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San-Antonio (série)
Pour les articles homonymes, voir San Antonio (homonymie).San-Antonio est une série de romans policiers rédigée par Frédéric Dard mettant en vedette le commissaire de police Antoine San-Antonio. Il n'est sans doute pas négligeable de préciser que le style de l'écriture, l'approche, les paradoxes, les anglicismes déformés, la langue précieuse et savante qui alterne avec l'argot et la verdeur de langage, ont été à la clef de la réussite de la série dans sa jeunesse. Il faudrait pour se faire se livrer à une analyse sérieuse, à la fois linguistique et historique, ce des débuts de l'œuvre à l'apparition de Bérurier et consorts, du passage du roman policier à peine atypique à la parodie gouleyante jusqu'à ce qui est maintenant. Une lecture psychanalytique de l'œuvre de Frédéric Dard n'étant pas du ressort d'une encyclopédie.
Sommaire
Historique
Réglez-lui son compte ! le premier roman de la série, paraît sous la signature San Antonio (sans trait d’union) en 1949, à 500 exemplaires, chez Jacquier, petit éditeur lyonnais. Il ne rencontre aucun succès, bien que l’aisance et la verve soient déjà présentes, notamment dans le deuxième épisode du livre.
Jeune éditeur, Armand de Caro découvre ce roman chez un bouquiniste. Il invite Frédéric Dard à le rejoindre, aux éditions Fleuve Noir. C’est là que paraît, le 5 décembre 1950, le deuxième San Antonio : Laissez tomber la fille.
Le trait d’union dans le nom de l’auteur apparaît parfois et disparaît ensuite, avant de s’imposer définitivement en 1958 avec Du poulet au menu.
À partir des années 1960, au fil des rééditions, l’éditeur remet au goût du jour les San-Antonio. Au grand désespoir des aficionados, les couvertures de Gourdon disparaissent. Les textes des années 1950 sont également réaménagés de façon plus ou moins heureuse, avec des télévisions et des DS 19 anachroniques. L’erreur la plus connue étant celle de J’ai bien l’honneur de vous buter (1955) où dans l’édition de 1971 figure, page 79, une DS 19 façon carrosse de Cendrillon redevenant, page 95, une Frégate.
En 1964, chaque volume frise les 200 000 exemplaires.
De 1964 à 2000, paraissent, hors collection, neuf romans de plus forte taille (L’Histoire de France vue par San-Antonio, Le Standinge de Bérurier, etc.), mettant en scène le commissaire San-Antonio, mais axés sur un humour délirant, "hénaurme" et, pour tout dire, sur Béru.
À partir de 1979, Frédéric Dard propose d’autres romans signés San-Antonio, où n’apparaît pas le commissaire du même nom[1].
Réglez-lui son compte ! le roman fondateur de la série, n'est édité au Fleuve Noir qu’en 1981.
En 1981, chaque volume se vend à près de 600 000 exemplaires.
La série écrite par Frédéric Dard, qui comprend 175 volumes, s’achève avec Céréales Killer, qui paraît en 2001, un an après la mort de l’auteur.
Le fils de Frédéric Dard, Patrice, reprend le flambeau en 2002 avec Corrida pour une vache folle, qui inaugure la série Les Nouvelles Aventures de San-Antonio (20 titres, à ce jour).
En 2003, apparaît un nouveau système de numérotation des volumes, qui respecte l’ordre chronologique. Un Guide de lecture inédit élaboré par Raymond Milési figure dans les dernières pages. Il comporte un précieux tableau de concordance entre les quatre systèmes de numérotation, ainsi qu’un guide thématique.
Évolution
Réglez-lui son compte ! (n° 1, 1949)
« Si un jour votre grand-mère vous demande le nom du type le plus malin de la Terre, dites-lui sans hésiter une paire de minutes que le gars en question s’appelle San-Antonio[2]. »
La première phrase de la série donne parfaitement le ton, et situe le narrateur. Il s’adresse au lecteur sans détour, comme il le fera tout au long des 175 volumes. Il est un costaud, assez imbu de sa personne, et très à l’aise. Il parle, il agit, il cogne, il tombe les filles sans la moindre gêne, comme le lecteur — prisonnier de son petit univers étouffant des années 1940 — aimerait pouvoir le faire. Le côté « dur à cuire » du personnage est très marqué, dans ce livre. Il faudra attendre Messieurs les hommes (n° 16, 1955) pour le retrouver si accusé.
Les deux premières pages fournissent d’autres précieuses indications, que la série ne démentira pas : San-Antonio n’aime guère l’Académie française, ni les « romans à la réglisse », il n’est pas un romantique, mais il a un faible pour les « poupées bien tournées[3] ».
S’inscrivant dans la lignée anglo-saxonne de romans narrés par une brute à la langue bien pendue (Peter Cheyney, Mickey Spillane — La Môme vert-de-gris est paru en France quatre ans plus tôt, et J’aurai ta peau deux ans plus tôt), ce livre a donc des allures de thriller venant piétiner le paisible jardin du polar traditionnel. S’il emprunte aux Anglo-Saxons, à Cheyney notamment, le ton décomplexé, la fatuité, la verve et l’humour, il leur donne déjà une coloration personnelle. Tous ces éléments — qui assureront les premiers succès de la série, et la feront évoluer vers un deuxième degré plus prononcé — répondent déjà présent dans ce premier livre. L’argot français est bel et bien là, quatre ans avant le Touchez pas au grisbi ! d’Albert Simonin. L’humour est déjà en pleine forme. Autre marque de fabrique, les métaphores se signalent déjà par leur originalité.
En fin de volume, on se trouve sans conteste dans un vrai San-Antonio, avec une verve étonnante. Tout paraît en place, dans ce premier livre, si ce n’est que l’univers sentimental du héros est bien dépeuplé. Manquent encore les personnages récurrents. C’est tout juste si Félicie pointe le bout de son nez, page 13 de l’édition Fleuve Noir.
Années 1950
Les premiers volumes de la série nous renvoient aux années de guerre ou d’immédiat après-guerre. San-Antonio s’y livre le plus souvent à des activités de résistance, d’espionnage ou de contre-espionnage (militaire ou scientifique). S'il commence à oublier la guerre dans Mes hommages à la donzelle (n* 4, 1952), il n’endosse résolument son rôle classique de policier qu’à partir du sixième volume, Des dragées sans baptême (1953).
L’humour (Mes hommages à la donzelle), la vivacité, l'entrain, la désinvolture (les 56 premières pages de Passez-moi la Joconde, n° 9, 1954) font sortir les San-Antonio du lot des polars, et attirent des lecteurs non familiers du genre. Les personnages récurrents apparaissent (Béru en 1953 dans le n° 7, Pinuche en 1954 dans le n° 13). Ils affirment peu à peu leur personnalité. S’il se plaît à dénigrer et à rudoyer cruellement ces deux acolytes, le commissaire ne cache pas sa tendresse, dans les moments dramatiques, pour « la gonfle » et « le débris ». Il gagne ainsi en humanité.
À partir de Bas les pattes (n° 12, 1954), une nouvelle plaisanterie va devenir récurrente et connaître beaucoup de succès : un Kama-sutra très personnel, feu d’artifice de dénominations saugrenues.
Années 1960
Béru impose sa masse considérable. Il gagne définitivement ses galons de superstar dans les hors-série, L’Histoire de France vue par San-Antonio (1964) et Le Standinge de Bérurier (1965).
Personnages
San-Antonio
Le commissaire a plusieurs casquettes : commissaire, donc, mais aussi agent secret, directeur de la police, romancier (San-Antonio écrit les romans dont il est lui-même le héros). On apprend très peu de choses sur lui en lisant ses aventures. Prénommé Antoine, du signe Cancer ascendant Sagittaire, il a suivi ses études secondaires au lycée de Saint-Germain-en-Laye. Anticonformiste doublé d'un bourgeois aux goûts de luxe affichés (toujours bien habillé et amateur de belles voitures dont il cite les marques), mais sans goût prononcé pour l'argent facile. Il a au contraire une grande honnêteté et probité et refuse de profiter personnellement des situations. Il réside à certaines époques au 103 rue de l'Église à Neuilly-sur-Seine (adresse que l'on découvre dans le roman Des clientes pour la morgue de juin 1953) et à d'autres dans le pavillon de sa mère à Saint-Cloud.
Physiquement, on ne sait pratiquement rien de lui sauf qu'il est brun et qu'il pèse 90 kilos. Tous les autres détails manquent, varient ou se contredisent au gré des aventures. Certaines couvertures des romans lui donnent un visage d'homme racé et fort. Il fut incarné à l'écran par Gérard Barray et Gérard Lanvin. Il a été dessinée par Henri Desclez, dans la série de bande-dessinée, scénarisée par Patrice Dard.
Félicie
Elle apparaît dès Laissez tomber la fille (1950). C'est la mère de San-Antonio, qu'il adore. Vieille dame douce et attentionnée, veuve depuis l'âge de 32 ans, Félicie est toujours là quand il passe la voir dans son pavillon de Saint-Cloud. Elle lui prépare des petits plats et s'occupe d'Antoine, dit Toinet, leur fils adoptif, dont le père naturel, Wladimir Kelloustik, a été tué avec sa femme lors d'un règlement de compte entre truands. Félicie est un personnage composite largement inspirée de Joséphine et de Claudia, dite « Bonne maman », respectivement mère et grand-mère paternelle de Frédéric Dard.
Bérurier
Natif de Saint-Locdu-le-Vieux (Normandie), Alexandre-Benoît Bérurier apparaît dans la série en 1953 (Des clientes pour la morgue). Inspecteur, il deviendra un jour inspecteur principal. C'est un équipier obèse, sale, impudique et ronchonnant, à la force herculéenne, dont le port négligé, le vocabulaire outrancier et la tenue repoussante ne gâtent pas le professionnalisme. Très porté sur les plaisirs charnels (et peu regardant sur leur qualité) et doté pour cela d'attributs impressionnants, ses surnoms sont nombreux : « Béru », « le Mastar », « le Gros », « Queue d'âne », etc. Son hymne personnel, qu'il chante régulièrement dans la série — ou du moins en entonne le début, ou le sifflote —, est Les Matelassiers, qui fait : « Cardons, cardons, car nous sommes matelassiers, car nous sommes matelassiers, mes frères ! Oui, nous sommes matelassiers[4]. »
Son épouse, Berthe (initiales : B.B.), est aussi un personnage important. Elle affiche plus de 100 kg sur la balance. Berthe ne cache pas son appétit pour la bonne chère et la bonne chair, à l'instar de son mari. Elle a toujours eu un faible pour San-Antonio. Parfois, c'est elle qui mène l'enquête. Bérurier est régulièrement cocufié par leur ami, le coiffeur Alfred (entre autres), ce qu'il feint d'ignorer.
Pinaud
César Pinaud apparaît en 1954, dans Deuil express. C'est un inspecteur chétif, radoteur et sénile, qui résout néanmoins certaines énigmes en dépit de (ou grâce à) son allure de « débris ambulant ». Ce nom aurait été inspiré de celui d'un libraire-soldeur qui avait repris le stock du premier titre de San-Antonio publié chez Jacquier, titre qui n'avait pas rencontré le succès escompté. Pinaud est affublé des surnoms « l'Amère Loque », « la brave guenille », « Baderne-Baderne », etc., dont le plus courant est « Pinuche » ou « le débris ». César Pinaud fera fortune dans la suite de la série en permettant à un fabricant d'après-rasage de tripler ses ventes grâce à une idée simple. Il continuera néanmoins à travailler dans la police, mais avec un train de vie fastueux : Rolls avec chauffeur pour aller au boulot, « escort girls » à gogo....
Mathias
Mathias dit aussi « la torche », « le rouillé », « le rouquemoute », est fonctionnaire de police et spécialiste des investigations scientifiques. Il est dans un premier temps un ami de San Antonio et finit par se brouiller avec lui, avant de se réconcilier. Il est père d'une douzaine d'enfants légitimes.
Marie-Marie
Elle apparaît pour la première fois dans Viva Bertaga (1968), le livre dont Berthe est l'héroïne. Nièce de Bérurier (du côté de sa femme), elle participe parfois aux enquêtes de son oncle et tuteur. Orpheline au visage plein de taches de rousseur et aux cheveux tressés (San-A la surnomme "Miss Tresses"), elle ne cache pas son amour pour le commissaire, et ce dès sa plus tendre enfance. Le commissaire et Marie-Marie deviennent amants (Ma Cavale au Canada, 1989), puis époux dans les tous derniers romans, et ils auront une petite fille (Antoinette).
Achille
Directeur de la Police française, c'est le chef de services qu'on imagine secret, sans plus de précision. Bien qu'Achille soit présent dans la série pendant plus de 45 ans (de 1949 à 1995) l'auteur n'a jamais approfondi la description du personnage, le laissant perpétuellement dans l'ombre. Archétype du responsable sévère la plupart du temps juste, chauve, flegmatique, racé, « classieux », voire élégant, mais vaniteux aux dires même du Commissaire San-Antonio. Il ne connaît et n'aime qu'une unique voiture : la Rolls-Royce, mais ne sait pas conduire, n'a jamais souhaité apprendre, et se fait conduire par son valet et chauffeur anglais (embauché avec l'achat de la voiture dès la fin de la guerre) pour ses moindres déplacements. Surnommé « le Vieux », « le Dabe »... il aime San-Antonio au point de le considérer de temps à autres (et très souvent pour l'amadouer quand San-Antonio se rebelle) comme son fils spirituel et le nomme même très souvent « mon fils ».
Son seul vrai défaut : s'attribuer face au ministre et au Président les succès de San-Antonio au mépris de celui-ci et sans le moindre scrupule, ce qui irrite profondément le commissaire à tel point qu'il lui présentera deux fois sa démission dans la série.
Sa marotte : il nomme toutes ses maîtresses « Mademoiselle Zouzou ». Sa boisson préférée est le Bloody Mary, boisson d'hypocrite selon San-Antonio qui en consomme néanmoins dans certains opus, avec beaucoup de Vodka.
Toinet
Le fils adoptif de San-Antonio, qu'il découvre bébé dans le roman Moi, vous me connaissez ?. Il est le fils naturel d'un truand, Wladimir Kelloustik. Le père et la mère de Toinet (son prénom est vraiment Antoine) meurent au cours de cette enquête. San-Antonio le ramène à Saint-Cloud. On peut penser que c'est Félicie qui l'a adopté. Au fil du temps, il suit les traces de son père, et développe aussi des talents de fin limier et de séducteur.
Jérémie Blanc
Inspecteur de police, l'un des principaux auxiliaires de San-Antonio. Devenu policier grâce à l'appui de San-Antonio, Jérémie Blanc est un ancien employé de la voirie de la ville de Paris. D'origine africaine, il est décrit comme grand et athlétique, à la peau très sombre, brillant, vif d'esprit et cultivé. Première apparition dans le roman de 1986, intitulé La Fête des paires. Bien qu'éperdument amoureux de sa femme, Ramadé, il n'hésite pas à faire de petits écarts de conduites au fil des enquêtes menées avec San-Antonio.
Monsieur Félix
Félix Legorgeon, professeur et misanthrope de son état, mis à la retraite anticipée à quelques mois de la retraite (il ne pouvait se retenir d'exhiber en classe son sexe dépassant en longueur celui déjà phénoménal de Bérurier). Il apparait de façon plus épisodique que les autres personnages, mais il lui arrive souvent de jouer un rôle actif dans ces histoires.
Voir aussi
Adaptations cinématographiques
- Sale temps pour les mouches, 1966.
- Béru et ces dames, 1968.
- San-Antonio (film, 2004).
Adaptation en bande dessinée
- Dans les années 1960 et 1970, Henry Blanc adapte les aventures du commissaire San Antonio sous la forme de comic strips dans le quotidien France Soir.
Notes et références
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