- Zone monétaire optimale
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En économie, une zone monétaire optimale est une région géographique dans laquelle il serait bénéfique d'établir une monnaie unique. La théorie de la zone monétaire optimale a été développée dans les années 1960, principalement par Robert Mundell.
Une zone monétaire optimale peut regrouper plusieurs pays ; elle peut aussi ne concerner que quelques régions d'un grand pays. Par exemple, il pourrait être bénéfique de séparer les États-Unis en deux zones monétaires distinctes, la côte ouest et la côte est.
Sommaire
Objectifs de la théorie
La théorie de la zone monétaire optimale tente d’évaluer l’opportunité de l’union monétaire entre pays. Cette union monétaire est censée produire des avantages économiques, tels que l'élimination des coûts de transaction. Toutefois, elle implique pour les pays adhérents de renoncer chacun à leur politique monétaire propre.
Or, la politique monétaire est l'instrument grâce auquel une économie peut réguler la valeur de sa monnaie, de façon notamment à influer sur le Taux de change entre celle-ci et les devises étrangères. Les pays formant une union monétaire renoncent donc à leur outil de régulation des chocs asymétriques[1].
En conséquence, la théorie de la zone monétaire optimale va s'attacher à définir dans quelles conditions une union monétaire va pouvoir contourner les effets considérés comme négatifs d'un taux de change fixe, tout en bénéficiant des gains apportés par la politique monétaire commune[2].
La Théorie
Les premières interrogations à l'égard de la régulation par les taux de change furent émises par Abba Lerner en marge des débats sur l'étalon dollar-or fixé par les Accords de Bretton Woods, qui a alimenté la controverse entre les partisans du système de change fixe et ceux de la flexibilité[3]. La contradiction entre plein-emploi et taux de change fixes est alors déjà soulignée par plusieurs auteurs dont Frank Graham et George Halm[4].
Critères traditionnels d'une ZMO
La théorie des zones monétaires optimales, dans l'approche traditionnelle qui en a été faite dans les années 1960 avec les contributions majeures de Mundell, McKinnon et Kenen, s'attachait à modéliser le calcul coût-avantage d'après lequel des pays auraient pu décider de créer ou non une union monétaire. La théorie a par la suite connu un déclin dans les années 1970 et 1980[5],[6].
L'opportunité ou non d'adhérer à une union monétaire s'apprécie donc à la lumière des critères élaborés par la théorie et que l'on peut résumer ainsi[7]:
- Importance des chocs asymétriques
- Efficacité des mécanismes d'ajustement
- Caractéristiques structurelles des économies
Mobilité des facteurs de production
La théorie de la zone monétaire optimale est évoquée pour la première fois en 1961 par Robert Mundell qui recevra pour cela le « prix Nobel » d'économie[8].
Mundell distingue un premier cas, dans lequel les taux de change sont flexibles, de celui de l'union monétaire. En cas de chocs asymétriques, si la demande se déplace d'un pays vers un autre, elle va entraîner l'apparition de chômage dans le premier pays et d'inflation dans le second. Une dévaluation de la monnaie dans le pays touché permettra alors un rééquilibrage de la situation[9].
Dans les conditions où une dévaluation de la monnaie ne sera pas possible, seule une mobilité des facteurs à l'intérieur de l'union monétaire plus forte qu'à l'extérieur permettra de contre balancer l'absence de taux de change flexibles[10].
Par ailleurs, Mundell affirmait également l'importance d'une réelle détermination politique dans la construction réussie d'une union monétaire:
« Dans le monde réel, bien sûr, les monnaies sont principalement l'expression de la souveraineté nationale. La réorganisation monétaire ne sera donc possible qu'à la condition de s'accompagner de changements politiques profonds[11]. »
Le degré d'ouverture des économies
Mc Kinnon introduit un nouveau concept, celui de ratio entre biens échangeables et non-échangeables. Les premiers seuls sont affectés par les niveaux d'importation ou d'exportation, tandis que les prix des biens non-échangeables dépendent de la monnaie intérieure[12].
Or, dans une économie ouverte, où le ratio est donc élevé, toute modification du taux de change entraîne une modification presque équivalente du prix des produits pouvant être importés ou exportés, et qui a donc tendance à se répercuter sur l'ensemble des prix[13].
McKinnon considère que plus les pays sont ouverts sur l'extérieur, moins ils ont à perdre à adopter un système de change fixe. Le degré d'ouverture d'une économie étant mesuré par la proportion des biens dits échangeables (biens exportés + biens importés) dans la production totale de cette économie[14].
Spécialisation et diversification sectorielle
P. Kenen (1969) propose un troisième critère et met l'accent sur le degré de diversification du tissu productif des pays qui envisagent de créer une zone de change fixe[15]. Selon lui, des économies diversifiées peuvent se passer de l'instrument du taux de change et former une zone monétaire optimale. Plus le tissu est diversifié, moindre est le risque d'être affecté par un choc spécifique.
Dès lors, l'union monétaire conduit à une intégration économique des partenaires. On observera alors un recul du commerce inter-branche au profit du commerce intra-branche (échange de produits similaires appartenant à une même branche).
Critères endogènes des ZMO
La théorie a connu depuis la fin des années 1990 une réorientation sans doute influencée par la création de la Zone euro qui est un cas d'application de la doctrine économique. La nouvelle approche, dite des critères endogènes, postule que l'union monétaire produit d'elle même les conditions de son optimisation[7].
Les critères traditionnels peuvent en effet évoluer dans le temps, ils sont endogènes au fonctionnement d'une zone monétaire ; l'important est de les apprécier ex post. Ces critères secondaires peuvent être définis comme :
- l'homogénéité des préférences
- la diversification des productions
- le sentiment d'appartenance à un ensemble commun
- la distance et la taille économique
- une langue commune
- etc.
Homogénéité des préférences
Cooper (1977) et Kindleberger (1986) ont développé le critère des préferences homogènes. Pour ces deux auteurs, une union monétaire est avant tout un bien collectif qui suppose pour fonctionner que les objectifs de politique économique des différents gouvernements convergent, notamment en matière d'inflation[16].
Intégration commerciale et économique
Frankel et Rose (1998) ont montré que l'union monétaire favorisait l'intégration commerciale entre les pays membres, donc leur ouverture, et réduisait ainsi à l'avenir le risque de chocs asymétriques.
Par ailleurs, d'après Fontagné et Freudenberg (1999), l'intégration économique des pays industriels entraîne essentiellement une spécialisation intra branche, ce qui, dans la lignée de Kenen, est un critère favorable à l'Union monétaire.
Applications de la théorie
La Zone euro
Article détaillé : Union économique et monétaire#La zone euro est-elle une zone monétaire optimale ?.Les avis des économistes s'opposent sur la question de l'optimalité de la zone euro ; les mouvements de travailleurs y sont assez faibles, et l'intégration politique peu poussée. Il n'existe pas véritablement de budget fédéral permettant des transferts de revenus aptes à lisser les chocs asymétriques.
D'un autre côté, la zone euro aurait un effet incitatif sur l'approfondissement de la coopération entre pays membres[17].
Au sein de l'union européenne, on observe peu de convergence absolue mais une convergence conditionnelle.
- les économies des pays fondateurs de la CEE (Communauté Economique Européenne, soit les 6 pays fondateurs) évoluent de façon relativement homogène dans le temps et leurs cycles sont plutôt bien corrélés entre eux.
- Hongrie et Pologne ont des cycles mieux corrélés avec le cœur de l'UE que certains petits pays qui sont déjà dans la zone euro.
- le cycle conjoncturel de certains nouveaux pays est peu corrélé avec celui de la zone euro dans son ensemble.
- les pays baltes et les pays des Balkans sont très peu voir négativement corrélés.
Notes et références
- Christopher Schalck, Stabilisation budgétaire dans l’UEM : proposition d’un mécanisme automatique, in Revue d'économie politique 2006/6, Volume 116, p. 848
- Veronika Milewski, La Notion de zone monétaire optimale : Survey et application à l'UEM, Mémoire en Administration Publique, ENA, 2004, p.6
- Agnès Bénassy-Quéré, Le paradoxe de Mundell, in Revue française d'économie, Volume 18 N°2, 2003, p. 21
- (en) Filippo Cesarano, The Origins of the Theory of Optimum Currency Areas, History of Political Economy 38:4, Duke University Press, 2006, p.712-713
- Marc-Alexandre Sénégas, " La théorie des zones monétaires optimales au regard de l'euro", in Revue d'économie politique 2/2010 (Volume 120), p. 383
- (en)George S. Tavlas, "Optimum-Currency-Area Paradoxes", in Review of International Economics 17(3), 2009, p. 536
- Marc-Alexandre Sénégas, " La théorie des zones monétaires optimales au regard de l'euro", in Revue d'économie politique 2/2010 (Volume 120), pp. 380-381
- article BusinessWeek
- Robert Mundell, « A theory of optimum currency areas », in The American Economic Review, 51, p. 659
- Robert Mundell, « A theory of optimum currency areas », in The American Economic Review, 51, 1961, p. 661
- Robert Mundell (trad. de Damien Fréville et Christophe Morel), « Une théorie des zones monétaires optimales », in Revue française d'économie, Volume 18 N°2, 2003, pp. 3-18
- Ronald I. McKinnon, « Optimum Currency Areas », in The American Economic Review, 1963, pp. 717-718
- Herbert G. Grubel, « The Theory of Optimum currency areas », in Canadian journal of Economics N°2, mai 1970, p. 320
- McKinnon (1963), « Optimum currency areas », in The American Economic Review, 53.
- Kenen, P.(1969), « The theory of optimum currency areas: an ecletic view », in Mundell, R., Swoboda, A. (eds), Monetary Problems of the international economy, Chigaco University Press.
- Cooper, R.(1977), « Worlwide versus regional integration The optimum size of the integrated area », in Economic integration, Worlwide, regional, sectoral, F. Machlup, éd. Londres. Kindleberger (1986), Internatinal public goods without international governement, in The American Economic Review, 76.
- Rapport d'information au Sénat, 2002.
Voir aussi
Articles connexes
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