- Philippe Delaveau
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Philippe Delaveau est un écrivain et poète français né en 1950 à Paris.
Après une enfance à Paris et en Touraine, des séjours à Londres et dans le Devonshire, Philippe Delaveau retourne vivre six années à Londres, pendant les années 1980, avec sa famille. Ce séjour lui permet de découvrir sa véritable voix. L'époque, particulièrement en France, est alors marquée par le formalisme en littérature. Lisant les poèmes de T.S. Eliot, qui avait fréquenté le quartier de Londres où il habite, découvrant une « autre » poésie anglaise, lecteur enthousiaste de Claudel, Dadelsen, Reverdy, Schehadé, Grosjean, Réda, etc., il prend ses distances avec le Nouveau Roman et le peu qu'il connaît des écritures formalistes françaises d'alors, qui ne privilégient bien souvent que des jeux sur les signifiants. Jonathan Griffin lui fait lire des poètes américains contemporains et rencontrer des poètes anglais. C'est à cette époque que des promenades le long de la Tamise font brusquement surgir des personnages échappés à la mythologie grecque ou latine, qui semblent errer dans la grande ville moderne en quête de sens. Ces « hallucinations » qui succèdent aux séances de travail au British Museum, où se trouve la British Library, lui font écrire de nombreux poèmes, dont la plus grande partie sera reprise dans Eucharis (éditions Gallimard, 1989). Peu à peu, en écrivant, il découvrira les orientations de ses livres à venir : le poète est un veilleur dans un univers en proie au désastre, à qui la poésie peut offrir les ressource de ses formes innombrables, à condition de ne pas rompre la continuité avec la tradition dans ce qu'elle a de vivant. En cela il rejetait tout retour en arrière et tout académisme. L'activité d'écriture poétique cherche à exprimer la part d'éternel de ce qui existe (les êtres, les choses, l'univers) dans le cadre paradoxal du poème, qui s'empare de l'éphémère pour lui donner sa forme désormais vivante et pérenne. La poésie anglaise en particulier lui a fait mesurer l'importance de la musique dans le poème. C'est ce qu'il cherchera à retrouver en s'inscrivant dans l'une des deux modernités issues d'Apollinaire : celle du vers accentué, en quête de mélodie. Il entrevoit alors en quoi la « poésie » est cette part invisible du langage, procédant du Logos, et irriguant la forme à réinventer chaque fois de tout nouveau poème. La tâche du poète consiste donc à creuser à l'intérieur de la langue ce langage capable d'exprimer la réalité intérieure profonde à travers laquelle remontent les émotions fondatrices, éprouvées parfois longtemps avant, parfois à une époque récente, et qui ont cristallisé des séquences de mots en attente de forme.
Auteur d’une dizaine de recueils de poèmes, la plupart publiés par les éditions Gallimard, de traductions de l’anglais et de l’espagnol, de nombreux ouvrages réalisés avec ses amis peintres (Baltazar, Bertemes, Cortot, Greder, Hélénon, Laubiès, Pouperon…), Philippe Delaveau a reçu le prix Guillaume Apollinaire (1989), le prix Max Jacob (1999), le Grand Prix de l’Académie française « pour l’ensemble de son œuvre » (2000), le Grand Prix de poésie de la S.G.D.L. « pour l'ensemble de son œuvre » (2010). Il a été fait Chevalier des Arts et des Lettres en 2009.
Il est membre de l’Académie Mallarmé, juré du prix Apollinaire, membre de la Nouvelle Pléiade prix Léopold Sédar Senghor, du P.E.N.-Club de France, Sociétaire de la SGDL.
Il est aussi Professeur en khagne au Lycée Chaptal de Paris.
Bibliographie
- Aux Éditions Gallimard
- Ce que disent les vents, 2011
- Son nom secret d'une musique, 2008
- Instants d'éternité faillible, 2004
- Infinis brefs avec leurs ombres, 2001
- Petites gloires ordinaires, 1999
- Histoire ecclésiastique du peuple anglais (de Bède le Vénérable), collection « L'aube des Peuples », traduit de l’anglais, préface, traduction et notes, 1995
- Labeur du temps, 1995
- Le Veilleur amoureux, 1993 (repris, précédé d'Eucharis, en « Poésie/Gallimard », 2009, préface de Michel Jarrety)
- Eucharis, 1989
- Chez d’autres éditeurs
- La poésie française au tournant des années 80, José Corti 1988
- Écrire la peinture, Éditions Universitaires 1991
- Les secrets endormis, Impressions du Mexique (en collaboration avec Bernard Pozier), Les Écrits des Forges, Ottawa, Canada 1993 (dessins de Philippe Delaveau et photographies de Bernard Pozier)
- Julius Baltazar, un abstrait à l'état sauvage, Michel Vokær, Bruxelles 1994
- Cent sous pour la reine Mab, La Différence, Paris 1999 (gravure originale d’Alechinsky) repris partiellement dans Orphée Studio, Poésie d'Aujourd'hui à voix haute - Présentation et choix d’André Velter, Poésie/ Gallimard, 1999
- Architecture sereine du vide, Poèmes de Roberto Di Pasquale, traduction de l'espagnol (Argentine) Bernard Dumerchez, Paris 2000 (Couverture et gravure originale d’Antonio Seguí)
- Autres recueils et livres d’artistes
- Livre des dédicaces, peintures de Julius Baltazar, André Biren Paris 1994
- Voyageur d'hiver, peintures de Julius Baltazar, André Biren, Paris 1994
- La nuit, demain, peintures de Roger Bertemes, André Biren, Paris 1995
- Eaux fugitives, Nuits, gravures peintes de Julius Baltazar, Montréal, Alain Piroir, 1995
- Mains, Proses, peintures d’Isia Léviant, préface de Michael Gibson, étude historique de Michel Pastoureau, La Différence, 1997
- Un des noms du mystère, eaux-fortes de Maud Greder, André Biren, 1999
- Mémoire de l'eau, avec M. Butor, P. Bélanger, G-E Clancier, Guy Cloutier, Hélène Dorion, Guillevic, Luis Mizon, gravures de Julius Baltazar, Éd Aencrages, 1999
- Libation pour le siècle, gravures peintes de Julius Baltazar, Les Bibliophiles de France, 2000
- Enchantements ténus, Recueil de poèmes avec des peintures originales de Roger Bertemes, Luxembourg, Éditions Phi 2000
- Les prodiges de l'arbre, gravures de Philippe Minard et de Julius Baltazar, Xylos, Paris 2001
- Dix-sept complices de Julius Baltazar, avec Paul Bélanger, Jacques Brault, Michel Butor, Georges-Emmanuel Clancier, Guy Cloutier, Denise Desautels, Guy Goffette, Thierry Laget, Luis Mizon, Pierre Oster, Yves Peyré, Lionel Ray, Roumanes, James Sacré, Bernard Vargaftig, Joshua Watsky, Dumerchez 2007
- Chaque bonheur n'a qu'une page, gravures d’André Laubiès, bilingue, traduction de Josh Watsky, Wequetequock Cove, New-Haven (États-Unis) 2002,
- New-York, peintures de Julius Baltazar, éd.Jean-Paul Martin, 2008
- Cargos à quai, peintures de Patrice Pouperon, éd.Jean-Paul Martin, 2008
- Il n'est temps d'aucune heure, gravures de Julius Baltazar, calligraphies de Jean Cortot, Éditions Matarasso 2008
Extraits
LEÇON D’AUTOMNE
- Les oiseaux sur les peupliers de la plaine : des notes dispersées, liquides, vagabondes.
- Pourtant la symphonie d’un bel après-midi sous les violons des feuilles
- qui tigrent d’ombre leurs arpèges. Pont de pierre bombé, contrebasse.
- Altiers violons de verts. La partition repose
- Avec la longue élévation de ses sillons jusqu’au sommet de la colline.
- Les blanches s’envolent en lançant leurs cris de mer au retour du tracteur puis
- s’agglutinent,
- fouillant la terre avec la même obstination. Venues de l’océan,
- remontant les rivières. «Semailles» serait le titre du morceau, avec les trilles
- d’un clavecin sous les doigts de Rameau. Leçon d’automne et vieil ivoire
- rouillé, sombre. Les deux claviers sous la dextérité de l’attaque joyeuse.
JEAN-SÉBASTIEN BACH- Au commencement et à la fin de la phrase,
- c’est ton visage qui attend vieux maître et ton regard
- sous la chandelle au grenier – presque aveugle.
- Avec ces bruits d’enfants nombreux entre querelle et rires
- dans la maison comme une fugue où se perd
- le nom dilaté par les voix de musique,
- de tant de signes sur les cinq traits où ta main s’est posée.
- L’été qui a mûri les fruits et l’harmonie du monde
- offre un répit sur le gué de l’accord au vaste hiver.
- Le fil de soie de la mélodie élabore
- un chemin sombre et clair sur les décombres
- du thème au préalable inscrit et simple
- au blason gris des bémols ou des dièses.
- Avant l’épuisement de ses détours et la résolution
- sur le clavier d’ivoire de la tonique.
- Ici ta main rature de sa plume : Seigneur
- si ton Nom est grand et pauvre, mon espérance.
- Que la joie qui redescend de la voûte avec les cors
- et les voix d’anges. Mais dimanche s’approche.
- Il faut dans l’harmonie ingérer l’air et que le souffle
- illumine un chemin vrai du cœur au cœur.
- Puis un accord résout longuement au point d’orgue
- le commencement à la fin de la phrase.
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- Poèmes extraits de Son nom secret d'une musique, 2008
Liens
- Présentation et poèmes (site du Printemps des poètes)
- Quelques poèmes (site des éditions Phi)
- Quelques poèmes sur le Capital des mots
- [1] (Interview Février 2011)
Catégories :- Écrivain français du XXe siècle
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