Origines de l'agriculture

Origines de l'agriculture
Épis d'orge

Les origines de l'agriculture sont multiples et échelonnées dans le temps. Les indices les plus anciens de domestication de plantes et d'animaux à des fins alimentaires unanimement reconnus sont à rechercher dans le Néolithique du Proche-Orient et datent de la fin du VIIIe millénaire av. J.‑C. Si l'adoption de l'agriculture au Proche-Orient correspond à un lent changement des comportements des populations locales, dans d'autres régions, dont l'Europe, elle est plus rapide et correspond à l'arrivée de populations déjà néolithisées[1].

Sommaire

Une hypothétique utilisation très ancienne de céréales

Des indices d'utilisation de céréales dateraient d'environ 100 000 ans, en Afrique : il s'agit de traces de sorgho sauvage trouvées sur des grattoirs de pierre datant du Paléolithique (-100 000 ans) mis au jour dans une grotte du Niassa, au nord-ouest du Mozambique. Cette farine ou les grains écrasés étaient peut-être consommés avec des fruits ou des tubercules, voire déjà en bouillie fermentée. Des chercheurs interrogés par les revues Nature ou Science se montrent encore sceptiques, car avant cela, les traces archéologiques les plus anciennes (blé et orge) dataient de seulement 23 000 ans et avaient été découvertes sur l'actuel territoire d'Israël)[2].

Raisons d'une mutation

De nombreuses théories ont cherché à expliquer la transition entre une économie de chasse et de cueillette et l'agriculture mais aucune ne fait l'unanimité. Il est probable qu'une explication univoque ne puisse convenir à tous les foyers de domestication des plantes et des animaux.

Par ailleurs, la transition vers une économie de production n'est pas universelle puisque le voisinage de peuples chasseurs-cueilleurs et d'agriculteurs a été la règle dans de nombreuses régions en certains points du globe, jusqu'au XXe siècle. Les travaux des ethnologues tels que Marshall Sahlins ont montré que le passage à l'agriculture impliquait un surcroît de travail par rapport à une subsistance basée sur la chasse et la cueillette[3].

Il est probable que des chasseurs-cueilleurs aient précocement observé que les graines pouvaient germer pour donner de nouvelles plantes bien avant de tenter de favoriser ce processus à grande échelle. Tel était le cas au XXe siècle chez les derniers chasseurs amazoniens ou australiens.

Cultures et sédentarisation

Jusqu'au milieu du XXe siècle, les archéologues considéraient que la sédentarisation était une conséquence de la mise en culture des champs, auprès desquels les groupes humains devaient rester pour préparer le sol, enfouir les semences puis protéger et récolter les aliments cultivés.

Des travaux ultérieurs ont montré que dans la jungle, les systèmes de cultures itinérantes sont plus rentables, et que les premiers groupes sédentaires, notamment les Natoufiens, étaient encore des chasseurs-cueilleurs : les conditions climatiques optimales du croissant fertile leur permettaient de collecter des quantités de céréales sauvages suffisantes pour subvenir à leurs besoins sans avoir à se déplacer[4]. Un autre facteur de sédentarisation a été l'organisation de tribus autour de foyers, probablement il y a au moins 800 000 ans pour les cas les plus anciens sur le territoire de l'actuel Israël si l'on en crois les restes (restes de silex brûlés, d'outils en basalte et calcaire, fragments de carapaces de crabes et arêtes de poissons, restes de graines, fruits, céréales et bois) trouvés très localisés autour des foyers à Gesher Benot Ya-agov (campement préhistorique de plein air sur le rives d'un ancien lac)[5].

L'agriculture serait donc apparue en marge des régions les plus favorables, suite à un accroissement démographique impliquant l'émigration d'une partie de la population[6],[7].

Pour G. Childe, la domestication des animaux aurait été facilitée par une sécheresse les obligeant à se regrouper autour des oasis[8],[9],[10]. Cette hypothèse séduisante ne résiste pas à l'épreuve des faits : la domestication apparaît en Palestine et en Syrie à un moment où le climat est favorable.

Pour J. Cauvin, l'explication de l'apparition de l'agriculture ne peut se résumer à des pressions environnementales ou démographiques mais est plus vraisemblablement socio-culturelle. Pour la première fois, les groupes humains ne se scindent pas lorsqu'ils atteignent le seuil critique au-delà duquel des tensions internes apparaissent : l'agriculture serait une solution pour créer de nouveaux rapports sociaux[11]. « Dès lors l'agriculture serait davantage une forme d'adaptation de la société humaine à elle-même plus qu'à son milieu extérieur » [12].

Conséquences

Les premières plantes cultivées furent des plantes à graines , et en particulier des plantes céréalières: blé, orge, pois, mil, riz, ou encore maïs dans le nouveau monde. Ces cultures autorisent une production alimentaire plus importante et le stockage. Cela a permis à une partie de la population de se consacrer à des activités autres que la simple production alimentaire: activités guerrières, politiques, marchandes, artisanales.

L'adoption d'une économie de production a donc eu de nombreuses conséquences, en particulier au niveau de l'organisation sociale des groupes humains. L'apparition du stockage des aliments et la constitution de réserves ont eu pour effet indirect la mise en place d'une classe de guerriers pour protéger les champs et les réserves des intrusions de groupes étrangers. La hiérarchisation de la société découle donc en partie de l'apparition de l'agriculture, tout comme la guerre : le niveau supérieur de l'hypogée de Roaix (Vaucluse), daté de 2 090 +/- 140 av. J.-C., a livré les squelettes imbriqués d'une quarantaine d'individus, hommes, femmes ou nouveau-nés, dont certains présentaient des pointes de flèches fichées dans les os du thorax ou du bassin. Il s'agit de l'une des plus anciennes preuves d'inhumation collective à la suite d'un massacre[13].

L'effet fortement multiplicateur de rendement de l'irrigation a favorisé le développement dans les vallées des grands fleuves. Une population nombreuse a pu s'y développer, tandis qu'une forte densité de population était nécessaire à l'entretien et à l'extension des digues et canaux. Les premières grandes civilisations sont apparues le long de ces fleuves salvateurs : le Nil, le Tigre, l'Euphrate, l'Indus et le fleuve Jaune.

Un vaste radoucissement climatique a donc permis, il y a environ 10 000 ans, de mettre en place les éléments ayant abouti à notre civilisation actuelle. L'Homme moderne saura-t-il faire preuve des mêmes capacités d'adaptation que ses ancêtres ?

Références

  1. A. Hauzeur, 1998, « Une nouvelle relation avec l'environnement : la domestication des animaux et des plantes », in : Les grandes inventions de la Préhistoire, Guides archéologiques du Malgré-Tout, CEDARC, pp. 63-68.
  2. J. Mercader « Mozambican Grass Seed Consumption During the Middle Stone Age » (J. Mercader est archéologue à l'Université de Calgary, à Calgary, AB, Canada)
  3. M. Sahlins, 1972, Âge de pierre, âge d'abondance. Économie des sociétés primitives (1976 pour la traduction française), (ISBN 2070292851)
  4. J.R. Harlan, 1967, « A wild harvest in Turkey », Archaeology, t. 20, pp. 197-201.
  5. N. Alperson- Afil, G. Sharon, I. Zohar, S. Ashkenazi, R. Rabinovich, R. Biton, E. Werker, N. Goren-Inbar, Kislev, Y. Melamed, I. Zohar, G. Hartman, C. Feibel, I. Zohar « Spatial Organization of Hominin Activities at Gesher Benot Ya'aqov, Israel » ; 202-326-7088 ; Revue Science ; Ed : American Association for the Advancement of Science ; N° du 18 décembre 2009.
  6. K.V. Flannery, The ecology of early food production in Mesopotamia, Science, t. 147, p. 1247.
  7. G. Camps, 1982, La Préhistoire, à la recherche du paradis perdu, Librairie Académique Perrin, Paris.
  8. V. Gordon Childe, 1925, The Dawn of European Civilization, Londres.
  9. V. Gordon Childe, 1929, The Danube in Prehistory, Oxford.
  10. V. Gordon Childe, 1936, Man Makes Himself, London, Watts & Co., 274 p. 
  11. J. Cauvin, 1994, Naissance des divinités, naissance de l'agriculture: la révolution des symboles au Néolithique, (réédité par Flammarion, collection "Champs", 1998, (ISBN 2080814060))
  12. J. Cauvin, 1978, Les premiers villages de Syrie-Palestine du IXe au VIIe millénaire av. J.-C., Lyon, Maison de l'Orient méditerranéen.
  13. J. Courtin, 1974, Le Néolithique de la Provence, Paris, Mémoires de la Société Préhistorique Française, t. 11, 359 {{{1}}}.

Voir aussi

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