Pharmakos

Pharmakos
La coupe d'Hygie, où est recueilli le venin du serpent, est le symbole de la pharmacie dans de nombreux pays.

Le pharmakos (grec ancien : φαρμακός) est un rite de purification largement utilisé dans la Grèce antique. Afin de combattre une calamité, une personne était choisie et traînée hors de la cité, où elle était parfois mise à mort. Cette victime sacrificielle, innocente en elle-même, était censée, comme le bouc émissaire hébreu, se charger de tous les maux de la cité[1]. Son expulsion devait permettre de purger la cité du mal qui la touchait, d'où l'ambiguïté du terme qui, au neutre (φάρμακον, pharmakon), pouvait signifier aussi bien « remède », « drogue », « philtre », que « poison » ou « venin », ou encore « teinture ».

Sommaire

Le pharmakos dans l'histoire

Jane Ellen Harrison écrit que, dans les Mystères d'Éleusis, « chaque homme prend avec lui son pharmakos, un jeune cochon » dans les rites de purification à Éleusis en Grèce antique[2].

Le pharmakos dans la philosophie

Platon

Au XXe siècle, Jacques Derrida a analysé dans La pharmacie de Platon[3] les significations opposées du terme pharmakos en Grèce antique, à partir d'une réflexion sur le Phèdre de Platon. En effet, dans ce dialogue, Platon compare l'écriture à une « drogue » (autre signification du mot pharmakos) :

« SOCRATE : Le dieu Teuth, inventeur de l'écriture, dit au roi d'Égypte : « Voici l'invention qui procurera aux Egyptiens plus de savoir et de mémoire : pour la mémoire et le savoir j'ai trouvé le médicament [pharmakon] qu'il faut » - Et le roi répliqua : « Dieu très industrieux, autre est l'homme qui se montre capable d'inventer un art, autre celui qui peut discerner la part de dommage et celle d'avantage qu'il procure à ses utilisateurs. Père des caractères de l'écriture, tu es en train, par complaisance, de leur attribuer un pouvoir contraire à celui qu'ils ont. Conduisant ceux qui les connaîtront à négliger d'exercer leur mémoire, c'est l'oubli qu'ils introduiront dans leurs âmes : faisant confiance à l'écrit, c'est du dehors en recourant à des signes étrangers, et non du dedans, par leurs ressources propres, qu'ils se ressouviendront ; ce n'est donc pas pour la mémoire mais pour le ressouvenir que tu as trouvé un remède. » »

— Platon, Phèdre, 274e-275a

Épicurisme

La philosophie morale d'Épicure a été résumée par Philodème de Gadara en quatre points, ce que l'on a appelé le tetrapharmakos, c'est-à-dire le « quadruple remède » :

« Le dieu n'est pas à craindre ; la mort ne donne pas le souci ; et tandis que le bien est facile à contenir, le mal est facile à supporter. »

— Philodème de Gadara, Contre les sophistes, IV, 10-14.

Wittgenstein

Ludwig Wittgenstein aussi compare la philosophie à une thérapeutique (mais il ne s'agit plus ici d'une pharmaceutique, comme chez les Grecs).

D'après Marie Guillot[4] :

« Le langage soigne ses propres maux par les mots. La double nature du verbe, où gisent à la fois le mal et le remède, se lit par exemple dans la formule ambiguë de Wittgenstein : "La philosophie est un combat contre l’ensorcellement de notre intelligence par le moyen de notre langage."[5] »

Voir aussi le petit livre de Grahame Lock, Wittgenstein. Philosophie, logique, thérapeutique, partie VI, PUF, 1992.

Autres

Notes et références

  1. Jacques Derrida, La dissémination, 1972, Seuil, « Points-Essais », pp. 162-163.
  2. (en) Jane Ellen Harrison, Prolegomena to the Study of Greek Religion, Princeton University Press, 1903 (réédité en 1991), ISBN 0691015147, p.152.
  3. Derrida, La pharmacie de Platon, repris dans La dissémination, Seuil (1972) et plus récemment dans la traduction L. Brisson du Phèdre de Platon, éd. de poche GF.
  4. Cf. Guillot M., Wittgenstein, Freud, Austin : voix thérapeutique et parole performative, Revue de Métaphysique et de Morale 2004/2, n° 42, p. 259-277.
  5. Ludwig Wittgenstein, Philosophische Untersuchungen, édition bilingue : texte allemand édité par R. Rhees et G. E. M. Anscombe, avec une traduction anglaise de G. E. M. Anscombe sous le titre Philosophical Investigations, Oxford, Blackwell, 1953 (1958 pour la 2e édition) ; § 109.
  6. Définition du Pharmakon par Ars Industrialis, l'association fondé par Bernard Stiegler : http://arsindustrialis.org/pharmakon

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