- Joël Monzée
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Joël Monzée est directeur-fondateur de l'Institut du développement de l'enfant et de la famille du Nouveau Monde (Canada), professeur associé au département de pédiatrie (faculté de médecine) de l'université de Sherbrooke (Canada) et chercheur au sein du Laboratoire Santé, éducation et situation de handicap de l'université de Montpellier 1 (France). Il est auteur de plusieurs ouvrages de référence en matière de neuropsychologie et d’éthique en santé. Enfin, il est chroniqueur dans l’Actualité médicale, le journal des médecins du Québec. En outre, il est régulièrement invité dans les médias pour commenter l’actualité biomédicale ou sur des questions touchant la neuropsychologie et les troubles pédopsychiatriques.
Né à Liège en février 1968, il s'est construit une formation multidisciplinaire. Il détient un graduat (premier cycle) en enseignement (Institut supérieur pédagogique et logopédique à Theux) et un post-graduat clinique (second cycle clinique) en éducation et rééducation psychomotrice (Enseignement supérieur paramédical à Liège) effectués en Belgique. Vivant au Québec depuis 1993, il a poursuivi sa formation académique par une maîtrise de recherche en neuro-kinanthropologie (Faculté d’éducation physique et sportive, Université de Sherbrooke), un doctorat en neurosciences (Centre de recherche en sciences neurologiques et faculté de médecine, Université de Montréal) et différentes formations cliniques dans le domaine de la psychothérapie, notamment en psychothérapie corporelle. Enfin, il a effectué un stage postdoctoral à l’Institut national de la recherche scientifique et à l’École nationale d'administration publique. Depuis, il associe la pratique clinique à la recherche et à l'enseignement.
Ses recherches en bioéthique concernent la régulation des comportements professionnels dans les milieux de la recherche biomédicale (recherche, développement et promotion), du transfert de connaissance scientifique (innovation, production et diffusion) et de la pratique clinique (professionnels de la santé). Plus précisément, il questionne les pratiques professionnelles quant à l’utilisation des découvertes biotechnologiques pouvant modifier la physiologie du corps humain afin de répondre à des standards de performance professionnelle, sociale ou scolaire.
En outre, ses recherches cliniques s’adressent au développement affectif des enfants et à l'amélioration des relations dans les familles. Il s'intéresse particulièrement aux sources et aux impacts des comportements dérangeants découlant du stress vécu par les enfants en milieux familial et scolaire. Il s'intéresse également aux différentes connaissances scientifiques qui soutiennent et améliorent la qualité de vie des personnes sur le plan du bien-être physique et psychique.
Sommaire
Principales contributions dans le domaine de l'éthique médicale
Durant son stage postdoctoral, il a adapté au milieu de la santé (recherche, développement et clinique) le modèle d'analyse des comportements professionnels dans l'administration publique proposé par Yves Boisvert et ses collaborateurs (2003)¹. Ce modèle comportait deux axes d'analyse pour comprendre les forces et faiblesses des différentes dynamiques de prises de décision et pour déterminer des moyens favorisant l'éthique et la responsabilité sociale. Ils font l'hypothèse que plus une personne est capable de s'auto-réguler, plus la démarche éthique sera possible et moins il sera nécessaire de définir des normes précises. A contrario, plus une personne se réfère à l'autorité (hétéro-régulation) pour définir l'acceptabilité de ses comportements et plus il faudra prescrire des normes juridiques et déontologiques pour assurer le bien commun.
Par la suite, Joël Monzée a proposé un troisième axe d'analyse qui tient compte des enjeux psychologiques de chaque personne impliquée dans les processus de décision. Sur la base de ses recherches en bioéthique et en santé mentale, il fait l'hypothèse que si une personne souffre de difficultés, voire d'un trouble, en santé mentale, la démarche éthique et la qualité de la responsabilité sociale chute de manière très importante. Il y a donc un risque de faillite de la démarche éthique si l'on ne tient pas compte des motivations et des difficultés psychiques rencontrées par les acteurs. À l'inverse, une personne qui a développé l'intégrité de son soi, sa force de résilience et une saine estime de soi, devrait pouvoir s'inscrire dans une démarche réflexive continue qui favorise les comportements éthiques et responsables. Le bien commun serait alors préservé.
Dans son livre "Médicaments et performance", Joël Monzée illustre son hypothèse en analysant les enjeux et les différentes dynamiques comportementales qui encouragent le recours aux médicaments chez les sportifs, les enfants turbulents et les professionnels dans des secteurs à stress de performance élevé, ainsi que les dynamiques des chercheurs universitaires et industriels (tout comme leurs institutions d'appartenance) dans le domaine biomédical. En fait, il craint que l'éthique, qui est proposée comme outil pour prévenir des dérives inacceptables, ne puisse permettre aux individus, fragilisés par leur quête de performance idéalisée², de faire des choix responsables sur le plan personnel et social. Ainsi, l'autorité redeviendrait garante d'une responsabilisation minimale des professionnels (hétérorégulation). Toutefois, cette autorité est elle-même fragilisée par les enjeux sociopolitiques et économiques et ne peut pas nécessairement prévenir ces dérives. L'être humain est donc renvoyé à lui-même pour tenter de développer des stratégies qui lui permettront de s'impliquer dans une dynamique de responsabilisation s'articulant autant sur le plan individuel et que collectif.
Enfin, Joël Monzée s'est intéressé aux enjeux éthiques entourant les biotechnologies appliquées à la santé humaine, notamment les neurosciences, la pharmacologie, la génétique et les nanotechnologies. Il reprend notamment la taxonomie proposée par E. M. McGee et G. Q. Maguire³ pour proposer des pistes pour déterminer l'acceptabilité de l'utilisation des biotechnologies pour améliorer la performance des personnes malades et celles en santé.
Principales contributions dans le domaine de la psychothérapie
Joël Monzée s’est intéressé aux liens qu’on peut déduire entre la pratique psychothérapeutique et les neurosciences, de manière à favoriser une démarche réflexive sur les différentes pratiques cliniques et une amélioration des modèles scientifiques de la psychologie et de la psychiatrie.
D’abord, il a dirigé plusieurs ouvrages collectifs qui créent des ponts entre les neurosciences et la psychothérapie ou la santé en général. Un premier ouvrage s’adressait principalement aux traces biologiques laissées par la psychothérapie. En effet, les neurosciences montrent aujourd’hui que le cerveau se modifie durant le processus thérapeutique et que plus l’intervention est globale, notamment en impliquant des mouvements conscientisés, plus les effets sur la santé psychologique sont efficaces. Par la suite, un deuxième ouvrage s’est intéressé à l’émergence des comportements défensifs et des troubles de la personnalité qui découlent d’une interprétation, biaisée par des expériences blessantes et par l’anxiété, de la réalité environnante. Ces livres présentent autant des modèles d’analyse des comportements que des pistes d’interventions cliniques tant cognitovo-comportementales qu’humanistes et psycho-dynamiques, ainsi que des réflexions sur les pensées des précurseurs comme Sigmund Freud, Jacques Paillard et Marc Jeannerod. Ces ouvrages permettaient à des scientifiques (dont Marc Jeannerod, Jean Decety, Marc Vander Linden, René Misslin et Jean-Luc Petit) ou des cliniciens (dont Gilles Delisle, André Duchesne et Patrick Lynes) - oeuvrant en Belgique, aux États-Unis, en France, au Canada et en Suisse - de présenter leurs compréhensions du fonctionnement cérébral en regard de la pratique clinique ou de réfléchir sur les différentes pratiques à la lumière des neurosciences. Il a également entamé un travail de réflexion similaire avec des cliniciens en provenance de multiples domaines de la santé, de manière à élargir la compréhension du processus de guérison des individus.
De manière concomitante avec son travail en bioéthique, il questionne l’usage des médicaments psychotropes chez les enfants en difficultés, notamment ceux qui reçoivent un diagnostic de trouble déficitaire de l’attention avec/sans hyperactivité(4). Il rapporte des chiffres alarmants quant à l’usage de la médication en Amérique du Nord, ce qui commence également à être le cas en Belgique. Son apport scientifique et clinique souligne qu’il y a fréquemment des erreurs de diagnostic, car l’approche psychométrique se centre trop facilement sur les symptômes, sans nécessairement prendre en considération l’environnement dans lequel l’enfant évolue. Or, si cet environnement est anxiogène pour l’enfant, ses réactions représentent un comportement génétiquement programmé pour « survivre » sans que cela ne soit un trouble pédopsychiatrique(5). Pour lui, il est nécessaire d’intervenir de façon globale auprès de la famille et de l’école et retarder le plus possible le recours à la médication qui pourrait altérer le développement du cerveau de l’enfant(4).
Enfin, il s’est intéressé au droit des enfants en regard du secret médical et du secret thérapeutique(6). En effet, la confidentialité du dossier médical est un acquis pour les enfants (de plus de 14 ans) et les familles qui est de plus en plus souvent compromis par la logique administrative des institutions publiques, notamment scolaires, et des bureaux d'assurance. Or, il ressort de l'expérience clinique - comme c'est documenté pour les adultes - que la perte de ce droit amène les enfants à ne pas parler de certains drames qu’ils vivent, ce qui réduit autant l’accès aux informations importantes dans le suivi thérapeutique ou le dépistage des situations de viols, de cyber-intimidations, d’inceste, etc. Il milite dès lors pour un resserrement des règles normatives par les ordres professionnels et une formation plus rigoureuse du personnel qui a accès aux informations privilégiées, mais qui ne sont pas encadrés par un code de déontologie.
Principaux ouvrages
- Médicaments et performance humaine: thérapie ou dopage?, Joël Monzée, Montréal, Éditions Liber, juillet 2010.
- Pharmacologie, éthique et société: de la « responsabilité » à la « responsabilisation » des chercheurs et des entreprises privées dans le contexte du dopage sportif, Joël Monzée (en collaboration avec Marie-France Gagnier et Yves Boisvert), Montréal, LEP-ENAP/INRS, 2008 (pp. 128).
- Recherche en neurosciences: définitions et questionnements éthiques, Joël Monzée, Montréal, ENAP/INRS/CEST, 2006 (pp. 158).
- Bio-ingénierie, éthique et société: de la « responsabilité » à la « responsabilisation » des chercheurs et des entreprises privées, Joël Monzée (en collaboration avec Marie-France Gagnier et Yves Boisvert), Montréal, LEP-ENAP/INRS, 2004 (pp. 197).
- Recherche en santé: enjeux et perspectives, Joël Monzée, Charlène Bélanger, Montréal, AEGSFM, 2001 (pp. 196).
- Connaître sa région pour mieux y vivre (livret de l’enseignant), Marc Ansenne, Claude Gonnay, Joël Monzée et Bernard Spineux, Tinlot, ASBL Equipes-Rurales, 1992.
- Connaître sa région pour mieux y vivre (livret de l'enfant), Marc Ansenne, Claude Gonnay, Joël Monzée et Bernard Spineux, Tinlot, ASBL Equipes-Rurales, 1992.
Direction ou codirection d'ouvrages
- Devenir Soi - Actions concrètes pour intégrer nos cheminements personnels, Joël Monzée (dir.), Éditions Dauphin Blanc, Québec, 2011.
- Ce que le cerveau a dans la tête: perception, apparences et personnalité, Joël Monzée (dir.), Éditions Liber, Montréal, 2011.
- Neurosciences et psychothérapie, Joël Monzée (dir.), Montréal, Éditions Liber, 2009.
- L’Éthique du sport en débat: Dopage, violence, spectacle, Philippe Liotard, Suzanne Laberge, Joël Monzée (dir.) Éthique publique, Montréal, Québec, numéro spécial, vol. 7, n°2, automne 2005.
Chapitres de livre
- "De la Fragilité à la Sensibilité", Joël Monzée, in J. Monzée (dir.), Devenir Soi, Éditions Dauphin Blanc, Québec, 2011:195-219
- "Devenir Soi", Joël Monzée, in J. Monzée (dir.), Devenir Soi, Éditions Dauphin Blanc, Québec, 2011:8-14
- "Perception, apparences et personnalité", Joël Monzée, in J. Monzée (dir.), Ce que le cerveau a dans la tête : perception, apparences et personnalité, Éditions Liber, Montréal, 2011:29-56.
- "Développement de l’enfant et représentations symboliques", Joël Monzée, in J. Monzée (dir.), Ce que le cerveau a dans la tête : perception, apparences et personnalité, Éditions Liber, Montréal, 2011:107-144.
- "Construction de la perception et apparences trompeuses", Joël Monzée, in J. Monzée (dir.), Ce que le cerveau a dans la tête : perception, apparences et personnalité, Éditions Liber, Montréal, 2011:29-56.
- "Émotion, mouvement et psychothérapie", Joël Monzée, In Joël Monzée (dir.), Neurosciences et psychothérapie, Montréal, Éditions Liber, 2009:221-251.
- "Neurosciences et psychothérapie: convergence ou divergence?", Joël Monzée, In Joël Monzée (dir.), Neurosciences et psychothérapie, Montréal, Éditions Liber, 2009:13-31.
- "Neuropsychologie et généticisation: limites scientifiques et éthiques", Joël Monzée, In Christian Hervé et coll. (dir.), Généticisation et responsabilités, Collection "Thèmes et commentaires", Paris, Éditions Dalloz, 2008:53-78
- "Les enjeux des nanotechnologies appliquées aux neurosciences", Joël Monzée, In Christian Hervé et coll. (dir.), La nanomédecine: enjeux éthiques, juridiques et normatifs, Collection "Thèmes et commentaires", Paris, Éditions Dalloz, 2007:51-75.
- "Quelle responsabilité sociale chez les chercheurs?", Joël Monzée, In : Létourneau L. (dir.), Bio-ingénierie et responsabilité sociale, Collection "Droit, biotechnologie et société", Montréal, Éditions Thémis, 2006:175-203.
Principales références
- Yves Boisvert, Magalie Jutras, Georges A. Legault et Alisson Marchildon, Petit manuel d’éthique appliquée à la gestion publique, Montréal, Éditions Liber, 2003.
- Alain Ehrenberg, Le culte de la performance, Paris, Éditions Hachette, 1991; Alain Ehrenberg, L’individu incertain, Paris, Éditions Hachette, 1995; Alain Ehrenberg, La fatigue d’être soi, Paris, Éditions Odile Jacob, 1998; Patrick Lynes, Le besoin de l’impossible - Impasses collectives et promesses d’avenir, Montréal, Éditions Liber, 2007.
- E. M. McGee et G. Q. Maguire, “Implantable brain chips: ethical and policy issues”, Medical ethics, vol. 8, no 1-2, 2001; K. R. Foster, “Enginering the brain”, dans J. Illes (dir.), Neuroethics: Defining the issues in theory, practice and policy, Oxford, Oxford University Press, 2005, p. 185-199; E. M. McGee et G. Q. Maguire, “Implantable brain chips: ethical and policy issues”, Cambridge Quarterly of Healthcare Ethics, vol. 16, no 3, 2007, p. 291-302.
- Joël Monzée, La médicalisation des humeurs des enfants, Revue internationale d’éthique sociétale et gouvernementale, 2006, 8(2):76-88; Joël Monzée, Médicaments et performance humaine: thérapie ou dopage?, Montréal, Éditions Liber, 2010.
- Joël Monzée, Développement de l’enfant et représentations symboliques, in J. Monzée (dir.), Ce que le cerveau a dans la tête : perception, apparences et personnalité, Éditions Liber, Montréal, 2011: 107-144.
- R. Maumaha Noune et Joël Monzée, Le secret thérapeutique : influences socioculturelles et implications pour les professionnels de la santé. Revue internationale d’éthique sociétale et gouvernementale, 2010, vol. 11 (2), p. 147-166; R. Maumaha Noune et Joël Monzée, Problématiques éthiques quant au bris de la confidentialité du dossier médical des enfants. Revue internationale d’éthique sociétale et gouvernementale, 2011, vol. 12(2): 261-295.
Liens externes
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