RAFFOUR

RAFFOUR

Raffour

Ville de Raffour

Raffour (IWAQUREN) est une ville de Kabylie, dite l’étoile. Le nom colonial était « les toiles » pour désigner le campement créé par les français à cet endroit et qui été destiné à accueillir la population d’Iwaquren, après avoir été déplacé de leurs terres situées au versant sud des montagnes de Djurdjura. La population a quitté ses terres dans des conditions très pénibles et a subi toute sorte d’exactions et de répression. L'occupation coloniale a incendié les foyers et toute leur possession après que leur terre ait été déclarée zone interdite. Tadarth IWAQUREN, connue comme étant un lieu de résistance très hostile à toute forme d’occupation et d’envahissement depuis la nuit des temps. Installée dans ce lieu, la population n’a rien changé de ses habitudes et coutumes, encore moins de son esprit revendicatif et militant pour la sauvegarde de son patrimoine culturel et social et surtout de son identité. Rattachée à la grande Kabylie située dans le centre de l'Algérie. Région berbérophone, située a l'Est de la wilaya de Bouira (10) ayant comme limitrophes la wilaya de Béjaia a l'est, celle de Bordj-Bou-Arreridj (sud-est) et Tizi Ouzou (au nord). Malgré la situation catastrophique qu’ont connu les familles des Iwaquren, dépourvue de toutes les conditions et de leurs terres, cela ne les a pas empêché de travailler dur et de construire à nouveau leurs foyers et d’enfanter des hommes et des femmes distingué(e)s dans tous les domaines. On les retrouve aussi bien dans la science, la politique, le militantisme, la culture, le social et bien d’autres. Ce lieu a enfanté des héros aussi bien au rang politique, culturel que révolutionnaire; Le lieutenant Amarouch Mouloud en est un bon exemple.

Sommaire

Histoire

Iwaquren, village connu communément sous le nom de Raffour, est parmi les agglomérations les plus importantes de la commune de M’chedallah. Situé à deux kilomètres au sud de la ville et traversé d’est en ouest par la RN/26, il compte plus de 10 000 (dix mille) habitants. Hormis les lotissements de création récente, l’ancienne cité ne possède à ce jour aucun statut (actes de possession).

C’est un village qui est connu surtout par son passé révolutionnaire, mais aussi par une cohésion sociale qui se transmet de génération en génération. La pérennité de ses us et autres traditions ancestrales est assurée par une structure appelée : “Tajmaât N Laârch Iwaquren”.

Origine Iwaquren

Pour en savoir davantage sur les secrets de cette organisation sociale et solidarité entre villageois, nous nous sommes rapprochés des membres de ce comité (Tajmaât) qui ont bien voulu répondre à toutes nos questions. En effet, le premier point soulevé est relatif à la nomenclature du village : “D’où vient le mot Waqur ? “A défaut de manuscrits, jadis, l’histoire se transmettait de bouche à l’oreille. Si on se fie bien sûr aux dires “N yemgharen”, on peut définir ce mot comme étant “un homme de sagesse et de parole”, ou tout simplement “Argaz B Bawal”. Cette définition est inspirée d’un oiseau appelé “Waqur”, qui a un bon son et qui vit dans les hautes montagnes. Et dire que notre village, ou “Taddart Iwaquren” (Tzimit) était jonchée au pied du Djurdjura. Voilà ce que je peux vous dire à ce sujet”, nous dira un représentant du comité. Notons que la première loi relative à la transcription des Algériens par l’administration coloniale remonte à l’année 1882. Elle a été catégoriquement refusée par les autochtones. Il a fallu attendre l’année 1890, pour voir les Algériens enfin accepter cette loi, sous peine d’être dénaturés. Quant aux origines de ce “Aârch”, un autre interlocuteur, nous répond : “Les premiers habitants qui ont constitué le noyau de notre “Aârch” se sont installés dans une éminence au sud-est de la majestueuse montagne du “Djurdjura”, connue sous le nom de “Tizimit”. C’était le lieu le plus élevé et stratégique à l’époque. Après, et pour des raisons sociales, économiques et sécuritaires, les habitants que cette aire n’arrivait plus à les contenir, ont pensé à l’extension “N Tadart”. C’est pourquoi certains se sont rendus à l’est, et avaient formé ce qu’on appelle aujourd’hui “Taddart Lejdhidh”, les autres se sont retournés vers le sud N tzimit pour former “Ighzer Iwaquren”. De nos jours, il reste encore des vestiges de cet ancien village (Tzimit)”. A la même époque, et pour fuir les hivers très rudes de la haute montagne, les grands éleveurs louaient des terres, qu’ils ont d’ailleurs achetées à longueur d’année, aux lieux dits “Tinswin”, “Aharrach” et “Adrar Séggane”. Il faut le signaler, l’économie d’un foyer kabyle dépendait à l’époque de l’élevage et du travail de la terre avant l’avènement de l’immigration qui remonte au début des années 1900, pour ce village plus précisément.

Immigration et résistance aux occupants français

Le relief montagneux du village et les rudes conditions de vie ont poussé les habitants de l’époque à émigrer, dès 1912 vers la France, mais aussi, vers d’autres villes de l’intérieur du pays, comme Alger, Constantine et Annaba, à la recherche du travail. Ensuite, vint la Première Guerre mondiale, et à l’instar de tous les jeunes algériens, ceux de ce village étaient eux aussi recrutés d’office pour renforcer les rangs des Alliés contre les Nazis. La plupart de ces anciens combattants n’ont pas rejoint le village après la fin de la guerre, ouvrant ainsi le chemin de l’immigration aux autres. En sus de son apport purement économique permettant une nette amélioration des conditions de vie des villageois, cette immigration massive a permis de raviver l’esprit nationaliste parmi la population du village. En effet, en revenant au “bled”, ces immigrés qui avaient la chance de côtoyer des intellectuels et des politiciens avaient contribué à inculquer de nouvelles idées libératrices et révolutionnaires, parmi les citoyens. D’ailleurs, les résultats de cette sensibilisation ne se sont pas faits attendre, puisque en 1942, le aârch a enregistré ses premiers prisonniers d’opinion. Trois ans plus tard, soit en 1945, et suite aux crimes de guerre commis par les sanguinaires français, à Sétif, Guelma et Kherrata, la “Djemaâ” du aârch a décidé d’apporter secours aux rescapés de ce massacres sans nom. Tous les fellahs ont été, en effet, invités à verser une part de leur récolte acheminée par une caravane. Notons aussi, que bien avant cette date, la population avait pris part à toutes les insurrections tel que la bataille d’Icheridhen.

Le village et la révolution de 1954

Avec 136 martyrs, et plus d’une centaine de veuves et autant d’orphelins, “L’aârch Iwaquren” a payé un lourd tribu de 1954 à 1962. Il a, en effet, été victime de la politique de “la terre brûlée”, en 1957. Le relief montagneux et la position géostratégique de la région ont fait d’elle un véritable fief et zone de repli pour les moudjahiddine, qui ont trouvé soutien et la protection la plus totale de la population locale. Pour couper toute relation entre les villageois et les éléments de l’ALN (El Djich), les soldats de Bigeard n’ont trouvé de mieux que de raser complémtement les villages de la carte et d’éparpiller la population. Ils ont brûlé d’abord Ighzer Iwaquren, le 6 mai 1957, avant que le deuxième village, Tadart Lejdid subisse le même sort, le 4 novembre de la même année. Les habitants ont été hébergés chez d’autres villageois de la région. Le territoire a été décrété zone interdite. Mais connaissant le caractère rebelle et révolutionnaires des citoyens d‘“Iwaquren”, cette politique de la terre brûlée ne les a pas empêchés, même dans de telles conditions d’apporter aide et soutien aux éléments de l’ALN. Alors, l’administration coloniale a décidé, en 1958, de les rassembler dans un camp de concentration entouré de barbelés (camps de toiles), d’où le nom actuel du village “L’étoile”, connu aussi sous le nom de Raffour, après l’indépendance.

“Tajmaât n laârch” et son rôle dans la cohésion sociale

Tahjmaât, cette structure propre aux villages kabyles a toujours existé depuis la nuit des temps et se transmettait de génération en génération. En effet, Raffour est, de nos jours, parmi les rares villages de la vallée où le comité garde encore sa crédibilité et exerce ses prérogatives d’antan. Ecoutons les explications d’un représentant du aârch, à ce sujet : “Si on revient un peu en arrière, cette structure remplaçait, jadis, l’administration et la justice coloniale. A l’époque aussi, le nombre d’habitants était très limité, au point où les “Tamman” (représentants des tribus), les connaissaient par cœur, comme “Tajmaât (place publique- était le seul lieu de rencontre pour les villageois, après les besognes quotidiennes. Les jeunes n’avaient pas le droit à la parole par humilité et respect aux aînés. Aussi, les décisions prises étaient indiscutables, et le nombre de gens instruits était vraiment très minime”. Aujourd’hui, certes, tout a changé. D’abord, il y a le facteur démographique, où le village compte plus de 10 000 habitants. Et puis, le citoyen est influencé de toutes parts : la parabole, l’école et les libertés individuelles sont garanties par la loi. Mais pour éviter d’éventuels conflits de générations, et assurer la pérennité de cette structure ancestrale, certaines précautions sont prises lors de l’élection des sages du aârch. D’abord, les membres sont élus démocratiquement et dans la transparence totale. Ils sont ensuite plébiscités sur fond de “averrah” (la criée). La force de cette structure réside aussi dans son caractère apolitique. Chaque délégué doit obligatoirement “oter sa casquette politique” à l’intérieur de Tajmaât”. Il y a toujours l'intérêt suprême du aârch qui prime. Notre interlocuteur ajoute : “L’autre point rénovateur qui fait la particularité de notre village, est la composante de ce comité. On y trouve des vieux, des jeunes, des intellectuels. Comme ça, chaque catégorie sociale est représentée. Ce comité, en effet, s’efforce de communiquer avec les jeunes, et d’être toujours à leur écoute.Voilà, grosso modo, comment notre “Tajmaât” arrive en ce début du troisième millénaire à exercer une tutelle morale sur toutes les activités au sein du village, et à se faire respecter de tous”. Bien sûr cette “Tajmaât” est régie par une réglementation interne propre au village, avec toutes ses spécificités. Cet ensemble de règlements est soumis à l’approbation populaire avant son application. L’existence de cette structure n’exclut nullement le travail associatif, où pas moins de sept associations activent dans le village dans des domaines différents, et selon des programmes bien définis. Les sages exercent sur elles (les associations) un pouvoir moral, qui consiste essentiellement à préserver l’intérêt suprême du village, et, à veiller sur la cohésion sociale et prévenir d’éventuels conflits. Tajmaât du aârch contribue aussi au désenclavement du village, et ce en organisant des volontariats (Tachemlit), que se soit à Raffour, ou dans l’ancien village Iwaquren : l’organisation de Timechret, la circoncision gratuite pour nécessiteux : la distribution de denrées alimentaires et d’articles scolaires, organisation des cours de soutien pour les classes d’examens, tenues de conférences liées essentiellement aux fléaux sociaux, et bien d’autres activités d’utilité publique. Mais le rôle primordial “N tajmaât” reste le règlements des conflits à l’amiable.

Préoccupations et attentes des villageois

En sus de certaines demandes liées à la réalisation de nouvelles infrastructures (bibliothèque, lycée, polyclinique, complexe sportif, etc.) ainsi que la modernisation et l’aménagement des biens existants, ce qui préoccupe sérieusement les membres “N tajmaât du aârch, c’est bien l’extension futur du village ; qui selon les données actuelles est pratiquement impossible. A ce propos l’un des membres du aârch explique : “On est vraiment cernés de partout. A l’ouest Soummam au sud, des propriétés privées, mais aussi par des terres agricoles, où l’usage du béton est interdit. Vraiment on étouffe. Imaginez un adolescent qui sort de chez soi. Il se trouve automatiquement dans la rue, aux cafés, sinon il gêne tout simplement. Tout ça bien sûr en absence d’aires de distractions, de jeux, et d’autres infrastructures adéquates. Le résultat est clair. Ce pauvre adolescent ou jeune est une proie facile et intègre facilement le rayon des fléaux sociaux (drogue, toxicomanie, délinquance). Sans oublier le problème du logement, du mariage, du travail, etc…”. Enfin, les habitants de ce village révolutionnaire, à travers “tajmaât n l aârch” lancent un appel de détresse aux autorités compétentes de la wilaya afin qu’elles prennent des mesures et dispositions urgentes pour trouver une issue à ce problème d’extension en matière d’infrastructures publiques et socio-éducatives, dont les conséquences seront graves et désastreuses dans les années à venir.

Enchantements et désolations des Iwaquren

Sur l’une des parties les plus ouvertes de la haute vallée de la Soummam et des deux côtés de la route, se dresse le village de Raffour, une agglomération de presque quinze mille habitants, faisant partie de la commune de M’chedallah. Un village aux trois noms- Raffour, L’Étoile et Iwaquren- mais à la beauté et à l’harmonie uniques. La vivacité et l’hospitalité de sa population ont fortement déteint sur le cadre de vie, l’activité commerciale et la solidarité agissante entre les habitants. Elle est citée comme agglomération modèle au niveau de toute la wilaya de Bouira.

Raffour est nourrie par un mythe généalogique qui, dans la pratique quotidienne, prend les dimensions d’une réalité palpable. Il s’agit de l’histoire du aârch d’Iwaquren qui trouve toute son _expression et son prolongement dans cette plaine de l’Oued Sahel.

A l’origine, il y avait les deux villages de la montagne : Ighzer et Taddart Lejdid, situés tous les deux sur le versant sud du Djurdjura et distants l’un de l’autre d’environ deux kilomètres. Avant la guerre de Libération nationale, la vie des populations de ces deux villages était d’une harmonie et d’une organisation exemplaires. A Raffour, tous les vieux s’en souviennent, et tous les jeunes le rappellent dès qu’une occasion se présente. Mieux, ces jeunes qui n’ont pas connu la guerre ont tout fait pour perpétuer la tradition dans les quartiers de la ville de Raffour. Le déplacement des populations des Iwaquren sur la plaine de Raffour a eu lieu dans la douleur et le drame des bombardements de l’armée française. C’était en 1957. L’un après l’autre, les deux villages se vidèrent de leurs habitants. Ces derniers rejoignirent l’actuel site de Raffour où était implanté un camp de toile de l’armée française. Et c’est pour cette raison que, par un glissement phonétique, la future ville prit le nom d’ ‘’Étoile’’ (Camp de toile).

Les deux associations Ighzer et Taddart qui animent la vie locale tiennent à perpétuer la mémoire et les précieuses traditions des anciens Iwaquren. Solidarité, actions tendant à améliorer le cadre de vie et célébrations grandioses de certaines fêtes dans la pure communion d’antan sont les quelques traits qui caractérisent ces deux organisations de la vie civile de la ville de Raffour. Nous eûmes à le vérifier sur place lors de la célébration de la fête de l’Achoura qui revêt ici un caractère particulier. Sacrifice de plusieurs veaux acquis par un système de cotisation et par des dons venant d’âmes charitables, distribution de viande pour les foyers selon le nombre de membres qu’ils comptent, circoncisions collectives, animations festives et cérémonies d’invocations et de prières publiques.

Ici, la vie associative n’est pas un vain mot. Les organisations de ce genre servent aussi d’interface entre la population et les pouvoirs publics dans plusieurs secteurs d’activité et les différents programmes de développement.

Le destin singulier d’Ighzer

L3inser eg ighzer

L’un des plus élevés hameaux de ce versant de Lalla Khedidja, 1 000m d’altitude, et l’un des plus retirés de la daïra de M’chedellah, Ighzer Iwaquren se love dans un cône de déjection d’Assif n’Taghzout, ramassé autour de petites parcelles de montagne. Assif n’Taghzout descend directement du point culminant de l’Algérie du nord, le sommet de Lalla Khedidja(2 307 m). Situé à 8 km du chef-lieu de commune de Saharidj, Ighzer occupe le coude le plus aigu du CW 9 au niveau du pont sous lequel coule l'eau limpide d'Ighzer iwaquren. A l’approche d’un grand virage en fer à cheval, au-dessous duquel passe Ighzer n’Taghzout qui prend naissance du sommet de Lalla Khedidja et se prolonge par Ighzer Iwaquren, apparaît le petit village d’Ighzer engoncé dans des bosquets et des vergers. De ce fait, les maisons, abandonnés au cours de la ‘’décennie rouge’’, se devinent plus qu’elles ne s’exhibent au visiteur. Les pans de murs sont à peine aperçus au travers des vastes frondaisons de frênes et de chênes. Un contraste fort remarquable par rapport à la plaine de M’chedallah : ici, l’eau coule de partout ; elle suinte des talus et des petits escarpements dressés au-dessus des fossés pour imbiber de son humidité une litière épaissie par la chute des feuilles. Comme son nom l’indique, Ighzer (rivière) est situé sur les deux berges de la rivière torrentielle descendant de Lalla Khedidja. Ses habitants, qui sont une autre fraction du aârch Iwaquren, ont fondé, avec ceux de Taddart Lejdid, la nouvelle ville de Raffour, dans la plaine de l’Oued Sahel. Cela s’est passé en 1957 après le bombardement des deux villages par l’armée française à six mois d’intervalle.

Ces pâtés de maisons auxquels on n’accède que par les chemins qui montent sont subrepticement dissimulés sous les denses frondaisons de chênes verts, figuiers et cèdres.

Le visiteur qui se destine vers cette contrée ne peut vraisemblablement pas imaginer la vie, l’humeur et l’allure qui étaient celles d’Ighzer il y a un peu plus d’une dizaine d’années.

La matrice de la tribu des Iwaquren était un village bien accordé aux harmonies de la nature, à la musique de l’eau qui glougloute sur les chutes herbeuses, à la verdure tapissant terre et toitures et aux bruissements discrets de la brise sifflotant entre les aiguilles des cèdres. Les sentiers pédestres tracés entre les arbres et les carrés de légumes portaient les traces des troupeaux et des plantes des pieds de femmes marchant pieds nus pour se rendre à leurs jardins potagers ou à la cueillette d’olives en hiver. Des grappes de raisins Hmar Bou Ammar pendaient sur les lisières des sentiers dans un bel élan dessinant un geste d’offrande.

En été, une lumière tamisée par les frondaisons enchevêtrées pleut doucement sur le sol généreux d’Ighzer. Même le son des cigales qui craquettent se trouve adouci par les musiques diaprées de l’eau qui coule et de la brise qui souffle. En hiver, le froid et la neige qui deviennent maîtres des lieux trouvent en face d’eux des chaumières fumantes et des hommes défiant les éléments de la nature pour se rendre à la chasse sur les façades de Tizimis et d’Ighil Arkegoum. Certes, le village ancestral était plus important et plus peuplé, cela avant qu’une partie de la population n’aille fonder, dans la plaine est de l’ex-Maillot, l’agglomération de Raffour. Cependant, jusqu’au début des années 90, la vie et l’activité avaient un rythme soutenu et un charme discret propre aux patries de labeur et d’authenticité.

Ighzer se réveille en 2000 avec une population expatriée, le plus souvent vers Raffour, et une gueule de bois caractérisant les lendemains d’un vertige inattendu. Les années de terreur intégriste qui ont marqué la RN 30 (M’chedallah -Tizi Ouzou par Tizi n’Kouilal) ont instauré de nouveaux comportements, fait fuir des habitants de leurs foyers et dégarni ainsi des contrées entières de ce qui était la sève et la substance de la montagne. Aujourd’hui, Ighzer Uwaqur voit ses anciens habitants le visiter pour les travaux des champs ou pour une tâche particulière. Une grande partie d’entre eux se sont installés ailleurs. Les sentiers s’obstruent peu à peu avec des rideaux de ronces ou d’asparagus. Les arbres fruitiers non entretenus crient leur détresse de ne pas être regardés comme jadis. Les demeures sont fragilisées. Il faut dire qu’avec le déplacement des populations, de nouveaux besoins surgissent (services, école, santé, transport,…). Ce qui rend la réinstallation des foyers plus délicate.

Au silence hébété du visiteur scrutant de tous côtés une présence humaine, répond une sensation de vacuité solennelle, de vide cosmique au pied de Lalla Khedidja.

Taddart Lejdid

vue de iwaquren en neige

Sur le versant sud du Djurdjura, au pied d’Azrou Madène, se dresse le village de Taddart Lejdid, à 1 050 m d’altitude. Le site semble suspendu entre ciel et terre avec un contraste de couleur qui fait défiler le vert des terres herbeuses cultivées par une branche des Iwaquren et le gris blanchâtre des façades rocailleuses du Djurdjura. A cela s’ajoute, bien sûr, le bleu azur du ciel dégagé de ces journées ensoleillées. Le chemin qui dessert la localité à partir du chef-lieu de commune de Saharidj paraît interminable en raison de son état dégradé et des circonvolutions imposées par un relief montagneux. Une dense chênaie forme un tapis continu sur la partie haute de la route et qui se prolonge, vers le sommet de Lalla Khedijda, par une cédraie dont les arbres ont plusieurs siècles d’âge. Des carottages effectués par des spécialistes ont révélé que certains sujets datent de l’époque de Massinissa et de Jugurtha, c’est-à-dire 21 siècles.

Nous sommes dans le territoire du Parc national du Djurdjura (PND) qui s’étale sur les deux wilayas de Bouira et Tizi Ouzou avec une superficie de 18 500 hectares. Le Parc est classé comme une réserve de la biosphère. Tout le long de la route, des panneaux invitent les visiteurs à respecter la nature en évitant le dépôt d’ordures et la chasse.

Arrivés au niveau de Taddart Lejdid, nous pouvons admirer de loin tout le panorama de la vallée du Sahel (sur l’axe Ahnif-M’chedellah-Raffour) et les monts et monticules de Beni Mansour et Beni Abbes (sur les hauteur d’Ighil Ali, wilaya de Bgayet). Une piste fort pentue et rocailleuse bifurque vers le haut et traverse les propriétés des Iwaquren de Taddart Lejdid. Nous avons l’impression de revivre le tableau présenté par Mouloud Feraoun dans la première page de La terre et le sang. Les véhicules montent péniblement ce tronçon de piste jusqu’au point où un éboulement, datant de l’hiver passé, met fin à tous les espoirs de continuer son chemin. C’est au niveau de cet endroit précis que nous avons pu découvrir une partie endommagée de l’ancien canal d’irrigation, terga, datant approximativement d’un siècle. A ce niveau, la conduite est enterrée avec des buses en ciment. Plus loin, des tronçons entiers sont à découvert, ce qui nous fait penser aux anciens aqueducs romains.

Le jeune membre de l’association Taddart, en compagnie d’un autre membre assez âgé, nous explique que ce canal est synonyme de vie ici à Taddart Lejdid. Son itinéraire n’a pas changé depuis qu’il fut tracé par un aïeul paysan pour desservir le maximum de parcelles et lopins de terre appartenant aux familles de Taddart. Suite aux dommages qu’il a subis ces dernières années, cet aqueduc a bénéficié d’une enveloppe financière pour sa réfection dans le cadre des projets de proximité initiés par le ministère de l’Agriculture.

Cependant, au vu de la faiblesse du montant qui lui est alloué, cet ouvrage voit sa réalisation compromise. Et pourtant, sa nécessité ne se discute pas. C’est le moyen idéal d’acheminer, par un système gravitaire peu coûteux, l’eau de la montagne vers les vergers. En tout cas, les gens tiennent encore à venir à partir de Raffour entretenir leurs arbres, bêcher, tailler, débroussailler et essarter.

Le vieux de Taddart Lejdid qui nous a accompagnés sur tout l’itinéraire de la marche insiste pour dire que la partie la plus importante du canal se trouve à Tigwdaline, la source même qui l’alimente. Elle est située au bas de Tizi n’Ath Ouabane, dans une sorte de dépression conique. Aujourd’hui, l’eau qui en jaillit se déverse presque en pure perte dans le talweg. En cours de route, éreintés par une montée de chemin pédestre qui ne veut pas prendre fin, nous nous arrêtâmes au bord d’un portail qui clôt la grille d’un verger verdoyant. Ammi Ahmed nous héla de loin pour nous inviter à visiter son jardin. Au bout de quelques marches bétonnées après le portail, nous mîmes les pieds dans un endroit féerique où la frondaison des figuiers, pommiers, cerisiers, poiriers joint ses couleurs et ses fragrances à l’humidité ambiante et aux ombrages à peine inquiétés par de fluets rais de lumière.

Ammi Ahmed, un retraité des champs pétroliers du Sud, a mis toute son énergie dans ce champ où il a semé beauté, richesse et magnificence. Une curiosité s’impose au premier visiteur qui s’engouffre dans ces galeries végétales : en captant une source, Ammi Ahmed lui construit un bassin assez volumineux avec une vasque longiligne où se déverse l’eau conduite dans un tuyau galvanisé. Le bassin est couvert d’une dalle en béton sur laquelle il a construit une chambre où il se repose d’un repos mérité après les durs travaux des champs. Un de nos compagnons fit la remarque : ‘’on ne peut avoir meilleure climatisation en ces journées caniculaires’’. En effet, toute la fraîcheur du bassin situé dans l’étage inférieur monte vers le parquet de la chambre d’en haut.

L’œuvre de Ammi Ahmed va plus loin et ne cesse d’impressionner l’équipe venue faire le diagnostic du canal qu’il faut coûte que coûte rénover. La treille de la vigne est construite avec des poteaux à étriers, enfoncés et bétonnés de façon à soutenir les charges les plus lourdes. Le cerisier forme un verger tellement dense et ombragé qu’il prend les aspects d’une véritable forêt. Sur une petite clairière gorgée d’humidité, Ammi Ahmed cultive le fraisier. Un peu plus haut, le laurier-sauce prend place entre deux cerisiers et tend ses feuilles dentées à qui veut en cueillir. Un autre versant du champ est complètement réservé au figuier, arbre roi des vergers de Taddart Lejdid. La marche continue vers les hauteurs du Djurdjura.

En face, le versant de Takerboust impose son panorama par l’envergure du village qui, dit-on, est le plus peuplé de Kabylie. Selloum et Tiksighidène montrent leurs pitons bien en bas des lieux sur lesquels nous voguons ; cette vue aérienne nous donne d’ailleurs l’impression d’être embarqués dans un avion. Au-dessus de Laînser n’Lgazuz, la façade de la haute colline présente une plaie qui a défiguré le beau maquis de chênes verts qui tapissait naguère toute cette étendue ; il s’agit d’un incendie qui a noirci le paysage et qui commence déjà à provoquer des éboulements de rochers et de pierres vers la rivière.

Au regard de la disponibilité et de la fougue que manifestent les Iwaqurène pour le travail des champs et lorsqu’on constate de visu tout l’attachement qu’ils montrent à la terre ancestrale, l’on reste pantois devant cette triste vérité à laquelle les populations sont réduites : elles n’y habitent pas ! Tout le monde ici souhaite l’établissement des conditions décentes de vie (aide à la construction, électrification, mobilisation des ressources hydriques, pistes rurales et autres projets de développement créateurs d’emplois). Le projet de proximité initié en 2003 à Taddart n’est qu’un début qui, nécessairement, en appelle d’autres.

Coordonnée GPS :36°21′09″N 4°17′13″E / 36.3525, 4.28694.

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