- Le Pollet
-
Le Pollet est un quartier de Dieppe situé dans la vallée, situé sur la rive gauche de l'embouchure du fleuve côtier l'Arques qui se jette dans la Manche. C'est le quartier des marins de Dieppe.
Jusqu'au milieu du XIe siècle, l'Eaulne, la Béthune et la Varenne, en confluant, formaient un estuaire profond encadré de coteaux aux versants raides. Ce vaste bassin naturel, s’étendant jusqu’au territoire actuel de la commune d'Arques-la-Bataille, représentait un mouillage sûr pour les pêcheurs locaux et les marins de passage.
Jusqu'au XIXe siècle, les marins pêcheurs utilisaient la rive sud, en pente douce, de la boucle de la rivière qui formait la presqu'ile du Pollet , pour mettre à sec leurs barques, pour les réparer, et les préparer pour les futures campagnes de pêche.
Les Normands, nouveaux maîtres des lieux, comprirent tout l'intérêt commercial et stratégique de ce site. Tenant compte du comblement partiel de l'estuaire, s'appuyant sur une bande de galets barrant partiellement la vallée (le poulier[1]), ils fondèrent une petite agglomération appelée à devenir un grand port: Dieppe[2].
Au XVIIIe siècle, la presqu'ile du Pollet connait une première division, par la création du Canal de chasse qui servait au désensablement du port de Dieppe. Lors des grandes marées, on ouvrait les portes du canal à marée basse, pour chasser la vase. On trouve encore la trace de ce canal qui a servi à construire le bassin de radoub au XIXe siècle. Depuis le Moyen Âge, le Pollet était relié à la rive gauche de la rivière par un pont. Celui-ci débouchait au niveau de la Place louis Vitet.
Le quartier du Pollet est définitivement divisé en deux partie depuis le creusement d'une passe, en 1848, pour desservir un bassin supplémentaire au port, destiné à recevoir les navires de commerce: le Pollet et l'ile du Pollet.
Origine du mot Pollet
L'explication la plus communément reprise est qu'il serait la contraction de Port-d'Est en Pollet; Port-d'Est aurait été prononcée prononcé successivement Pordest, Pordet, puis Pollet. Cela induit qu'il y aurait eu deux ports à l'embouchure de la rivière: Dieppe, sur la rive droite à l'ouest; le Pollet, sur la rive gauche à l'Est.
C'est en 1283, époque à laquelle nous trouvons pour la première fois le nom de ce faubourg de Dieppe dans une lettre patente de Philippe III, qui cède à l'archevêque de Rouen tout ce qu'il possédait au Pollet: « Quidquid in dicta, Villa de Poleto, cum altà justitia, et focagio, cum hortis et jardinis habebamus ».
Louis Vitet voyait dans le mot Pollet, une origine italienne dont Spoletto serait la source. cette thèse sera reprise par reprise par Jules Thierry en 1864. Pour ces auteurs, le Pollet aurait été un comptoir créé par la république de Venise, à l'image de celui de Bruges en Belgique.
Mais Pollet pourrait bien avoir une origine plus ancienne, c'est-à-dire une origine Gauloise. En effet, on peut rapprocher Pollet de la racine celtique « pol/poul » qui veut dire retenue d’eau, mare ou trou, et par extension étang, étendue d’eau, embouchure ou port. Ce mot est à l'origine du mot anglais pool qui désigne une piscine. Il peut aussi désigner une zone de marais humide.
On retrouve cette racine dans de nombreux noms de lieux en Angleterre, qui, quasiment toutes, désignent un port au fond d’une anse profonde ou une rivière : Liverpool, Pwl, Poldhu, Swanpool, Polhown, Blackpool (Cornouaille), Chapmanspool, Poole, Hartlepool, etc. On trouve évidemment cette racine en Bretagne : Le Pouldu, Le Pouliguen, mais aussi Paimpol, etc.
Le Pouliguen nous donne sans doute la clé pour le mot Pollet : il se décompose en "poul" (port), "ic" (diminutif = petit), "guen" (blanc).
Pollet, ancien Poullic se traduirait donc part « le petit port », ce qui attesterait le lieu comme étant un lieu très ancien d’implantation humaine sur la rive droite de la dernière boucle de la Varennedans doute bien avant JC .
Une origine gauloise est donc plausible, d'autant qu'un mot local, qui désigne les grottes perçant la falaise du Pollet, à lui une origine absolument gauloise : les « gobes ».
En gaulois, le mot « goben » désignait le forgeront. En vieil irlandais il a donnée « gobae/gobann », en breton, gallois et cornique « gof ». La ville de Gergovie, ville gauloise célèbre, que plusieurs toponymistes traduisent ce nom par « la ville des forges » ou « ville arsenal », ce qui explique d’ailleurs qu’elle permit la grande victoire gauloise sur Jules César. On peut proposer que le mot « Gobe » ait cette origine.
En quelque sorte les grottes de la falaise du Pollet pourraient avoir servi longtemps d'abri pour les forgerons gaulois de la tribu des Calètes.
Au début du XXe siècle, les normands du coin nommaient "gobiers" les manants qui "vivaient" dans les trous des falaises appelés "gobes".
Notes et références
- "Bibliographie italico-normande" de Jules Thieury , Paris : Aubry, 1864.
- "Les noms de lieux bretons de Haute-Bretagne", de Jean-Yves Le Moign, 1990, ed. Coop Breizh, p172 et 175.
- X. Delamarre, "Dictionnaire de la langue gauloise", Errance, Paris, 2003,
- J-P Savignac, "Dictionnaire français-gaulois", La Différence, Paris, 2004.
- François Falc’hun et Bernard Tanguy : "Les noms de lieux celtique, vallées et plaines", deuxième éditions Slatkine, 1982.
- Nom d'origine picarde et désignant une courte flèche littorale, barrant partiellement l'embouchure d'un fleuve, dont l'extrémité est recourbée en forme de crochet sous l'action des courants marins.
- Histoire du port de Dieppe sur le site de l'Estran. Consulté le 11 juin 2008.
Wikimedia Foundation. 2010.