- Henry-Jacques
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Henry-Jacques, homme de lettres, poète et prosateur, marin, journaliste et musicologue français, né à Nantes le 22 février 1886 et mort à Paris le 11 avril 1973.
Sommaire
Vies et œuvre d'Henry-Jacques
Henry-Jacques commence sa vie professionnelle dans le journalisme. Dès 1909, il travaille à Paris Journal, puis à L'Ère nouvelle. En 1914, alors qu'il est âgé de vingt-huit ans, il est mobilisé et participe à la Première Guerre Mondiale. Son expérience pendant le conflit, qui le marque profondément et durablement, est l'objet d'un premier grand recueil poétique, La Symphonie Héroïque, dans lequel il se fait le porte-parole d'une génération broyée au combat :
VINGT hommes à la file, au fond d'une tranchée, Coltineurs d'explosifs sur leur tête penchée. Tout à coup, c'est la mort qui passe : un tremblement, Un souffle rauque, un jet de flamme. En un moment Les soldats ont fondu dans la rouge fumée, Et la terre en sautant sur eux s'est refermée. Quand le brouillard puant s'est enfin dégagé, Le néant : aux débris du boyau mélangés Des parcelles de chair et des bouts de capote, Un bras nu, une main crispée sur une motte, Des cheveux arrachés, de la boue et du sang. On retrouverait d'eux, en les réunissant, Morceau de chair salie, de cervelle ou de moëlle De quoi remplir à peine une moitié de toile. (Poème Les Martyrs, extrait.)
De retour à la vie civile, son grand amour pour la musique le pousse à fonder et diriger les revues La Joie musicale et Disques. Breton, marin et grand voyageur, il fait plusieurs fois le tour du monde et passe deux fois le Cap Horn. Il voit alors la rude vie des Cap-Horniers et retranscrit " les heures de bonheur et d'angoisse de ces marins d'un autre temps dans des textes, romans et poèmes, d'une très grande force " et d'une très grande vigueur :
Mort de Grand-François LE grand François cette nuit va périr. C'est, tout à l'heure, en bordant la misaine, Qu'une poulie arrachée à peine A trouvé sur son front l'endroit qui fait mourir. On a pansé sa pauvre chair meurtrie En maudissant notre garce de vie. On a séché quelques gouttes de sueur Qui sous les yeux semblaient pleurer douleur. Le capitaine, un vieux frère-la-côte, Est venu voir, en ayant vu d'autres, Mais devant l'homme en fronçant les sourcils Il a grogné : Dieu l'ait en sa merci ! On ne peut rien quand la mort est à l’œuvre... En haut, tout l'monde et croche les manœuvre ! MATELOT, MARCHE OU CRÈVE, IL FAUT FAIRE DE L'OUEST ! (Chants de la Mer, extrait.)
" Il meurt à Paris le 11 avril 1973, à l'âge de 87 ans. "[1]L'œuvre du poète, soldat puis marin, témoigne de l'itinéraire de l'homme. Elle rythme l'action, ou la retranscrit. Henry-Jacques est cité dans les publications de la Société des poètes français, fondée par Émile Blémont. Le groupe de musique Cap Horn a fait l'album de chants de mer et de marins Le voyage d'Henry-Jacques en son honneur. Le disque " est la concrétisation de trois années de travail sur la mise en musique de ses poèmes et sur des shanties dont les paroles sont également écrites et adaptées par Henry-Jacques. "
L'œuvre d'Henry-Jacques est, à notre connaissance, introuvable en ligne à l'heure actuelle, y compris sur Gallica. Il est également très difficile de se procurer ses recueils de poèmes et ses romans en librairie ou en bibliothèque.
La Symphonie Héroïque
Henry-Jacques est surtout connu pour son recueil La Symphonie Héroïque, qui traite, sur un mode narratif, hyper réaliste, dramatique et halluciné, de la vie au front pendant la Première Guerre mondiale. Cet ouvrage, construit sur le mode classique de la symphonie, alterne une multitude de pièces lyriques, et constitue probablement, dans son ensemble, l'un des plus grands poèmes épiques sur et contre la guerre. La profusion de détails morbides, " les obus ", " les boyaux ", " les mains qui flambent ", et les " cris terrifiants [qui] rissolent dans sa gorge ", nous amènent au plus près du soldat, faisant du lecteur un témoin direct des atrocités vécues par la génération sacrifiée de 14-18. Henry-jacques nous rend témoins, à travers une écriture directe, d'une extrême lucidité et d'une extrême sensibilité, de son vécu. Il grave la souffrance humaine et animale et l'absurdité des combats dans le marbre, et dénonce tous discours absurdes glorifiant la guerre en les opposant aux faits les plus crus :
VOUS qui dites : "Mourir, c'est le sort le plus beau" Et qui, sans le connaître exaltez le tombeau, Venez voir de plus près, dans ses affres fidèle, Cette mort du soldat qui vous semble si belle. (Poème Les Martyrs, extrait.)
D'un point de vue formel, le style et la versification sont impeccables. Le vocabulaire alterne, avec une justesse étonnante, champs lexicaux spécifiques, propres aux combats, argot de poilus, et langage soutenu. L'auteur immole la guerre au bûcher de l'art en faisant feu de tout bois, dans une fresque proprement dantesque. D'aucuns reprochent à Henry-Jacques ses longueurs et ses "extrêmes abondances"[2]. Sans doute font-elles écho à une guerre qui n'en finissait pas de broyer et écraser une jeunesse appelée à mourir pour rien. Sans doute en sont-elles le reflet long, terrifiant et parfois essoufflant, mais toujours prenant. Le dégoût, la lassitude, l'ennui, l'horreur : rien n'est épargné au lecteur. Le texte est construit comme la guerre elle-même. L'auteur fait alterner mouvements rapides et chaotiques au début du poème, la marche funèbre, l'ombre de la mort qui arrive soudain et reste planant au-dessus du soldat qui rêve, qui doute ou désire, les cycles aboutissant à la paix, péniblement acquise, et pénible elle-même par ses déceptions.Bibliographie
- La Symphonie Héroïque. Poèmes. Ed. Belles-Lettres, Paris.
- Cap Horn. Poèmes et proses autobiographique. Paru à la Librairie des Champs-Elysées, 1935. (Le récit en prose est rythmé par des chants.)
Discographie
- Drunken Sailor (shanty irlandais, adaptaté en français par Henry-Jacques)
- Le Voyage d'Henry-Jacques, par le groupe Cap Horn, 12 pistes, Ed. Buissonnières
Références
Catégories :- Poète français du XXe siècle
- Écrivain français du XXe siècle
- Poète breton
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