Were-jaguar

Were-jaguar

Homme-jaguar

Une staut d’homme-jaguar montrant leurs caractéristiques habituelles : bouche tournée vers le bas, yeux en amande, cache-oreilles plissés, une coiffe avec bandeau autour de la tête et une forme de croix sur la poitrine.

L’homme-jaguar (anglais : were-jaguar) est un esprit surnaturel olmèque lié au jaguar qui apparait régulièrement comme motif dans l'Art olmèque.

La représentation de l'homme-jaguar est caractérisée par des yeux en amande, une bouche penchée vers le bas et une tête fendue[1]. Il apparaît largement lors de recherches archéologiques Olmèque, et très souvent suivent le principe du pars pro toto, le motif de l’homme-jaguar représente le surnaturel de l’homme-jaguar[2]. L’homme-jaguar a une fois été considéré comme le dieu primaire de la culture olmèque, mais il est maintenant admis qu’il s’agit d’un dieu parmi d’autres[3].

Originellement, de nombreux spécialistes pensaient que l’homme-jaguar était relié à un mythe de reproduction entre un jaguar et une femme. Bien que cette hypothèse soit toujours reconnue comme possible, d’autres explications du thème de l’homme-jaguar ont été avancée, notamment que l’homme-jaguar représente finalement qu’un jaguar.

En anglais, l’homme-jaguar se dit were-jaguar et suit la même formation que le loup-garou werewolf.

Sommaire

Description

Las Limas Monument 1, montrant un adolescent présentant un homme-jaguar enfant. Les silhouettes de quatre autres êtres surnaturels sont incisés dans les épaules et les genoux de l’adolescent.

Les attributs de l’homme-jaguar

L’homme-jaguar a une tête divisée en deux, des yeux obliques en amande avec des iris ronds, une bouche tournée vers le bas avec une lèvre supérieure épaisse et des gencives sans dents[4]. L’apparence de l’homme-jaguar a été publiée pour la première fois par Marshall Saville en 1929 puis complétée par l’artiste et archéologue Miguel Cavarrubias dans ses livres de 1946 et 1957. Dans ce dernier ouvrage, Indian Art of Mexico & Central America, il inclut un arbre généalogique montrant que le « masque du jaguar » est ancestral à tout les dieux de la pluie mésoaméricains[5].

En 1955, Matthew Stirling met en avant ce qui est depuis connu comme l’hypothèse Stirling, que l’homme-jaguar était le résultat d’un croisement entre un jaguar et une femme.

En réponse à ce travail préparatoire, l’homme-jaguar devint le pilier de l’iconographie olmèque. Presque toutes les représentations montrant une bouche tournée vers le bas ont été décrites comme un homme-jaguar[6]. En 1965, une exposition majeure orientée vers l’art olmèque fut intitulée « Les enfants des jaguars » (The Jaguar’s Children) et décrivait l’homme-jaguar comme « le pouvoir divin de la civilisation olmèque » (« the divine power of the Olmec civilization »)[7].

Le paradigme fut indéterminé par la découverte la même année de Las Limas Monument 1, la sculpture greenstone montre non seulement un enfant homme-jaguar mais également quatre autres êtres surnaturels, qui avait tous une tête divisée. En se basant sur des analyses de cette sculpture, en 1976, Peter David Joralemon proposa de définir huit être surnaturels olmèques, chacun étant caractérisés par des combinaisons iconographiques spécifiques.

Monument 52 de San Lorenzo Tenochtitlan, montrant une figure classique d’homme-jaguar. La longue rainure découpée au dos de cette sculpture indique un système de drainage associant l’homme-jaguar à la pluie et à l’eau.

L’homme-jaguar en tant que divinité de la pluie

A travers les recherches de Joralemon, il devint évident que toutes les têtes divisée et les bouches tournées vers le bas ne représentent pas un homme-jaguar[8]. Quelques chercheurs ont affiné leur représentation de l’homme-jaguar à celle d’une divinité de la pluie[9], proposition pourtant déjà effectuée par Miguel Covarrubias dès 1946 dans Mexico South[10].

Le être surnaturel olmèque de la pluie (ou dieu) ne présente pas uniquement les yeux en amandes, la tête divisée et la bouche tournée vers le bas – qui est caractéristique du thème de l’homme-jaguar – mais à de nombreux autres attribut comme un bandeau sur la tête et une coiffe, souvent divisée. Le bandeau est souvent divisé horizontalement et décoré avec des ornements régulièrement espacés[11]. De plus, cet être surnaturel porte souvent des caches oreilles plissés et un icône en forme de croix sur la poitrine et/ou le nombril[12].

Au-delà du terme d’homme-jaguar

Quelques universitaires ont tenté de changer le terme « homme-jaguar ». Par exemple, dans une monographie de 1996, Anatole Pohorilenko utilise le terme « anthropomorphe composite » et dans un livre de 1993, Mary Ellen Miller et Karl Taube estiment que la théorie globale de l’homme-jaguar ne peut expliquer la complexité des divinités olmèques[13].

Représentations

Bien qu’ils soient « étrangement absents » des céramiques[14], les sculptures olmèques d’hommes-jaguars sont très fréquentes, et varient d’une simple figurines à de grandes statues de basaltes. Des bébés inertes d’hommes-jaguars sont souvent représentés dans les bras d’adultes stoïques, comme si l’enfant était présenté. Cette scène est dépeinte dans un important panel de matériaux, de la petite sculpture portable à la greenstone à taille humaine aux autels de plusieurs tonnes. Toutefois, on ne sait pas encore très bien ce que signifie cette scène.

Les représentations en deux dimensions d’homme-jaguar ont été gravées sur la poterie, diverses pierres ou sur des monolithes de plusieurs tonnes à Teopantecuanitlan. Des bas-reliefs de bébés-jaguars très vivants sont gravés sur les côtés de La Venta.

Selon l’archéologue Peter Furst, les figurines d’homme-jaguar étaient souvent utilisées comme des dieux protecteurs de la maison par de nombreuses personnes et comme des esprits familiers ou d’aide pour les prêtres et les chamanes, notamment lors des rituels de transformations[15].

Origines

En tant que prédateur principal en Mésoamérique, le jaguar était révéré par les sociétés pré-colombienne, et l’adoption du thème du jaguar par l’élite a été utilisée pour renforcer ou valider leur leadership[16]. Cependant, cela n’explique pas l’origine de l’homme-jaguar.

L’hypothèse Stirling

Matthew Stirling, qui est l’un des découvreurs majeurs des vestiges olmèques au milieu du XXe siècle, proposa que l’homme-jaguar était issu d’un mythe de copulation entre le jaguar mâle et une femme. Cette hypothèse s’appuie largement sur :

  • Le monument 3 de Potrero Nuevo,
  • Le monument 1 de Tenochititlán,
  • Le monument 20 de Laguna de los Cerros
  • des peintures murales de Chalcatzingo.

L’ « hypothèse Stirling[17] » a gagné le support de nombreux archéologues postérieurs, dont Michael D. Coe. Des analyses additionnelles de ces sculptures par des universitaires tels que Whitney Davis, Carolyn Tate, Carson Murdy, et Peter Furst, ont mis en doute cette hypothèse, sans toutefois proposer des alternatives pour expliquer les caractéristiques de jaguar.

Le jaguar en tant que vainqueur

Dans son article de 1978, Whitney Davis suggère que les représentations de copulation entre l’homme et le jaguar précédemment citées sont plutôt le commencement d’un culte du jaguar ou sont représentatives d’une victoire dans une bataille plutôt que d’une conquête sexuelle. Plus que de voir des situations sexuelles entre l’homme et le jaguar, Davis voit le jaguar, ou un homme portant une peau de jaguar, comme l’agresseur d’un opposant vaincu. La plupart des représentations sont habillées de pagnes, ce qui devrait infirmer l’hypothèse d’une relation sexuelle, et Davis croit que les personnes nues sont mortes ou agonisante, et ne représentent pas une position sexuelle. Il est fréquent de voir des hommes nus comme représentations des prisonniers captifs ou des vaincus, comme les danzante du Monte Alban.

La « présentation » d’un bébé homme-jaquar inerte est un thème commun dans l’art olmèque.

Malformations génétiques

Michael Coe[18] étudia la possibilité d’une cause biologique permettant d’expliquer les lèvres épaisses, la tête fendue, et la bouche édentée. Les difformités génétiques telles que le syndrome de Down et la spina bifida sont des explications communément mise en relief. Une autre maladie pourrait être l’encephalocele qui peut causer la séparation des sutures crâniennes et former des dépressions sur la tête[19]. Cranium bifidum peut également produire des résultats similaires. De plus, ce genre de malformations surviennent favorablement chez les personnes d’une même famille et il est probable que les mariages furent importantes au sein de l’élite[20]. Si un enfant naissant avec ce type d’affection est considéré comme divin ou spécial, de nombreuses naissances d’enfants malades pouvaient renforcer les familles et leur pouvoir.

Une espèce de crapaud

Peter Furst a suggéré que l’homme-jaguar représente une variété de crapaud et plus particulièrement « un crapaud anthropomorphique avec les caractéristiques du jaguar » (« an anthropomorphically conceived toad with jaguar characteristics »)[21].

Les espèces de crapauds que l’on trouvait communément en Mésoamérique, comme Bufo marinus ou Bufo valliceps ont une division profonde sur la tête, et comme tous les crapauds, ont de grosses lèvres sans dent. Ces espèces de crapauds sont connues pour leurs propriétés hallucinogènes pour de nombreuses cultures mésoaméricaines. Des restes de squelettes, en particulier de Bufo marinus, ont été retrouvé dans plusieurs sites archéologiques de Mésoamérique, y compris les centres de cérémonie olmèques[22].

Ces espèces de crapauds sont des symboles du pouvoir inhérents à leur cycle de vie métamorphique, leur fertilité, leur venin hallucinogène et leur mue[23]. Les représentations d’hommes-jaguars possédant des crocs peuvent corroborer la version du crapaud. En effet, plusieurs fois par an, les crapauds matures muent puis avalent leur ancienne peau : tandis qu’ils avalent, leur peau ressort de leur bouche comme des crocs. La mue aurait pu symboliser la mort et la renaissance, avec toutes ses implications religieuses.

Deux bébés hommes-jaguars sur la face droite d’un monument de La Venta.

Notes et références

Références

  1. Coe (1968), p. 42. Diehl, p. 104.
  2. Pars pro toto signifie qu’une partie représente l’ensemble. Ce principe est fréquent dans l’art Olmèque.
  3. Miller & Taube, p. 103.
  4. Coe (1968), p. 42. Diehl, p. 104.
  5. Covarrubias (1957), p. 62.
  6. Pool, p. 68.
  7. Coe (1965), p. 123.
  8. Pool, p. 112.
  9. e.g. Pool, p. 116, or Pohorilenko.
  10. See Covarrubias (1986) pg. 99, where he says: "stylistic evidence shows that the Olmec jaguar mask is an early form of the rain-god".
  11. Pohorilenko (p. 125)
  12. Miller & Taube (p. 126), Joralemon (1996), and Pohorilenko (p. 125)
  13. Miller & Taube, p. 185.
  14. Joralemon, p. 56.
  15. Furst (1996), pp. 69-70.
  16. Miller & Taube, p. 102.
  17. See Miller & Taube, p. 158.
  18. Coe, 1962.
  19. Murdy 1981, p. 863.
  20. Murdy 1981, p. 863-866.
  21. Furst (1981, p. 150)
  22. Coe (1994), p. 69
  23. Furst (1981), p. 150.

Source

  • (en) Cet article est partiellement ou en totalité issu d’une traduction de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Olmec were-jaguar ».

Annexes

Articles connexes

Bibliographie

  • Elizabeth Benson and B. de la Fuente, eds. (1996) Olmec Art of Ancient Mexico, National Gallery of Art, Washington D.C., ISBN 0-89468-250-4.
  • Elizabeth Benson (1998) "The Lord, The Ruler: Jaguar Symbolism in the Americas". In N.J. Saunders (ed.), Icons of Power: Feline Symbolism in the Americas. London: Routledge: 53-76.
  • Michael D. Coe (1972) "Olmec Jaguars and Olmec Kings". In E.P. Benson (ed.), The Cult of the Feline. Washington, D.C.: Dumbarton Oaks: 1-12.
  • Michael D. Coe (1999) The Maya. London: Thames and Hudson: 90, 247-48.
  • Michael D. Coe (2002) Mexico: From the Olmecs to the Aztecs. London: Thames and Hudson: 64, 75-76.
  • Covarrubias, Miguel, Mexico South: The Isthmus of Tehuantepec, KPI (Kegan Paul International), Londres, 1946 (ISBN 0-7103-0184-7) (OCLC 14069879) 
  • Covarrubias, Miguel (1957) Indian Art of Mexico and Central America. New York: Alfred A. Knopf.
  • Davis, Whitney (1978) "So-Called Jaguar-Human Copulation Scenes in Olmec Art". American Antiquity 43(3): 453-457.
  • Diehl, Richard, The Olmecs: America's First Civilization, Thames & Hudson, coll. « Ancient peoples and places series », Londres, 2004 (ISBN 0-500-02119-8) (OCLC 56746987) 
  • Furst, Peter T. (1981) "Jaguar Baby or Toad Mother: A New Look at an Old Problem in Olmec Iconography". In E.P. Besnon (ed.), The Olmec and Their Neighbors. Washington D.C.: Dumbarton Oaks: 149-162. ISBN 978-0884020981.
  • Joralemon, Peter David (1996) "In Search of the Olmec Cosmos: Reconstructing the World View of Mexico's First Civilization". In E. P. Benson and B. de la Fuente (eds.), Olmec Art of Ancient Mexico. Washington, D.C.: National Gallery of Art: 51-60. ISBN 0-89468-250-4.
  • Miller, Mary et Karl Taube, The Gods and Symbols of Ancient Mexico and the Maya: An Illustrated Dictionary of Mesoamerican Religion, Thames & Hudson, Londres, 1993 (ISBN 0-500-05068-6) (OCLC 27667317) 
  • Murdy, Carson N (1981) "Congenital Deformities and the Olmec Were-Jaguar Motif". American Antiquity 46(4): 861-871.
  • Pohorilenko, Anatole (1996) "Portable Carvings in the Olmec Style", in E. P. Benson and B. de la Fuente (eds.), Olmec Art of Ancient Mexico. Washington, D.C.: National Gallery of Art: 119-131. ISBN 0-89468-250-4.
  • Pool, Christopher (2007) Olmec Archaeology and Early Mesoamerica. Cambridge University Press. ISBN 978-0-521-78882-3.
  • Tate, Carolyn E. (1999) "Patrons of Shamanic Power: La Venta's Supernatural Entities in Light of Mixe Beliefs". Ancient Mesoamerica 10: 169-188.
  • Saunders, N.J. (1998) "Architecture of Symbolism: The Feline Image". In N.J. Saunders (ed), Icons of Power: Feline Symbolism in the Americas. London: Routledge: 12-52.
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