- Grand Jument
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La Grand Jument (ou grant jument, grand'jument) est une jument de taille gigantesque destinée à être chevauchée par un géant. Issue de traditions médiévales elles mêmes inspirées de la mythologie celtique, elle apparaît dans Les grandes et inestimables chroniques du grant et énorme géant Gargantua, rédigées en 1532, qui inspirent Rabelais, lequel reprend en grande partie ce récit et la Grand Jument comme monture de Gargantua dans La vie très horrifique du grand Gargantua, père de Pantagruel.
Cet animal issu d'un dragon primitif modeleur du paysage ou de la monture de plusieurs dieux celtes pourrait être à l'origine du cheval Bayard, selon Henri Dontenville.
Sommaire
Origine
Les grandes et inestimables chroniques du grant et énorme géant Gargantua, rédigées en 1532 à partir de récits médiévaux plus anciens et qui serviront de base à Rabelais pour décrire son géant, rapportent que Merlin, en quittant la cour du roi Arthur, s'installe sur le Mont d'Orient et y fabrique les géants Grandgousier et Gallemelle à partir d'ossements de baleine, et enfin la Grant Jument à partir d'os de jument[1],[2] L'animal est destiné à leur servir de monture[3].
C'est une grande jument flamande, si puissante qu'« elle les portait [ Grandgousier et Gallemelle ] aussi bien tous deux que le fait un cheval de 10 écus un simple homme »[4].
La Grant Jument appartient à Gallemelle et Grandgousier, qui mettent au monde Gargantua. Lorsque le jeune géant atteint l'âge de sept ans, ses parents décident de le présenter au roi Arthur. Au moment du départ, Merlin leur dit : « vous tournerez la teste de vostre jument vers Occident et la laissez aller et elle vous conduira bien sans faillir »[5].
Cet animal solaire (puisqu'il court d'est en ouest[5]) est chevauché par un géant anguipède dans ses plus anciennes versions. Selon Henri Dontenville, il pourrait avoir été confondu avec ses cavaliers sous la forme d'un dragon transformant les paysages par ses actions, ainsi que l'atteste l'étymologie en « g-r-g » des géants de Rabelais (Grandgousier, Gargamelle et Gargantua), renvoyant à celle du dragon[6].
Une autre théorie est celle d'une réminiscence de la déesse gauloise psychopompe Épona, dont la Grande Jument serait la monture[5]. Henri Dontenville a relevé que plusieurs dieux celtes sont accompagnés « d'un cheval blanc ou d'une blanche jument » qui parcourent toujours la direction est-ouest, font jaillir des sources sur leur passage et amènent le soleil[7]. Enfin, le thème de la création de la Grande Jument à partir d'ossements pourrait renvoyer à un motif chamanique[1].
La Grand Jument dans La vie très horrifique du grand Gargantua, père de Pantagruel
François Rabelais s'inspire de cette Grant Jument médiévale pour créer la monture du géant Gargantua, il l'évoque une première fois dans son œuvre éponyme[8].
Le géant de Rabelais est lui-même la réminiscence d'un démiurge connu des peuples celtes, bâtisseur et créateur, qui aurait tracé les chemins de pèlerinage préchrétiens, créé des gouffres et des montagnes en posant et levant ses pieds du sol, créé des gués en buvant à certains cours d'eaux et des rivières en urinant[6].
Un cadeau pour Grandgousier
Chez Rabelais, la Grand Jument est originaire d'Afrique. C'est un cadeau envoyée par « Fayoles, quart roy de Numidie ». Elle est transportée jusqu'à Olone, en Thalmondoys[9], par quatre navires dont trois grands vaisseaux à voile génois, les « carracques ».
Description
La Grand Jument n'échappe pas à la description parodique et humoristique qu'affectionnait particulièrement Rabelais. Elle est de taille gigantesque, comme l'attestent le nombre de navires utilisés pour la transporter. Sa taille est celle de six éléphants, elle a des oreilles de chèvre, les « pieds fendus en doigts comme le cheval de Jules César [...] et une petite corne au cul ». Elle a une robe alezane brûlée, qui est grise pommelée par endroits.
Sa queue est grande « comme la pile Sainct Mars », une tour quadrangulaire située près de Chinon et destinée à marquer les limites d'un canton. Elle traine derrière le cheval, se divise en quelques branches, et il est nécessaire d'attacher une charrette à la jument pour que sa queue ne traine pas. Grandgousier décide d'offrir la Grand Jument à Gargantua afin qu'il puisse voyager jusqu'à Paris.
Épisode de la Beauce
Lorsque Gargantua reçoit la Grand Jument en cadeau, il décide de partir immédiatement pour Paris. La Beauce est sur son chemin. Rabelais va alors inventer une nouvelle étymologie fantaisiste de ce nom, impliquant la jument.
Selon lui, la Beauce était une région où une vaste forêt de 35 lieues de long, et 17 de large infestée de mouches et de frelons s'attaquant aux chevaux. Piquée par plusieurs d'entre eux alors qu'elle s'y est engagée, la Grand Jument se défend à l'aide de sa queue. Elle rue et fouette l'air dans tous les sens, ce qui a pour effet de raser la totalité de la forêt. À la place de celle-ci s'étend alors une vaste campagne, à propos de laquelle Gargantua va s'exclamer : « je trouve beau ce ». D'où le nom de Beauce donnée à la région traversée.
Notes et références
- Bernard Sergent, Gargantua, Jean de l'Ours et Amirani, Bulletin de la société de Mythologie française, octobre 1992
- ISBN 2729815198 et 9782729815196), p. 51 Sophie Rochefort-Guillouet, Rabelais, Gargantua : Analyses et réflexions sur, Ellipses, 2003, (
- Markale 2008, p. 132
- ISBN 2843623561 et 9782843623561), p. 282 Robert Baudry, Le mythe de Merlin: depuis les premiers textes du Moyen Âge jusqu'aux auteurs d'aujourd'hui, Terre de Brume, Renne, 2007, (
- ISBN 273811637X et 9782738116376), p. 36-36 [lire en ligne] Anne Lombard-Jourdan, Aux origines de carnaval: un dieu gaulois ancêtre des rois de France, coll. Histoire, Odile Jacob, 2005, (
- Dontenville 1950, p. 187-217
- Duchaussoy 1973, p. 24
- Gargantua, chapitre XVI, Comment Gargantua fut envoyé à Paris, et de l'enorme jument que le porta et comment elle deffit les mouches bovines de la Beauce, par François Rabelais
- Sables-d'Olonne, en Vendée, très actif à l'époque de Rabelais Ce port imaginaire correspondrait au port des
Bibliographie
- Henri Dontenville, Les dits et récits de mythologie française, Payot, coll. « Bibliothèque historique », 1950 [présentation en ligne]
- Jacques Duchaussoy, « Le cheval blanc », dans Le bestiaire divin: ou, La symbolique des animaux, Le Courrier du livre, 1973, 2e éd., 219 p.
- Jean Markale, Prodiges et secrets du Moyen Âge, Lattès, 2008, 345 p. (ISBN 9782709628211).
N'est pas considéré comme un auteur fiable.
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