Philippe Schwarzerd

Philippe Schwarzerd

Philippe Melanchthon

Portrait de Philippe Melanchthon par Lucas Cranach l'Ancien (1543).

Philippe Melanchthon (16 février 1497 à Bretten, Allemagne - 19 avril 1560 à Lutherstadt Wittenberg), de son vrai nom Philipp Schwartzerdt, était un réformateur religieux allemand. Disciple de Martin Luther, il est surtout connu pour avoir rédigé en 1530, la Confession d'Augsbourg.

Sommaire

Jeunesse et éducation

Melanchthon naquit à Bretten, près de Karlsruhe, où son père, Georg Schwartzerdt, était armurier au service du comte palatin Philippe 1e.

En 1507, on l'envoya à l'école latine de Pforzheim, dont le recteur, Georg Simler de Wimpfen, l'introduisit à l'étude des poètes latins et grecs et de la philosophie d'Aristote. Mais il fut surtout influencé par son grand-oncle, Johannes Reuchlin, le grand représentant de l'humanisme, qui lui conseilla de changer son nom de famille, Schwartzerdt (écriture individuelle de cette famille, en allemand standard 'Schwarzerd(e)' littéralement 'terre noire'), en Melanchthon, l'équivalent grec ancien.

Avant même d'avoir treize ans, il entra en 1509 à l'Université d'Heidelberg où il étudia la philosophie, la rhétorique et l'astronomie (mêlée alors à l'astrologie), et acquit la réputation d'un bon érudit en grec. S'étant vu refuser le degré de maître en 1512 à cause de son jeune âge, il alla à Tübingen, où il poursuivit des études humanistes et philosophiques, mais se consacra aussi à l'étude du droit, des mathématiques, de l'astronomie/astrologie, et même de la médecine.

Quand, ayant terminé le cours de philosophie, il eut obtenu le grade de magister en 1516, il commença à étudier la théologie. Sous l'influence d'hommes comme Reuchlin et Érasme, il se convainquit que le véritable christianisme était tout à fait différent de la théologie scolastique telle qu'elle était enseignée à l'Université. Mais, en ce temps-là, il ne s'était pas encore formé d'opinions arrêtées sur ce sujet, puisque plus tard il qualifia souvent Luther de père spirituel. Il devint maître d'études et fut chargé d'enseigner aux étudiants plus jeunes. Il fit aussi des cours sur l'art oratoire, sur Virgile et Tite-Live.

Ses premières publications furent une édition de Térence (1516) et une grammaire grecque (1518), mais il avait écrit auparavant une préface aux 'Epistolae clarorum virorum de Reuchlin (1514).

Professeur à Wittenberg

Comme il sentait une vive opposition du parti scolastique aux réformes qu'il voulait introduire à l'Université de Tübingen, il accepta volontiers un poste de professeur de grec à Wittenberg, où il suscita une grande admiration par son De corrigendis adolescentiae studiis inaugural. Il fit cours devant cinq à six cents étudiants puis mille cinq cents. Il était tenu en haute estime par Martin Luther, dont l'influence le conduisit à l'étude des Écritures, surtout de Paul, et ainsi à une connaissance plus vivante de la doctrine évangélique du salut.

Il assista comme spectateur à la disputatio de Leipzig (1519), mais influença suffisamment la discussion par ses commentaires et ses suggestions pour donner à Jean Eck un prétexte pour l'attaquer. Dans sa Defensio contra Johannem Eckium (Wittenberg, 1519) il avait déjà clairement développé les principes de l'autorité des Écritures et de la nécessité de leur interprétation.

En raison de l'intérêt qu'il montrait pour la théologie dans ses conférences sur l'Évangile de Matthieu et l'Épître aux Romains, en même temps que dans ses recherches sur la doctrine de Paul, on lui accorda le grade de bachelier (baccalaureus) en théologie, et son poste fut transféré à la faculté de théologie. Bientôt, il fut lié encore plus fortement à Wittenberg par son mariage avec Katharina Krapp, la fille du maire, mariage contracté sur les instances pressantes de ses amis, et surtout de Luther (25 novembre 1520).

Controverses théologiques

Au début de 1521 dans son Didymi Faventini versus Thomam Placentinum pro M. Luthero oratio (Wittenberg, n.d.), il défendit Luther en prouvant que ce dernier ne rejetait que les pratiques papales et ecclésiastiques qui contredisaient les Écritures, mais non la vraie philosophie ni le vrai christianisme. Mais pendant l'absence de Luther réfugié au Château de Wartbourg, pendant les troubles provoqués par les « prophètes » de Zwickau, Melanchthon laissa voir pour la première fois sa nature faible, son manque de fermeté et son manque d'assurance, si bien que sans l'intervention énergique de Luther, les « prophètes » n'auraient pu être réduits au silence.

La parution des Loci communes rerum theologicarum seu hypotyposes theologicae de Melanchthon (Wittenberg et Bâle, 1521) fut très importante pour la confirmation et l'expansion des idées de la Réforme. En accord parfait avec Luther, Melanchthon présenta la nouvelle doctrine du christianisme sous la forme d'une discussion des « pensées principales» de l'Épître aux Romains. Son but n'était pas de donner une exposition systématique de la foi chrétienne, mais une clé pour la compréhension exacte des Écritures.

Néanmoins, il continuait son cours de lettres classiques et, après le retour de Luther, il aurait pu renoncer entièrement à son travail théologique si Luther n'avait pas insisté.

Au cours d'un voyage à sa ville natale, en 1524, il fut amené à traiter avec le légat du pape Campeggio qui essaya de l'arracher à la cause de Luther, mais sans succès, ni à ce moment, ni plus tard. Dans son Unterricht der Visitatoren an die Pfarrherren für das Kurfürstentum Sachsen (1528), Melanchthon présenta clairement la doctrine évangélique du salut en jetant les bases de la réforme de la doctrine aussi bien que des règlements des églises et des écoles, mais sans faire la moindre attaque directe contre les erreurs de l'Église romaine.

En 1529, il accompagna le prince électeur à la Diète de Spire pour représenter la cause évangélique. Ses espoirs d'amener le parti impérial à une reconnaissance pacifique de la Réforme ne se réalisèrent pas. Il se repentit plus tard de la sympathie qu'il avait manifestée envers les Suisses à la Diète, il appela la doctrine de Zwingli sur la Cène « un dogme impie » et il confirma Luther dans son attitude de refus.

Confession d'Augsbourg

Bien que fondée sur les articles de Luther, ceux de Schwabach et de Marbourg, la confession d'Augsbourg, qui fut présentée devant la Diète d'Augsbourg en 1530, était surtout l'œuvre de Melanchthon. Il est vrai que Luther n'a pas caché le fait que l'attitude irénique de cette confession n'était pas ce qu'il avait souhaité, mais ni lui ni Melanchthon n'étaient conscients de la moindre différence dans la doctrine ; aussi la profession de foi protestante la plus importante est-elle un monument de l'harmonie entre les deux Réformateurs sur les enseignements de l'Évangile. Certains diraient qu'à la Diète, Melanchthon n'a pas montré cette attitude digne et ferme que la foi en la vérité et la justice de sa cause auraient pu lui inspirer, peut-être parce qu'il n'avait pas cherché à jouer le rôle d'un chef politique, de même qu'il a peut-être manqué de la connaissance nécessaire de la nature humaine, aussi bien que d'énergie et de décision. L'Apologie de la Confession d'Augsbourg, également l'œuvre de Melanchthon, était aussi une exposition claire des doctrines contestées, tirées immédiatement de l'expérience et des Écritures.

Maintenant dans une tranquillité relative, Melanchthon pouvait se consacrer à ses travaux universitaires et littéraires. Le travail théologique le plus important de cette période furent les Commentarii in Epistolam Pauli ad Romanos (Wittenberg, 1532), un ouvrage remarquable en ce que pour la première fois, il établissait la doctrine que l'expression « être justifié » signifiait « être regardé comme juste », alors que l'Apologie plaçait toujours côte à côte les deux significations « être rendu juste » et « être regardé comme juste ». La réputation croissante de Melanchthon fut l'occasion pour lui de recevoir plusieurs appels honorables à Tübingen (septembre 1534), en France et en Angleterre, mais son respect pour le prince électeur l'incita à les refuser.

Discussions sur la Cène et la Justification

Il prit une part importante aux discussions sur la Cène qui commencèrent en 1531. Il approuva totalement la Concorde de Wittenberg, envoyée par Martin Bucer à Wittenberg et, à l'instigation du Landgrave de Hesse discuta de la question avec Bucer à Cassel, à la fin de 1534. Il travailla avec passion à un accord, car ses études de patristique et le Dialogue (1530) d'Œcolampade l'avaient incité à douter de l'exactitude de la doctrine luthérienne. De plus, après la mort de Zwingli et le changement de la situation politique, ses premiers scrupules concernant une union perdaient leur poids. Bucer n'alla pas jusqu'à croire avec Luther que le vrai corps du Christ dans la Cène était broyé avec les dents, mais admettait l'offrande du corps et du sang dans les symboles du pain et du vin. Melanchthon discuta les vues de Bucer avec les partisans de Luther les plus importants ; mais Luther lui-même ne voulut pas accepter qu'on voilât simplement le différend. Les relations entre Melanchthon et Luther ne furent pas troublées par son office de médiateur, bien que Luther eût un moment pensé que Melanchthon était « presque de l'opinion de Zwingli » ; malgré tout, il souhaitait « partager son cœur avec lui. »

Au cours de son séjour à Tübingen en 1536 Melanchthon fut sévèrement pris à partie par Cordatus, prédicateur à Niemeck, parce qu'il avait enseigné que les œuvres sont nécessaires pour le salut. Dans la deuxième édition de ses Loci (1535) il abandonna sur le déterminisme la stricte doctrine qu'il avait d'abord défendue et qui allait même au-delà de celle d'Augustin, et à la place enseigna plus clairement ce qu'il appelait le synergisme. Il réfuta les attaques de Cordatus dans une lettre à Luther et à ses autres collègues, en déclarant qu'il n'avait jamais abandonné leurs enseignements communs sur ce sujet, et dans la controverse de 1537 sur l'antinomisme Melanchthon fut en harmonie avec Luther.

Relations avec Luther

Les relations personnelles entre les deux grands Réformateurs durent résister à bien des épreuves pendant ces années-là, du fait qu'Amsdorf et quelques autres essayaient de monter Luther contre Melanchthon, si bien que son séjour à Wittenberg sembla par moments presque insupportable à Melanchthon, qui se comparait « à Prométhée enchaîné sur le Caucase. » Vers cette époque eut lieu l'épisode bien connu du deuxième mariage de Philippe de Hesse. Melanchthon, qui, tout comme Luther, considérait cette affaire comme un cas exceptionnel, assista au mariage, mais conseilla à Philippe de garder la chose secrète. C'est pourquoi la publication du fait l'affecta à ce point que, quand il fut à Weimar, il tomba gravement malade.

En octobre 1540, Melanchthon prit une part importante au colloque religieux de Vers, où il défendit de façon claire et ferme les doctrines de la Confession d'Augsbourg. Melanchthon utilisa comme base de discussion une édition de la Confession d'Augsbourg qui avait été révisée par lui (1540) et fut appelée par la suite Variata. Bien qu'Eck eût montré le changement assez substantiel de l'Article X concernant la Cène, les protestants n'en furent pas offensés. Le colloque n'échoua pas, comme certains l'affirment, en raison de l'obstination et de l'irascibilité de Melanchthon, mais à cause de l'impossibilité de faire aux catholiques davantage de concessions. Le colloque de Ratisbonne en mai 1541 fut aussi infructueux, par suite de l'adhésion ferme de Melanchthon aux articles sur l'Église, les sacrements et la confession auriculaire.

Ses vues concernant la Cène, développées en union avec Bucer à l'occasion d'un projet de réformation pour l'Électorat de Cologne (1543), lui valurent une critique sévère de la part de Luther qui souhaitait une déclaration claire sur la question de savoir «  si le vrai corps et le vrai sang étaient reçus physiquement ». Depuis sa chaire, Luther laissa libre cours à son déplaisir, et Melanchthon s'attendait à être chassé de Wittenberg. Seuls les efforts du Chancelier Bruck et de l'électeur réussirent à tempérer sa colère ; mais à partir de ce moment, Melanchthon dut souffrir de la mauvaise humeur de Luther, alors qu'il était affligé par divers problèmes domestiques. La mort de Luther, le 18 février 1546, l'affecta de la façon la plus pénible, non seulement à cause de ce qu'ils avaient vécu en commun pendant leurs vies et dans leurs luttes, mais aussi parce qu'il la considérait comme une grande perte pour l'Église protestante.

Controverses avec Flacius

La dernière partie de sa vie fut remplie de difficultés et de souffrances ; cela commença avec les controverses sur les Intérims et les adiaphora (1547). Au vrai, Melanchthon avait rejeté l'Intérim d'Augsbourg, que l'empereur avait essayé d'imposer aux protestants vaincus; mais au cours des négociations concernant ce qu'on appelle l'Intérim de Leipzig il fit des concessions que sur bien des points il est difficile de justifier, même si l'on tient compte de sa position difficile, opposé qu'il était à l'électeur et à l'empereur.

En acceptant certains usages romains, Melanchthon partait de l'opinion qu'il s'agissait d'adiaphora si rien n'était changé dans la pureté de la doctrine et des sacrements institués par Jésus, mais il ne voyait pas que les concessions faites dans de telles circonstances devaient être regardées comme un reniement des convictions évangéliques.

Melanchthon lui-même prit conscience de ses fautes avec le temps et les regretta, ayant dû peut-être souffrir plus qu'il n'était juste du mécontentement de ses amis et de la haine de ses ennemis. Désormais jusqu'à sa mort il fut pénétré de trouble et de souffrance. Après la mort de Luther il devint le « chef théologique de la Réformation allemande », chef contesté cependant : les Luthériens avec Matthias Flacius à leur tête, l'accusaient d'hérésie et d'apostasie, lui et ses disciples. Melanchthon supporta toutes les accusations et toutes les calomnies avec une patience, une dignité et une maîtrise de lui-même admirables.

Œuvres de Melanchthon

Page de garde des Loci praecipui theologici de 1552
  • La foi des Églises luthériennes. Confessions et catéchismes / textes publiés par André Birmelé et Marc Lienhard ; traduction de André Jundt et Pierre Jundt. Paris : Éd. du Cerf ; Genève : Éd. Labor et fides, 1991. 605p. ISBN 2-204-04066-5. ISBN 2-8309-0611-X. <textes de Melanchthon et Luther>
  • Digitalisat, Université de Tours (Les bibliothèques virtuelles humanistes) : Von der Kierchen und alten Kierchenleren; Das die Fursten aus Gottes beuelh vnd gebot schuldig sind bey iren vnterthanen abgötterey vnd falsche lehr abzuthun; Widder den unreinen Bapsts Celibat und verbot der Priesterehe, 1540 (Des Églises et des anciennes doctrines ecclésiastiques ; Dans quelle mesure les princes sont dans l'obligation, de par les ordres et commandements divins, d'abolir l'idolâtrie et les fausses doctrines chez leurs sujets ; Contre l'impur célibat papiste et l'interdiction du mariage des prêtres). (http://www.bvh.univ-tours.fr/Consult/index.asp?numfiche=220).

Bibliographie

  • Lerner (Michel-Pierre), Aux origines de la polémique anticopernicienne (II): Martin Luther, Andreas Osiander, et Philipp Melanchthon, Revue des Sciences Philosophiques et Théologiques 90-3, 2006, 409-452.
  • Meerhoff (Kees), Entre logique et littérature : autour de Philippe Melanchthon. Orléans : Paradigme, 2001. (L'atelier de la Renaissance ; 10). 225p. ISBN 2-86878-217-5.
  • Meerhoff (Kees): Philippe Melanchthon aux Pays-Bas et en France: quelques sondages. In: Frank, G. / Meerhoff, K. (Hrsg.): Melanchthon und Europa, Bd. 2, Stuttgart 2002, p. 163–193.
  • Pantin (Isabelle), La réception française des Initia doctrinæ physicæ, in : Günter Frank u. Kees Meerhoff, Hrsg., Melanchthon und Europa. II Westeuropa [Kolloquium Bretten, 1999] (Stuttgart : J. Thorbeke, 2002 [= Melanchthon-Schriften der Stadt Bretten ; 6]), p. 97-116.
  • Bellanti (Dino), Science de la nature et réformation. La physique au service de la Réforme dans l'enseignement de Philippe Mélanchton. Roma : Vivere in, 1998. 717p. ISBN 88-7263-131-9.
  • Methuen (Charlotte), Zur Bedeutung der Mathematik für die Theologie Philip Melanchthons, in : Stefan Rhein u. Günter Frank, Hrsg., Melanchthon und die Naturwissenschaften seiner Zeit (Sigmaringen : Thorbeke, 1998 [= Melanchthon-Schriften der Stadt Bretten ; 4]), S. 85-103.
  • Bellucci (Dino), "Melanchthon et la défense de l’astrologie", in : Bibliothèque d’Humanisme et Renaissance 50 (1988), p. 587-622.
  • Pantin (Isabelle), La lettre de Melanchthon à Simon Grynaeus : avatars d'une défense de l'astrologie, in : Cahiers V.-L. Saulnier 4 (Paris 1987. ISSN 0760-4513), p. 85-101.
  • Boisset (Jean), Melanchthon, éducateur de l'Allemagne. Paris : Seghers, 1967. (Philosophes de tous les temps ; 38). 192 p.
  • Maurer (Wilhelm), Melanchthon und die Naturwissenschaft seiner Zeit, in : Id., Melanchthon-Studien (Gütersloh : Gütersloher Verlagshaus, 1964 [= Schriften des Vereins für Reformationsgeschichte 181]), S. 39-66.

Collectifs :

  • Günter Frank & Kees Meerhoff, Hrsg., Melanchthon und Europa. 2, Westeuropa [Kolloquium Bretten, 1999]. Stuttgart : J. Thorbeke, 2002 (Melanchthon-Schriften der Stadt Bretten ; 6-2). ISBN 3-7995-4807-6.
  • Stefan Rhein & Günter Frank, Hrsg., Melanchthon und die Naturwissenschaften seiner Zeit. Sigmaringen : Thorbeke, 1998 (Melanchthon-Schriften der Stadt Bretten ; 4). ISBN 3-7995-4805-X.

Sources

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