- Métathèse (linguistique)
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La métathèse (du grec μετάθησις metáthêsis, « permutation ») est une modification phonétique de la famille des métaplasmes impliquant un échange plus ou moins important entre deux phonèmes en contact ou proches.
Par extension, dans le domaine de la grammaire et de l'analyse stylistique, le terme peut désigner des permutations d'autres ordres dans un énoncé, des syllabes échangées aux mots. La métathèse phonétique, quant à elle, se présente sous deux formes principales :
- la métathèse de phonèmes ;
- la métathèse d'unités suprasegmentales.
Sommaire
Raisons de la métathèse
La métathèse peut être liée à un problème particulier de prononciation :
- difficultés d'élocution pathologiques ;
- déformation par méconnaissance du lexique, souvent liée à l'étymologie populaire (aréopage prononcé *aéropage, sur le modèle d'aéroport, *infractus pour infarctus, par analogie avec infraction) ;
- locuteur jeune maîtrisant encore mal son gosier (*pestacle, souvent employé par les enfants pour spectacle - voir aussi prosthèse) ;
- énoncé prononcé dans une langue non maternelle (it has en anglais prononcé hit as par un francophone) ;
Ou bien elle s'étend à une langue entière et devient complètement lexicalisée : elle a dans ce cas donné naissance à des termes enregistrés comme normaux dans le lexique, tels que, en français, fromage du latin formaticum, brebis de berbix, ou moustique de l'espagnol mosquito.
Dans la majorité des cas, la métathèse s'explique par la paresse articulatoire : elle fournit une chaîne de phonèmes plus simple à prononcer ou bien plus en adéquation avec le système syllabique d'une langue. Dans d'autres cas, il ne s'agit que de la méconnaissance d'un signifiant.
Métathèse de phonèmes
Il s'agit simplement d'une inversion de deux phonèmes à distance ; la plupart du temps, les phonèmes sont de même nature : les consonnes s'échangent entre elles, de même les voyelles.
Métathèse de consonnes
C'est le cas pour spectacle > *pestacle : [sp...kt...kl] > [p...st...kl] (on note aussi la simplification de [sp] en [p]). Les séquences [sp] puis [kt] à la suite sont difficiles à prononcer pour un jeune locuteur. En effet, elles impliquent tout d'abord un départ à deux consonnes (résolu par simplification) puis une suite demandant un mouvement de langue important (du palais mou aux dents), résolu quant à lui par une redistribution des consonnes. Ces raisons peuvent expliquer une telle métathèse. Quoi qu'il en soit, le signifiant obtenu, *pestacle, est considéré fautif et sera la plupart du temps corrigé par les adultes.
La métathèse de certaines consonnes en contact peut cependant donner naissance à des termes considérés les seuls corrects. Elle s'est dans ce cas déroulée dans le passé de la langue : c'est le plus souvent une loi phonétique qui doit s'être appliquée à toutes les séquences de consonnes d'une période donnée.
En grec ancien, par exemple, toutes les séquences [tk] sont devenues [kt], plus faciles à prononcer. On peut ainsi expliquer qu'à partir d'un même radical *tek-, « accoucher, naître », on obtienne, selon le degré radical, des dérivés en /tVk/ (lire « une voyelle, V, sépare les deux consonnes ») ou en /kt/, quand les deux consonnes se sont échangées parce qu'elles étaient en contact. Ansi, « naissance » se dit bien τόκος tókos mais « accoucher » vaut τί-κτω ti-ktō. Cette dernière forme s'explique phonétiquement quand on sait que *ti-tk-ō > ti-ktō. C'est un présent à redoublement (la première consonne suivie d'une voyelle, i pour les thèmes de présent, est utilisée comme préfixe) sur un degré zéro radical (la voyelle du radical *te/ok- n'est pas réalisée car la voyelle thématique est déjà utilisée pour le suffixe de première personne du singulier, ō. Ces conditions permettent la métathèse.
Le phénomène se produit bien sûr dans d'autres mots et la séquence [tk] n'est pas la seule représentée. De plus, si une modification phonétique se limite parfois à la seule métathèse, certaines d'entre elles font partie d'un processus plus complexe ; ainsi, toujours en grec ancien, une séquence [sr] en début de mot aboutit normalement à [r̥] (/r/ dévoisé) après être parti d'une métathèse : [sr] > [hr] (affaiblissement de [s]) > [rh] (métathèse) > [r̥] (simplification par assourdissement) : l'indo-européen *sru-tó-, participe passé passif du verbe *srew-, « s'écouler », devient bien strutá- en sanskrit mais ῥυτός [r̥ytós] en grec.
Une langue comme le français possède aussi dans son lexique des termes corrects issus d'une métathèse. Brebis et fromage, par exemple, proviennent bien de berbice(m) (cas régime de berbix ; on trouve aussi pour la forme classique vervex) et formaticu(m), lesquels se retrouvent dans d'autres langues romanes sans la métathèse : italien berbice et formaggio, occitan formatge. Il existe cependant des mots en /rb/ et /rm/ (arbre, ferme) sans métathèse, ce qui permet de considérer que cette métathèse est originale et ne constitue pas une loi phonétique.
Métathèse d'aspiration
En grec ancien, un phénomène d'aspiration peut être considéré comme une métathèse. Par exemple, dans le mot thrix, trichos( poil), on remarque que l'aspiration change de consonne entre le nominatif et le génitif : l'explication est la suivante : par paresse articulatoire, le grec ne peut plus prononcer à l'époque classique deux aspirées dans un même mot. Au nominatif, comme le "xi" ne supporte plus l'aspiration, l'apiration demeure sur le "tau " initial qui se transforme en thêta. Au génitif, au contraire, le kappa se réalise sous sa forme aspirée, chi, empêchant le tau initial de conserver son aspiration.
Métathèse de voyelles
Pour les mêmes raisons qui causent une métathèse de consonnes, les voyelles peuvent s'inverser, pour se placer dans un ordre semblant plus naturel, c'est-à-dire mieux représenté dans le système phonologique de la langue. Exemples : "obnubiler" devient "omnibuler". De même, "tuile" est une altération par méthatèse de "tiule, tieul, tioule", issu du latin "tegula".
Métathèse d'unités suprasegmentales
Outre les phonèmes, les unités suprasegmentales peuvent s'échanger au contact. On désigne ainsi les caractéristiques inhérentes au phonèmes, comme la quantité, le tonème ou encore l'accent.
L'un des exemples les plus convaincants se trouve en grec ancien. C'est une métathèse de quantité entre voyelles en contact. On la rencontre principalement dans les noms féminins athématiques en -ις -is / -εως -eôs. Un mot comme πόλις pólis, « ville », fait son génitif en πόλεως póleôs, lequel contredit les lois de l'accentuation grecque (l'accent aigu ne peut remonter aussi loin dans un mot terminé par une voyelle longue). On sait que ce génitif remonte à *pólêyos qui, pour le coup, est conforme à l'accentuation. Les deux dernières voyelles, cependant, entrant en contact après l'amuïssement du yod, se sont échangé leur quantité : *êo > eô.
Il existe aussi des cas de métathèse tonale.
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