirent une place pour se coucher devant les petites cabanes de bois.
Le drame
Les organisateurs de ces festivités avaient déjà préparé le programme depuis un certain temps. Dix heures du matin devait être l'heure à laquelle les visiteurs pouvaient pénétrer dans la partie réservée aux attractions. Mais très tôt le matin, la foule exigea d'accéder directement au champ de Khodynka. Une vague humaine s'agita, impétueuse. Les personnes chargées de la distribution des gobelets prirent peur et s'efforcèrent de calmer la foule en jetant des timbales au hasard aux visiteurs excédés. Très vite, la foule pénétra en masse dans le champ de Khodynka et envahit les maison de bois.
Poussés, bousculés, des femmes, des enfants, des hommes roulent dans le ravin où ils s'entassent en poussant des hurlements de terreur. D'autres, à leur tour, sont poussés dans le ravin et piétinent les personnes gisant déjà sur le sol. Les planches déposées sur les puits cédent sous le poids de la foule, et, tels des pantins désarticulés, des corps basculent dans la profondeur des puits. Dans un désordre indescriptible et piétinant les corps gisant sur le sol, la foule continue à se ruer vers les cabanes de bois. Serrés de tous côtés, soutenus par la foule, des cadavres sont même debout.
Le bilan
Aussitôt alertés, les pompiers et les soldats forment avec difficulté une équipe de sauvetage et la macabre remontée des corps débute. Trois mille à quatre mille corps sans vie sont extraits des puits et du ravin. Les victimes sont transportées dans des camions, mais les bâches mal arrimées laissent entrevoir des bras et des jambes rigidifiés par la mort.
L'on remonte à la surface quarante corps écrasés de l'un des puits. Ce qui aurait pu être une fête s'est transformée en un véritable cauchemar. Le reste de la journée fut consacré à emporter les cadavres et les blessés dans les hôpitaux ou dans les postes de police.
Très tard dans la matinée, trois cent mille personnes sont encore présentes sur le champ de Khodynka. En raison de l'immensité du terrain, certains ignorèrent tout de la tragédie qui venait d'avoir lieu. Assis à des tables, buvant, mangeant, ils assistent au spectacle donné par des comédiens ambulants.
Les responsabilités
Le peuple russe fut épouvanté par ce drame du champ de Khodynka, ainsi que les membres de la famille impériale. Il fallait sanctionner les responsables de cette terrible tragédie. Un grand dilemme se posa à Nicolas II. La responsabilité de l'organisation des festivités de Khodynka avait été confiée au comte Vorontsov-Dachkov et au grand-duc Serge, gouverneur général de Moscou et oncle de l'empereur. L'enquête fit apparaître la culpabilité du grand-duc Serge et des personnes placées sous son autorité. Les grand-ducs s'opposèrent à l'accusation et invoquèrent le discrédit porté au principe de la monarchie, au cas où le grand-duc aurait été sanctionné. Les frères du grand-duc Serge : les grands-ducs Alexis, Vladimir et Paul avertirent le tsar de leur décision de donner leur démission en cas de sanction.
Nicolas II céda devant les vives contestations des membres de la famille impériale. Quelques personnes appartenant à des échelons inférieurs furent punies.
Mais le peuple russe ne fut pas dupe. Le responsable de cette tragédie était le grand-duc Serge Alexandrovitch et le peuple le surnomma « le prince de Khodynka ». La nuit, des affiches proclamant la culpabilité du grand-duc furent placardées dans les rues. Ôtées par la police, la nuit même d'autres affiches étaient collées sur les murs.
À noter
En 1856, les fêtes données à l'occasion du sacre d'Alexandre II de Russie au champ de Khodynka connurent également quelques problèmes. Des trombes d'eau s'abattirent pendant la distribution de la nourriture, sur les personnes rassemblées dans les files d'attente. Ce fut une grande empoignade, chacun s'arrachant des morceaux de pain regorgeant d'eau. Certains Russes y virent le signe d'un mauvais présage.
Sources
- Nicolas II de Russie de Henri Troyat
Catégories :- Histoire de Moscou
- Bousculade
- 1896 en Russie
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