- Production expérimentale de savon humain dans l'Allemagne nazie
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Pendant la Seconde Guerre mondiale plusieurs scientifiques allemands du Troisième Reich tentèrent une production expérimentale de savon humain. La production en fut très limitée, et attestée de façon étayée seulement dans le cas de Rudolf Spanner. Au début du XXIe siècle, ce thème reste un sujet sensible : les négationnistes de la Shoah prétendent que les historiens seraient revenus sur une opinion qui aurait été la leur, à savoir que du savon aurait été fabriqué industriellement à partir des cadavres des Juifs assassinés. Il se trouve toutefois que les historiens, au contraire de Simon Wiesenthal, n'ont jamais adhéré à une telle thèse de fabrication industrielle de savon humain et s'en sont toujours tenus à la réalité : celle d'une expérimentation très limitée[1].
Sommaire
Histoire
L'affirmation selon laquelle les Allemands utilisaient la graisse de cadavres humains pour fabriquer des produits avait déjà été avancée par les Anglais pendant la Première Guerre mondiale. The Times écrira en avril 1917 que les Allemands faisaient bouillir les corps de leurs soldats morts pour en faire du savon et d'autres produits[2]. En 1925, le ministre d'affaires étrangères britannique, Austen Chamberlain, admit cependant que l'histoire de « l'usine à cadavres » était entièrement imaginaire[3].
La même assertion resurgit très vite durant la Seconde Guerre mondiale, trop tôt pour que les allégations soient fondées. Toutefois, des blagues, menaces, rumeurs et insultes de l'époque montrent que beaucoup de monde les pensait vraies. La principale source de ces rumeurs était la croyance que les lettres RIF, imprimées sur chaque brique de savon en Allemagne, étaient un sigle signifiant Reines Jüdisches Fett (« Pure graisse juive ») ; ces initiales correspondaient à Reichsstelle für industrielle Fettversorgung (« Centre national pour l'approvisionnement industriel en graisse »).
Plus tard, quand des cadavres humains furent effectivement exploités pour en tirer des matières premières (les cheveux comme feutrine ou matériau d'isolation, par exemple), il y a des indications selon lesquelles certains scientifiques allemands ont fait des expériences sur la production de savon à partir de graisse humaine. En 1943-1944, le professeur Rudolf Spanner a produit entre dix et cent kilogrammes de savon fait avec des cadavres provenant de l'hôpital psychiatrique à Konradstein, d'une prison de Königsberg, et du camp de concentration de Stutthof. Selon les témoignages livrés après la guerre par Spanner, ce savon n'aurait été utilisé que pour faire des injections aux ligaments des articulations[4].
Après la guerre, un témoin[5] dit qu'on fit construire durant l'été 1943 un bâtiment spécial destiné au traitement des cadavres pour faire cuire les os. Selon lui, il existait un laboratoire pour fabriquer des squelettes humains et incinérer la chair et les os inutiles. Pendant l'hiver 1943-1944, Spanner donna l'ordre de conserver la graisse humaine. En février 1944, il communiqua au témoin la recette pour préparer du savon à partir de graisse humaine.
La cuisson industrielle demandait de 3 à 7 jours. Le témoin participa à deux séances de cuisson qui produisirent plus de 25 kg de savon à partir de 70 à 80 kg de graisse humaine provenant de 40 cadavres environ. Spanner supervisait le tout et se tenait en liaison avec la direction des prisons et des camps de concentration pour les livraisons des cadavres à l'institut.
Spanner avait aussi ordonné de conserver la peau humaine, qu'il traitait avec des substances chimiques pour la dégraisser.
Malgré le cas cité ci-dessus, il n'y a aucune preuve pour étayer la théorie d'une production industrielle de savon fait de graisse humaine, juive ou non, par le Troisième Reich. Des expériences qui auraient eu lieu auparavant à Danzig furent arrêtées aussitôt que des rumeurs à ce sujet parvinrent au chef du Schutzstaffel, Heinrich Himmler ; le 20 novembre 1942, il ordonna une enquête. Toutefois, même si Himmler trouva l'usage de graisse humaine répugnant, d'autres contemporains y virent un symbole du mépris caractéristique du régime nazi envers la valeur de la vie d'autrui[6].
Les historiens de la Shoah ont toujours considéré le « mythe du savon juif » comme une des légendes noires de la Seconde Guerre mondiale, et non comme un reflet de la réalité d'une production de masse d'un tel savon en Allemagne à l'époque[7]. Ce point de vue est soutenu par plusieurs historiens juifs : Walter Laqueur[8], Gitta Sereny[9], et Deborah Lipstadt[10], ainsi que le professeur Yehuda Bauer[11] de l'Université hébraïque de Jérusalem et Samuel Krakowski, directeur des archives de Yad Vashem[12],[13],[14].
Dans la culture populaire
Dans le film Fight Club, Tyler Durden vend du savon fait avec de la graisse humaine à des personnes qui n'en savent rien.
Notes et références
(en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article en anglais intitulé « Soap made from human corpses » (voir la liste des auteurs)
(ru) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article en russe intitulé « Шпаннер, Рудольф » (voir la liste des auteurs)
- (en) John Drobnicki, Marc Fleisher, Julian Hendy ; Deceit and Misrepresentation: The Techniques of Holocaust Denial. The Soap Allegations. Cliquer sur next pour voir les autres pages de l'argument. Voir également Gilles Karmasyn, « Le savon humain. Rumeur, réalité et histoire », PHDN, 2000
- (en) Philip Knightley ; The First Casualty ; New York, 1975 ; pages 105-106
- (en) Arthur Ponsonby ; Falsehood in Wartime ; New York, 1929 ; pages 102, 111-112
- (en) Auschwitz-Birkenau Memorial and Museum ; Human Fat Was Used to Produce Soap in Gdansk during the War ; 13 octobre 2006
- (en) Témoignage de Sigmund Mazur, assistant du docteur Spanner
- (en) Harold Marcuse ; Did Nazis use human body fat to make soap? ; 28 décembre 2006
- (en) Jewish Virtual Library ; The Soap Myth. Voir également Gilles Karmasyn, op. cit.
- (en) Walter Laqueur ; The Terrible Secret ; Boston, 1980 ; pages 82 et 219
- (en) Gitta Sereny ; Into That Darkness ; A. Deutsch ; Londres, 1974 ; page 141
- (en) Nazi Soap Rumor During World War II ; Los Angeles Times ; 16 mai 1981 ; page II/2
- Yehuda Bauer, Jerusalem Post, 29 mai 1990, traduit par PHDN.
- (en) Bill Hutman ; Nazis never made human-fat soap ; The Jerusalem Post - International Edition ; semaine terminant le 5 mai 1990
- (en) Holocaust Expert Rejects Charge That Nazis Made Soap from Jews ; Northern California Jewish Bulletin ; 27 avril 1990 ; réédité le 21 mai 1990 dans le Christian News
- (en) A Holocaust Belief Cleared Up ; Chicago Tribune ; 25 avril 1990 ; réédité dans le Ganpac Brief en juin 1990, page 8
Annexes
Articles connexes
Liens externes
- (fr) Gilles Karmasyn, « Le savon humain. Rumeur, réalité et histoire », PHDN, 2000
- (ru) Показания свидетелей и рецепт мыла. Сборник материалов Нюрнбергского процесса. Государственное издательство юридической литературы, Москва 1954. Том первый
- (ru) Марк Вебер. Симон Визенталь — фальшивый охотник за нацистами
- (ru) Страшное мыло sur Jewish.ru
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