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Italie 13
Italie 13 (ou Italie XIII) est le nom d'une vaste opération d'urbanisme engagée à Paris dans les années 1960 et interrompue au milieu des années 1970. Son objectif était de transformer en profondeur certains quartiers du 13e arrondissement, autour de l'avenue d'Italie dont elle a tiré son nom. De cette opération, partiellement mise en œuvre, datent les nombreuses tours du sud de l'arrondissement et en particulier le quartier des Olympiades.
Sommaire
La politique de la table rase
L'opération Italie 13 est l'une des réponses proposées par les urbanistes à un diagnostic souvent formulé par les architectes et les politiques depuis le début du XXe siècle : les arrondissements périphériques de Paris et plus particulièrement le XIIIe arrondissement comprennent de nombreux ilôts jugés insalubres ou simplement « mal construits ». La rénovation de ces îlots, soigneusement répertoriés par Raymond Lopez (architecte-conseil pour la ville de Paris) et son assistant Michel Holley, doit se faire non par un simple assainissement des immeubles mais par une réorganisation d'ensemble de ces quartiers dans l'esprit de la Charte d'Athènes de Le Corbusier :
- construction en hauteur afin de libérer des espaces libres au sol et d'assurer aux appartements une meilleure luminosité
- séparation des fonctions : les voies destinées à une circulation automobile importante doivent être distinctes de celles qui sont consacrées à la desserte locale ou aux trajets piétonniers.
D'autres principes de Le Corbusier, comme celui des parcs entourant les tours, sont toutefois mis de côté.
Le Plan d'urbanisme directeur (PUD), rédigé en 1959 et appliqué dès 1961, résume en quelques mots la nouvelle conception de la ville : « La trame urbaine n'est plus définie par les rues, mais par l'ordonnance des constructions, elles-mêmes guidées par des considérations fonctionnelles ». Le quartier des Olympiades illustrera ce programme à la perfection.
Grâce au soutien d'un pouvoir politique fort instauré par l'avènement de la Cinquième République, l'opération Italie 13 peut être lancée. Le Conseil de Paris l'approuve le 13 janvier 1966 et la confie au secteur privé. Elle doit couvrir un secteur de 87 hectares entre la place d'Italie, l'avenue de Choisy, les rues de Tolbiac et Nationale, les boulevards des Maréchaux et une partie des quartiers de Maison-Blanche et de la Butte aux Cailles de part et d'autre de l'avenue d'Italie. Il s'agit de construire 16 400 logements et 150 000 mètres carrés de surfaces commerciales et de bureaux, ainsi que des écoles et de petits jardins.
Les nombreux intervenants sont réunis au sein de l'Atelier de rénovation urbaine d'Italie 13 sous l'impulsion d'Albert Ascher et Michel Holley. Les tours doivent toutes avoir à peu près la même hauteur : une trentaine d'étages. Holley estime en effet que l'urbanisme de tours, loin d'opérer une rupture traumatique avec le passé, prolonge la vieille tradition parisienne de l'unité de hauteur des bâtiments. De la place des Vosges aux grandes avenues haussmanniennes, l'uniformité des gabarits est en effet un élément essentiel du paysage parisien.
Des résultats contrastés
Les principales réalisations de l'opération Italie 13 sont répartis sur trois principaux quartiers auxquels il faut ajouter quelques bâtiments isolés.
Les Olympiades
L'opération des Olympiades, dirigée par Michel Holley de 1969 à 1974, est une mise en œuvre complète, la seule dans Paris avec le quartier Front-de-Seine, des objectifs du PUD :
- les tours et les barres sont orientées le long d'un axe approximativement nord-sud indépendamment de l'orientation des rues. Leur disposition fait penser à une vallée de montagne centrée sur les fausses pagodes du centre commercial, loin de la structure traditionnelle du tissu urbain.
- certaines rues sont mêmes invisibles, enfouies sous la dalle et utilisées uniquement pour l'accès des automobiles aux tours et les livraisons de marchandise : rues du Javelot et du Disque.
- la séparation fonctionnelle consiste à réserver les avenues à la circulation automobile et la dalle aux piétons : les commerces sont installés sur la dalle, de même que l'entrée principale des tours.
Il s'agit du plus vaste espace sur dalle de Paris avec le quartier du Front-de-Seine dans le XVe arrondissement. La dalle recouvre la gare de marchandise des Gobelins (située en fait assez loin de la manufacture et de l'avenue du même nom) qui communique avec les rues souterraines. Elle comporte huit tours et trois barres dont les noms correspondent à des villes olympiques : Athènes, Sapporo, Helsinki, Tokyo...
L'opération des Olympiades visait à séduire une population de cadres jeunes en tablant sur le modernisme du quartier et la présence de nombreux équipements scolaires et sportifs. Or les tours, éloignées du centre de Paris, trop standardisées dans leur architecture, n'ont pas attiré les Parisiens. Les tours sont restées inoccupées pendant plusieurs années et l'opération aurait sans doute été un échec sans l'arrivée des premiers réfugiés vietnamiens vers 1975. Ils ont rapidement occupé les appartements en vivant à plusieurs familles par appartement afin de payer les loyers élevés. Suivi par d'autres vagues de réfugiés et d'immigrés cambodgiens, laotiens, aujourd'hui chinois, ils ont ouvert ou repris de nombreux commerces financés par le système de la tontine et en ont fait l'un des quartiers asiatiques de Paris.
Curieusement, les toits en forme de pagode qui recouvrent les boutiques de la dalle ont été réalisés avant l'arrivée des Asiatiques et sans relation avec eux.
De nos jours, le quartier, dont la maintenance est complexe et coûteuse, fait l'objet de projets de rénovation dans le cadre d'un grand projet de renouvellement urbain (GPRU).
L'avenue d'Italie aux abords de la place d'Italie
L'avenue d'Italie devait être élargie aux dimensions des Champs-Élysées et transformée en voie rapide, rattachée à un réseau de radiales traversant les arrondissements XII à XX. Les piétons et la desserte locale devaient traverser l'avenue par des passerelles ou des tunnels.
Du côté impair, Michel Holley a dessiné les plans de la tour Antoine-et-Cléopâtre, l'une des rares à échapper au modèle parallélépipédique strict.
De l'autre côté, quatre tours et une barre aux noms de minéraux ont été édifiés autour d'un jardin privé qui surplombe le centre commercial Italie II (anciennement Galaxie). Il s'agit d'un embryon de dalle : l'entrée principale de certaines tours se trouve au niveau de la passerelle qui devait enjamber l'avenue d'Italie. C'est l'un des seuls endroits où l'avenue d'Italie a été élargie à 70 mètres comme le prévoyait l'opération Italie 13.
Le projet le plus ambitieux de l'opération Italie 13 était celui de la tour Apogée : d'une hauteur comparable à celle de la tour Montparnasse, elle devait servir de « signal » à l'entrée du quartier, au bord de la place d'Italie. Proposée par Michel Holley sous diverses formes au cours des années 1970, la hauteur projetée à diminué progressivement avant l'annulation finale du projet. En 1980, l'État français a dû payer 470 millions de francs au promoteur pour être revenu sur le permis de construire qu'il lui avait délivré.
Le quartier Masséna
Ce quartier, qui occupe l'ancien emplacement des usines Panhard-Levassor de la porte d'Ivry à la rue Gandon, comprend d'est en ouest :
- la villa d'Este où la concentration de tours est sans doute la plus élevée de Paris
- le centre commercial Masséna 13
- le quartier de la porte de Choisy.
Les tours de ce quartier donnent de plain-pied sur la rue et sont mieux intégrées dans le tissu urbain. Elles portent des noms de compositeurs ou de villes italiennes : Puccini, Palerme, Rimini...
Autres constructions
Il faut rajouter à cette liste quelques bâtiments et opérations isolés :
- vers la porte d'Italie : la tour Super-Italie, seule tour ronde du quartier (Maurice Novarina, 1974) et la tour Chambord au bord du boulevard Kellermann.
- le long du boulevard Vincent-Auriol : divers ensembles d'immeubles de grande hauteur dont trois tours portant les noms de Cheops, Chephren et Mykerinos à cause de leur forme légèrement pyramidale à la base, à côté desquelles se dresse l'une des tours les plus originales de Paris : la tour du Nouveau-Monde, dont les murs sont ornés de bas-reliefs sur toute leur hauteur.
La fin d'Italie 13 et le retour à une conception de la ville plus traditionnelle
La sortie de terre des tours s'est accompagnée d'un changement d'état d'esprit de la population, qui a trouvé un écho chez les professionnels (enquêtes de l'Atelier parisien d'urbanisme) et les politiques. En 1974, le nouveau président de la République, Valéry Giscard d'Estaing, marque le point d'arrêt des grandes opérations d'urbanisme de tours. L'opération Italie 13 n'aura donc été que très partiellement mise en œuvre.
Il est difficile de nier que la construction des tours, vue autrefois comme un progrès décisif, n'a guère profité à l'image du XIIIe arrondissement, d'autant plus que, construites sur une hauteur, elles sont beaucoup plus visibles depuis le reste de Paris que les tours du Front-de-Seine. Sur le plan esthétique, l'uniformité des parallélépipèdes parisiens séduit certainement moins les Parisiens que l'exubérance de Manhattan pour les New-Yorkais. Les habitants, eux, portent un jugement très contrasté selon la tour dans laquelle ils résident, car la situation varie considérablement d'un immeuble à l'autre au niveau des équipements fournis, de l'état d'entretien et du standing général.
Toutefois, la dalle des Olympiades a conservé ses commerces et ne présente pas l'aspect d'esplanade semi-déserte du Front-de-Seine. L'arrivée de populations asiatiques a probablement permis de sauvegarder le dynamisme du quartier.
À cause du semi-échec de ce type d'opération, l'urbanisme s'est lancé en France, et en particulier à Paris, dans une direction beaucoup plus modeste. L'opération Paris Rive Gauche, à quelques centaines de mètres des Olympiades, seule opération urbaine de grande envergure menée à Paris depuis Italie 13, marque sur l'avenue Pierre-Mendès-France le retour à l'alignement sur rue et au gabarit uniforme : la pierre de taille de l'époque haussmanienne a simplement laissé la place à la paroi de verre. Et le patrimoine urbain, que le PUD croyait pouvoir négliger en dehors du « périmètre sacré » des six premiers arrondissements, fait désormais l'objet de toutes les attentions : alors que les architectes des années 1960 prévoyaient de détruire une gare d'Orsay devenue inutile, leurs successeurs des années 2000 intègrent la plupart des derniers vestiges du passé industriel (Grands Moulins de Paris, SUDAC, Frigos) dans les nouveaux quartiers du XXIe siècle.
Voir aussi
Lien interne
Bibliographie
- Paris contemporain, Simon Texier, Parigramme (2005)
Les Olympiades et les tours d'Italie 13 au cinéma et à la télévision
- Du jour au lendemain, film de Philippe Le Guay (2006) avec Benoît Poelvoorde (appartement du personnage principal).
- Porte de Choisy, sketch de Paris je t'aime, réalisé par Christopher Doyle.
- série télévisée Navarro (appartement du commissaire Navarro).
- dans Tanguy, son appartement
- Dans Pinot,Simple Flic, la Tour Super-Italie à la fin du film
- Publicité pour la free box : Tour Super Italie
- Athènes-Helsinki, court métrage de Stéphane Allagnon (2002) a été entièrement tourné aux Olympiades.
- Stella (film, 2008), film de Sylvie Verheyde tourné aux Olympiades.
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