Víctor Jara

Víctor Jara
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Víctor Jara
Victor-jara2.jpg
Nom Víctor Lidio Jara Martínez
Naissance 28 septembre 1932
San Ignacio, Drapeau du Chili Chili
Décès 16 septembre 1973
Santiago, Drapeau du Chili Chili
Activité principale Auteur-compositeur-interprète
Professeur
Directeur de théâtre
Genre musical Musique folklorique
Musique traditionnelle
Nueva Canción Chilena
Instruments Chant
Guitare classique
Années d'activité 1957 à 1973
Labels Odeon
DICAP
Warner
Site officiel Fondation Víctor Jara

Entourage Violeta Parra
Quilapayún
Inti Illimani
Patricio Manns
Illapu
Angel Parra
Sergio Ortega
Pablo Neruda
Atahualpa Yupanqui
Joan Baez
Silvio Rodríguez

Víctor Lidio Jara Martínez (San Ignacio, région du Biobío, 28 septembre 1932 - Santiago, 16 septembre 1973) était un chanteur, auteur et compositeur populaire chilien.

Membre du Parti communiste chilien, il fut l'un des principaux soutiens de l'Unité Populaire et du président Salvador Allende. Ses chansons critiquent la bourgeoisie chilienne (Las Casitas del Barrio Alto, Ni Chicha Ni Limona), contestent la guerre du Viêt Nam (El Derecho de Vivir en Paz), rendent hommage aux grandes figures révolutionnaires latino-américaines (Corrido De Pancho Villa, Camilo Torres, Zamba del Che), mais aussi au peuple et à l'amour (Vientos del pueblo, Te recuerdo Amanda).

Arrêté par les militaires lors du coup d'État du 11 septembre 1973, il est emprisonné et torturé à l'Estadio Chile (qui se nomme aujourd'hui Estadio Víctor Jara) puis à l'Estadio Nacional avec de nombreuses autres victimes de la répression qui s'abat alors sur Santiago. Il y écrit le poème Estadio de Chile qui dénonce le fascisme et la dictature. Ce poème est resté inachevé car Víctor Jara est rapidement mis à l'écart des autres prisonniers. Il est assassiné le 15 septembre après avoir eu les doigts coupés par une hache[1].

Après avoir été enterré semi-clandestinement le 18 septembre 1973, il est enterré le 5 décembre 2009 (après 3 jours d'hommage populaire) dans le Cimetière Général de Santiago lors d'une cérémonie à laquelle assistèrent sa veuve Joan Turner et leurs deux filles Manuela et Amanda, l'ancienne présidente du Chili Michelle Bachelet, et plus de 5000 personnes.

Après un parcours à travers les différents quartiers de Santiago, les restes du chanteur furent apportés au Memorial de Detenidos Desaparecidos, pour une cérémonie intime où sa famille lui a rendu hommage, avant que Victor Jara ne soit enterré au Cimetière Général. Certaines de ses chansons les plus connues, comme Te recuerdo Amanda ou Plegaria a un labrador, ont été entonnées par le public présent[2]

Sommaire

Biographie

Une jeunesse chilienne

Victor Jara est né d'un couple de paysans modestes, installés non loin de la capitale chilienne. Il semble que sa mère était elle-même chanteuse à ses heures, ce qui a pu inspirer le jeune Victor, auquel elle apprit les rudiments de la guitare. Ses connaissances musicales ne sont donc pas académiques, mais ancrées dans le terroir populaire chilien. La mort prématurée de sa mère l'affecte durablement. Monté à la capitale, Victor fréquente le séminaire, puis intègre l'université du Chili où il participe au projet Carmina Burana (1953). La même année, il débute un travail de recensement du folklore chilien. En 1956, il intègre la compagnie de Mimos de Noisvander, et se forme au théâtre et au jeu d'acteur. Il rejoint ainsi la compagnie de l'université du Chili.

Entre théâtre et musique : l'impossible choix

Ses carrières théâtrale et musicale suivent des trajectoires parallèles à partir de 1957. Il intègre le groupe « Cuncumén » de Margot Loyola, spécialisé dans les danses et les musiques folkloriques, au sein duquel il rencontre Violeta Parra, qui le pousse à suivre une carrière de chanteur. Il devient le chanteur soliste du groupe. Parallèlement, il réalise sa première mise en scène, d'après une œuvre d'Alejandro Siveking, ce qui lui permet de voyager en Argentine, au Venezuela, au Paraguay et à Cuba (1959). Il reste fidèle à cet auteur, tout en explorant d'autres pistes, mettant en scène du Cruchaga, la Mandragore de Nicolas Machiavel, du Raúl Ruiz ou du Brecht. Directeur artistique du collectif « Cuncumén », il réalise une tournée en Europe en 1961 (France, Hollande, URSS, Europe de l'Est…). La même année, il compose son premier morceau, une ballade folklorico-poétique, « Paloma Quiero Contarte ».

Ses qualités artistiques sont appréciées, puisqu'il devient en 1963 directeur de l'Académie folklorique de la Maison de la Culture de Ñuñoa, et intègre l'équipe de direction de l'institut théâtral de l'université du Chili (Ituch). Il est ainsi professeur de plateau de 1964 à 1967, dans la cadre de l'université. En 1965, il est primé, et la presse commence à s'intéresser à ce directeur d'acteurs infatigable et talentueux. Sa carrière musicale n'est pas entre parenthèses pour autant, puisqu'il prend la direction du collectif Quilapayún en 1966. La même année, alors qu'il est assistant à la mise en scène de William Oliver sur une œuvre de Peter Weiss, il enregistre son premier disque avec le label « Arena ».

La notoriété

Peinture murale représentant Victor Jara peinte sur la maison qui porte son nom à Santiago, Chili.

En 1967, c'est la consécration. Encensé par la critique pour son travail théâtral, il est invité en Angleterre par le consul britannique. Parallèlement, il enregistre avec la maison de production Emi-Odeón, qui lui remet un disque d'argent.

La période 1969-1970 marque l'apogée de sa carrière théâtrale. Professeur invité à l'École de théâtre de l'université catholique en 1969, il monte Antigone de Sophocle. Il monte également Viet-Rock de Megan Terry avec l'Ituch. En 1970, il est invité à un festival international de théâtre à Berlin, et participe au premier Congrès de théâtre latinoaméricain à Buenos Aires.

Sa carrière de chanteur et de compositeur prend par ailleurs son rythme de croisière. Il gagne en 1969 le premier prix du festival de la nouvelle chanson chilienne, et chante lors du meeting mondial de la jeunesse pour le Vietnâm à Helsinki. Cet engagement politique de plus en plus affirmé ne le détourne pas de sa boulimie créatrice : il enregistre l'album « Pongo en tus manos abiertas » avec le label Dicap en 1969, et reste en contact avec Emi-Odeón pour un nouvel opus.

La chanson comme un choix politique

En 1970, il renonce à prendre la direction de l'Ituch. Ce choix est fondateur d'un nouvel engagement politique, car il s'engage dans la campagne électorale du parti Unidad Popular de Salvador Allende. Victor Jara estime à l'époque qu'il peut être plus utile par la chanson, ce qui lui donne l'opportunité de s'adresser au pays entier. Cette nouvelle option, qui lui fait délaisser le théâtre, est confirmée par la parution chez Emi-Odeón de l'album Canto libre en 1970.

De fait, il se met vite au service du gouvernement Unidad Popular. En 1971, il rejoint le ballet national, puis le département des technologies de la communication de l'université technique de l'État. Devenu l'ambassadeur culturel du gouvernement Allende, il organise des tours de chant dans toute l'Amérique latine et participe à plusieurs émissions de la télévision nationale chilienne, pour laquelle il compose entre 1972 et 1973. À la sortie de son opus El derecho de vivir en paz (Dicap, 1971), il est sacré meilleur compositeur de l'année.

Comme le précédent opus, la sortie de La población (Dicap, 1972) témoigne de la ferveur communiste et nationaliste de l'artiste. Il réalise en 1972 une tournée en URSS et à Cuba, où il est invité pour le Congrès de la musique latinoaméricaine de La Havane. Présent sur tous les fronts, Victor Jara dirige également l'hommage au poète Pablo Neruda (qui vient de recevoir le prix Nobel) dans le stade national de Santiago, et n'hésite pas à s'enrôler parmi les travailleurs volontaires lors des grandes grèves de 1972.

Soutenant toujours activement la campagne législative Unidad Popular en 1973, il chante lors de programmes dédiés à la lutte contre le fascisme et contre la guerre civile à la télévision nationale. Il réalise par ailleurs un tour de chant au Pérou à l'invitation de la Maison nationale de la Culture de Lima. L'année 1973 est également l'occasion de travailler sur ses derniers enregistrements, qui mettent à l'honneur le patrimoine culturel et musical chilien. Il en résulte un album, Canto por traversura, qui est plus tard interdit à la vente.

Le martyre et le mythe

Veillée funèbre de Victor Jara en 2009

Aux élections législatives de mars 1973, l'opposition du parlement à Allende s'amplifie, bien que celui-ci reste chef de l'État. Il décide de légiférer par décrets afin de passer outre l'assemblée, et recherche un massif soutien populaire. Le Chili est au bord de la guerre civile. En août 1973, Allende nomme Augusto Pinochet à la tête de l'armée. Pinochet renverse le gouvernement Allende le 11 septembre 1973.

Le jour du coup d'État de Pinochet, Victor Jara est en route vers l'université technique de l'État où il officie depuis 1971, pour l'inauguration chantée d'une exposition avant de rejoindre Allende au palais présidentiel. Il est enlevé par les militaires et transféré au Stade National en compagnie d'autres militants pro-Allende. On le torture et on lui brise les mains ; il meurt ensuite criblé de balles le 16 septembre 1973, quelques jours avant son 41e anniversaire.

Son martyre correspond aussi à la naissance d'un mythe. Ses derniers instants sont devenus célèbres dans le Chili post-Pinochet grâce au témoignage de l'écrivain Miguel Cabezas. Après l'avoir passé à tabac, les militaires lui auraient coupé les doigts avant de lui intimer l'ordre de chanter. Victor Jara aurait défié les soldats de Pinochet en se tournant vers les militants détenus avec lui et en entonnant l'hymne de l'Unité Populaire. Les militaires l'auraient alors exécuté par balles, ainsi que la majorité des militants qui avaient repris son chant en chœur[3]. Cet épisode est chanté par Julos Beaucarne dans son poème Lettre à Kissinger, par Los de Nadau dans Auròst tà Victor Jara et par Michel Bühler dans Chanson pour Victor Jara, ainsi que Pierre Chêne dans Qui donc était cet homme ?.

Discographie

Hommages

  • Le groupe américain Calexico lui rend hommage dans la chanson Victor Jara's hands, album Carried to Dust.
  • Le groupe The Clash lui rend également un hommage dans leur chanson Washington Bullets, parue sur l'album Sandinista! :
    « Please remember Victor Jara,
    In the Santiago Stadium,
    Es verdad - those Washington Bullets again.
  • Le groupe espagnol Ska-P le cite dans la chanson Juan sin tierra, parue sur l'album Eurosis en 1998 :
    No olvidaremos el valor de Victor Jara,
    Dando la cara siempre a la represion,
    Le cortaron sus dedos y su lengua,
    Y hasta la muerte gritó revolucion[4].
  • Le groupe Kambotes lui a également rendu hommage avec la chanson Victor Jara no murío.
  • Le chanteur belge Julos Beaucarne lui a rendu hommage avec la chanson Lettre à Kissinger.
  • Le vol de la colombe, poème d'hommage à Víctor Jara publié à l'occasion du transfert de sa dépouille le 5 décembre 2009.
  • Jean Ferrat évoque les sévices dont il a été victime dans Le bruit des bottes, chanson issue de l'album La femme est l'avenir de l'homme (Temey, 1975).
  • Gilles Servat lui également rendu hommage, en 1974 avec la chanson : Gwerz Victor C'hara, extrait de son album L'Hirondelle.
  • Le groupe U2 lui rend hommage dans leur chanson One Tree Hill, parue sur l'album The Joshua Tree :
    And in the world a heart of darkness
    A fire zone
    Where poets speak their heart
    Then bleed for it
    Jara sang, his song a weapon
    In the hands of love
    You know his blood still cries
    From the ground.
  • Le chanteur italien Pippo Pollina lui rend hommage avec sa chanson Il giorno del falco.
  • Le chanteur québécois Jean-François Lessard lui rend un hommage poignant avec sa chanson Victor.
  • Le chanteur français Bernard Lavilliers fait également une allusion à Victor Jara dans sa chanson La Samba, parue sur l’album Le Stéphanois :
    ...Z'ont tué le guitariste
    Lui ont brisé les doigts
    Interdit sa musique
    Surveillé quelques mois...

Bibliographie

Victor Jara, un chant inachevé de Joan Jara (trad. Mikaël Herviaux), co-édition Biliki-Aden, Belgique.

Références

  1. « Victor Jara (1932-1973) ».
  2. http://www.google.com/hostednews/afp/article/ALeqM5h1j90mfE7agB9eRvrK8w5WnF3-CQ
  3. Voir à ce propos l'article du journal L'Humanité datant du 13 janvier 2000, « Une nuit de terreur longue de dix-sept ans ».
  4. Traduction française :
    « Nous n'oublierons pas le courage de Victor Jara,
    Faisant toujours face à la répression,
    Ils lui ont coupé les doigts et la langue,
    Et jusqu'à la mort il cria révolution »

Liens externes


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