Paternité imposée

Paternité imposée

Une paternité imposée est le processus par lequel une femme donne naissance à un enfant contre la volonté du père biologique, parfois à son insu ; ou encore contre la volonté de son conjoint légal.

Sommaire

Motivations

Certaines femmes excluant de vivre en couple souhaitent un enfant à condition de l’élever seule, ou du moins à une certaine distance du père. Elles sont décrites dans la chanson de Jean-Jacques Goldman « Elle a fait un bébé toute seule ».

À l'inverse, des femmes dont le compagnon hésite à s'engager dans une relation de couple durable pensent que la venue d'un enfant est le moyen de se l'attacher sur le long terme.

D’autres femmes, en couple, et avec déjà un ou des enfants, souhaitent avoir un nouvel enfant de leur conjoint, bien que celui-ci y soit opposé. Ou bien deviennent enceintes suite à une relation extra-conjugale, et ne voient d’autre solution que de garder l'enfant, tout en faisant croire à leur conjoint que celui-ci est de lui.

Pour d’autres encore, la relation extraconjugale est une bonne alternative à la stérilité de leur conjoint (c'est à ces deux derniers cas que s'applique l'expression populaire « faire un enfant dans le dos »).

D'autres enfin qui se trouvent en situation administrative irrégulière utilisent l'enfant pour obtenir leur régularisation.

Cas de figure

  • Une fois enceintes, certaines femmes disparaissent de la vie de leur compagnon, et accouchent sans les en informer. Ils ne peuvent donc se positionner ni par rapport à la grossesse ni par rapport à la naissance, et parfois n’apprennent jamais qu’ils sont pères.
  • Certaines d'entre elles ont recours, parfois plusieurs années plus tard, à une procédure judiciaire pour contraindre le père à reconnaître l’enfant, et de ce fait à leur verser une pension alimentaire.
  • Dans des couples stables, des femmes censées utiliser la contraception l'interrompent et expliquent leur grossesse par un oubli ponctuel.

Conséquences psychologiques

La découverte ultérieure de leur paternité par les pères biologiques, ou de leur non-paternité par les pères légaux peut être une source de souffrance. Ils éprouvent le sentiment d’avoir été gravement trompés. Certains parlent de manipulation, voire de viol. Ainsi l’exprime Anthony Delon, confronté à la situation :

« Piégé ! Au-delà de la trahison, j'ai vécu cette annonce comme un viol. (...) Je m'étais juré que mon premier enfant, je le ferais par amour, avec une femme que j'aimerais. Que je fonderais un foyer, une famille, et que, bien évidemment, je réussirais là où mes parents avaient échoué. »

Dans le cas des liaisons ponctuelles, ils peuvent estimer avoir été utilisés comme de simples donneurs de sperme. Ce sentiment de tromperie s'accroît s'ils sont confrontés à une exigence de reconnaissance en paternité, et à l'obligation qui leur est faite ensuite de participer au moins financièrement à l'éducation de l'enfant.

Souvent leur souffrance est accrue par un sentiment de culpabilité par rapport à l’enfant, auquel ils se sentent liés même s'ils ne l'ont pas désiré, et dont ils se reprochent de ne pas s’être occupés.

Dans le cas des couples, les pères légaux découvrent avoir été doublement trompés, et dans la plus grande proximité, par la femme dont ils partagent la vie depuis des années : trompés sexuellement, trompés sur la réalité de leur descendance. Par rapport à l’enfant, la tension peut être extrême : ils l’aiment comme s’il était le leur, et en même temps ils le voient comme le résultat tangible de cette double tromperie.

Tant que la vérité n’est pas connue (et même si elle ne l'est jamais), le malaise lié à tout secret fondamental empoisonne la vie de la famille. Du côté de l’enfant, c’est souvent un doute qui s’accroît à mesure qu’il grandit et risque de le mettre en porte-à-faux par rapport à ses deux parents.

L’aspect juridique

Dans cette problématique, il y a inégalité des droits entre hommes et femmes. Les femmes disposent de plusieurs moyens légaux pour arrêter une grossesse ou renoncer à une naissance non voulue : la pilule du lendemain, l’IVG, l’accouchement sous X. À l'inverse, les hommes ne disposent d'aucun.

En France

La loi française ne prévoit aucun moyen pour les hommes. La possibilité de vérification en cas de doute, avec le test de paternité, ne peut être accordée que par une décision judiciaire motivée par des situations exceptionnelles, comme le viol. Les mères, à l’inverse, peuvent engager une recherche en paternité pour leur enfant dans les dix ans qui suivent sa naissance.

Aucun des hommes qui ont eu recours à la Justice pour se désengager d’une paternité imposée n’a obtenu satisfaction. Le 21 mars 2006, la Cour d’appel d’Orléans a débouté un homme dans cette situation au titre que

« le simple fait de devenir père, même sans l’avoir recherché, ne saurait être considéré comme un fait dommageable »

et que

« Tout homme qui accepte des rapports non protégés encourt [...] la possibilité d'une procréation. »

Au Québec

Au Québec, l’homme marié dispose d’un délai d’un an pour contester la paternité ; le conjoint de fait dispose de deux ans à partir du moment où il signe l'acte de naissance. Ce délai est très court et aucun des hommes qui ont eu recours à la Justice ultérieurement n’a obtenu satisfaction.

Débat sur le désengagement de paternité

Diverses associations paternelles ou antisexistes, certaines personnalités[Qui ?] font des propositions dans ce sens.

Marcela Iacub propose un statut de « géniteur sous X » :

« il suffirait de créer une procédure analogue à celle de l’accouchement sous X, qui lui permettrait de s’opposer à une action en recherche de paternité (...). Au moment où un homme prend connaissance d’une grossesse dont il ne souhaite pas assumer les conséquences, il devrait pouvoir faire appel à cette procédure qui le protégerait d’un recours, aussi bien de la femme que de l’enfant. Il deviendrait ainsi « géniteur sous X », laissant à la femme la responsabilité de le mettre au monde l’enfant dont elle aurait pu effectivement avorter. »

Autres propositions :

  • la même possibilité, après la naissance, pour les géniteurs qui n'ont pas été informés de la grossesse et qui peuvent le prouver ; possibilité pour les géniteurs, au moment de la grossesse et avant l'expiration du délai IVG, de renoncer à toute responsabilité quant à l'enfant à naître ;
  • la même possibilité pour les pères présumés qui découvrent qu'ils ne sont les pères biologiques, dans un délai à déterminer ;
  • ce qui suppose l’accès libre pour les hommes au test de paternité.

Chiffres

Vu le caractère secret du processus, et le caractère privé qui entoure l’éventuel dévoilement du secret, l’évaluation quantitative des paternités imposée est difficile et variable. Des gynécologues l’évaluent à cinq pour cent du total des naissances, tandis que l’American Association of Blood Banks propose dix pour cent, et le département en génétique de l’Université de Californie quinze pour cent.[réf. nécessaire]

Médiagraphie

  • Anthony Delon, Le premier Maillon, Michel Lafon
  • Marcela Iacub, « Pour un Statut de géniteur sous X », Libération, 25 janvier 2005.
  • Jean-Jacques Goldman, « Elle a fait un bébé toute seule » (chanson)
  • Patrick Guillot, La misandrie. Histoire et actualité du sexisme anti-hommes, Groupe d'études sur les sexismes, 2010

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