Plasticité neuronale

Plasticité neuronale
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La plasticité neuronale, la neuroplasticité ou encore la plasticité cérébrale sont des termes qui décrivent les mécanismes par lesquels le cerveau est capable de se modifier par l'expérience. Le cerveau est ainsi qualifié de "plastique" ou de "malléable". Ce phénomène intervient durant le développement embryonnaire, l'enfance, la vie adulte et les conditions pathologiques (lésions et maladies). Il est responsable de la diversité de l'organisation fine du cerveau parmi les individus (l'organisation générale étant, elle, régie par le bagage génétique de l'espèce) et des mécanismes de l'apprentissage et de la mémorisation chez l'enfant et l'adulte. La plasticité neuronale est donc avec la neurogenèse adulte, une des découvertes récentes les plus importantes en neurosciences et montre que le cerveau est un système dynamique, en perpétuelle reconfiguration[1],[2].

Sommaire

La plasticité, une propriété complexe

Le terme de plasticité est très largement utilisé en neurobiologie dès les années 1970 et reste depuis un terme très en vogue[3]. Ce concept fait référence à la plasticité d'un matériau qui est sa propriété à modifier sa forme et à la conserver lorsqu'il est sollicité. A l'inverse, l'élasticité désigne la propriété d'un matériaux qui se déforme puis reprend sa forme initial lorsque la sollicitation cesse. En neurobiologie, la plasticité désigne la modification d'une propriété ou d'un état face à une modification de l'environnement (stimulus externe). Le terme a cependant été utilisé de manière abusive sans réellement établir de correspondance avec la réelle propriété de plasticité (telle qu'elle est définie en science de la matière) et son concept n'est pour l'instant pas clairement défini.

La plasticité est une propriété présente à tous les niveaux d'organisation du cerveau :

  • Au niveau des molécules, les récepteurs possèdent plusieurs "états" ou configurations qui permettent de modifier la transmission de l'influx nerveux ;
  • Au niveau de la synapse, l'ensemble des molécules est régi par l'activité, avec notamment le recrutement de nouveaux récepteurs vers la membrane (exocytose, traduction locale, etc.) (voir plasticité synaptique) ;
  • Au niveau du corps cellulaire, l'expression génétique est également modulée par l'activité des différentes synapses ;
  • Au niveau des axones et des dendrites, les prolongements se réorganisent en fonction de l'activité des synapses et des neurones en contact, ainsi que des interactions avec la glie environnante ;
  • Le neurone est susceptible de se développer ou de régresser en fonction de son implication dans un réseau (plasticité neuronale) ;
  • Le réseau lui-même change ses connexions internes et externes constamment au cours du temps (plasticité cérébrale) ;
  • Le cerveau est enfin capable de produire de nouveaux neurones (voir neurogenèse) ;
  • L'individu ne cesse de changer son comportement en fonction des situations rencontrées et est susceptible de subir des lésions ou de modifier certaines de ses capacités par l'activité, la prise d'aliments, de médicaments, de drogues, etc.

L'ensemble de ces échelles interagissent entre elles et doivent être étudiées à la fois séparément et dans leur ensemble pour comprendre la propriété fondamentale qu'est la plasticité en Neurosciences.

Théorie de la plasticité neuronale

Le cerveau est constitué de neurones et de cellules gliales étroitement interconnectées. L'apprentissage modifie la force des connexions entre les neurones (voir plasticité synaptique) et modifie les réseaux neuronaux en favorisant l'apparition, la destruction ou la réorganisation non seulement des synapses mais également des neurones eux-mêmes. C'est l'ensemble de ces phénomènes qui peuvent être regroupés sous le terme de plasticité neuronale.

Durant le XXe siècle, le consensus était que certaines zones du cerveau, comme le néocortex, étaient immuables après l'enfance et plus particulièrement après une période critique de maturation du réseau. Seules certaines zones, comme l'hippocampe, siège de la mémoire, étaient réputées pour être plastiques.

Une décennie de recherche a montré que des changements sont susceptibles d'avoir lieu après cette période et que ces changements des patrons d'activations neuronaux dépendent de l'expérience. Cette théorie de la neuroplasticité suggère donc que l'expérience peut changer à la fois la structure anatomique du cerveau mais aussi son organisation physiologique. Les chercheurs s'accordent, désormais, sur la présence, tout d'abord, d'une période critique ou d'une fenêtre de plasticité des différents réseaux neuronaux durant l'enfance (par exemple l'aire visuelle) durant laquelle les changements majeurs interviennent en fonction de l'expérience, mais également que cette fenêtre ne se refermerait pas complétement et que certains changements mineurs peuvent encore avoir lieu tout au long de la vie.

Histoire

Cette idée fut proposée, pour la première fois, en 1890 par William James dans Principes de psychologie. Néanmoins elle fut négligée, durant près de cinquante ans, par la suite.

Neurobiologie

Un des principes fondamentaux du fonctionnement de la neuroplasticité est lié au concept d'élagage synaptique, l'idée que les connexions entre les neurones sont constamment éliminées lorsqu'elles ne sont pas utilisées. À l'inverse, ce mécanisme renforce les connexions très utilisées. Cela a pour conséquence de renforcer les réseaux de neurones qui sont synchronisés et de les séparer des autres neurones qui appartiennent à d'autres cartes corticales.

D'un point de vue morphologique, il s'agit de l'apparition, de la disparition ou de la réorientation de structures comme des dendrites, des épines dendritiques, voire d'axone. On observe cette plasticité par imagerie. On peut aussi mesurer les effets physiologiques de cette plasticité par l'utilisation de la technique de patch clamp en plusieurs endroits simultanément sur des neurones en contact.

Plasticité intrinsèque

Cette plasticité se définit par les modifications de l'excitabilité neuronale en fonction de l'"expérience" du neurone. Lorsque l'excitabilité est augmentée, le neurone répondra plus facilement à un potentiel d'action et à l'inverse, si l'excitabilité diminue, le neurone sera moins sensible aux potentiels d'action présynaptiques ce qui se traduira dans les deux cas par un changement de la fréquence à laquelle le neurone déchargera en réponse à une stimulation[4],[5].

Que cela soit celle des potentiels d'action le long de l'axone, ou celle des potentiels postsynaptiques le long des dendrites, la propagation des signaux nerveux dépend de la composition de la membrane plasmique en canaux ioniques. Un changement de cette composition en canaux ioniques, qu'il soit qualitatif ou quantitatif, changera la manière avec laquelle le signal électrique se propage. Les changements des propriétés électrochimiques de membrane peuvent être à court terme, quand seul l'état des canaux ioniques est transitoirement modifié, ou à long terme, en général quand les canaux ioniques sont remplacés par d'autres. On mesure cette plasticité par des mesures électrophysiologiques. Deux principaux canaux sont généralement impliqués dans cette plasticité: les canaux potassiques (K+) et les canaux sodiums (Na+). D'autres canaux peuvent éventuellement intervenir en fonction du type de neurone étudié. Ces modifications peuvent être décomposées en changements des propriétés passives de la membrane : résistance de la membrane, constante de temps, potentiel de repos, potentiel seuil d'émission d'un potentiel d'action ; et en changements des propriétés actives : fréquence d'émission de potentiels d'action, relation entre courants synaptiques entrants et fréquence de décharges, patron temporel de la décharge.

Cette plasticité a deux fonctions mises en évidence par les expériences en électrophysiologie :

  • Elle assure l'homéostasie de l'excitabilité intrinsèque du neurone, ce qui veut dire que le neurone s'adapte aux moindres changements de l'excitation pour toujours produire la même réponse. Notamment lorsque la fréquence d'entrée augmente progressivement, l'excitabilité du neurone baisse de manière à garder la même fréquence de sortie.
  • Elle permet sous certaines conditions de potentialiser l'excitabilité du neurone, par exemple après une série de potentiels d'actions à haute fréquence sur une faible durée, le neurone augmente sa fréquence de sortie en augmentant l'excitabilité.

D'un point de vue spéculatif sur les bases cellulaires de la mémoire et de l'apprentissage, la différence entre cette forme de plasticité et la plasticité synaptique est que si cette dernière permettrait théoriquement de retenir une grande quantité d'information (vu le nombre de synapses pouvant être potentiées ou déprimées), seule la modification des propriétés non synaptiques de la membrane permettrait de modifier le codage en fréquence et les caractéristiques temporelles de ce codage.

Notes et références

  1. "Train Your Mind, Change Your Brain: How a New Science Reveals Our Extraordinary Potential to Transform Ourselves" by Sharon Begley, She says how it's new, I'm not sure if she used the words 'critical period' or just said infancy, but same idea in her book.
  2. Le cerveau, comment il se réorganise sans cesse, Les dossiers de La recherche, n°40, Aout 2010
  3. J. Paillard, Réflexion sur l'usage du concept de plasticité en neurobiologie, Journal de Psychologie Normale et Pathologique, n° 1, 33-47. (1976)
  4. Daoudal G, Debanne D (2003) Long-term plasticity of intrinsic excitability: learning rules and mechanisms.Learn Mem. 2003 Nov-Dec;10(6):456-65.
  5. Zhang W, Linden DJ (2003) The other side of the engram: experience-driven changes in neuronal intrinsic excitability. Nat. Rev. Neurosci. 4:885-900

Voir aussi



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