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Syndrome des loges
Classification et ressources externesUne fasciotomie lors d'un syndrome des loges. CIM-10 M62.2, T79.6 CIM-9 729.7, 958.9 DiseasesDB 3028 MedlinePlus 001224 eMedicine emerg/739 MeSH D003161 Le syndrome des loges est une ischémie musculaire provoquée par une augmentation anormale de pression au sein d'une loge anatomique.
Ce syndrome anatomo-clinique est le résultat d’un conflit entre un contenant ostéo-aponévrotique inextensible et un contenu essentiellement musculaire extensible. Il s’observe chez l’enfant comme chez l’adulte. Il s’exprime sous une forme aiguë ou chronique. Ce qui suit a trait essentiellement aux formes aiguës, les plus fréquentes et les plus graves. La pathogénie est d’ordre mécanique, le traitement est également mécanique, c’est-à-dire chirurgical.
Sommaire
Historique
Il faut considérer que le premier en date des syndromes des loges a été décrit en 1872 par Volkmann[1]. Sa première observation concernait d'ailleurs le membre inférieur. C’est en 1967 que Leach, Hammond et Stryker[2] introduisirent le terme de compartmental syndrome traduit en français par syndrome des loges.
En réalité, le syndrome de Volkmann est la conséquence du syndrome des loges si celui-ci n'est pas traité par une intervention chirurgicale de décharge.
Classification des lésions
Rappel anatomique
Les membres supérieurs et inférieurs sont faits de loges musculaires, compartiments cloisonnés par des parois ostéo-aponévrotiques ou fibreuses inextensibles dont le contenu est accompagné d’éléments vasculo-nerveux. Toutes les loges topographiques peuvent être atteintes depuis la racine des membres jusqu’à leur extrémité, mais la jambe et l’avant-bras sont des sites électifs. Rappelons que la jambe comporte quatre loges et que l’avant-bras en comporte trois.
Facteurs déclenchants
Classification étiologique
Chez l’enfant
Les causes les plus fréquentes sont la fracture supra-condylienne du coude et la traction pour fracture du fémur.
Chez l’adulte
Les causes sont surtout des fractures fermées enclouées à ciel fermé, les fractures ouvertes refermées sous tension, les traumatismes des parties molles, les compressions prolongées par coma, overdose ou crush syndrome ainsi que les œdèmes post-ischémiques après réparation vasculaire, pure traduction d'un syndrome dit de revascularisation. Il peut également s’agir de contusions appuyées sans fracture.
Les cas particuliers
N'allons pas oublier les compressions iatrogènes : pantalons antichoc ou pose excessivement prolongée de garrot
Classification pathogénique
Les causes qui diminuent le volume de la loge
Ce sont les pansements constrictifs, les plâtres trop serrés, la fermeture intempestive d’une déhiscence aponévrotique ou même de la peau. Il faut y ajouter les brûlures du 3e degré entraînant une compression par l’escarre cutanée rigide.
Les causes qui augmentent le volume du contenu
Ce sont les surcharges œdémateuses, les infiltrats hémorragiques ou hématomes compressifs ou encore la combinaison de tels facteurs.
Donc, deux sortes de facteurs extrinsèques et intrinsèques qui peuvent parfaitement se conjuguer.
Dégâts anatomopathologiques
Contrairement aux formes chroniques, les formes aiguës se caractérisent par la non réversibilité de la souffrance tissulaire. Les lésions observées atteignent surtout les muscles et les nerfs.
L’atteinte musculaire
Jusqu’à la 4e heure, il y a inflammation, augmentation du poids du muscle progressivement croissant pour atteindre plus de 50% avec dégénérescence cellulaire débutante mais réversible. Après la 4e heure, les cellules vont d’autant moins survivre que le temps passe. Après la 8e heure, les dégâts sont quasiment irréversibles. Entre le 3e et 4e jour, il existe une dégénérescence myofibrillaire.
L’atteinte nerveuse
La première atteinte en date est sensitive. Celle-ci est très précoce : dès la 30e minute. La réversibilité est fonction de la durée ainsi que de l’importance de l’ischémie et de la compression. En cas d’irréversibilité, les lésions nerveuses sont, dans la règle, associées à des lésions musculaires sévères.
Physiopathologie
Description du processus local
Quelle que soit la cause du conflit, contenant trop étroit, contenu trop volumineux ou association des deux, la résultante est l’équivalent de la pose d’un garrot : garrot externe, garrot interne. Dans toutes ces circonstances, on observe une ischémie musculaire avec œdème et augmentation de volume du muscle provoquant une élévation de la pression intramusculaire résultant de la contre pression exercée par les parois inextensibles. Le flux sanguin capillaire diminue, ce qui aggrave encore l’ischémie d’où un superbe cercle vicieux auto-entretenu. L’association de l’ischémie musculaire à l’élévation de la pression au sein de la loge potentialise la souffrance musculaire. Heppenstall[3] a montré que la destruction cellulaire est en effet bien plus importante lorsque ces deux facteurs sont réunis qu’en cas d’ischémie isolée.
Conséquences générales physiopathologiques des lésions
Elles n’apparaissent, à vrai dire, que dans des circonstances bien particulières, le syndrome des loges s’intégrant dans un crush syndrome ou dans une ischémie aiguë vraie. L’ischémie musculaire libère de nombreux déchets toxiques : lactates, pyruvates, potassium, créatinine, myoglobine, ce qui provoque une acidose métabolique avec parfois insuffisance rénale aiguë.
Traduction clinique
Le syndrome des loges aigu
Ses circonstances d’apparition sont extrêmement variées.
Les signes cliniques
1 °) La douleur
Maître symptôme pouvant manquer lors d'un coma par exemple, elle est sans commune mesure avec la lésion causale. Elle est diffuse à type de crampe, elle est accrue par des manœuvres d’étirement passif (stretching test).
2 °) La sensation objective de tension de la loge intéressée pouvant aller jusqu’à la rigor mortis où le membre est de bois, s’apparentant à une rigidité cadavérique.
3 °) L’examen neurologique objective un déficit sensitif : paresthésie, puis hypoesthésie, anesthésie enfin, traduction clinique de l’ischémie nerveuse. Le déficit moteur concerne non seulement la loge intéressée mais aussi plus tardivement les muscles distaux innervés par les nerfs comprimés.
4 °) Le pouls est présent, signe capital d’un syndrome des loges, sauf dans deux circonstances bien particulières : d’abord si la PIM ou pression intramusculaire est supérieure à la pression systolique, ensuite dans les formes consécutives à une ischémie aiguë de type I de Holden[4],[5]. La persistance du pouls est donc un argument en faveur du diagnostic d’un syndrome des loges car elle écarte l’éventualité d’une urgence vasculaire mais la réalité n’est pas si simple. En dehors du fait que la présence d’un pouls doit rassurer, la distinction est parfois malaisée entre les trois entités suivantes qui peuvent même parfaitement coexister : occlusion artérielle, syndrome des loges et neurapraxie associée au traumatisme, cette dernière étant une sidération nerveuse non pas lésionnelle, mais fonctionnelle.
Les examens complémentaires
Le diagnostic, en cas de doute, peut être confirmé, affiné par la prise de la pression intramusculaire selon diverses techniques[6]. Le procédé de Whiteside est le plus simple, mais d'autres matériels sont sans doute plus pré-cis, comme les cathéters à mèches de Mubarak, les cathéters fendus de Rorabeck, le STIC cathéter de Mac Dermott, ou encore les solid state transducer intracompartment qui sont des cathéters à capteurs. Il est convenu d’affirmer le diagnostic quand la PIM qui varie normalement entre 0 et 8 mmHg, se situe au des-sus de 40 mmHg. En pratique, il vaut mieux mesurer la différentielle entre la PIM et la pression diastolique. Cette différentielle sonne l'alarme si elle est inférieure à 30 mmHg, ce qui est un seuil dangereux plus expressif que la simple valeur absolue de la PIM. L’expérience montre qu’en pratique, ces prises de pression sont loin d’être indispensables. L'auteur de ces lignes s'en est toujours passé pour le plus grand bien de ses opérés. En revanche, si le pouls en aval est aboli, un doppler ainsi qu'une artériographie s’imposent. la mesure de la pression veineuse s'avere indispensable dans certains cas.
Les formes anatomo-cliniques
Le syndrome de Volkmann
Article détaillé : Syndrome de Volkmann.Le syndrome de Volkmann[1] n’est pas à proprement parler un syndrome des loges. Il est en réalité la traduction des séquelles d’un syndrome des loges de l’avant-bras traduit par une rétraction ischémique des muscles fléchisseurs des doigts à laquelle s’associe le plus souvent une atteinte neurologique de la main.
Le tableau typique concerne un enfant, voire un adulte porteur d’une fracture du coude ou de l’avant-bras traitée par un plâtre trop serré, le plus souvent circulaire. Dès le diagnostic de syndrome de menace de Volkmann, l’ablation du plâtre s’impose. Dans les formes graves, une décompression chirurgicale peut être nécessaire. En cas de retard thérapeutique, les lésions musculo-nerveuses sont irréversibles. C’est le stade de nécrose, source de rétraction fibreuse où le membre est dans une position caractéristique : poignet fléchi, métacarpo-phalangiennes en hyperextension, interphalangiennes proximales en flexion. Le flexion du poignet autorise une extension des doigts, l’extension du poignet accentue la flexion des doigts invinciblement.
Divers auteurs ont proposé une classification selon la gravité de la rétraction. Seddon[7] et Tsuge[8] proposent trois stades de gravité croissante. Mais Zancolli[9] propose quatre stades en se fondant sur l'état des muscles intrinsèques. Selon la localisation, citons le Volkmann de la loge dorsale dont les signes sont inversés, le Volkmann du membre inférieur avec orteils en griffe. Le diagnostic différentiel ne devrait pas se poser s’il n’existait de faux syndromes de Volkmann, décrits par Postel et Baudet[10], en rapport avec une rétraction due à des adhérences post-traumatiques des muscles fléchisseurs et non pas à une ischémie.
Le syndrome de Bywaters
Ce syndrome décrit par son auteur en 1945 chez des blessés londoniens ensevelis lors de la deuxième guerre mondiale, survient aujourd'hui dans d’autres circonstances qui ne revêtent pas le même caractère dramatique : chez des myopathes, chez des drogués en over dose ou chez certains opérés installés longtemps dans des postures particulières en chirurgie colo-rectale par exemple[11]. Il est dû à un écrasement prolongé d'un membre avec compression lente des masses musculaires. C'est le crush syndrome ou crush injury. La gravité de ce type de syndrome est l'atteinte rénale toujours redoutée. Effectivement, si l'écrasement est prolongé, il persiste une menace différée dont la cible est rénale : c’est une véritable épée de Damoclès suspendue sur la fonction rénale, menace qui comporte plusieurs composantes.
- une composante hémodynamique. Au choc hypovolémique initial va succéder lors du dégagement d’un écrasé ou de la levée d’un garrot, une phase de revascularisation marquée par la libération de potassium et de myoglobine, le tout fonctionnant en anaérobiose doublée d'une acidose.
- une composante rénale spécifique ;
- une composante de coagulation. La CIVD ou coagulation intravasculaire disséminée, peut aboutir à une ischémie corticale rénale. La lésion rénale serait donc vasculaire et non pas tubulaire.
Au total, l’insuffisance rénale aiguë va favoriser la libération massive d’ions potassium, d’où hyperkaliémie majeure et risque d’arrêt circulatoire terminal.
Le syndrome des loges secondaire à une oblitération artérielle aiguë
Ce sont les lésions de type I de Holden[4],[5] avec ischémie d’aval, ce qui est très différent du type II avec lésion directe du muscle dans sa loge. Ce syndrome, tout comme le syndrome de Bywaters, peut se compliquer de manifestions rénales en relation avec l’ischémie. Celles-ci peuvent encore s’accentuer lors de la revascularisation aggravant à un degré supplémentaire le cercle vicieux. Le laboratoire montre une hyperkaliémie et une hypercréatininémie assorties d'une élévation massive des CPK.
Le syndrome chronique
Ses circonstances d’apparition sont totalement différentes. IL s’agit d’un syndrome d’effort chez un jeune sportif excessivement musclé. La douleur est ici aussi le maître symptôme. Elle est parfois l’équivalent d’une claudication intermittente avec nécessité d’interrompre l’effort. Le diagnostic peut être également confirmé par la prise des pressions. Certains cas peuvent évoluer vers une forme d’allure aiguë.
Traitement
Buts et principes
Le but du traitement est de réaliser une décompression de toute urgence. Le principe se résume en un mot : aponévrotomie. Aucun traitement médical n’est de mise. Les drogues sont non seulement inefficaces, mais dangereuses par la perte de temps occasionnée.
Indications thérapeutiques
Syndromes aigus
Syndrome aigu au début
Si la levée d’une compression extrinsèque telle qu'un plâtre ou un pansement, n’est pas immédiatement suivie d’effet, Il faut réaliser une décompression chirurgicale par aponévrotomie d’urgence.
Syndrome de Volkmann constitué
Au stade de séquelles invétérées, on a le choix entre une opération de Page-Scaglietti-Gosset [12],[13],[14] c’est-à-dire une désinsertion des muscles fléchisseurs des doigts et une opération de Seddon[7] qui consiste en une excision des masses musculaires infarcies.
Syndrome des loges avec ischémie aiguë
Dans ce cas, à l’aponévrotomie, il faut associer une restauration vasculaire
En cas d'écrasement de membre
Les dispositions qui précèdent ont toute leur place. Il s'y adjoint une antibiothérapie massive, une réanimation avec hémodialyse en cas de rein de choc, des excisions musculaires généreuses pour anéantir l'usine à potassium et éviter la pullulation microbienne tout en sachant que l'éventualité d'une amputation de sauvetage n'est jamais écartée.
Les buts thérapeutiques sont toujours les mêmes. Selon les vieux adages, il s'agit de sauver dans l'ordre : la vie, le membre, la fonction.
Syndrome des loges chronique
Il relève également de l’aponévrotomie que certains s'autorisent à réaliser à ciel fermé.
Considérations techniques[15]
En urgence
Il faut refuser tout geste sous-cutané. L'on commence par inciser la peau, puis l’aponévrose superficielle et éventuellement l’aponévrose profonde. Les tissus s'écartent d'eux-mêmes, laissant les muscles respirer à l'extérieur à la faveur d'une sorte de monstrueuse hernie.
Plusieurs techniques sont à disposition.
À la jambe, la voie longitudinale antéro-externe permet d'ouvrir les loges antérieure et externe, La voie longitudinale postéro-interne permet de décomprimer les deux loges postérieures. La technique de Matsen[16] décomprime les quatre loges par une seule incision externe, mais elle exige de désinsérer le soléaire de la fibula.
En pratique, la grande et longue incision postérieure est suffisante pour permettre aux muscles de respirer grâce à une libre expansion. Si d'aventure, la fermeture cutanée est possible, il faut se l'interdire et la remettre à plus tard. Ce ne serait là que la preuve d'une indication peut-être excessive qu'il ne faut sans doute pas regretter. En post-opératoire, éviter la surélévation qui abaisserait la pression systémique locale. Au membre supérieur, la décompression est une très longue incision sinueuse antérieure brachio antébrachio palmaire.
Une fois l'orage passé
La couverture cutanée est différée de quelques jours, par greffe de peau ou par suture après rapprochement progressif des berges de la plaie selon la technique du lacet de soulier[17]. L'on peut s'aider également de la technique VAC[18] ou vacuum assisted closure utilisant un film plastique transparent permettant une cicatrisation dirigée par pansement occlusif en pression négative.
L’oxygénothérapie hyperbare peut amoindrir l’œdème et la nécrose. Mais elle n'a qu'une valeur d'appoint. La prévention des attitudes vicieuses s’impose par des attelles de posture en se méfiant des escarres aux points d’hyperpression. C'est ainsi qu'il est toujours un risque d'escarre plantaire en cas d’attelle anti-équin.
En conclusion, les syndromes des loges sont d’allures anatomo-cliniques très variées. Ils peuvent :- survenir chez l’adulte ou chez l’enfant (Volkmann),
- évoluer sur le mode aigu ou chronique,
- s’accompagner de fractures ou non,
- s’observer avec des pouls conservés, mais pas obligatoirement,
- s’accompagner d’une ischémie distale ou proximale,
- se compliquer d’insuffisance rénale aiguë.
Notes et références
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- SEDDON H.J., Volkmann's contracture : Treatment by excision of the infarct, J.B.J.S., 38-B, 1956, 152.
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