- Panel de citoyens
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Jury citoyen
Un jury citoyen (ou conférence de citoyens, ou panel de citoyens) est une assemblée temporaire désignée par tirage au sort ou choisie par une autre méthode aléatoire (démarchage dans la rue, etc.) pour orienter certaines décisions politiques. Le but est de renforcer la participation citoyenne dans les processus politiques et/ou d'éclairer la prise de décision dans des situations complexes en consultant un échantillon de la population. Historiquement, les jurys citoyens s'inspirent du modèle des jurés des Assises, d'où le nom de "jury" qui leur est souvent donné, en particulier dans les pays anglo-saxons, mais leur objectif est de faire des propositions plutôt que de juger des décisions déjà prises.
Les jurys de citoyens sont utilisés à titre expérimental dans de nombreux pays depuis les années 2000 et ont un cadre plus officiel dans certain pays comme l'Allemagne (notamment à Berlin), au Danemark ou en Espagne.
Sommaire
Origine
Dans les années 1970, en Allemagne, Peter Dienel, un sociologue travaillant pour une administration chargée de la rénovation de quartiers urbains, cherche à associer les habitants à la conception des projets. Pour lui les réunions publiques ne constituent pas le bon outil : elles peuvent mobiliser un grand nombre de personnes mais ne parviennent pas à concerner tous les groupes sociaux. De plus, les débats trop brefs ne débouchent le plus souvent que sur des revendications hétéroclites et pas toujours réalistes, voire sur un clivage entre les visions des participants plutôt que sur un consensus. Pendant des années, Dienel expérimente de nouveaux dispositif de formation et de recueil de la parole des citoyens, jusqu’à aboutir à ce qu’il appelle les « cellules de planification » (Planungszelle) : des groupes de vingt-cinq personnes tirées au sort parmi les habitants d’un quartier et mobilisés pendant plusieurs jours, qui reçoivent des éléments de formation et d’information sur le problème à traiter, puis qui délibèrent pour élaborer des recommandations. [1]. Le principe des jurys citoyens s'inspire de ce concept en l'élargissant à toutes les décisions politiques locales. Le terme de « jury citoyen » (citizens' jury) a été d'abord employé par le politologue américain Ned Crosby à partir des années 1980 lorsqu'il crée aux États-Unis, quelques années plus tard, des groupes fonctionnant sur le même principe. Ceux-ci se penchent le plus souvent sur des questions de portée locale, « l’expertise du quotidien » étant souvent mise en avant pour légitimer l’intervention citoyenne.
De nouvelles perspectives apparaissent en 1987, lorsque le Danish Board of Technology, organisme danois, affine la méthode qu'il baptise "Conférence de consensus". Il mobilise un groupe de citoyens à qui il soumet une question qui n’appartient en rien à l’espace local, celle de l’usage des organismes génétiquement modifiés dans l’alimentation et l’agriculture. Ce n’est pas, alors, le bon sens et la connaissance empirique des citoyens qui sont invoquées pour justifier leur intervention, mais leur caractère profane et leur sens de la responsabilité. Le modèle danois s’exporte en Belgique, en Espagne (où il est parfois appelé NIP - Nucleo de intervencion participativa)[2] et dans bien d’autres pays. En France, il est connu sous le nom de Conférence de citoyens. Il ne s’agit pas d’un organe de prise de décision, mais le plus souvent d’un outil d’aide à la décision, à statut consultatif, temporairement mis en œuvre par des autorités politiques désireuses de disposer d’une vision de leur opinion publique sur un sujet défini par elles. Le plus souvent, les animateurs de jurys citoyens mobilisent des savoir-faire issus de la facilitation (c’est-à-dire de l’animation de collectifs de travail) ou de la médiation.
Fonctionnement
Bien que le fonctionnement des jurys citoyens puisse varier, il existe quelques constantes :
- Le nombre de jurés est limité pour permettre des débats plus efficaces (généralement à une dizaine ou une vingtaine) ;
- Les jurés sont tirés au sort pour obtenir un panel représentatif des personnes concernés par le processus politique à arbitrer (une minorité des jurés est parfois désignée dans les milieux associatifs) ;
- Les jurés sont officiellement libérés de leurs obligations professionnelles et familiales et sont souvent indemnisés financièrement ;
- La participation aux jurys citoyens est volontaire (aucune pénalité ne touche ceux qui refusent d'y participer) ;
- Les périodes de délibération sont précédées d'une phase d'apprentissage, qui peut se limiter, dans certains cas à la simple lecture d'un document résumant les enjeux du débat mais qui comprend généralement des débats avec des experts et des représentants d'associations porteurs d'opinions contrastées sur la question posée ;
- Les périodes de délibération sont généralement courtes (2 à 4 jours).
Critiques
Si les critiques faites aux jurys citoyens sont souvent d'ordre idéologique, il en existe certaines d'ordre factuel :
- Leurs coûts : indemnisation des jurés, formation des jurés, organisation des débats préparatoires, etc. En Espagne, où les jurés sont très nombreux, le coût peut aller de 5000 euros pour 50 jurés jusqu'à 100 000 euros pour 300 jurés [3]. Dans le cas de jurys décisionnaires, ce coût est amorti par les processus qu'il remplace alors que pour les jurys consultatifs, il vient s'y ajouter.
Applications
En Allemagne
Les jurys citoyens (Bürgerforum) sont notamment utilisés depuis 2001 dans 17 quartiers de Berlin pour décider d'une partie de leur budget (500 000 euros). Ils sont constitués pour majorité de résidents tirés au sort (quelle que soit leur nationalité) auxquels se joignent des représentants d'associations locales. Le nombre de jurés est fixé à un pour mille habitants.
En Belgique
En Belgique, la fondation pour les générations futures a conduit depuis 2001 plusieurs expériences de panel citoyen (site de la fondation pour les générations futures).
En France
En France, plusieurs expérimentations ont eu lieu dont celle, en mai 2006, du Conseil général de Meurthe-et-Moselle qui invita 15 habitants du département tirés au sort à trancher une question concernant la sécurité et l'environnement après avoir débattu avec des experts de ces domaines[4].
Les jurys de citoyens sont entrés au cœur du débat présidentiel français de 2007 après que Ségolène Royal a émis l'hypothèse qu'ils puissent être utilisés pour évaluer l'action des élus.
Annexes
Liens externes
- Historique, fonctionnement et évaluation des jurys de citoyens berlinois (Synthèse).
- Fondation pour les générations futures (Belgique)
- Programme Comédie France)
Ouvrages et films
- Ismael Blanco. « Les jurys citoyens en Espagne : vers un nouveau modèle de démocratie », dans Mouvements (ISSN 1291-6412) n° 18, novembre-décembre 2001.
- Éléonore Koehl et Yves Sintomer. Les jurys de citoyens de Berlin, Centre Marc Bloch, 2002, 135p. [lire en ligne] ;
- Anja Röcke et Yves Sintomer, « Les jurys de citoyens berlinois », dans Marie-Hélène Bacqué, Henri Rey et Yves Sintomer, Gestion de proximité et démocratie participative, éditions La Découverte, Paris, 2004. (ISBN 2-7071-4306-5)
- « Les nanos et nous », Film de David Hover sur la Conférence de citoyens organisée en 2006 par la Région Ile-de-France sur les nanotechnologies (http://espaceprojets.iledefrance.fr, rubrique « nanocitoyens ».
- Dominique Bourg et Daniel Boy. conférences de citoyens, mode d'emploi. Éditions Charles-Léopold Mayer, Descartes et Cie, 2005.
- Pierre-Yves Guihéneuf. Chronique d'une conférence de citoyens. Éditions Charles-Léopold Mayer, 2008.
Notes et références
- ↑ D'après la Commission nationale du débat public.
- ↑ « Le modèle NIP ». Hans Harms, 1998. http://adonnart.free.fr/doc/citoy/confcit6.htm.
- ↑ Les jurys de citoyens berlinois, Rapport final pour la Délégation Interministérielle à la Ville, 2002.
- ↑ Site du Conseil général de Meurthe-et-Moselle.
Catégorie : Démocratie
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