Sac de Béziers

Sac de Béziers
Sac de Béziers
Informations générales
Date juillet 1209
Lieu Béziers
Issue prise d'assaut de la ville
Belligérants
Armée croisés défenseurs de la ville
Commandants
Arnaud Amaury  ??
Pertes
peut-être 5 000
Croisade des Albigeois
(croisade des barons de 1209) 
Batailles
Béziers, Carcassonne

Le sac de Béziers, en occitan "lo chaple de Besièrs" ou "Grand masèl", est une opération militaire particulièrement meurtrière de la croisade des Albigeois et de l'histoire de France.

Sommaire

Le siège

Après que la prédication pour lutter contre l'hérésie cathare s'est révélée être un échec, et après l'assassinat de Pierre de Castelnau le 14 janvier 1208, le légat du pape Innocent III décide de lancer une croisade contre les Cathares. Le comte Raymond VI de Toulouse, chef d'une des régions atteintes par l'hérésie, ayant fait amende honorable et rejoint la croisade, les croisés décident d'attaquer les vicomtés de Béziers, du Razès, d'Albi et de Carcassonne, tenues par Raimond-Roger Trencavel.

Quand la croisade arrive à Montpellier, Raimond-Roger se présente et demande une entrevue avec Arnaud Amaury, abbé de Cîteaux et légat du pape. Il réaffirme son attachement à la foi romaine, et tente de négocier avec la croisade, mais le légat exige une soumission totale. Le jeune vicomte refuse, jugeant l'exigence inacceptable. Raimond Roger retourne à Béziers, la met en état de siège pour qu'elle puisse résister pendant au moins quarante jours[1], puis se dirige vers Carcassonne afin de réunir une armée de secours.

La croisade approche de la ville et Renaud de Montpeyroux, évêque de Béziers, tente une ultime médiation. Arnaud Amaury exige que les cathares lui soient livrés. L'évêque a dressé une liste de 222 noms d'hérétiques, mais on ne sait sur quels critères il s'est appuyé[2]. L'évêque fait remarquer les difficultés morales et matérielles de cette entreprise, et l'abbé de Cîteaux exige que tous les catholiques sortent de la ville pour ne pas partager le sort des cathares. La population et les consuls (ou capitouls) de la ville repoussent cette exigence, se sentant à l'abri dans la ville, et refusant de se désolidariser de leurs concitoyens[3]. Seuls l'évêque et quelques catholiques quittent la ville.

La croisade atteint la ville à la mi-juillet. Les fortifications paraissant trop solides pour être prises d'assaut, l'armée commence à s'installer et se prépare à un siège qui promet d'être long. Le 22 juillet 1209, la journée étant particulièrement chaude, des ribauds en profitent pour se rafraîchir et se baigner dans l'Orb. Quelques Biterrois, assez bravaches, les voyant s'ébattre dans l'eau sans armes, viennent les défier et les narguer, sortant imprudemment de la ville. Ils vont jusqu'à rudoyer un valet d'armes, et le jettent dans la rivière. Furieux, les ribauds ameutent d'autres soldats, ainsi que des pèlerins armés seulement de bâtons et de massues. Les Biterrois prennent alors peur, se replient dans la ville en désordre, incapables d'empêcher leurs poursuivants d'y pénétrer. Ceux-ci envahissent la ville et commencent à massacrer les habitants, n'épargnant même pas ceux qui se sont réfugiés dans les églises. C'est seulement à ce moment qu'Arnaud Amaury et les chevaliers sont avertis de la prise de la ville. Quand ils arrivent, c'est pour constater que le pillage a commencé. Ils tentent de chasser les ribauds de la ville. Pour se venger, les ribauds mettent alors le feu à la ville.

Bilan

Les chroniqueurs estiment le nombre de morts entre 15 000 et 22 000[4]. Le chroniqueur Pierre des Vaux de Cernay parle de 7 000 personnes massacrées dans la seule église Sainte-Madeleine. Ces chiffres sont manifestement exagérés, la population de Béziers à l'époque n'excédant pas 10 000 habitants[5]. Certains estiment le nombre de morts à la moitié de la population[6]. Le massacre de la ville de Béziers est entré dans l'histoire sous le nom de grand masèl (grande boucherie en occitan).

L'autre conséquence de la prise de la ville est que le vicomte Raimond-Roger Trencavel est paralysé dans son combat. Secourir Béziers n'a plus de sens, et il ne lui reste plus qu'à se retrancher dans Carcassonne pour attendre la fin de la quarantaine, mais le manque d'eau l'oblige à capituler le 15 août 1209. Ses vicomtés sont alors remises à Simon de Montfort.

Tuez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens

Lors de la prise de Béziers par la première Croisade des Albigeois, en 1209, le chef de la Croisade, Arnaud Amaury (ou Arnaud Amalric), légat pontifical et abbé de Cîteaux, déclare, selon le chroniqueur cistercien Césaire de Heisterbach : « Massacrez-les, car le seigneur connaît les siens  », que la tradition historiographique a transmis sous la forme légèrement modifiée de « Tuez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens »[7]. Cette citation est largement soumise à caution : seul Césaire, un moine allemand de l'abbaye cistercienne de Heisterbach, l'affirme dans son recueil Dialogues des miracles écrit entre 1219 et 1223, alors que les sources locales et contemporaines n'en soufflent mot[8].

Le déroulement du siège montre qu'Arnaud Amaury n'est mis au courant de la prise de la ville qu'après le début du massacre. Il ne peut donc pas donner les directives qui lui sont attribuées. Il faut cependant reconnaître que lorsqu'il exige au début du siège que tous les catholiques sortent de la ville pour ne pas partager le sort des cathares, il n'est pas très loin dans l'esprit de cette directive.

Selon Michel Roquebert, le massacre de la population aurait été prémédité, afin de susciter la terreur et faciliter la reddition des prochaines villes à assiéger[9].

Annexes

Bibliographie

  • Dominique Paladilhe, Simon de Montfort, Librairie Académique Perrin, 1988 (réimpr. 1997), 324 p. (ISBN 2-262-01291-1), p. 92-96 
  • Georges Bordonove, La Tragédie Cathare, Paris, Pygmalion – Gérard Watelet, coll. « Les Grandes Heures de l’Histoire de France », 1991, 462 p. (ISBN 2-85704-359-7), p. 129-136 
  • Jacques Berlioz , Tuez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens: Le massacre de Béziers (22 juillet 1209) et la croisade contre les Albigeois vus par Césaire de Heisterbach, Loubatieres, 1996, 133 p. (ISBN 2862662151)
  • Roger Caratini, « Les Cathares, de la gloire à la tragédie », L'Archipel, 2005, 332 p. (ISBN 2-84187-589-X).
  • Archives départementales de l'Hérault, 1209 : le sac de Béziers vu par ses contemporains, dossier préparé par Damien Vaisse, Montpellier, Conseil général de l'Hérault, 2009, 12 p., ill. (édition des témoignages du XIIIe siècle sur le sac de Béziers)

Notes et références

  1. En effet, les croisés ne devaient que la quarantaine, au service de la croisade, c'est-à-dire qu'ils devaient fournir quarante jours de service à la cause de la croisade. Si la siège dure plus longtemps, le légat Arnaud Amaury redoute des défections d'une partie de l'armée croisée.
  2. Il y a trois interprétations possibles de ce chiffre :
    • c'est la liste de tous les croyants,
    • ce sont uniquement les chefs de famille, ce qui donnerait une population d'un millier de cathares,
    • ce sont des membres du clergé cathare, auquel cas au moins le tiers ou la moitié de la population serait cathare
  3. L'un d'entre eux déclare : « Nous préférons être noyés dans la mer salée plutôt que de livrer nos concitoyens ».
  4. Le chiffre de 20 000 morts est cité dans le rapport que les légats adressent au pape Innocent III
  5. Colloque « Béziers ville occitane ? », 2006
  6. Source: Les cathares ouvrage collectif - MSM -
  7. Cette phrase est aussi attribuée à Simon IV de Montfort, mais à cette époque il n'est seulement un petit baron de la croisade, et loin d'en être le chef, possédant alors quelques villages dans l'actuelle Yvelines et ne pouvant se comparer en importance à d'autres croisés comme le duc de Bourgogne ou le comte de Nevers. Après le siège de Carcassonne et la quarantaine achevée, quand la plupart des croisés rentrent chez eux, Simon de Montfort accepte de continuer la lutte, et prend la tête de la Croisade.
  8. L'historien catholique Ph. Tamizey de Larroque, « Un épisode de la guerre des Albigeois », Revue des questions historiques, t. 1, 1866, p. 168-191, reproduit les diverses sources et conclut à l'inauthenticité de la phrase[1].
  9. Retour sur le Sac de Beziers

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