- Mutuelle nationale des étudiants de France
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La Mutuelle nationale des étudiants de France (MNEF) est créée en 1948 en même temps que le régime de sécurité sociale étudiant pour le gérer. La création d'un régime étudiant de sécurité sociale est obtenue par l'Union nationale des étudiants de France (UNEF) et se fait dans le cadre de la Charte de Grenoble qui stipule dans son article 2 qu'« en tant que jeune, l’étudiant a droit à une prévoyance sociale particulière, dans les domaines physique, intellectuel et moral ».
Histoire de la MNEF
La création d'une mutuelle nationale
Article détaillé : Régime de sécurité sociale étudiant.La MNEF est créée en 1948 peu après le vote des députés en faveur du régime étudiant de sécurité sociale que l'UNEF vient d'obtenir. La loi consacre ainsi la gestion du régime par les étudiants eux-mêmes. La MNEF reçoit une délégation de service public pour le gérer sur l'ensemble du territoire, à l'exception de la Moselle où l'AGE de Nancy crée la MGEL.
Mutuelle locale ou mutuelle nationale ?
L'UNEF gère à cette époque de nombreuses œuvres (restaurants universitaires, logements…), le niveau de direction est alors local, chaque association générale des étudiants d'une ville (ou AGE) les gérant de façon autonome. L'ampleur de la tâche pour gérer un régime de sécurité social rend plus pertinent la création d'une structure nationale plutôt qu'une fédération de structures locales (il y a à cette époque 150 000 étudiants). Le niveau national garantit aussi une indépendance face aux autorités universitaires et politiques locales.
Deux mutuelles locales vont cependant apparaître, la MGEL (Mutuelle générale des étudiants de Lorraine) et la MEM (Mutuelle des étudiants de Marseille). Ces mutuelles montrent le risque que la gestion du régime peu échapper aux étudiants. La MGEL est ainsi créée par le recteur, les doyens et certains professeurs. Le secrétaire de la MGEL est aussi le président de la FFEC (Fédération française des étudiants catholiques), l'objectif de la création de la MGEL est alors de s'opposer à l'UNEF.
La MEM réintègre rapidement la MNEF en en devenant une section.
Les conquêtes et réalisations de la MNEF
En complément du régime de sécurité sociale, la MNEF développe rapidement de nouvelles prestations : caisse d'invalidité et de décès, assurance accidents, dommage aux tiers…
Elle étend ensuite ses activités aux secteurs sanitaires et sociales en mettant en place des actions de prévention contre la tuberculose et le BCG. En 1952, la MNEF ouvre son premier dispensaire à Paris, puis à Lyon. Une clinique dentaire ouvre ensuite à Lyon et un centre de vaccination BCG à Lille.
En 1953, la MNEF entre au conseil d'administration de la FSEF (fondation santé des étudiants de France).
En 1955, elle créée le Comité national universitaire pour la santé mentale (CNUSM), puis les BAPU (Bureaux d'aide psychologique universitaire).
En 1956, la MNEF passe un accord avec les OPHLM afin de proposer des logements.
La création de la Coopérative de l'Uni-club permet de gérer trois centres de vacances (France, Espagne et Corse).
En 1962, la MNEF lance une revue de recherche "Recherches universitaires" afin de développer les réflexions sur l'université et les conditions de vie et d'étude des étudiants.
En 1972, le premier centre d'orthogénie de la MNEF est créé avec un objectif militant, à cette époque l'avortement restant illégal.
Réalisations de la MNEF
- La MNEF avait mis en place des centres de santé appelé Maisons des Jeunes et de la Santé accessible gratuitement à tous les étudiants souhaitant recevoir des soins.
- La MNEF publiait un journal La Mutu à destination de ses adhérents (exemplaire d'un journal sur le site du Germe).
Années 1960-1970 : crise du mouvement étudiant et de la MNEF
La sociologie étudiante connaît de fortes mutations à cette époque. En 1971, la MNEF compte 426 052 adhérents. Ces nouveaux étudiants recourent beaucoup plus aux soins, la mutuelle doit faire face à une forte augmentation du nombre de dossiers traités (+ 59,3% pour 20,6% d'adhérents supplémentaires). Les effectifs salariés doivent être augmentés et mettent en difficulté les comptes de la mutuelle.
Un système de remise de gestion est alors mis en place pour compenser les coûts spécifiques du régime étudiant (changement fréquent d'adresse, réinscription tous les ans…). Ce système de remise permet aussi de prendre en considération le travail qu'effectue la MNEF pour le compte de la sécurité sociale. La cour des comptes avait en effet estimé en 1956 que "la sécurité sociale des étudiants ne finance pas la MNEF, c'est l'inverse qui est vrai".
Les remises de gestion seront ensuite régulièrement réévaluées en fonction des coûts, elles resteront cependant souvent inférieures au minimum préconisé par l'IGAS.
1970 : introduction de la concurrence
Au début des années 1970, les SMER sont créées pendant la présidence de la République de Valéry Giscard d'Estaing, dans le but de proposer aux étudiants une alternative à la MNEF qui existait monopolistiquement et qui n'était pas proche du gouvernement de l'époque. Elles sont créées à l'initiative d'associations d'étudiants en médecine (par MM. Tassel, Carois et Mallet) et de l'association générale des médecins de France.
Les fonds initiaux ainsi que différentes aides sont apportés conjointement par un groupement de mutuelles des professions de santé et le gouvernement. L'aide initiale ne permet pas de développer une mutuelle nationale comme les trois fondateurs l'envisageaient, ce qui explique la disposition régionale des structures qui se développent dans les années 1970.
Huit mutuelles régionales sont alors créées. Elles obtiennent le droit de gérer le régime de sécurité social étudiant malgré l'opposition de plusieurs Caisses primaires d'assurance maladie craignant une explosion des coûts de gestion qu'entraine la concurrence. Seule la MGEL, créée en 1948 par l'AGE de Nancy, alors sous influence catholique, préexistait en Alsace - Moselle.
Le régime étudiant obligatoire devient ainsi la seule sécurité sociale en France en situation de concurrence. Ce système entraîne des dépenses importantes (marketing, campagne...) pour recruter des affiliés. Ces sommes ne sont alors pas utilisées pour les remboursements de soins que devraient financer les cotisations. Cette situation est dénoncée par la commission d'enquête du parlement comme source d'augmentation des coûts du régime étudiant.
La MNEF dénonce un système qui "remet en cause le principe de solidarité […]" et qui "accumule un clivage entre étudiants les plus fortunés et les autres". La MNEF pratiquait en effet à cette époque la cotisation unique permettant un partage des risques entre tous les étudiants. L'introduction de la concurrence amènera à segmenter la population selon ses moyens et les risques contre lesquels il est couvert. De même la MNEF anticipe l'avènement de "situation de surenchère entre organismes d'assurances afin de conquérir la "clientèle étudiante" " et le risque "d'une désaffection à l'égard de la mutualité".
Années 1970 : des rapports avec le mouvement social fluctuant
Dans le début des années 70, la MNEF et le mouvement étudiant dans son ensemble sont de plus en plus isolés des autres acteurs du mouvement social, qu'ils soient syndicaux, mutualistes, politiques ou associatifs[réf. nécessaire]. Les rapports deviennent tendus avec la Fédération nationale de la mutualité française, les liens avec la MGEN se distendent. Un changement de direction intervient au sein de la MNEF, où des étudiants plutôt sur les positions du Parti socialiste unifié sont remplacés par d'autres plutôt sur les positions du Parti socialiste, permettent de rompre l'isolement avec la gauche, puis avec le gouvernement.
En 1972, les soutiens affluent. Ils viendront de la FEN, de la MGEN, de la CFDT, de la CGT et de la FNMF. Parmi les mouvements étudiants, des organisations se rapprochent de la MNEF et revendiquent l'unicité du régime étudiant, ce sont l'UNEF-ID, l'UNEF-SE, le MARS (future MAS), la FNEF, la FNAGE (grandes écoles, auparavant favorable aux mutuelles régionales).
Une campagne commune est lancée avec la FEN afin de demander l'extension du régime étudiant aux lycéens à partir de 18 ans.
Le contact est repris avec le gouvernement, Jean-Pierre Soisson, alors secrétaire d'État aux Universités, intervient lors du congrès de 1975 et apporte son soutien à l'équipe dirigeante de la MNEF.
En 1979, le poids de l'Organisation communiste internationaliste, mouvement trotskyste lambertiste s'accroît dans la MNEF, et influence son nouveau président, Jean-Michel Grosz, membre du Parti socialiste, tandis qu'Olivier Spithakis, étudiant à Sup de Co Marseille et membre du PS, devient trésorier[1],[2].
L'autonomisation de la MNEF vis-à-vis du mouvement social étudiant
L'affaiblissement de l'UNEF et sa division en deux structures concurrentes amène la MNEF à avoir une gestion autonome du mouvement étudiant. De nombreuses batailles électorales s'ensuivent entre toutes les organisations étudiantes, les alliances pour obtenir une majorité changent souvent. Les syndicats étudiants n'ont plus ni les moyens matériels ni les effectifs pour peser sur les orientations de la mutuelle. À cette époque, les élus étudiants ont en fait peu d'influence sur le fonctionnement réel de la MNEF que les salariés font fonctionner au jour le jour en mettant en œuvre une gestion technique. Les congrès vont passer de tous les ans à tous les deux ans. Puis le renouvellement des administrateurs se fera par tiers, soit un mandat de 6 ans, alors que les étudiants gardent moins longtemps ce statut. Le renouvellement des élus ne se fait alors plus et la mutuelle se bureaucratise. J-M Gros est élu président de la MNEF à cette époque.
Cette gestion technique par les salariés amène la mutuelle à s'éloigner des valeurs du mutualisme et à considérer de plus en plus l'étudiant comme un client.
La dérive de la MNEF
En 1982, un rapport de la cour des comptes critique la gestion pratiquée par les salariés de la MNEF. Olivier Spithakis, trésorier, semble être le plus menacé au sein de la mutuelle. En février 1983, c'est pourtant lui qui sera proposé et imposé comme le nouveau directeur général de la MNEF par Jean-Michel Grosz. Durant presque 20 ans, la direction de la MNEF bénéficie du soutien actif des différents gouvernements qui se succèdent. Spithakis obtient encore de François Bayrou, ministre de l'Education nationale, « de nombreux avantages, entre autres la prolongation de 26 à 28 ans du statut d'étudiant, la carte Jeune gérée en partenariat avec les mutuelles régionales ».
Olivier Spithakis fort de ses liens avec le gouvernement socialiste (il est le logisticien de la campagne de François Mitterrand dans le Sud-Est, en 1981) et avec André Bergeron, le secrétaire général de la Confédération générale du travail - Force ouvrière obtient un assainissement financier important de la mutuelle. Force ouvrière préside alors aux destinées de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés. « Soucieux de contrer l'influence communiste chez les étudiants, il convainc le CNPF d'accorder à la MNEF une remise de dette de plus de 70 millions de francs ». Dans les semaines suivantes, la CNAM (Caisse nationale d'assurance-maladie) accorde à la MNEF un moratoire sur ses dettes et une avance de 30 millions de francs[3].
De plus, en 1983, le gouvernement augmente substantiellement (à hauteur de 290 F) la cotisation Sécurité sociale des étudiants reversée quasi intégralement à la MNEF.
Pendant toutes ces années, les dérives de gestion de MNEF sont innombrables: elles concernent les salaires (100.000 F par mois) et émoluements d'Olivier Spithakis, l'embauche prioritaire des militants de l'Unef-ID liés d'une manière générale au mouvement trotskiste, puis intégrés dans le parti socialiste comme Jean-Christophe Cambadélis ou Marc Rozenblatt, président de l'Unef-ID[4]. La direction crée un ensemble de filiales afin d'« opacifier » sa gestion. Ces structures satellites servent des intérêts politiques et permettent de salarier des personnalités telles que Jean-Marie Le Guen, Fodé Sylla, l'ex-président de SOS Racisme ou Sylvie Andrieux. Elles permettent de créer des systèmes de fausses factures (par exemple pour la filiale EFIC, spécialisée dans l'imprimerie[5]) ou des montages financiers sophistiqués (grâce à la vente de sa société Iram, Marc Rozenblatt encaisse 17 millions de francs de plus-value...).
L'ensemble de ses dérives conduisent à ce que l'on a appelé l'affaire de la MNEF qui éclatera seulement en 1998 et qui se concluera notamment par des condamnations pour «complicité d'abus de biens sociaux, détournements de fonds publics et abus de confiance». Ces malversations se sont exercées au détriment de l'intérêt des adhérents de la mutuelle.
Tentative de sauvetage et fin de la MNEF
En 1999, les élus étudiants tentent de reprendre aux salariés la direction de la mutuelle. Ils découvrent alors une situation catastrophique des comptes et des pratiques. Ils lancent alors un plan de la dernière chance pour sauver la mutuelle.
Les élus étudiants au conseil d'administration de la MNEF en 1999, présidé par Pouria Amirshahi, décident de se constituer partie civile contre la gestion faite par leurs prédécesseurs[6]. Ils affichent alors une volonté de rupture avec les dérives commerciales de la mutuelle.
La Mutuelle nationale des étudiants de France est alors secouée par une grave crise financière et judiciaire. Une liste commune aux deux UNEF est constituée. Les élections donnent cette liste : "Changer la Mnef", vainqueur. Devenu dirigeant de la mutuelle, un plan de sauvetage est tenté. Il s’agit de recentrer la mutuelle sur ses fonctions essentielles, et de mettre fin à la politique hasardeuse de filiales de l’ancienne direction.
Du strict point de la santé, ils choisissent d’élargir et de moderniser la politique de remboursement (pilule micro dosée…). Enfin ils souhaitent rétablir le contrôle démocratique des adhérents sur la direction de la mutuelle. Mais ils n’ont pas le temps de mener leur plan à terme. Six mois plus tard, la mutuelle étudiante est mise sous tutelle par la Commission de contrôle des mutuelles et des institutions de prévoyance. Ensuite le mutualisme étudiant traverse une période de crise et, finalement, la MNEF est liquidée. Afin de préserver le régime étudiant de sécurité sociale, une nouvelle mutuelle nationale sera créée, La mutuelle des étudiants (LMDE).
Liste des présidents de la MNEF
- 1948-1950 Pierre Trouvat
- 1950-1951 Pierre Sicard
- 1951-1955 Jacques Etchevery
- 1955-1956 Jacques-Antoine Gau
- 1956-1958 Jacques Bertherat
- 1958-1959 Daniel Frachon
- 1959-1960 François Dubin
- 1960-1961 Alain Simonin
- 1961-1962 Georges Videcoq
- 1962-1963 Martine Michelland-Bidegain
- 1963-1964 Antoine Griset
- 1964-1965 Henri Lapparent
- 1965-1967 Christian Blanc
- 1967-1968 Jacques Hollard
- 1968 (avril à octobre) Patrick de Gavre
- 1968 (nov.-décembre) Michel Bernard
- 1968-1969 Pierre Bauby
- 1969-1970 Pierre Masson
- 1970-1971 Marc Gentes
- 1971-1972 Alain Schremp
- 1972-1973 Gérard Jacot
- 1973-1974 Bernard Loup
- 1974-1979 Serge Lagauche
- 1979-1987 Jean-Michel Grosz
- 1987-1995 Dominique Lévêque
- 1995-1999 Marie-Dominique Linale
- 1999-2000 Pouria Amirshahi
Références
Robi Morder, « Éléments pour une histoire politique de la mutuelle nationale des étudiants de France », Cahiers du Germe spécial n° 4, 2003/2004 (et sur le site germe.info)
- Les trotskistes et la Mnef. Noyautage pour un joyau., Libération, 4 janvier 1999
- Le PS et la Sécu des étudiants Jean-Loup Reverier, Le Point, 14 juillet 1998
- Laurence Dequay, Le scandale de la MNEF , Marianne, 8 mars 1999
- L'étrange homme d'affaires de la Mnef, L'Express, 24 septembre 1998
- Armelle Thoraval, Cette filiale de la Mnef choyée par le PS parisien. Loin des activités d'une mutuelle, l'imprimerie Efic travaillait, notamment, pour les députés Le Guen et Cambadelis., Libération, 2 octobre 1998
- Le Monde, 20 avril 1999
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