Duvelleroy

Duvelleroy

La maison Duvelleroy est une maison déventails fondée à Paris en 1827 par Jean-Pierre Duvelleroy et rachetée en 1940 par Jules-Charles Maignan. Cest une des rares maisons déventaillistes à avoir subsisté en France après la Seconde Guerre mondiale.

Sommaire

Histoire

Fondation à Paris, en 1827

Autrefois capitale de léventaillerie, Paris ne compte en 1827 guère plus de quinze fabricants[1]. Cette année-, un homme décide pourtant dy établir sa propre maison déventails. À 25 ans, Jean-Pierre Duvelleroy est en effet persuadé que cet accessoire devenu désuet après la Révolution française va connaître un nouvel essor. La demande déventails en Amérique latine, premier marché dexport pour les fabricants français, laide à débuter.

Le bal de la duchesse de Berry : une danse relance léventail

Deux ans plus tard, un événement va lui porter chance. Il sagit dun bal donné par la duchesse de Berry aux Tuileries, en mars 1829 ; les femmes y dansent le quadrille de Marie Stuart, parées dun éventail. Un simple bal et cest le retour en grâce de cet objet, désormais aux mains de toutes les dames[2].

Une adresse prestigieuse, 15 rue de la Paix

La maison ouvre une boutique au 15, rue de la Paix, tandis que les ateliers sont installés au 17, passage des Panoramas[3]. Le quartier de la Place Vendôme commence tout juste une nouvelle mue ; il deviendra bientôt le centre névralgique du luxe et de la haute joaillerie.

Boutique Duvelleroy. Fin XIXe

Création et fabrication : lexigence dun pionnier

Jean-Pierre Duvelleroy sentoure des meilleurs tabletiers, alors établis dans lOise, pour fabriquer des montures déventails en bois, en corne, en nacre, en ivoire, et en écailleIl collabore avec les graveurs et les peintres les plus en vue pour décorer les feuilles de ses éventails, allant jusquà sentourer dartistes comme Ingres ou Delacroix pour certaines pièces exceptionnelles[4].

La reconnaissance, à lheure des Expositions universelles

Pendant vingt ans, le fondateur de la maison Duvelleroy a œuvré pour faire reconnaître la profession déventailliste, contribuant à de nombreuses innovations et brevets. Aussi adresse-t-il en 1851 une lettre à Nathalis Rondot, membre du jury et rapporteur de la commission de lExposition universelle de Londres, pour défendre sa vision du métier. Cette année-, Duvelleroy reçoit le premier prix (« prize medal ») au Crystal Palace. De nombreuses médailles dor seront par la suite décernées à la maison. Les Duvelleroy père et fils seront successivement président de la Chambre syndicale des éventaillistes. Ils recevront tous les deux la Légion dhonneur à ce titre.

Publicité Duvelleroy par Gendrot.1905

Duvelleroy, « fournisseur de toutes les cours »

Après avoir créé un éventail figurant la famille royale dAngleterre daprès lœuvre de Winterhalter, Duvelleroy est nommé fournisseur officiel de sa majesté la reine Victoria, et ouvre une succursale à Londres. Très vite, les éventails de la maison sont exportés dans toutes les cours dEurope. En 1853, Duvelleroy se voit confier la réalisation dun éventail pour la corbeille de mariage d'Eugénie de Montijo. La maison est nommée fournisseur exclusif de la ville de Paris. À ce titre, elle réalise les éventails offerts aux épouses de chef dÉtat en visite officielle, telles que limpératrice de Russie, la reine de Suède, la reine du Danemark ou la reine de Bulgarie[5].

Le langage de léventail par Duvelleroy

Jean-Pierre Duvelleroy transmet la succursale de Londres à son premier fils Jules, hors mariage, tandis quil confie la direction de la maison parisienne à son fils légitime, Georges Duvelleroy. Jules développe un temps la maison en Angleterre, il publie le langage de léventail : « Suivez-moi », dit léventail tenu devant le visage…« Allez-vous en », implore léventail frôlant loreille … « Vous avez changé », « Nous sommes observés », « Je vous hais », « Je vous aime », « Embrassez-moi »…Toute une gestuelle qui se serait codifiée au cours du temps, décryptée par Duvelleroy dans un petit fascicule.

Ecrin Duvelleroy. Vers 1905

Duvelleroy et léventail couture

A Paris, Georges DUVELLEROY et sa femme poursuivent lœuvre du fondateur. Sous leur conduite, léventail couture va connaître son heure de gloire : les feuilles déventails en tulle, en gaze de soie, en dentelle et en organza sont rebrodées de paillettes; on leur imprime de nouvelles coupes, et les plumes travaillées en marquèterie créent des motifs inédits.


Duvelleroy et lArt nouveau

LArt nouveau ouvre une période stylistique très riche pour Duvelleroy. Les éventails sornent de fleurs et de femmes, souvent peintes par Billotey, Louise Abbéma, ou Maurice Leloir. Deux icônes de la maison sont nées à cette époque : léventail « ballon », à la feuille très arrondie, et la marguerite Duvelleroy, estampée au creux de chaque rivure déventail.

Eventail Duvelleroy, monture en écaille, plumes d'aigle de Hongrie.

Lentre-deux-guerres ou le chant de cygne de léventail

Après la Première Guerre mondiale, la production déventails de mode, aux feuilles textiles, décline au profit de celle déventails publicitaires, aux feuilles de papier. De nombreux éventails Duvelleroy commémorant la victoire des Alliés sont aujourdhui conservés au musée de lArmée. Pendant lentre-deux-guerres, Duvelleroy crée surtout des éventails en plumes dautruche, pour parer les garçonnes des années folles. Georges Duvelleroy transmet son savoir-faire à Madeleine Boisset, peintre éventailliste, tandis que sa fille reprend les rênes de lentreprise. Léventail de Farida Zulfikar[6] pour ses noces avec le roi Farouk dEgypte, en 1938, sera la dernière commande royale de la maison.

1940-1981 : la survie de la maison

En 1940, Jules-Charles Maignan, ancien des Galeries Lafayette, reprend la maison auprès des arrière-petits enfants du fondateur. Madeleine Boisset, longtemps élève de Georges Duvelleroy, garantit un temps la continuité de savoir-faire. Jusquà ce quadvienne une tragédie : son activité de Résistante découverte, elle est déportée au camp de Ravensbruck. Elle meurt en 1945. Cest auprès delle que le jeune Michel Maignan, actuel héritier de la maison, a découvert le monde de léventail. Duvelleroy est lune des seules maisons déventails à avoir perduré après-guerre. Peu à peu, léventail a délaissé les mains des femmes pour devenir lapanage de collectionneurs. Pendant les Trente Glorieuses, Duvelleroy survit grâce au commerce dobjets de maroquinerie et à la vente déventails anciens.

Eventail Duvelleroy, monture en carbone, feuille en organza de soie.

1981-2009 : la sauvegarde dun patrimoine

Par devoir de mémoire, Michel Maignan a conservé le fonds Duvelleroy que son grand-père lui a transmis en 1981. Ce fonds comprend les éventails, les outils de fabrication, les matières et le mobilier de la maison rassemblés depuis la fondation de cette dernière en 1827. « Je te le donne pour que tu en fasses quelque chose », avait-il dit. Dès 1986, paraît au musée Galliera une exposition consacrée à lEventail, miroir de la Belle Époque[7] : on y fait la part belle aux éventails de la maison. Depuis, de nombreuses publications et expositions ont vu le jour, qui font référence à Duvelleroy. En 1995, une exposition en Angleterre lui est entièrement dédiée : Duvelleroy, King of Fans, Fanmaker to Kings.


2010 : le renouveau créatif

En 2010, Michel Maignan sassocie à deux jeunes femmes issues des domaines du luxe et de la mode pour relancer, à travers la Maison Duvelleroy, la création déventails de haute façon.


Bibliographie

  • "Fan", The Grove Encyclopedia of Decorative Arts, Edited by Gordon Campbell, Oxford University Press 2006 (ISBN 9780195324945)
  • Lucie Saboudjian, Ph. John Keyser, Ils collectionnentLes Eventails, Trouvailles, n°43, novembre-décembre 1983 (M2791-43, ISSN 0396 6356)
  • Musée de la Mode et du Costume, "LEventail, Miroir de la Belle Epoque, ville de Paris, 15 mai 1985 (ISBN 2-901424-07-4)
  • Michel Maignan, “Léventail, De lattribut sacré à laccessoire de séduction”, Demeures & châteaux n°36, juillet/août/septembre 1986 (M1512-36)
  • Christl Kammerl, Der Fächer, Kunstobjekt und Billetdoux, Hirmer Verlag München, Munich, 1990 (ISBN 3-7774-5270-X)|
  • The Fan Musuem, "Duvelleroy - King of Fans, Fanmaker to Kings, catalogue de lexposition du 3 oct. 95 au 21 jan. 96 au Fan Museum Greenwich, Londres, 1995
  • Hélène Alexander, Fans, Shire Publications Ltd., Buckinghamshire, 2002 (ISBN 0 7478 0402 8)
  • Hélène Alexander, Russel Harris, Presenting a Cooling Image, Photography by the Lafayette Studio of Bond Street and Fans from The Fan Museum Greenwich, The Fan Musuem, Greenwich, Londres, 2007 (ISBN 0-9540319-4-6)
  • Fabienne Falluel, Marie-Laure Gutton, Élégance et système D, Paris 1940-1944, Paris Musées, Les Collections de la Ville de Paris, mars 2009, Actes Sud (ISBN 978-2-7596-0064-9)
  • Charles Knight, The English cyclopaedia, Volume 4 - Page 23, 1867
  • Jules Kindt, Rapport de la Commission belge de lExposition universelle de Paris en 1867, tome II, pages 327-8, Bruxelles, Imprimerie et Lithographie de E. Guyot, 1868

Voir aussi

Éventail

Liens

Notes et références

  1. Lucie Saboudjian, Ph. John Keyser, Ils collectionnentles éventails, Trouvailles, n°43, novembre-décembre 1983 (M2791-43, ISSN 0396 6356)
  2. Ibid
  3. Musée de la Mode et du Costume, "LEventail, Miroir de la Belle Époque, p. 144, ville de Paris, 15 mai 1985 (ISBN 2-901424-07-4)
  4. Jules Kindt, Rapport de la Commission belge de lExposition universelle de Paris en 1867, tome II, pages 327-8, Bruxelles, Imprimerie et Lithographie de E. Guyot, 1868
  5. The Fan Musuem, "Duvelleroy - King of Fans, Fanmaker to Kings, catalogue de lexposition du 3 oct. 95 au 21 jan. 96 au Fan Musuem Greenwich, Londres, 1995
  6. Hélène Alexander, Russel Harris, Presenting a Cooling Image, Photography by the Lafayette Studio of Bond Street and Fans from The Fan Museum Greenwich, The Fan Musuem, Greenwich, Londres, 2007 (ISBN 0-9540319-4-6)
  7. Musée de la Mode et du Costume, LÉventail, miroir de la Belle Epoque, ville de Paris, 15 mai 1985 (ISBN 2-901424-07-4)

Wikimedia Foundation. 2010.

Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Duvelleroy de Wikipédia en français (auteurs)

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