Miguel de molinos

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Miguel de Molinos

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Miguel de Molinos (né en 1628 à Muniesa en Espagne, mort en 1696 à Rome) était un prêtre espagnol, contemporain de Bossuet et de Pascal, considéré comme l’un des principaux initiateurs du quiétisme, courant mystique qui connut son apogée en Europe – notamment en France, en Espagne et en Allemagne (où il influença même le piétisme luthérien) - à la fin du XVIIe siècle.

Dans l’histoire de l’Église catholique, Miguel de Molinos ne doit pas être confondu avec Molina, jésuite espagnol du XVIe siècle dont les théories avaient déclenché une longue controverse sur la grâce.


Sommaire

La formation

Molinos est né en 1628 dans la province de Teruel, près de Saragosse. Il part à Valence en 1646 où il étudie au Colegio de San Pablos de los jesuitas. Ses études le mènent – du moins le suppose-t-on - à passer un doctorat en théologie.

Il est ordonné prêtre le 21 décembre 1652, à vingt-quatre ans. Il se singularise déjà par ses dons de prêcheur et participe aux exercices spirituels répandus alors au sein du clergé.

En 1662, il entre à la Escuela de Cristo, une confrérie qui prônait l’ascèse. Les autorités ecclésiastiques de Valence le remarquent et l’envoient à Rome pour soutenir la cause de béatification d’un prêtre du diocèse.

Le directeur de conscience

Il se rend donc dans la capitale de la chrétienté en 1663. C’est là qu’il donne la pleine mesure de son talent, d’abord dans la filiale romaine de la Escuela de Cristo, puis dans son enseignement auprès de divers ecclésiastiques comme de simples fidèles sur la pratique de la prière du cœur, l’oraison qui mène à l’apaisement de l’âme.

Sa renommée dépasse alors les limites de la ville sainte. Une partie de la noblesse, du clergé et jusqu’à certains membres de la curie pontificale sont sensibles à son enseignement et à ses théories. Il devient le confesseur et le directeur de conscience de nombreux prêtres et religieux. Le futur pape Innocent XI fut, semble-t-il, parmi ses disciples. Il publie divers écrits dont le plus célèbre, promis à un grand succès, fut la Guia Espiritual, Defensa de la Contemplacion (première édition 1675). Cet ouvrage sera publié à nouveau une dizaine de fois entre 1675 et 1685, en diverses langues. Ce livre se présente avant tout comme une méthode d’accès à la contemplation. Molinos y explique comment, pour parvenir à l’union avec la divinité, l’âme doit rester totalement passive jusqu’à trouver le parfait repos en Dieu – quies en latin, qui donnera le substantif quiétisme dont ses adversaires affubleront ce courant mystique. Il s’agit avant tout de suivre une « voie intérieure » qui puisse s’affranchir progressivement des « pratiques extérieures. »

Cette attitude de confiance totale en Dieu s’oppose notamment aux pratiques ascétiques et rituelles, allant jusqu’à les considérer comme des obstacles aux desseins de Dieu sur le croyant. Pour Molinos, aucun effort humain ne peut permettre l’union complète avec Dieu. Cette plongée, cet abandon, cette fusion avec la divinité amène le fidèle à la passivité absolue, voire à l’absence de volonté de lutte contre la tentation…

L’hérétique

Comme tous les courants mystiques des grandes religions monothéistes, cette interprétation de la foi pouvait se révéler dangereuse pour les tenants du dogme : en effet, ce genre de pratique spirituelle amenait inévitablement à rendre superflues, voire néfastes, la récitation des prières institutionnalisées, la réception des sacrements, et par là même menaçait le rôle et le pouvoir du clergé.

Le Guide Spirituel commence alors à provoquer nombre de conflits au sein même des maisons religieuses. Les Jésuites sont les premiers adversaires des théories de Molinos : mépris pour les œuvres, même sanctifiées par la grâce, inutilité de l’exemple donné par les saints, telles furent les principales attaques menées contre le prêtre espagnol.

Ces polémiques aboutissent logiquement, quoique après une longue période d’indulgence pour le docteur aragonais, à un procès inquisitorial. Miguel de Molinos est arrêté le 18 juillet 1685 et incarcéré à Rome. Son ouvrage principal est tout d’abord condamné par les tribunaux de l’inquisition espagnole puis sicilienne. Mais ses bonnes relations avec des membres influents de la curie romaine – dont le pape en personne – retardent son procès.

Le 28 août 1687, néanmoins, la Congrégation du Saint-Office finit par condamner plusieurs des propositions contenues dans son œuvre. Molinos est obligé d’abjurer publiquement ses erreurs dans l’église du couvent dominicain de Santa Maria sopra Minerva le 13 septembre 1687.

L’accusé est déclaré « hérétique dogmatisant » par la bulle Coelestis Pastor du 20 novembre 1687. Curieusement, celle-ci se base dans sa condamnation beaucoup plus sur la correspondance, voire sur les conversations que Molinos entretenait avec ses fidèles que sur le Guide spirituel. Il est vrai que l’ouvrage avait reçu l’imprimatur douze ans plus tôt et avait été encensé par ceux-là même qui sanctionnent son auteur à présent…

Condamné à la prison perpétuelle, Molinos se retrouve en résidence surveillée au sein d’un couvent dans lequel il passe les onze dernières années de sa vie, revêtu d’un habit de pénitent. C’est là qu’il meurt le 21 décembre 1696.

La postérité

Les historiens continuent à s’interroger sur les véritables raisons de la condamnation de Miguel de Molinos. Les documents authentiques du procès ont malheureusement été détruits lors des guerres napoléoniennes à la fin du XVIIIe siècle.

Cette condamnation semble se situer à la conjonction de deux logiques répressives : l’une provenant d’une longue tradition ecclésiastique de méfiance vis-à-vis du mysticisme ; l’autre beaucoup plus conjoncturelle tenant aux relations entre la papauté et le royaume de France. En effet, le roi de France Louis XIV, empêtré à la même époque dans les problèmes politico-religieux du gallicanisme et du jansénisme, en conflit avec Rome – cf. la « déclaration des quatre articles » en 1682 –, a -t-il joué de son influence pour obtenir cette condamnation de celui qui inspirait le courant quiétiste ? Il s’agit là d’une hypothèse à ne pas négliger - d'autant plus que l'on sait que l'ecclésiastique français Antoine Charlas, en exil à Rome durant cette période, s'occupait du quiétisme et dans cette affaire secondait les agents de Bossuet (qui, dans sa correspondance, l'appelait Nicodème)[1]

Miguel de Molinos reste surtout connu aujourd’hui comme chef de file du quiétisme. Ce courant inspira fortement en France Madame Guyon et Fénelon, et fut combattu par Bossuet et Madame de Maintenon.

Bibliographie

  • J.-R Armogathe, Le Quiétisme, PUF, Paris, 1973
  • P. Dudon, Le Quiétiste espagnol Michel Molinos, Beauchesne, Paris, 1921
  • Miguel de Molinos, Guide spirituel, introduction de Paul Drochon, Paris, Le Cerf, 1997, 214 p., (1re éd. 1675)
  • Jacques Le Brun, La Spiritualité de Bossuet, Klincksieck, Paris, 1972

Notes et références

  1. Dictionnaire d’histoire et de géographie ecclésiastique, p. 423
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