- Camp de concentration de Dora
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Le camp de Dora (également appelé Mittelbau-Dora ou Nordhausen-Dora) était un camp de concentration nazi destiné à la fabrication de missiles V2 pendant la Seconde Guerre mondiale. Le camp de Dora, dépendant du camp de Buchenwald, ouvrit à la fin du mois d'août 1943. Il reçut sous le nom de Dora-Mittelbau un statut de camp de concentration autonome en octobre 1944.
Environ 60 000 prisonniers de vingt-et-un pays sont passés par Dora. On estime que plus de 20 000 hommes y moururent ; 9 000 sont morts d'épuisement, 350 pendus (dont 200 pour sabotage), les autres ont été abattus, battus à mort, ou sont morts de maladie ou de famine[1]. Ce nombre est deux fois supérieur à celui des Britanniques tués par les V2[2]
Sommaire
Histoire
À la fin du mois d'août 1943, s'ouvrit près de Nordhausen, dans le Kohnstein, un camp extérieur dépendant du camp de concentration de Buchenwald, qui portait le nom de « Dora ». La cause immédiate de sa création fut le bombardement du centre de recherche des fusées de Peenemünde les 17 et 18 août 1943 ainsi que la décision de déplacer sous terre l'assemblage des fusées.
Depuis que la défaite de l'Allemagne se profilait en 1943, le ministère de l'armement et la SS collaboraient étroitement, afin de mobiliser toute la main-d'œuvre disponible pour la « guerre totale ». Les détenus des camps de concentration et les travailleurs forcés furent eux aussi employés dans l'industrie d'armement.
Un vaste réseau de tunnels existait déjà dans l'anhydrite du Kohnstein. Les détenus du camp de concentration durent l'aménager en une usine de fusées, la dite Mittelwerk (« usine du centre »), et, à partir de janvier 1944, commença dans cette entreprise d'État la fabrication des « armes de représailles » (armes V) prônées par Goebbels. Pendant que la production de fusées relevait du ministère de l'armement du Reich qui avait fondé la SARL Mittelwerk, la SS était responsable des immenses travaux de construction. Le dit « État-major Kammler », sous la direction de Hans Kammler, était compétent pour l'ensemble du « Sperrgebiet Mittelbau » (« zone interdite Mittellbau »), qui s'étendait au nord jusqu'à Göttingen, au sud jusqu'à Bad Langensalza et à l'est presque jusqu'à Eisleben.
Pour les travaux, la SS envoyait à Dora des hommes de nombreux pays occupés par l'Allemagne. Ces hommes étaient enfermés jour et nuit dans les tunnels, et, à cause d'atroces conditions de vie et de travail, beaucoup mouraient au bout de quelques semaines. C'est seulement au printemps 1944 qu'un camp de baraques fut construit à la surface.
En octobre 1944, le camp de Dora obtint, sous le nom de Dora-Mittelbau le statut d'un camp de concentration autonome. Il se développait en tant que centre d'un grand complexe de camps avec plus de quarante camps extérieurs et kommandos de travail (Ellrich, Harzungen...) dans presque tous les lieux de la région. Ce réseau de camps et d'installations souterraines fut en permanence renforcé, y compris dans les dernières semaines de la guerre.
La plupart des prisonniers du camp de concentration devaient travailler sur de nombreux chantiers, seul un dixième était employé à l'usine souterraine. Là, travaillaient étroitement, sous la direction de l'équipe dirigeante des spécialistes des fusées (Wernher von Braun, Arthur Rudolph), les ingénieurs, les travailleurs civils et les détenus. Les brutalités sur les prisonniers, les exécutions des saboteurs réels ou présumés et l'assassinat des détenus mal vus en particulier politiquement étaient chose courante dans la phase finale. Parmi les 60 000 détenus du camp de concentration Mittelbau-Dora, 20 000 trouvèrent la mort, la plupart d'entre eux dans les kommandos de construction'. Un documentaire sur Arte indiqua que ce nombre était deux fois supérieur aux nombre de Britanniques qui furent tués par les V2.
Libération
Le 11 avril 1945, des unités de la IIIe armée américaine libérèrent le camp. Ils trouvèrent quelques centaines de prisonniers que les SS n'avaient pas évacués ainsi que 1 200 morts et mourants dans la Boelcke Kaserne de Nordhausen, où les SS avaient ouvert un camp pour les « inaptes au travail ».
Dans son livre, intitulé The War Time Journal of Charles A, Lindberg, Charles Lindbergh raconte sa visite, le 11 juin 1945, du camp Dora et des installations souterraines destinées à la production des fusées V1 et V2. Des centaines de V2 sont sur les chaînes d'assemblages. Charles Linbergh est choqué des traitements infligés aux prisonniers. Il lui semble impossible que des hommes civilisés puissent s'abaisser ainsi.
Jusqu'à la fin du mois de juin 1945, les spécialistes américains sauvegardèrent les installations de production souterraines et récupérèrent documents, machines et fusées complètes, qu'ils transférèrent avec les principaux ingénieurs aux États-Unis. Après le changement des forces d'occupation en juillet 1945, l'administration militaire soviétique prit en charge les installations encore existantes et fit sauter les tunnels en 1949. L'ancien camp de baraques servit jusqu'en 1946 de camp pour les réfugiés et fut finalement presque complètement rasé.
En 1946, l'administration militaire soviétique érigea un premier monument commémoratif dans la zone du crématoire. En 1949, celui-ci releva de la compétence de la ville de Nordhausen. En 1954, fut inauguré un « Monument aux morts du camp de concentration de Dora », transformé dans les années 1960 en « Lieu de mémoire et de commémoration antifascistes » (depuis 1966 « Lieu de mémoire et de commémoration du camp de concentration de Dora », et depuis 1975 « Lieu de mémoire et de commémoration Mittelbau ») avant d'être pris en charge par le canton Nordhausen.
Des scientifiques « récupérés »
Plusieurs des scientifiques nazis qui travaillèrent à Dora, et savaient comment étaient traités les prisonniers, furent ensuite « récupérés » par les Américains et les Soviétiques et contribuèrent à l'élaboration de la filière balitistique, puis la conquête spatiale de part et d'autre pendant la guerre froide (opération Paperclip du côté américain, département 7 côté soviétique). Un des plus connus fut Wernher von Braun, ingénieur et dirigeant du camp de Dora. Il n'a jamais admis sa responsabilité dans son livre autobiographique, minimisant sa position dans le camp et ne reconnaissant pas les crimes commis sous ses yeux.
Notes et références
- (en) Linda Hunt, Secret Agenda: The United States Government, Nazi Scientists, and Project Paperclip, 1945 to 1990, New York, St. Martin's Press, 1991, pages 45, 53, 72-74, 279 et 281 p. (ISBN 0-3120-5510-2)
- http://www.capcomespace.net/dossiers/espace_US/lanceurs_US/V2/les_V2_A4.htm Entre septembre 1944 et février 1945, un total de 5.300 V-2 sont fabriqués à Mittelwerk, 2.800 sont lancés dont la moitié environ atteignent leur cible : 1.050 tombent sur l’Angleterre, tuant 2.754 personnes et blessant 6.523 autres, détruisant 400.000 maisons, en endommageant plus de 4.000.000. La Belgique connaît le même sort. En octobre 1944, Londres reçoit 25 fusées V-2 par jour et Anvers 10. Le tir le plus meurtrier tombe sur Anvers le 16 décembre 1944 : 561 personnes sont tuées dans un cinéma.
Bibliographie
- André Sellier, Histoire du camp de Dora, Paris, La Découverte, 1998 [détail de l’édition]
- Jean Michel, Dora, dans l'enfer des camps de concentration, Ed. Le Livre de poche, 1960
- James Mc Govern (trad. Michel Deutsch), La Chasse aux armes secrètes allemandes [« Crossbow and overcast »], 1965 [détail de l’édition]
- W. Dornberger L'arme secrète de Peenemünde Ed. Arthaud 1961, J'ai lu n°122,123 1970
- De l'enfer aux étoiles, Jean Michel, plon, 1986
- Charles Sadron, A l'usine de Dora - De l'Université aux Camps de Concentration, Presses Universitaires de Strasbourg, 1947
- P. André Lobstein, Le Bloc 39A du Revier de Dora, De l'Université aux Camps de Concentration, Presses Universitaires de Strasbourg, 1947
- Eugène Greff, A Ellrich, près de Dora, De l'Université aux Camps de Concentration, Presses Universitaires de Strasbourg, 1947
- P. Hagenmuller, L'évacuation de Dora, De l'Université aux Camps de Concentration, Presses Universitaires de Strasbourg, 1947
- M.Petit Contrainte par corps, Empreinte editions, 2009
- Judith Rueff, Dora, le camp trop bien oublié, article paru dans le journal Le Monde, 28 avril 1990
- Jean Mialet, président du Comité européen de Dora-Mittelbau, Génie technologique et barbarie revenue, lettre parue dans le journal Le Monde, 10 octobre 1992
- Michel Guerrin et Emmanuel de Roux, Dans le camp de Dora, des déportés et des fusées, article paru dans le journal Le Monde, 26 mai 1999
- Maurice de la Pintière, « Dora la mangeuse d'hommes », Presse d'aujourd'hui, Paris, 1993
Voir aussi
- Complexe militaro-industriel allemand
- Dora, la mangeuse d'hommes
Liens externes
- Mémorial de Dora-Mittelbau
- Association pour la mémoire des camps de Dora, Ellrich et Kommandos
- Association Française Buchenwald Dora et Kommandos
- Fondation pour la mémoire de la Déportation -commission Dora-Ellrich
- L'usine souterraine et le camp de concentration de Dora
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