Idrīs Alaoma

Idrīs Alaoma

Idrīs Alaoma

Mai du Bornou
Règne 1564-1596
Couronnement 1564
Dynastie Dynastie des Sefuwa
Biographie
Nom de naissance Idrīs ibn ᶜAlī ibn Idrīs ibn ᶜAlī
Naissance
Décès
Père ᶜAlī ibn Idrīs ibn ᶜAlī
Résidence(s) Birni Ngazargamu

Roi du Bornou

Idrīs ibn ᶜAlī ibn Idrīs dit Alaoma (arabe : إدْرِيس أَلَوْمَا), est un Mai (Sultan) du Bornou. Son règne, de 1564 à 1596[1], correspond à l'apogée du royaume du Bornou. Il a sa capitale à Birni Ngazargamo. Il meurt en campagne militaire dans une localité appelée Alao (arabe : أَلَوْ), d' son surnom d'Idrīs Alaoma.


Sommaire

Contexte

La place particulière que le Kanem Bornū occupe dans le Soudan médiéval, à la croisée des chemins entre Afrique de l'Est et de l'Ouest, entre Afrique du Nord et Subsaharienne, prend tout son sens au XVIe siècle, au moment les Sefuwa établissent un sultanat qui pour la deuxième fois accède au statut de grande puissance régionale, après lavoir été au Kanem au XIIIe siècle. Lempire, recentré sur le Bornou, profite de sa position stratégique dans les échanges humains pour se renforcer. La prise de Tripoli par les Ottomans en 1551 renforce le commerce transsaharien. Les armes à feu sont à ce moment introduites dans la région en même temps que de nombreux mercenaires turcs viennent au Bornou. Lislam, probablement présent dans la région dès le VIIIe siècle, se développe avec une dynamique certes faible mais nouvelle. Ce phénomène religieux et culturel a pour conséquence une multiplication des sources dans lensemble du Soudan et plus particulièrement au Bornū avec un récit relatant les douze premières années du règne d'Idrīs Alaoma. C'est notamment grâce à ce récit qu'Idrīs Alaoma accède à son statu de Mai le plus connu du royaume du Bornou.


Sources

Les chroniques d'Ahmad Ibn Furtū sont les témoignages les plus anciens de leffervescence littéraire qui anima les lettrés du Soudan médiéval. Les Kitab Ghazawāt Barnū (K/B) et Kitab Ghazawāt Kānim (K/K) étonnent par leur contenu et leur volume (plus de deux cents pages à eux deux) autant que par la période très courte dont ils traitent. En effet, leur auteur Ahmad Ibn Furtū écrit ces textes douze ans seulement après lavènement du souverain dont il relate les conquêtes, Idris Alaoma. Nous pouvons ajouter à celles-ci plusieurs récits d'ambassades diplomatiques à Tripoli[2], mais aussi au Maroc d'Al-Mansur[3] et à la Porte d'Istanbul[4].

Une période d'expansion politico-militaire

Les conquêtes dIdrīs Alaoma se font au Bornou et au Kanem. Elles ont pour objectif de pacifier le pays et de rétablir les routes commerciales après une période de récession marquée par plusieurs famines avant son avènement[5]. Cette piste du lac Tchad à Tripoli sera la route des esclaves jusquau XIXe siècle. Face à lui se trouvent alors plusieurs populations comme les Ngizim à lOuest, les Touaregs, le royaume du Mandara ou la ville dAmsaka, contre lesquels il mène plusieurs campagnes. Cependant, il faut retenir deux peuples qui prennent une grande importance dans le récit dAhmad Ibn Furtū : les Sao et les Bulala. Les Sao font lobjet de deux campagnes militaires. Païens fortement implantés au Bornū, ils sont décimés par les campagnes dIdrīs Alaoma[6]. Pour ce qui est des Bulala, ce sont les responsables du départ des Sefuwa du Kanem et ils mènent de nombreux raids depuis lest du lac Tchad. Le K/K leur est entièrement consacré et la victoire militaire dIdrīs Alaoma se solde alors par un traité et linstallation dune dynastie favorable aux Sefuwa sur le Kanem.


Un Mai réformateur

Carte de la région du lac Tchad sous Idrīs Alaoma selon les informations dAhmad ibn Furtū, XVIe siècle

Laction politique dIdrīs Alaoma ne sarrête alors pas à ses campagnes militaires victorieuses, mais il est également linstigateur dune politique de grandes réformes et il développe les relations diplomatiques avec le monde arabe. Ainsi, il initie une politique active dislamisation des élites. Minoritaires au Bornū, les Kanuri consacrent leur unité et leur supériorité sur les populations locales à travers lislam. Dans ce cadre, Idrīs Alaoma reconstruit en dur des mosquées dans tout le royaume. Dans un pays la construction de mosquées en bâtiment était rare et elles étaient souvent simplement tracées sur le sol ou faites de clôtures[7], leur construction en briques rouges était lincarnation des prérogatives du souverain bornouan. Saffirmant comme bon musulman, Idrīs Alaoma marque par ailleurs la royauté Sefuwa et la religion royale dans le paysage Bornouan et renforce laffirmation territoriale de son pouvoir[8]. La justice est également un autre signe de la centralisation des pouvoirs puisquelle passe du champ des chefs locaux à celui des hommes de loi, des uléma. Sinspirant du modèle ottoman, Idris Alaoma centralise également les pouvoirs et distribue à ses fidèles, souvent des esclaves, les fiefs dépendant du pouvoir central. Enfin, Ahmad Ibn Furtū fait référence à un échange diplomatique avec le sultan ottoman Murad III, avec lépisode de larrivée du « Seigneur de Stambul, Sultan de Turquie ».

Ses successeurs se montreront incapables de préserver la puissance et lunité de ce vaste empire dont la décadence se manifeste au cours du XVIIe et surtout du XVIIIe siècle.


Notes et références

  1. Toutes les dates de règne utilisées dans ce mémoire sont les résultats de létude de Dierk Lange sur le Diwan al-Salatin Bornū, in LANGE, Dierk, Le Diwan des Sultans du (Kanem-) Bornu : Chronologie et histoire dun Royaume Africain, Wiesbaden : Franz Steiner Verlag, 1977, 174 p. Rappelons que, bien que le travail de Dierk Lange sur la question soit le plus sérieux, la datation de lhistoire du Kanem Bornou est soumise à de nombreuses réserves.
  2. RONCIERE (De La), Charles, « Une histoire du Bornou au XVIIe siècle, par un chirurgien français captif à Tripoli », Revue de lHistoire des Colonies Françaises, 7 (3), 1919, 78-81
  3. MAIKOREMA, Zakari, Les raisons dune ambassade bornouane au Maroc en 1583, une réinterprétation. Rabat, Université Mohammed V, 1991, 31 p.
  4. MARTIN, Bernal, “Mai Idrīs of Bornu and the Ottoman Turks, 1576-78”, Londres, International Journal of Middle East Studies. 3 (4), Oct. 1972, 470-490
  5. LANGE, Dierk, Le Diwan des Sultans du (Kanem-) Bornu : Chronologie et histoire dun Royaume Africain. Wiesbaden, Franz Steiner Verlag, 1977, p. 80, §§ 52, 53
  6. LANGE, Dierk, « Préliminaires Pour Une Histoire Des Sao », Londres, The Journal of African History. 30 (2), 1989, pp. 189-210.
  7. O'FAHEY, Rex Seán, “Endowment, Privilege, and Estate in the Central and Eastern Sudan”, Islamic Law and Society, Vol. 4, No. 3, Islamic Law and Society (1997), p. 340
  8. Il est intéressant de noter que le palais dIdrīs Alaoma, Gambaru, est construit avec la même brique rouge que les mosquées quil construit. BARTH, Heinrich, Travels and Discoveries in North and Central Africa, Londres : Centenary edition. F. Cass and C°, 1965, t. 1, p. 577


Bibliographie

DEWIERE, Rémi, Les Kitab dAhmad ibn Furtū : une Histoire du Bornū sous Idris Alaoma, Mémoire de Master 1, dirigé par Bertrand HIRSCH, Paris 1, 2007, 82 f.

DEWIERE, Rémi, La découverte des « Siècles Sombres » du Kanem Bornū : Constitution des sources et des savoirs sur létablissement des Sefuwa dans la région du Bornū (XIIIe-XVIe siècles), Mémoire de Master 2, dirigé par Bertrand HIRSCH, Paris 1, 2008, 176 f.

HOLL, Augustin, The Diwan Revisited, Literacy, State Formation and the Rise of Kanuri Domination (AD 1200-1600), London, Kegan Paul International, 2000, 250 p.

LANGE, Dierk, Le Diwan des Sultans du (Kanem-) Bornu : Chronologie et histoire dun Royaume Africain. Wiesbaden, Franz Steiner Verlag, 1977, 174 p.

LANGE, Dierk, A Sudanic Chronicle : The Bornu Expeditions of Idris Alauma (1564-1576), according to the account of Ahmad b. Furţū, Stuttgart, Franz Steiner Vierlag Wiesbaden, 1988a, 179+71 p.

LANGE, Dierk, « Trois Hauts Dignitaires Bornoans du XVIe Siècle: Le Digma, le Grand Jarma et le Cikama », Londres, The Journal of African History. 29 (2), 1988b, 177-189

LANGE, Dierk, « Préliminaires Pour Une Histoire Des Sao », Londres, The Journal of African History. 30 (2), 1989, 189-210

MAIKOREMA, Zakari, Les raisons dune ambassade bornouane au Maroc en 1583, une réinterprétation. Rabat, Université Mohammed V, 1991, 31 p.

MARTIN, Bernal, "Kanem, Bornu, and the Fazzan: Notes on the Political History of a trade route", The Journal of African History, (10) 1, 1969, 15-27

MARTIN, Bernal, “Mai Idris of Bornu and the Ottoman Turks, 1576-78”, Londres, International Journal of Middle East Studies. 3 (4), Oct. 1972, 470-490

RONCIERE (De La), Charles, « Une histoire du Bornou au XVIIe siècle, par un chirurgien français captive à Tripoli », Revue de lHistoire des Colonies Françaises, 7 (3), 1919, 78-81

TRIAUD, Jean-Louis, « Idris Alaoma » in JULIEN, Charles-André, Les Africains, T. III, Paris, Ed. J.A., 1977, 45-71.

ZELTNER, Jean-Claude, Pages d'histoire du Kanem, pays tchadien. Paris, L'Harmattan, 1980, 278 p.


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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Idrīs Alaoma de Wikipédia en français (auteurs)

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