Aristogiton

Aristogiton

Tyrannoctones

Harmodios (à droite) et Aristogiton (à gauche), les tyrannoctones. Copie d'un groupe de 477-476 av. J.-C., découvert à la villa Adriana, musée national archéologique de Naples

Harmodios (en grec ancien Ἁρμόδιος / Harmódios) et Aristogiton (Ἀριστογείτων / Aristogeítôn), tous deux morts en 514 av. J.-C., sont les tyrannoctones (de τύραννος / túrannos, « tyran » et κτείνω / kteínô, « tuer »), assassins du Tyran athénien Hipparque.

Les deux principales relations du meurtre sont celles de Thucydide (VI, 56-59) et de la Constitution d'Athènes (XVIII) attribuée à Aristote.

Sommaire

L'assassinat

Aristogiton est un Athénien de classe moyenne ; Harmodios, son jeune amant, appartient aux cercles aristocratiques de la cité[1]. Selon Thucydide[2], Harmodios repousse les avances d'Hipparque, l'un des Pisistratides. Pour se venger, celui-ci invite tout d'abord la sœur du jeune homme à être canéphore aux Panathénées, honneur réservé aux filles des plus grandes familles d'Athènes, puis la chasse publiquement du cortège au prétexte qu'elle ne mérite pas cet honneur. Selon Aristote[3], c'est Thessalos, fils de la concubine argienne de Pisistrate, et donc demi-frère d'Hipparque, qui est repoussé par Harmodios et empêche la sœur du jeune homme d'être canéphore.

L'incident incite Harmodios et Aristogiton à se débarrasser d'Hipparque, auteur de l'offense, mais aussi et surtout de son frère Hippias, seul à exercer véritablement le pouvoir. Les amants recrutent rapidement une petite bande ; leur plan est de profiter du défilé des Grandes Panathénées pour assassiner Hippias et Hipparque. Thucydide précise que c'était le « seul jour où il fut possible aux citoyens qui devaient former le cortège de s'assembler en armes sans exciter la méfiance[4] ». Aristote proteste contre ce détail, arguant pour sa part qu'« alors on ne faisait pas la procession en armes ; cet usage fut introduit plus tard par la démocratie[5]. »

Le jour dit, Harmodios et Aristogiton observent l'un des conjurés discutant au Céramique — sur l'Acropole, selon Aristote — avec Hippias entouré de ses gardes. Craignant d'avoir été trahis, ils rebroussent chemin et rencontrent sur leur route Hipparque, à l'écart de son escorte. Ils le poignardent, Harmodios est tué peu après par les gardes, tandis qu'Aristogiton s'enfuit dans la foule. Il est arrêté peu après, torturé et exécuté, non sans avoir eu le temps d'avouer le nom de ses complices, tous aristocrates.

La légende

Le groupe des Tyrannoctones

Harmodios et Aristogiton sont traités comme des héros après la chute d'Hippias. Des statues en bronze, œuvre d'Anténor, sont érigées en leur honneur sur l'agora à une date qui reste discutée : Pline l'Ancien[6] la situe la même année que la fin de la royauté à Rome, c'est-à-dire en 510-509 av. J.-C. Cependant, Pline se réfère plus probablement à la chute de la tyrannie d'Hippias, effectivement survenue en 510 av. J.-C. Il n'est pas du tout certain que l'érection du groupe ait été contemporaine de cet événement : mettre en valeur Harmodios et Aristogiton serait revenu à minimiser le rôle de la famille aristocratique des Alcméonides, artisans du renversement d'Hippias, dans le rétablissement de la démocratie. On a soutenu qu'elle a eu lieu en 490 av. J.-C., après la bataille de Marathon[7], ou encore en 498 av. J.-C., au moment de l'ostracisme de l'alcméonide Mégaclès[8]. Quoi qu'il en soit, Pausanias[9] comme Pline s'accordent à dire que ce sont les premières statues officielles de la cité.

Emportées par le roi perse Xerxès Ier lors du sac d'Athènes en 480 av. J.-C., elles sont remplacées par un autre groupe dû à Critios et Nésiotès, que la chronique de Paros date de 477-476 av. J.-C.[10]. Le groupe d'Anténor est ensuite restauré, selon Arrien[11], par Alexandre le Grand, selon Pausanias[12], par Antiochos Ier ou encore, selon Valère Maxime[13], par Séleucos Ier.

On identifie généralement deux statues du Musée national archéologique de Naples[14], trouvées à la villa Adriana, comme des copies du deuxième groupe. Elles représentent, légèrement plus grands que nature[15], à droite Harmodios, bras droit levé et tenant un poignard, prêt à frapper ; à gauche, Aristogiton tend en avant son bras gauche recouvert d'un manteau, sans doute pour se protéger, tandis que son bras droit, armé, est rejeté en arrière. Le groupe est représenté de face, le spectateur se trouvant donc dans la position de la victime. Cette iconographie est reprise sur le bouclier d'Athéna d'une amphore panathénaïque datée de 400 av. J.-C. environ[16] et, en bas-relief, sur le trône d'Elgin daté de 300 av. J.-C. environ[17], attestant de la popularité des tyrannoctones.

Autres honneurs

Les chants populaires athéniens attribuent également aux tyrannoctones une place dans les îles des Bienheureux, aux côtés d'Achille. Il n'est pas possible de donner leurs noms aux esclaves[18] ; les propos diffamatoires à leur encontre sont également interdits[19]. Leurs descendants font aussi l'objet d'égards particuliers : Plutarque[20] rapporte qu'Aristide le Juste donne une terre en dot à une petite-fille d'Aristogiton, si pauvre qu'elle ne pouvait trouver un mari, et la marie à un citoyen de bonne naissance.

Pourtant, dès l'époque classique, Thucydide s'était efforcé de relativiser la portée du geste des tyrannoctones, déclarant à l'issue de son récit : « c'est ainsi qu'une blessure d'amour explique successivement, chez Harmodios et Aristogiton, l'idée première du complot et le coup d'audace provoqué par un affolement subit[21]. »

Notes

  1. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse [détail des éditions] [lire en ligne] (VI, 54, 2). Lucien de Samosate fait carrément d'Aristogiton « un homme du peuple et un pauvre » dans son dialogue satirique Le Parasite (48).
  2. Op. cit. (VI, 56, 1).
  3. Aristote, Constitution d'Athènes [détail des éditions] [lire en ligne] (XVIII, 2).
  4. Op. cit. (VI, 56, 2). Traduction de Jacqueline de Romilly et de Louis Bodin pour les Belles Lettres.
  5. Op. cit. (XVIII, 4). Traduction de G. Mathieu et B. Haussoullier pour les Belles Lettres.
  6. Pline l'Ancien, Histoire naturelle [détail des éditions] [lire en ligne] (XXXIV, 17).
  7. John Boardman (trad. Florence Lévy-Paoloni), La Sculpture grecque classique [« Greek Sculpture: The Classical Sculpture »], Thames & Hudson, coll. « L'Univers de l'art », Paris, 1995 (1re édition 1985) (ISBN 2-87811-086-2) , p. 24.
  8. Mauro Moggi, cité par Didier Viviers, « Anténor, sculpteur engagé ? », communication au colloque « Figures d'artistes dans l'Antiquité grecque : les limites de la monographie, organisé au musée du Louvre, 24 mars 2007.
  9. Pausanias, Description de la Grèce [détail des éditions] [lire en ligne] (I, 8, 5).
  10. Paros 145 = FGrH II, no 239.
  11. Arrien, Anabase (III, 16, 7).
  12. Ibid.
  13. Valère Maxime (II, 10, ext. 1 § 109).
  14. Naples G 103 et G 104.
  15. H. 1,95 mètre. Boardman, p. 24.
  16. Londres B 605. Beazley, Attic Black-figure Vases, 411.4.
  17. J. Paul Getty Museum, 74.AA.12
  18. Nuits attiques [détail des éditions] [lire en ligne] (IX, 2, 10) ; Libanios, Discours (I, 71).
  19. Hypéride, Discours (II, 3).
  20. Plutarque, Vies parallèles [détail des éditions] [lire en ligne] (Aristide, XXVII, 6).
  21. Op. cit. (VI, 59, 1).

Liens externes

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