- Modeles cognitifs de la recherche d'information
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Modèles cognitifs de la recherche d'information
La recherche d'information (RI en abrégé) est une activité cognitive complexe. Elle fait appel à de nombreux savoirs et se compose de plusieurs tâches. De nombreux chercheurs ont cherché à modéliser cette recherche d'information afin de produire des outils techniques d'aide à la RI, ou d'améliorer l'apprentissage de la RI.
Si dans les premiers temps les chercheurs ne voyaient dans la RI qu’une question d’adéquation entre une demande et une offre, les modèles ont depuis beaucoup évolué. Les difficultés de la recherche d’information ne peuvent être résolues simplement par la création d’interfaces qui permettraient à l’utilisateur de poser une question au système d’information, à charge pour celui-ci de produire les documents pertinents. Le cheminement cognitif de l’utilisateur est dorénavant mis en question.
La recherche d’information est une activité qui peut être abordée selon plusieurs approches. Elle peut être conçue comme une activité exploratoire, ou comme une résolution de problème.
Sommaire
L’activité de RI comme activité exploratoire
Dans ce cadre cognitif, le modèle de Bates (1989) s’intéresse moins à la création d’un but et à la planification d’une tâche qu’au trajet réel qu’effectue une personne en activité de recherche. Ce modèle est appelé berrypicking, car il compare la recherche d’information à une cueillette de myrtilles et d’airelles dispersées dans les buissons. Lors d’une recherche d’information, la personne va consulter un premier document qui lui donnera éventuellement de nouvelles idées pour son travail. Un document peut conforter l’individu dans sa recherche, mais il peut aussi le distraire et l’amener dans une mauvaise direction, ou encore lui suggérer une autre approche, plus ou moins fine, plus ou moins complète du thème de sa recherche.
L’activité de RI comme résolution de problème
Dans ce cadre le sujet est confronté à un problème : il lui manque de l’information pour réaliser une tâche. Cette tâche peut être prescrite par autrui (cas courant, à l’école, de l’exposé donné à des élèves par un professeur) ou par soi-même (je cherche les horaires de train pour me rendre dans telle ville). Le problème est considéré comme un processus cognitif qui commence lors d'une prise de conscience qu’il existe un manque d’information et s’achève lorsque ce problème est considéré comme résolu ou est abandonné (Marchionini, 1995). Pour passer de la première à la dernière étape plusieurs actions vont être mises en œuvre. Il faut entre autres se représenter clairement le but à atteindre puis un ensemble de sous-buts qui permettront d’atteindre cet objectif final. La recherche doit constamment être évaluée afin d’être certain que l’on ne s’écarte pas du but à atteindre ou qu’il est nécessaire de transformer celui-ci. Une des difficultés les plus importantes de l’activité de recherche c’est qu’elle appartient à la catégorie des problèmes mal définis. En effet, il existe deux catégories de problèmes, ceux qui n’admettent qu’une solution, avec un ou plusieurs chemins pour parvenir à celle-ci (exemple de la tour de Hanoï) et ceux qui n’ont pas de critères définis de réussite. À partir de quel moment suis-je certain que j’ai récolté assez d’information ?
La recherche d’information suppose une série d’étapes qui part de la compréhension d’un besoin d’information jusqu’au traitement de l’information trouvée.
le modèle de Guthrie
Guthrie a le premier établi un modèle de l’activité cognitive lors de la recherche d’information. Cinq étapes ont été définies qui mènent de la formation d’un but au traitement de l’information. Tout d’abord la personne qui commence une activité de recherche forme un but et ce faisant il élabore une représentation de l'objectif à atteindre. Puis elle doit chercher la source d’information qui est censée lui apporter les réponses attendues et en extraire l’information. Enfin l’information est intégrée, c’est-à-dire qu’elle est reliée aux autres savoirs que possède le sujet. Ces étapes constituent un cycle car la personne peut reprendre les quatre premières étapes si l’information n’a pas été trouvée ou est insuffisante. Ce modèle a depuis été critiqué dans le détail et d’autres propositions ont été faites pour définir les étapes de la RI, cependant le modèle général est encore largement accepté. Les changements concernent surtout le nombre d’étapes et l’organisation de celles-ci. Certaines adjonctions ont aussi pu être faites pour prendre en compte d’autres aspects de la RI.
le modèle EST
Les processus de base
Le modèle EST a été conçu par les chercheurs français Jean-François Rouet, Jérôme Dinet et André Tricot. Ce modèle se décline en trois étapes, ou modules, pour reprendre le terme utilisé par Jean-François Rouet : Evaluation, Sélection, Traitement. Chacun de ses modules est divisible en plusieurs sous-tâches.
L'évaluation
Avant que la RI entre dans une phase active de consultations de documents et de prises de notes, il est nécessaire pour le sujet tout d’abord de comprendre la question posée, de se représenter les attentes de la personne qui pose le problème, de repérer les lieux et les sources d’information qui seront utiles et disponibles.
La sélection
Cette phase est multiforme. Elle comprend le processus qui va amener à choisir une source d’information plutôt qu’une autre, mais aussi la recherche dans le document grâce à des outils (index ou sommaire dans les ouvrages, menus déroulants sur une page web). Cette sélection peut-être exhaustive ou auto-terminative. Dans le premier cas toutes les sources sont examinées, dans le second la recherche s’arrête lorsqu’une réponse trouvée convient à l’utilisateur.
Le traitement
Lorsque la sélection est achevée, le sujet doit traiter l’information. Cela signifie qu’il doit lire, analyser, comprendre ce qu’il a trouvé et le rattacher à ses connaissances antérieures, ou l’éliminer.
Le cycle de la RI est donc le suivant :
Dans un premier temps il est nécessaire de se représenter le but à atteindre et d’établir un plan de recherche qui sera susceptible d’évoluer. Ensuite dans la phase de sélection, il faut évaluer les ressources disponibles et sélectionner celle qui semble la plus adéquate. Enfin le traitement se décompose en micro-processus ( activités de lecture, analyse, compréhension), filtrage (sélection de l’information pertinente), intégration (si l’information lue est jugée acceptable, elle se rattache aux précédentes). Comme il s’agit d’un cycle de recherche, après le traitement revient l’évaluation. Si l’état de la solution est insuffisant, le cycle reprend, sinon il se termine. Ce cycle dépend des connaissances disponibles qui vont intervenir tout au long du travail et des contraintes situationnelles, c’est–à-dire de l’environnement.
Les processus secondaires
Si l’évaluation, la sélection et le traitement constituent les processus de base de la RI, d’autres processus de gestion cognitive interviennent qui ont pour rôle de déclencher ou d’arrêter chacun de ces processus premiers. Rouet et Tricot distinguent trois processus secondaires : la planification, le contrôle et la régulation.
La planification
Elle consiste à établir un plan qui permettra d’atteindre l’information utile. Ce plan de travail n’est pas figé car les processus de contrôle et de régulation sont susceptibles de le faire évoluer, mais il doit conserver une certaine stabilité car il a pour fin une adéquation entre la fin et les moyens.
Le contrôle
Si la planification a pour but de proposer un plan de travail, le contrôle est une activité cognitive permettant de vérifier à chaque moment de la recherche si la tâche accomplie correspond au but établi. Ainsi le contrôle intervient lors de la sélection des sources d’information aussi bien qu’au moment de la lecture d’information sur une page. Ce qui est accompli est mis en regard du résultat attendu.
La régulation
Lorsque des écarts entre l’activité et le but préétabli apparaissent, le sujet peut réguler ceux-ci. La sélection aussi bien que le traitement de l’information peuvent être amender en cours de travail. Il est ainsi évident que si un document sélectionné n’apparaît pas utile, le sujet va l’éliminer sans se donner la peine de le lire. La régulation permet ainsi de compenser immédiatement des erreurs lors du traitement de l’information.
le modèle ISP de Kuhlthau
Carol Collier Kuhlthau est une chercheuse américaine (NJ) qui insiste sur les sentiments qui sont mis en jeu lors d’une RI. Elle compte six étapes dans ce qu’elle nomme l’Information Search Process (ISP) :
l’initiation : c’est le début du cycle. Le sujet est confronté à une tâche qui nécessite une RI. Il est souvent dans le doute et la première tâche souvent est le passage de la question « que veut le professeur ? » à « Que sais-je et qu’ai-je besoin de savoir ? »
la sélection : c’est à ce moment du cycle l’identification d’une zone générale de recherche. Les élèves sont souvent alors optimistes, d’autant plus qu’ils réussissent cette tâche. Si le travail est collectif, si toute la classe est en phase de recherche, les élèves en retard risquent de passer de l’optimisme à l’anxiété.
l’exploration : Lorsque le sujet général est cerné, il est nécessaire de chercher et de lire toutes sortes d’informations sur ce thème sans que cela nécessite une sélection. Or, les élèves souvent confondent ces deux étapes. De là une perte de confiance en soi et en ses capacités. Ne trouvant pas ce qu’ils cherchent les élèves se sentent perdus. Toutefois, la confiance revient progressivement durant le temps de la recherche. Une exploration réussie suppose de lire de nombreux documents et de noter seulement quelques idées et questions auxquelles des réponse seront trouvées lors de la phase de la collection. Or, comme les deux phases sont souvent confondues cela amène les élèves à copier de nombreux documents et en utilisant l’ordinateur à se contenter d’un copier-coller.
la formulation : elle consiste à partir des informations trouvées, à affiner sa recherche. Grâce à l’ensemble des documents parcourus, une idée précise du travail demandé se forme. Une idée directrice de ce qui sera le travail rendu émerge, et autour de cette idée la collecte d’information va s’organiser. Cette étape est selon Kuhlthau est la plus importante conceptuellement. Durant la formulation les élèves sont activement engagés à utiliser l’information pour créer un sens qui comprend la pensée, la réflexion, l’interprétation, la connexion et l’extension.
la collection : il s'agît de la recherche d’information proprement dite qui est éclairée par la formulation du problème. Le plan du travail est mis au point, il s’agit de trouver dans les documents les réponses aux questions soulevées. Éventuellement, le plan va évoluer avec l’apport de nouvelles informations. Du point de vue des sentiments, on note un accroissement de la confiance puisque chaque recherche a un but précis et entraîne une réussite.
la présentation : c'est la dernière étape de la recherche, qui est l’écriture finale du travail à rendre. La recherche d’information est achevée. Il s’agit alors de mettre au propre les notes et les brouillons.
Selon la thèse de Kuhlthau, d’une manière générale le sujet lors d’une RI passe de l’incertitude à la sérénité, à la condition, bien sûr, que le travail progresse correctement et que les informations trouvées le satisfassent. Ce modèle permet de comprendre certains comportements d’usagers, et particulièrement de collégiens qui ne sont jamais des experts.
Le modèle TIMS de Dillon
Si le modèle de base est souvent celui proposé par Guthrie, d’autres chercheurs plutôt que de vouloir l’approfondir ou le corriger ont proposé une approche totalement différente, au sens où le caractère séquentiel de la recherche d’information est abandonné au profit d’une description des composantes de l’activité de recherche. C’est le cas du modèle initié par Dillon nommé « cadre TIMS ». Ce modèle insiste sur une description des types d’habilité nécessaire lors d’une RI. Un individu lors d’une recherche convoquera telle ou telle composante. Pour chacune d’entre elle, le niveau d’expertise peut différer. Ainsi une personne pourra réussir à lire un texte (quatrième composante) mais avoir des difficultés à gérer la tâche de recherche (première composante).
Les quatre composantes sont :
La gestion de la tâche (Task model) : Il s’agit de la formation du but de recherche et des choix faits lors du traitement de l’information (quel est le but général ? Quel type d’information me servira pour atteindre ce but ?). Pendant la RI, ce but pourra subir des évolutions.
Le modèle d’information (Information model) : Avant de chercher l’information utile dans un document, l’utilisateur a déjà des a priori, des représentations concernant la structure du document (structure au sens " formel " et au sens " rhétorique "). Selon la structure, le travail cognitif sera différent.
Les habiletés à manipuler le système d’information (Manipulation facilities and Skills) : Pour trouver de l’information, l’utilisateur doit manipuler physiquement le support d’information. Dans le cas du livre, ce pourra être le fait de tenir deux pages en même temps (les habiletés possibles pour ce type d’objet sont cependant limitées), dans le cas du document électronique, cela concernera l’habileté à naviguer dans un site et même dans une page affichée à l’écran.
L’activité de lecture (Standard Reading Processor) : Classiquement il s’agit des compétences utiles lors d’une activité de lecture (de la compréhension des mots jusqu’à la capacité d’extraire de l’information à partir d’un texte construit).
Il ne s’agit pas d’un processus de recherche mais toutes ces composantes interagissent pratiquement en même temps et ce dans un contexte précis. Tous les éléments ne sont pas constamment utilisés mais le passage de l’un à l’autre ne suit pas un ordre défini et se fait très rapidement selon le moment de la recherche. La rapidité et la nature répétitive de l’interaction entre ces éléments sont probablement telle qu’il serait difficile de prouver empiriquement quelle est la direction du flot d’information (Andrew Dillon). D’après Dillon les liens entre chaque composante coexistent plus qu’ils ne se suivent.
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