- École normale de l'an III
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École normale (Révolution française)
L'École normale, dite de l'an III désigne un ensemble de cours destinés à la formation des enseignants, institués en l'an III par la Convention dans le but de répandre l'instruction en France. Ces cours eurent lieu durant 4 mois du 1er pluviose de l'an III (20 janvier 1795) au 30 floréal de l'an III (19 mai 1795).
L'École normale de l'an III est généralement considérée comme l’ancêtre de l’École normale supérieure de la rue d'Ulm à Paris et des Écoles normales supérieures françaises[1].
Sommaire
Création
L'École normale dite « de l’an III », est créée à Paris par la Convention qui décrète le 9 brumaire an III (30 octobre 1794) que[2] :
- (article 1er) « Il sera établi à Paris une École normale, où seront appelés, de toutes les parties de la République, des citoyens déjà instruits dans les sciences utiles, pour apprendre, sous les professeurs les plus habiles dans tous les genres, l’art d’enseigner. ».
C'est Joseph Lakanal qui en présente le rapport devant la Convention rapport rédigé par Dominique Joseph Garat de la Commission exécutive de l'instruction publique[3].
La fondation de cette école, qui ouvre en janvier 1795, « s'inspire en grande partie de l'expérience des écoles normales germaniques, établies à l'époque de Marie-Thérèse et de Joseph II »[4].
Missions
Il s’agissait de former de manière accélérée un nombre important d'instituteurs destinés à ouvrir ensuite dans leurs départements des écoles normales d’instituteurs[5], ce que l'historien Dominique Julia qualifie d'« effet multiplicateur »[6]. Son principe repose sur celui de l'École de Mars, qui en ventôse de l'an II avait réuni 1200 citoyens pour les instruire dans l'art de la fabrication des poudres et salpêtres afin qu'eux-mêmes puissent former les citoyens des départements. C'était donc une « école pédagogique, dont on s'est inspiré [ensuite] pour créer les écoles normales de Fontenay-aux-Roses et de Saint-Cloud qui [préparaient] des maîtres et des maîtresses pour les écoles normales des départements.»[7]. « Pour dispenser ce savoir, les promoteurs de l’École normale de l’an III proposaient une stratégie générale d’apprentissage, la « méthode de l’analyse », qui s’appliquerait aussi pour la future mission des enseignants ainsi formés. Les enjeux pédagogiques se traduisent par des innovations importantes comme l’insertion de débats avec les professeurs, ou la consigne de ne pas lire les cours. »[8]
Organisation
L'école, prévue pour près de 1500 élèves[9], s'installe dans un amphithéâtre du Muséum, trop petit pour accueillir toute la promotion.
A l'époque, la Convention avait fixé le rapport du nombre de normaliens à recruter annuellement à 1/20000e de la population (28 millions de Français donc 1500 élèves comme objectif de formation). Aujourd'hui, ce rapport a été divisé par 4 : sur une année, l'ensemble des normaliens des quatre Écoles normales supérieures est inférieur de moitié (environ 700 élèves-normaliens) pour une population totale doublée (environ 60 millions de Français), soit un rapport de 1/800000. Naturellement, le vieillissement de la population, agissant en contre-balancier de la réduction du nombre de normaliens, doit être considéré.
Cours et enseignants
- Mathématiques : Lagrange et Laplace ;
- Géométrie descriptive : Monge ;
- Physique : Haüy ;
- Histoire naturelle : Daubenton ;
- Chimie: Berthollet ;
- Agriculture : Thouin ;
- Géographie : Buache et Mentelle (ce dernier adjoint à Buache par un arrêté du 24 nivôse)}
- Histoire : Volney ;
- Economie : Vandermonde ;
- Morale : Bernardin de Saint-Pierre ;
- Grammaire : Sicard ;
- Analyse de l'entendement : Garat ;
- Littérature : La Harpe.
Un décret du 12 pluviôse ordonna ultérieurement qu'il y aurait de plus à l'Ecole normale un professeur d'économie politique, et le 19 la Convention nomma Vandermonde à cette chaire supplémentaire.
Fin de l'école
Le 7 floréal, le Comité d’instruction publique invita la Convention à fixer au 30 prairial la clôture de l'Ecole, qui aurait eu ainsi une durée de cinq mois. Mais l'assemblée décréta, sur proposition du girondin Guyomar , que l'Ecole serait fermée le 30 floréal et non le 30 prairial comme le proposait le Comité[10].
Pour Ernest Allain, « c'était un essai si mal réussi que la Convention ne pensa jamais à le réitérer »[11]. Le physicien, astronome et mathématicien Jean-Baptiste Biot dira cependant de cette école de l'an III qu'elle fut « une vaste colonne de lumière qui, sortie tout à coup au milieu de ce pays désolé, s'éleva si haut, que son éclat immense put couvrir la France entière et éclairer l'avenir. »
Bibliographie
- Vincent (Guy), « L'école normale de l'An III de la première République française », dans Lethierry (H.), Feu les écoles normales (et les IUFM ?), Paris, L'Harmattan, 1994, p. 91-103, ISBN : 2-7384-2533-X.
- Dictionnaire de pédagogie de Ferdinand Buisson, article de J. Guillaume pp.1414-1416
- L'Ecole normale de l'an III, par Paul DUPUY, Paris, Hachette et Cie, 1895
- L'école normale de l'an III : bilan d'une expérience révolutionnaire : Les réalités de l'Ecole républicaine, D. Julia, Revue du Nord, n°317, oct-dec 1996
- L'avènement de l'école contemporaine en France (1789-1835) Par René Grevet
- L'œuvre scolaire de la Révolution, 1789-1802 Par Ernest Allain
Références
- ↑ L'École normale de l'an III était une « école pédagogique, dont on s'est inspiré [ensuite] pour créer les écoles normales de Fontenay-aux-Roses et de Saint-Cloud qui [préparaient] des maîtres et des maîtresses pour les écoles normales des départements.», Paul Dupuy, l'Ecole normale, 1810-1883 (Revue d'enseignement 15 aout 1883, p. 893).
- ↑ Texte intégral : « DÉCRET SUR L'ÉTABLISSEMENT DES ÉCOLES NORMALES. « La Convention nationale, voulant accélérer l'époque où elle pourra faire répandre d'une manière uniforme dans toute la République l'instruction nécessaire à des citoyens français, décrète : « ARTICLE PREMIER. — Il sera établi à Paris une Ecole normale, où seront appelés, de toutes les parties de la République, des citoyens déjà instruits dans les sciences utiles, pour apprendre, sous les professeurs les plus habiles dans tous les genres, l'art d'enseigner. « ART. 2. — Les administrations de district enverront à l'Ecole normale un nombre d'élèves proportionné à la population : la base proportionnelle sera d'un pour vingt mille habitants. A Paris, les élèves seront désignés par l'administration du département. « ART. 3. — Les administrations ne pourront fixer leur choix que sur des citoyens qui unissent à des moeurs pures un patriotisme éprouvé, et les dispositions nécessaires pour recevoir et pour répandre l'instruction. « ART. 4. — Les élèves de l'Ecole normale ne pourront être âgés de moins de vingt et un ans. « ART. 5. — Ils se rendront à Paris avant la fin de frimaire prochain ; ils recevront pour ce voyage, et pendant la durée du cours normal, le traitement accordé aux élèves de l'Ecole centrale des travaux publics. « ART. 6. — Le Comité d'instruction publique désignera les citoyens qu'il croira les plus propres à remplir les fonctions d'instituteurs dans l'Ecole normale, et en soumettra la liste à l'approbation de la Convention ; il fixera leur salaire de concert avec le Comité des finances. « ART. 7. — Ces instituteurs donneront aux élèves des leçons sur l'art d'enseigner la morale, et former le coeur des jeunes républicains à la pratique des vertus publiques et privées. « ART. 8. — Ils leur apprendront d'abord à appliquer à l'enseignement de la lecture, de l'écriture, des premiers éléments du calcul, de la géométrie pratique, de l'histoire et de la grammaire française, les méthodes tracées dans les livres élémentaires adoptés par la Convention nationale, et publiés par ses ordres. « ART. 9. — La durée du cours normal sera au moins de quatre mois. « ART. 10. — Deux représentants du peuple, désignés par la Convention nationale, se tiendront près l'Ecole normale, et correspondront avec le Comité d'instruction publique sur tous les objets qui pourront intéresser cet important établissement. « ART. 11. — Les élèves formés à cette école républicaine rentreront, à la fin du cours, dans leurs districts respectifs : ils ouvriront, dans les trois chefs-lieux de canton désignés par l'administration de district, une école normale, dont l'objet sera de transmettre aux citoyens et aux citoyennes qui voudront se vouer à l'enseignement public la méthode d'enseignement qu'ils auront acquise dans l'Ecole normale de Paris. « ART. 12. — Ces nouveaux cours seront au moins de quatre mois. « ART. 13. — Les écoles normales des départements seront sous la surveillance des autorités constituées. « ART. 14. — Le Comité d'instruction publique est chargé de rédiger le plan de ces écoles nationales, et de déterminer le mode d'enseignement qui devra y être suivi. « ART. 15. — Chaque décade, le Comité d'instruction publique rendra compte à la Convention de l'état de situation de l'Ecole normale de Paris, et des écoles normales secondes qui seront établies, en exécution du présent décret, sur toute la surface de la République. »
- ↑ L'avènement de l'école contemporaine , Presses Univ. Septentrion, 2001, p. 66
- ↑ René Grevet, L'avènement de l'école contemporaine , Presses Univ. Septentrion, 2001, p. 66
- ↑ Article 11 du décret
- ↑ Dominique Julia, Les Trois couleurs du tableau noir. la Révolution. Éd. Belin pp.154-156
- ↑ Paul Dupuy, l'Ecole normale, 1810-1883 (Revue d'enseignement 15 aout 1883, p. 893)
- ↑ [1]
- ↑ École normale. Règlements, programmes et rapports
- ↑ Dictionnaire de pédagogie de Ferdinand Buisson, article de J. Guillaume pp.1414-1416
- ↑ L'œuvre scolaire de la Révolution, 1789-1802 De Ernest Allain
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