Problèmes de la recherche en sexologie

Problèmes de la recherche en sexologie

Recherche en sexologie

La recherche en sexologie est confrontée à plusieurs types de problèmes, qui rendent difficile l'élaboration de connaissances objectives sur la sexualité humaine.

Sommaire

Introduction

On observe qu'autrefois il n'existait pas de structure institutionnelle destinée spécifiquement à la recherche sur la sexualité. Encore aujourd'hui, il n'existe au monde aucun laboratoire ou centre de recherche dont l'objectif est de réaliser, avec les moyens adéquats, une synthèse de toutes les connaissances disponibles afin d'élaborer un modèle global et actualisé de la sexualité humaine. Cette caractéristique est un obstacle à une recherche complète, basée sur l'ensemble des données connues.

On observe également que les recherches relatives à la sexualité sont réalisées le plus souvent à l'initiative d'un homme et non d'une communauté scientifique ou d'un organisme institutionnel. De plus, le thème de la sexualité – ou plutôt un aspect de la sexualité – n'est souvent pour ce chercheur qu'un sujet de recherche parmi d'autres : c'est rarement un spécialiste qui consacre l'essentiel de son activité professionnelle à étudier la sexualité. Cette caractéristique est un obstacle à une recherche de qualité.

Par ailleurs, les éléments et phénomènes regroupés dans la notion culturelle de « sexualité » sont, dans de nombreuses sociétés – dont les sociétés occidentales –, associés à des connotations subjectives et particulières, souvent péjoratives, et sont des sujets facilement polémiques et passionnels. On observe ainsi que la sexualité est un sujet d'étude qui provoque des réactions particulières, tant au niveau social que dans la communauté scientifique. Plus le sujet d'étude est sensible et plus les résultats sont dérangeants, plus les entraves et l'hostilité envers le chercheur augmentent. Cette caractéristique est un sérieux obstacle à la découverte et à la présentation de résultats différents des modèles en usages.

La sexologie et les sexologues ont souvent été l'objet de pressions, voire d'hostilités, en particulier de la part de certains groupes conservateurs ou religieux. Pour certaines personnes, la sexualité est un sujet trop intime, trop sacré ou trop immoral pour faire l'objet de recherches scientifiques.

Toujours en raison de la nature particulière de la sexualité, on observe également une influence très forte des valeurs et des représentations culturelles dans la recherche concernant ce sujet. Par rapport aux sujets d'études qui sont conceptualisés et considérés comme « sexuel », ce qui est culturellement valorisé ou stigmatisé, ou bien ce qui est considéré, à une époque donnée, comme étant éthiquement de l'ordre du bien ou mal, influence l'ensemble de la recherche en sexualité. Cette caractéristique est un des obstacles majeurs à l'intention d'objectivation de la recherche scientifique.

On observe aussi que beaucoup d'études relatives à la sexualité concernent ce qui est considéré, à une époque donnée, comme relevant de la pathologie, de la déviance ou de l'immoralité. Il se produit ainsi une sur-représentation d'aspects particuliers au détriment des phénomènes normaux. Cette caractéristique est un obstacle à l'étude et à la compréhension de ce qu'est réellement la sexualité, en dehors de la pathologie et des représentations culturelles négatives.

Enfin, on observe que la recherche relative au comportement de reproduction et à la sexualité est réalisée dans plusieurs champs disciplinaires et sur des sujets d'études a priori difficilement comparables : l'Homme, avec une approche psychologique, sociologique ou ethnologique ; l'animal, en particulier les mammifères inférieurs, avec une approche éthologique et neurobiologique. Cette caractéristique est un obstacle à une compréhension globale de la reproduction et de la sexualité humaine. De plus, ces études relèvent également d'approche le plus souvent monodisciplinaire et analytique, et, de surcroît, concernent généralement des sujets très spécifiques et/ou limités (SIDA, cooccurrence entre sexualité et consommation de drogue, rôle de la testostérone chez le rat mâle, rôle de l'androstérone (phéromone) dans le déclenchement de la lordose chez la souris femelle, etc.) D'où toutes ces différentes études monodisciplinaires et provenant de différents champs disciplinaires, souvent sans liens entre elles, donnent une vision morcelée et hétéroclite du comportement de reproduction et de la sexualité humaine.

La particularité du thème de la sexualité

Dans la société occidentale, la sexualité est un sujet très particulier et en partie tabou. Cette particularité est à l'origine de nombreux problèmes, dont certains sont un obstacle à l'étude objective de la sexualité.

De manière générale, il n'existe quasiment pas de structures institutionnelles dont l'objectif est l'étude de la sexualité humaine. Les études disponibles sont généralement ponctuelles, limitées à une problématique précise (exemple du SIDA), relèvent d'une approche de type psychosociologique, et sont souvent influencées par des valeurs morales particulières. Les études neurobiologiques restent limitées essentiellement aux rongeurs et concernent la reproduction. Dans ces conditions, comment obtenir des connaissances objectives relatives à l'ensemble des différents phénomènes regroupés dans le concept culturel de « sexualité » ?

Par rapport aux recherches menées au moyen de questionnaires ou d'interviews, un premier type de problème est la représentativité des participants qui sont volontaires pour ces études. En effet, on sait que les participants qui choisissent de prendre part à ce type d'étude ont des attitudes plus libérales par rapport à la sexualité que ceux qui ne sont pas volontaires.

Un autre type de problème rencontré est la déformation volontaire de la réalité. Déjà, par exemple, on sait que même pour des questions relativement anodines, telle que le nombre de partenaires sexuels au cours de la vie, une partie importante des réponses ne sont pas sincère. D'où, par rapport à des sujets beaucoup plus sensibles, il est quasi certain que plus les activités ou les pensées sexuelles d'une personne s'éloigneront de ce qu'elle considère comme « socialement acceptable », plus la déformation, voire l'autocensure de l'information sera importante. De plus, même si quelques participants à ce type d'étude donnent sur une question sensible des réponses qui semblent authentiques, rien ne permet de connaître la proportion exacte de ceux qui ont répondu sincèrement, de ceux qui ont modifié leur réponse, et de ceux qui ont pratiqué l'autocensure.

Il semble que les réponses d'une étude sur la sexualité ne reflètent pas tant les croyances et la pratique sexuelle réelle des personnes, mais plutôt un instantané de ce que le groupe interrogé considère comme « socialement normal et acceptable ».

Un autre type de problème, majeur, est l'influence culturelle. Le contexte social et culturel modèle le comportement sexuel, et de ce fait certaines questions ne peuvent être testées de manière fiable. Par exemple, l'orientation « naturelle » de l'activité sexuelle est difficile à évaluer juste à partir de l'observation des comportements sexuels, dans la mesure où, en Occident, l'importance de l'homophobie et la dominance du modèle hétérosexuel favorisent l'hétérosexualité exclusive.

L'extrapolabilité des données animales à l'Homme

La plupart des données physiologiques et neurobiologiques relatives à la sexualité proviennent d'expérimentations réalisées avec des animaux, en général des rongeurs. La plupart des données éthologiques proviennent également d'études animales.

Dans quelle mesure ces données sont-elles extrapolables à l'Homme ?

En effet, on sait que la structure du cerveau n'est pas la même des rongeurs à l'Homme, l'effet des hormones diminue en fonction de la complexité cérébrale, les phéromones humaines ont un effet faible et essentiellement physiologique, et enfin le comportement permettant la reproduction chez les rongeurs est très différent de celui des humains.

Pour ces raisons, il semble que les données animales ne sont pas directement extrapolables à l'Homme.

C'est-à-dire, par exemple, que la mise en évidence de l'importance chez les rongeurs de la testostérone dans la reproduction n'implique absolument pas qu'elle doive également être importante chez l'Homme. L'expérimentation moléculaire, cellulaire et animale permet de comprendre que l'effet hormonal dépend de l'existence de récepteurs, des modifications neuronales induites et des caractéristiques de la structure réceptrice. Si, d'une espèce à l'autre, la distribution cérébrale des récepteurs change, si les faisceaux de connexion ont une autre architecture, ou si les fonctions des structures neurales réceptrices sont différentes, alors les effets de la même hormone peuvent être radicalement différents.

De cette analyse, on peut prédire que la testostérone aura dans la reproduction chez l'Homme une importance similaire à celle des rongeurs uniquement si l'organisation des régions cérébrales sensibles aux androgènes et impliquées dans les mêmes fonctions est très similaire. Or, on sait déjà qu'entre deux espèces de rongeurs très proches, tels les campagnols des prairies et ceux des montagnes, une différence limitée à la distribution cérébrale des récepteurs d'un neuromédiateur peut entraîner d'importantes différences comportementales, et quand on sait de plus que le système nerveux humain est relativement différent de celui des rongeurs, et pas uniquement par rapport à la distribution des récepteurs, il semble difficile d'extrapoler directement les données animales à l'Homme.

Il semble que l'expérimentation moléculaire, cellulaire et animale permet directement de comprendre les principes généraux du fonctionnement des structures neurales. Cette connaissance permet, dans un second temps, indirectement, et sous réserve que des connaissances précises relatives à l'organisation structurelle du système nerveux humain soient disponibles, d'expliquer et de prédire certaines caractéristiques fonctionnelles des émotions, de la cognition ou des comportements de l'Homme.

Le manque de connaissances en neurosciences

Les connaissances actuelles en neurosciences, et en particulier en neurosciences humaines, sont partielles. De nombreux aspects du système nerveux, tant structurels que fonctionnels, demeurent mal compris ou restent inconnus. De plus, principalement pour des raisons éthiques, les connaissances expérimentales disponibles concernent surtout les espèces animales non humaines. Ce manque de connaissances ne permet pas toujours de concevoir et de réaliser, surtout chez l'Homme, les expériences qui seraient les plus adaptées.

Ainsi, par exemple, par rapport aux processus de renforcement, même s'il est quasi certain qu'ils sont activés par la stimulation des zones érogènes, on ignore actuellement quels sont précisément les processus exacts qui sont à l'œuvre. D'où certaines expériences cruciales, comme par exemple l'inactivation sélective uniquement des processus de renforcement liés à l'activation sensorielle des zones érogènes, sont aujourd'hui impossibles à réaliser.

Ce problème, en plus du problème éthique, limite encore le nombre d'expériences possibles, et oblige à recourir à des moyens de vérification parfois moins appropriés et plus limités.

Remarque

Par ailleurs, il convient de noter que ce manque de connaissance est en partie dû à des facteurs culturels, et pas uniquement au fait que l'élaboration du savoir scientifique est une activité récente. Il semble en effet, bien que paradoxalement, les sociétés occidentales aient une tradition humaniste, que le développement de connaissances objectives relatives à l'Homme ne soit guère une priorité. On observe qu'il existe une recherche « technique » (anatomie, physiologie, psychologie cognitive, pathologie humaine, etc.), mais qu'il n'existe pas de structure institutionnelle ayant pour objet de recherche, par exemple, la compréhension globale de l'être humain, l'étude et la recherche de différents modes d'organisation sociale ou économique, de structures expérimentales d'enseignement ou d'éducation, l'étude scientifique de la joie, du bonheur ou encore l'évaluation des valeurs éthiques.

En résumé, on observe que tout ce qui concerne l'essence même de la vie humaine n'est pas sujet de recherche. Et même le simple fait de suggérer que la recherche devrait avoir une finalité humaniste semble relever de l'incongruité. Cette caractéristique culturelle est un obstacle au développement de connaissances objectives relatives à l'Homme.

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