Médecine fondée sur des preuves

Médecine fondée sur des preuves

Médecine fondée sur les faits

La médecine fondée sur les faits se définit comme « l'utilisation rigoureuse et judicieuse des meilleures données disponibles lors de prise de décisions concernant les soins à prodiguer à des patients individuels »[1],[2]. On utilise plus couramment le terme anglais Evidence-Based Medicine (EBM), et parfois les termes médecine fondée sur des preuves ou médecine factuelle. Ces preuves proviennent d'études cliniques systématiques, telles que des essais contrôlés randomisés en double aveugle, des méta-analyses, éventuellement des études transversales ou de suivi bien construites.

D'abord développée comme un ensemble de techniques pédagogiques de lecture et d'évaluation de la qualité scientifique de la littérature médicale aujourd'hui pléthorique, «l'EBM est maintenant utilisée par des gestionnaires, des cliniciens, et ce pour des objectifs aussi divers que le renouvellement de la pédagogie médicale, l'aide au jugement clinique ou encore comme justification de programmes de rationalisation des ressources financières et matérielles dans l'organisation des soins»[3].

Sommaire

Un problème de traduction

Le terme « Evidence-Based Medicine » a été inventé au Canada à la Faculté de médecine McMaster dans les années 1980 pour nommer cette stratégie d'étude clinique que les gens de cette école avaient développée depuis plus d'une dizaine d'années. Evidence peut se traduire ici par donnée probante.

« Evidence-based medicine » ne peut pas se traduire par "Médecine basée sur les preuves" (en français cet anglicisme est rejeté par l'Académie[4]). Les cliniciens préfèreraient « médecine fondée sur le niveau de preuve ».

Le paradigme EBM

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L'EBM fait appel à 3 sources[5] :

  • La source scientifique (données de la recherche) : le clinicien doit consulter la littérature scientifique originale pour résoudre les problèmes cliniques et proposer une prise en charge optimale. L'étude et la compréhension de la physiopathologie sont nécessaires mais insuffisantes. La compréhension des règles méthodologiques permettant l'évaluation des niveaux de preuve est indispensable pour interpréter correctement la littérature sur la causalité, le pronostic, les tests diagnostiques et la stratégie thérapeutique.
  • La source des conditions d'exercice et de l'expérience du praticien (expérience clinique) : l'expérience clinique doit se fonder sur une analyse systématique des observations cliniques, de manière reproductible et non biaisée, en évitant toute interprétation intuitive de l'information.
  • La troisième source est le patient : la prise de décision doit tenir compte des préférences du patient et de son entourage.

C'est la réunion des 3 sources qui fonde l'EBM. L'intersection des 3 cercles permet d'insérer autour de la décision clinique : les considérations éthiques, les recommandations, les nouveaux savoirs du praticien.

Le processus EBM

Le processus de l'EBM passe par les étapes suivantes:

  1. la formulation d'une question clinique claire et précise à partir d'un problème clinique posé
  2. la recherche dans la littérature d'articles cliniques pertinents et appropriés sur le problème
  3. l'évaluation critique de la validité et de l'utilité des résultats trouvés (« niveau de preuve »)
  4. la mise en application des résultats de l'évaluation dans la pratique clinique pour une prise en charge personnalisée de chaque patient.

Connection EBM - EPP :

  1. Evaluation de la Pratique Professionnelle  : Evaluer les conséquences afin d'améliorer son expérience clinique.

Niveau de preuve en médecine factuelle

Les données de la recherche apportent des preuves scientifiques (donc datées) en considérant les résultats statistiques des essais cliniques. L'outil de production de cette connaissance qui a la faveur des chercheurs est l'essai clinique randomisé (ECR).

Gradation des recommandations

Gradations des recommandations

Échelle Définition
A Données disponibles justifiant une recommandation de niveau élevé
B Données disponibles justifiant une recommandation de niveau intermédiaire
C Données disponibles insuffisantes pour justifier une recommandation

Niveau de preuve : type de données utilisées dans les recommandations

  • a =Données publiées dans un journal scientifique avec comité de lecture
  • b =Données présentées dans un congrès scientifique avec comité de sélection, et disponible sous forme de résumé.


Niveau de preuve selon le type de données
Échelle Définition
I a, b Au moins 1 essai clinique randomisé - méta-analyses d'essais randomisés.
II a, b Essais cliniques non randomisés - Cohortes ou études cas-contrôle - Méta-analyse de cohortes ou études cas-contrôle
III Analyse d'experts sur la base d'autres données disponibles.

Niveaux de preuve fournis par la littérature (études thérapeutiques)

Niveau de preuve scientifique et grades des recommandations (Haute Autorité de santé)
Niveau de preuve scientifique fourni par la littérature Grade des recommandations
Niveau 1 (NP1) Essais comparatifs randomisés de forte puissance (effectifs suffisants) - Méta-analyse d'essais comparatifs randomisés - Analyse de décision basée sur des études bien menées. Preuve scientifique établie A (Prouvé)
Niveau 2 (NP2) Essais comparatifs randomisés de faible puissance (effectifs insuffisants) - Études comparatives non randomisées bien menées - Etudes de cohortes. Présomption scientifique B (Probable)
Niveau 3 (NP3) Études de cas témoins. Faible niveau de preuve C (Accepté)
Niveau 4 (NP4) Études comparatives comportant des biais importants - Études rétrospectives - Séries de cas Faible niveau de preuve C (Accepté)
En l'absence d'études les recommandations sont fondées sur un accord professionnel

Les objections à l'EBM

Pour être bien comprise, l'EBM doit être vue comme une des transformations de la médecine occidentale. Le projet initial a été repris par des influences plus profondes pour l'inscrire dans une perspective pratique plus vaste. Le débat sur sa pertinence est polémique.

La pratique de l'EBM a soulevé dans la communauté scientifique un certain nombre d'objections :

  • Au nom de ce que la médecine est un art autant qu'une science, les principes de l'EBM présentée comme paradigme dominant, sont énergiquement combattus[6].
  • L'approche factuelle de la maladie et de la thérapeutique s'appuie sur des modèles statistiques où la maladie n'est plus envisagée du point de vue de l'individu (du sujet), mais du point de vue de la population (du groupe).
  • Il existe une absence d'études et de données scientifiques pour un certain nombre d'actes cliniques qui ne seront jamais évalués en utilisant l'approche EBM ou des études non représentatives de malades auxquelles elles prétendent s'appliquer. Il existe des zones grises dans la pratique clinique[7].
  • Il existe des problèmes à résoudre en médecine de "premier contact" (notamment en médecine générale) le plus souvent liés à plusieurs pathologies, où se mêlent des dimensions sociales, culturelles, familiales, sanitaires. Le généraliste doit également interpréter un mode individualisé de présentation de la maladie plutôt que de reconnaître un tableau clinique classique. «C'est le plus souvent dans l'urgence que le médecin doit décider. C'est toujours avec des individus qu'il a à faire»[8].
  • Les informations valides et exactes d'aujourd'hui seront-elles utilisables demain ?[réf. souhaitée]
  • La médecine fondée sur le niveau de preuve ne rend pas compte de l'innovation, de la découverte, «c'est une méthode sans génie».[réf. souhaitée]

EBM et Ethique médicale

  • Une médecine fondée sur les « données probantes » fait la promotion d'une catégorie de données au détriment des « données contextuelles ». Les données contextuelles sont propres au cas : elles englobent les aspects socioculturels, émotifs, psychosociaux, institutionnels, socio-économiques et ne sont pas propres au patient seulement. Le médecin, les institutions de soins portent des valeurs qui influencent la décision médicale au même titre que les données scientifiques. Les essais cliniques randomisés (ECR), l'outil méthodologique principal de l'EBM, sont insensibles aux données contextuelles se rapportant à l'individualité des patients.
  • La diffusion des données probantes à des fins cliniques a un outil privilégié : la recommandation (de pratique clinique ou de bonne pratique). La dissémination de l'information scientifique doit toujours être accompagnée par des réserves dues au statut provisoire de toute connaissance produite par la science.
  • L'EBM pourrait perturber le jugement clinique, dans la mesure où la recherche de données probantes remplace la capacité de jugement du médecin et produit comme résultat des protocoles d'action clinique qui enlèvent potentiellement toute initiative aux médecins et au personnel soignant.
  • Le praticien a une charge considérable dans la médecine fondée sur le niveau de preuve. C'est à lui d'intégrer les preuves à son expertise et de prendre en compte les choix du patient. Les recommandations peuvent être perçues comme des limites à l'autonomie et la liberté des praticiens qui peuvent être désorientés. Les preuves utiles et adaptées manquent souvent[9]. Plus encore, la décision la plus fondée peut s'avérer ne pas être éthiquement acceptable ou contraire à l'intérêt du patient[10].

Notes et références de l'article

  1. (en) Sackett et al.(1996), EBM: What is and what is not, British Medical Journal, 312, P. 71-72
  2. (en) Davidoff F, Haynes RB, Sackett DL, Smith R. Evidence-based medicine. British Medical Journal 1995;310:1085-6.
  3. Guy Jobin - Inserm (2002)
  4. Fonder et baser, langue-fr.net
  5. J.-M Chabot, Évaluation des pratiques professionnelles - Sur les rails ! -, Le Concours Médical, tome 129 - 7/8, 20-02-2007, pp 179-183
  6. P. Even, B. Guiraud-Chaumeil,Confrontation avec le système de santé américain. In Les hôpitaux universitaires de l'an 2000. Paris : Prévat ed., 1996 : 239
  7. (en) Naylor CD. Grey zones of clinical practice: some limits to evidence-based medicine. Lancet. 1995;345:840-2.
  8. Canguilhem G., Thérapeutique, expérimentation, responsabilité,2002,p.389
  9. (en) Culpepper L., Gilbert T., Evidence and ethics, 1999, p. 830
  10. Savard G., Enjeux et limites de la médecine factuelle (Evidence-based medicine), 2003, Faculté de médecine de Necker, Université Paris V.

Bibliographie

  • Sharon E. Straus, W. Scott Richardson, Paul Glasziou, R. Brian Haynes, Médecine fondée sur les faits. Evidence-based medicine, Elsevier, Collection Médecine en poche, en français, ISBN : 978-2-84299-773-1, 304 pages, (1 ère édition) 2007 (Février) (livre + CD-ROM)

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

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