- Messe de Notre Dame
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Messe de Notre Dame (Guillaume de Machaut)
L’ordinarium missae intitulée la Messe de Notre Dame (ou de Nostre Dame) est une œuvre de musique religieuse polyphonique à quatre voix composée par Guillaume de Machaut (c. 1300 - 1377). Elle est caractéristique du style de l'Ars nova.
La Messe de Notre Dame est une composition emblématique du Moyen Âge. C'est également une des premières messes à avoir été écrite dans son ensemble par un compositeur unique.
Cette caractéristique fait de la Messe de Notre Dame une étape importante dans l'évolution qui va transformer la messe en une œuvre cohérente.
Sommaire
Histoire
C'est le plus ancien ensemble complet d'une messe polyphonique à quatre voix, réunissant les cinq parties de l'Ordinaire composée par un seul musicien qui est identifié. Les autres messes polyphoniques antérieures à celle-ci, les messes de Tournai, Barcelone, Toulouse, et de la Sorbonne sont des compilations plus ou moins complètes provenant de pièces isolées et anonymes réunies dans des manuscrits. Elles sont hétérogènes, à trois voix, et chaque partie présente des systèmes d'écritures différents.
Il fut longtemps admis que Machaut avait composé la messe pour qu'elle soit donnée pour le sacre du roi Charles V à Reims en 1364, cette hypothèse d'une Messe du Sacre fut suggérée par le comte de Caylus et ensuite considérée comme un fait avéré par l'historien du XIXe siècle Prosper Tarbé[1]. En 1932 dans son ouvrage la Musique du Moyen Âge Théodore Gérold émettait des doutes sur cette version des faits, car ne reposant sur aucune indication précise[2], en 1955 le musicologue Armand Machabey la réfute en démontrant que Machaut ayant relaté le sacre du roi dans La Prise d'Alexandrie ne faisait pas mention d'une messe qu'il aurait composée pour la cérémonie, même si, en tant que chanoine de Reims, il eut probablement à participer aux préparatifs du couronnement. Autre élément en défaveur de cette hypothèse est qu'une messe du sacre était donnée selon la tradition du plain-chant Grégorien[1].
La messe de Machaut, qui est non datée, fut composée entre 1360 et 1365 et est contemporaine de son grand recueil poétique Le Veoir Dit. Un manuscrit de la bibliothèque de Reims et une ordonnance du chapitre du 3 aout 1411, indiquent que Guillaume et son frère Jean, tout deux chanoines de Reims, avaient composé une messe à la Vierge destinées à être chantée les samedis matin, afin de commémorer leurs mémoires après leur mort, dans l'autel de la Rouelle qui était situé à droite du portail de la cathédrale de Reims, face à la nef[1]; consacré par Saint Nicaise en 401, détruit en 1774, il devait son nom à une dalle de forme circulaire représentant une rouelle, c'est à cet endroit que Machaut fut inhumé en 1377. Une transcription du XVIIIe siècle de l'épitaphe de Machaut mentionne : « Guillaume et Jean de Machaut, tous deux frères et chanoines de l'église de Notre Dame de Reims, ce sont eux qui ont fondé la messe de la vièrge qu'on chante les samedis dans la susdite église »[3]
La messe est copiée dans les manuscrits de la Bibliothèque nationale de Paris (fond français) fr. 1584 (manuscrit A), 1585 (B), 9221 (E), 22546 (G), et le manuscrit Vogüé de New York (collection Wildenstein), seul ce dernier manuscrit fait figurer le titre de Messe de Notre Dame.
Effectif
Les quatre voix sont: le ténor et le contreténor dans les registres graves, le motetus et le triplum dans les registres aigus. Les quatre voix correspondent à quatre chanteurs solistes mais certaines interprétations ont donné une lecture chorale de la messe où chaque registre est interprété par un groupe vocal (l'ensemble polyphonique de Charles Ravier dans les années 50 ou l' ensemble Organum par exemple). Les premières interprétations du XXe siècle, faisaient appel à des instruments comme soutien des voix, suivant en cela Jacques Chailley qui considérait que la messe ne fut pas jouée a cappella mais que les parties de ténor et contreténor étaient doublées par l' orgue ou les cornets[4]. Cette conception instrumentale est abandonnée depuis par l'interprétation moderne qui privilégie une lecture strictement vocale.
Forme et structure
La messe met en polyphonie cinq parties de l'Ordinaire (ordinarium missae) qui sont les textes liturgiques du missel romain, soit le Kyrie (les invocations Kyrie eleison Christe eleison et à nouveau Kyrie eleison), le Gloria, le Credo, le Sanctus, et lAgnus Dei. Une sixième partie Ite Missa-Est, Deo Gracias conclut la messe.
Pour le Kyrie, le Sanctus, Agnus Dei, et Ite Missa-Est, Deo Gratias, la partie de ténor chante un cantus firmus tirée de la liturgie grégorienne sur des valeurs longues, les autres parties ornementent en valeurs brèves sous la forme du motet isorythmique représentatif de l'esthétique de l'Ars nova. Pour le Gloria et le Credo les quatre voix chantent ensemble dans une déclamation syllabique écrits à la manière des conduits polyphoniques hérités de l'Ars antiqua, cependant les deux amen conclusifs sont isorythmiques.
Kyrie
Le ténor est basé sur le Kyrie Cunctipotens genitor Deus du plain-chant grégorien du Xe siècle (messe IV pour les fêtes doubles du 1er ton), qui sert de base à plusieurs messes et polyphonies religieuses (on la retrouve chez Dufay et Couperin). Des interprétations, comme celles de l'ensemble Gilles-Binchois, et du Taverner Consort, alternent les quatre Kyrie et le Christe polyphoniques avec les reprises en grégorien.
Kyrie, partie de ténor en notation moderne Gloria
Après l'appel du Gloria entonné dans la tradition du plain-chant, la polyphonie commence avec Et in terra pax. Cette phrase est écrite en valeurs longues, insistant sur le sens des mots, ce qui, selon Richard Hoppin est une indication à la guerre de Cent Ans et particulièrement, une allusion au siège de Reims qui se déroula en 1359-1360[5]. La suite du Gloria est composée en valeurs brèves sauf sur les deux Ihesus Christe créant un effet de ralentissement. La forme du conductus polyphonique héritée de l'école de Notre Dame est observée dans tout le Gloria, sauf l'Amen, les phrases étant chantées en accords homorythmiques sans ornementations écrites. Marcel Pérès dans le livret accompagnant son interprétation de la Messe, émet l'hypothèse que des ornementations ou mélismes auraient pu être improvisées par les chantres lors de la célébration. Selon Armand Machabey, le ténor de l'amen du Gloria présente des analogies avec celui de la messe VIII De Angelis du 5e ton.
Credo
Selon A. Machabey le début du credo fut transposé par Machaut à partir du thème « Patrem omnipotentem » des fêtes doubles du quatrième ton. Le style d'écriture est similaire à celui du Gloria avec sur Ex Maria Virgine le même effet de ralentissement sur une suite d'accords observé sur Iesus Christe, dû au doublement des valeurs des notes. Plus élaboré que celui du Gloria, l'Amen du Credo présente l'écriture isorythmique la plus complexe de la messe[6] et est divisé en trois sections égales, que l'on nomme taleas, de douze mesures chacune, chaque talea du ténor et du contre-ténor étant divisé en deux demi talea de six mesures, où les deux voix s'échangent leur partie rythmique respectives[7].
Sanctus
Le ténor chante un cantus firmus basé sur le Sanctus XVII de la messe du dimanche de l'Avent et du Carême (5e ton)
Agnus Dei
De même que le sanctus le cantus firmus du ténor est basé sur l'Agnus Dei XVII de la messe de l'avent et du carême (5e ton).
Ite Missa est
D'après l'étude des manuscrit et contrairement à l'usage liturgique les deux textes « Ite Missa est » et « Deo Gracias » comprenaient la même polyphonie [8]
Discographie
Versions voix et instruments
- Chorale Dessoff et New York Brass Ensemble direction Paul Boepple, Mass Notre Dame, 1951 Concert Hall Society CHS 1107
premier enregistrement de la messe complète
- Pro Musica Antiqua de Bruxelles direction Safford Cape, Guillaume de Machaut ; Messe de Nostre Dame and ten secular works, 1956 Archiv Produktiom APM 14063
- Deller Consort direction Alfred Deller, Messe Notre Dame, 1961 Harmonia mundi HM 25.148
- Schola Cantorum Basiliensis direction August Wenzinger, Guillaume de Machaut, La Messe de Nostre Dame, 9 weltliche Werke 1969 Archiv Produktion 2533 054
- Ensemble polyphonique de l'O.R.T.F, direction Charles Ravier, Guillaume de Machaut, Messe de Notre Dame 1971 Barclay « Inédits O.R.T.F. » 995 010
Versions voix seules
- Hilliard Ensemble direction Paul Hillier, Messe de Notre Dame, Le Lai de la Fonteinne & Ma fin est mon commencement, 1987 Hyperion CDA 66 358
- Oxford Camerata direction Jeremy Summerly, La Messe de Nostre Dame , songs from Le Voir Dit 1996 Naxos Early Music 8.553833
enregistré dans la cathédrale de Reims sous la supervision de Daniel Leech-Wilkinson
Versions liturgiques
Ces enregistrements intègrent l'Ordinaire de Machaut dans le cadre liturgique d'une messe complète alternant avec les parties du propre grégorien.
- Taverner Consort and Taverner Choir direction Andrew Parrott, Messe de Nostre Dame 1983 EMI Reflexe 747949 2
alterné avec le Propre de la grande messe pour la fête de la naissance de la Vierge Marie
- Ensemble Gilles Binchois, direction Dominique Vellard, Messe de Notre-Dame de Guillaume de Machaut 1990 Harmonic Records H/CD 8931
alterné avec le Propre de la messe de l'Assomption
- Ensemble Organum direction Marcel Pérès, La Messe de Nostre Dame 1997 Harmonia mundi HMC 90 1590
alterné avec le Propre de la messe de la purification de la Vierge
- Diabolus in Musica direction Antoine Guerber, Messe de Nostre Dame, 2008 Alpha 132
alterné avec le Propre d'une messe votive mariale du XIVème siècle de Reims
Notes et références
- ↑ a , b et c A. Machabey (1955), Guillaume de Machaut la vie et l'œuvre musicale tome II p. 114
- ↑ T.Gerold (1932) La Musique du Moyen Âge p. 336
- ↑ Olivier Cullin (1999), notice Guillaume de Machaut in Guide de la Musique du Moyen Âge p. 507
- ↑ J.Chailley (1950), Histoire musicale du Moyen Âge p.256
- ↑ R. H. Hoppin La Musique au Moyen Âge p.478
- ↑ Gagnepain 150
- ↑ Machabey p.124
- ↑ R. H. Hoppin La Musique au Moyen Âge p.476
Voir aussi
Bibliographie
- Armand Machabey, Guillaume de Machaut, La vie et l'œuvre musicale Richard Masse éditeur 1955
- Daniel Leech-Wilkinson, Machaut's Mass: An Introduction. Oxford: Oxford University Press, 1990.
- Anne Walters Robertson. Guillaume de Machaut at Reims: Context and Meaning in his Musical Works. Cambridge, England: Cambridge University Press, 2002
Articles connexes
Liens et documents externes
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