- Tessère
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Dans l'antiquité romaine, une tessère (en latin tessera) était une sorte de jeton servant entre autres de billet d'entrée pour les spectacles.
Ce mot, qui vient probablement de la même racine que le grec Tessares, ne devait désigner à l'origine que des objets carrés, rectangulaires ou cubiques ; puis on l'a, dès l'Antiquité, appliqué à des objets de toutes formes qui servaient aux mêmes usages. On désigne ainsi sous ce nom :
- des carreaux de pierre entrant dans la composition d'un carrelage. Les diminutifs tessella et tesserula ont été appliqués aux petits dés cubiques dont l'assemblage formait une mosaïque.
- des tessères à jouer dont :
- des dés cubiques, semblabe au dé moderne, et dont les six faces portaient six valeurs, de 1 à 6, représentées chacune par des points gravés en creux. Dans les exemplaires connus, le point est souvent entouré d'un cercle ou de deux cercles concentriques, et les valeurs indiquées sur deux faces opposées et parallèles sont réparties de façon à donner toujours le total de sept. On appelait l'as unio, le deux binio, le trois trinio, le quatre quaternio, le cinq quinio et le six senio. Il existe cependant certains dés antiques où les points sont remplacés par des lettres. L'usage le plus répandu était de jouer avec trois dés, mais depuis le commencement de l'Empire au moins on jouait souvent avec deux dés au lieu de trois.
- des polyèdres à vingt faces, dont chacune porte une des lettres de l'alphabet, soit grec, soit latin, depuis A jusqu'à Y (ou V).
- des polyèdres à dix-neuf faces, dont chacune porte un chiffre romain depuis I jusqu'à X, et au delà de dix en dix jusqu'à C (mais le nombre LXXX manque, et le nombre XX revient deux fois)
- des polyèdres à dix-huit faces, formées en abattant les arêtes d'un dé cubique par un plan oblique. Les six faces carrées du cube primitif sont remplies par six couples de lettres latines ND, NG, NH, LS, SZ, TA. Dans les douze pans coupés sont gravés des points représentant des nombres depuis 1 jusqu'à 12.
- des bâtonnets de jeu. Généralement en os, longs de 8 à 10 cm, leur extrémité supérieure se termine par une sorte de petit disque ou de bouton, qui permettait de les saisir plus facilement, peut-être parce qu'on devait les tirer d'un sac ou d'une urne. Chacun porte un mot gravé sur sa face antérieure, parfois un adjectif favorable, parfois un vocatif injurieux ou ironique.
- des pions de jeu de forme ronde. Certains ne portent ni chiffres, ni inscriptions, ni sujets figurés d'aucun genre, et sont des pions de la forme la plus simple. D'autres sont gravés au droit une figure, à l'avers une inscription, un chiffre romain et un chiffre grec, qui servaient à un jeu qui a été en faveur dans tout le monde romain depuis le commencement de l'Empire jusqu'à la fin.
- des plombs de commerce. Fixés ou suspendus à une marchandise, ils jouent le rôle de cachets ou de sceaux. Leur forme la plus ordinaire, à l'époque impériale, est celle d'un bouton, dont la queue a été perforée pour donner passage à la ficelle. Ces pièces étaient fixées sur des sacs ou des ballots de marchandises expédiées, soit par des particuliers, soit par un des nombreux bureaux de l'administration impériale.
- des jetons de présence ou d'identité, signe de reconnaissance. À Rome, ils datent de l'époque impériale (les plus anciens sont contemporains d'Auguste), et leur usage a été emprunté à la Grèce. Coulées en plomb, ces tessères eurent plusieurs usages :
- Distributions de blé : lors d'une frumentatio (distribution régulière) ou d'un congiaire (distribution extraordinnaire), l'identité du citoyen inscrit pour y participer était toujours attestée par un jeton, en échange duquel il emportait son dû. On distingue les tesserae frumentariae, donnant droit à une certaine quantité de blé, et les tesserae nummariae, donnant droit à une certaine somme d'argent. Aux congiaires particuliers des empereurs, depuis Auguste jusqu'à Claude, se rapportent des jetons en bronze, qui offrent au droit l'image du prince et au revers un chiffre indiquant sans doute une section de l'annone (les effigies des empereurs disparaissent de ces jetons après Commode). Les jetons de plomb servent, à la même époque, pour les frumentationes régulières et pour les congiaires donnés par des membres de la famille impériale. Aux distributions des empereurs et de l'État il faut ajouter celles qui furent faites par les soins des municipalités ou par de riches particuliers.
- Spectacles : pendant tout l'Empire on distribua régulièrement à la classe pauvre des jetons d'entrée pour les spectacles publics. La direction de ce service appartenait, sous les premiers empereurs, aux préteurs, qualifiés, dans cette fonction spéciale, de curatores ludorum. À partir de Claude, les jeux donnés par les empereurs eux-mêmes furent placés sous la surveillance de procuratores. Les plombs trouvés à Rome mentionnent plusieurs personnages qui ont été revêtus de l'une ou de l'autre charge. Un grand nombre des plombs portent des inscriptions qui en rendent l'attribution certaine, suivant qu'elles concernent le théâtre, la gladiature ou les chasses de l'amphithéâtre. Les courses du cirque forment aussi une série très abondante. Les types sont en rapport avec cette destination ; ce sont toujours des figures empruntées aux jeux publics, gladiateurs, cochers, chevaux, animaux sauvages, etc.
- Loteries : les tesserae missiles sont des bons de loterie lancés à la foule pendant le spectacle. Faits de bois, ils avaient souvent une forme ronde.
- Associations municipales de jeunes gens : ces associations émirent des tessères qui étaient des jetons d'entrée pour les jeux dont elles faisaient les frais. Quelques unes cependant ont pu servir à des distributions de vivres, payées sur leur caisse particulière.
- Corporations : les collèges et les sodalités ont employé des tessères de plomb soit pour constater la présence de leurs membres, soit pour les convier aux grandes fêtes civiles et religieuses de l'État, ou aux anniversaires qui leur étaient chers à divers titres. Représentant les attributs des métiers manuels, embarcations des bateliers, sacs des portefaix, poissons des pêcheurs, véhicules des voituriers, amphores des marchands de vin, etc., elles indiquent le mois et le jour de la fête où on devait les utiliser, ou encore le nom de la personne qui avait fourni les fonds nécessaires, et quelquefois la mesure de blé ou de vin à recevoir.
- Tessères des particuliers : certains jetons ont joué, dans diverses exploitations, le rôle d'une monnaie fiduciaire qui n'était d'aucune valeur au-dehors, mais qui, à défaut de la monnaie divisionnaire, trop rare dans la caisse, facilitait les comptes des gens de service pour les petits paiements.
- Tessera hospitalis, tessère d'hospitalité, signe d'identité : ces tessères permettaient de reconnaître un hôte, auquel on était lié par un contrat privé ou public
- Tessera militaris : tessère qu'un chef de troupe faisait circuler de main en main parmi ses soldats, pour qu'ils pussent se reconnaître entre eux et, en cas de doute, distinguer l'ami de l'ennemi ; c'était donc, comme les autres tessères, un signe d'identité ; il était utile surtout pendant les gardes de nuit. Le chef y inscrivait le mot d'ordre qui, le plus souvent, n'allait pas au delà d'une formule très courte, facile à retenir, destinée à être échangée à voix basse par les sentinelles ; quelquefois cependant la tessère pouvait porter aussi l'indication d'un mouvement à exécuter. Dans les légions romaines, c'était le légat qui donnait le mot d'ordre ; la tessère, remise par lui aux tribuns, était communiquée ensuite à chaque manipule et à chaque turme par un sous-officier, affecté specialement à ce service et désigné sous le nom de tesserarius. Après avoir fait le tour de toutes les compagnies, elle revenait aux tribuns par la même voie.
Source
« Tessère », dans Charles Victor Daremberg et Edmond Saglio (dir.), Dictionnaire des Antiquités grecques et romaines, 1877-1919 [détail de l’édition]
Catégorie :- Vie sous la Rome antique
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