Massacre de Jedwabne

Massacre de Jedwabne

53° 17′ 20″ N 22° 18′ 34″ E / 53.28879, 22.30954 Le pogrom de Jedwabne fut le massacre des habitants juifs de cette localité et de ses environs par des Polonais en juillet 1941 au cours de la Seconde Guerre mondiale.

Après avoir été longtemps attribué aux Einsatzgruppen, il a été établi par l’Institut polonais de la mémoire que ce crime a été commis par des civils polonais, peut-être à l’instigation des troupes allemandes. L’implication de celles-ci dans ce massacre fait toujours l’objet de controverses entre historiens.

Monument à Jedwabne
Panorama du mémorial de Jedwabne

Sommaire

Le massacre

Lors de l'invasion de l'Union Soviétique en juin 1941, les troupes allemandes envahissent l'est de la Pologne. Dans ces territoires, les nazis diffusent de la propagande antijuive accusant les Juifs polonais d'avoir participé aux crimes commis par les Soviétiques en Pologne.

Ils déploient également en Pologne un des Einsatzgruppen créés par Heinrich Himmler et Reinhard Heydrich pour traquer et éliminer les opposants et les Juifs. Celui-ci assassine notamment plusieurs dizaines de Juifs dans la petite ville de Wizna, près de Jedwabne, au nord-est de la Pologne.

Un certain nombre de personnes ayant soutenu l'Union des républiques socialistes soviétiques avant le début de l'Opération Barbarossa sont assassinées par des collaborateurs habitants de la région de Jedwabne dans les premiers jours de l’invasion allemande.

Un mois plus tard, dans la matinée du 10 juillet 1941, des habitants de Jedwabne et des alentours raflent les Juifs de la ville ainsi que ceux qui y ont trouvé refuge en provenance de localités voisines comme Wizna et Kolno.

Les Juifs sont rassemblés sur une place au centre de la ville où ils sont agressés et battus. Un groupe de quarante à cinquante Juifs sont forcés de détruire une statue de Lénine avant d’en porter les morceaux à travers la ville en chantant des chants soviétiques. Le rabbin est obligé de conduire ce défilé jusqu’à une grange dans laquelle le groupe est brûlé vif. Les victimes sont ensuite enterrées dans une fosse commune, avec les fragments de la statue[1].

Cette terrifiante bouffée de haine semble avoir été partiellement motivée, sans compter l'opportunité de récupérer leurs maisons, par la collaboration, avec les autorités soviétiques, et parfois le NKVD, de certains juifs qui avaient accueilli plus tôt (17 septembre 1939) avec enthousiasme l'invasion de la Pologne par l'Armée rouge.

Un groupe de 7 juifs sera caché, par Aleksander Wyrzykowski et sa femme Antonina, durant toute la guerre, au péril de leur vie.

Les procès après guerre

En 1949 et 1950, un certain nombre de citoyens de Jedwabne sont accusés de collaboration avec les nazis et traduits en justice. L’un des accusés est condamné à mort puis voit sa peine commuée en peine de prison ; 9 autres accusés sont condamnés à des peines de prison et 12 acquittés.
Ces procès et condamnations ne sont pas remis en cause après la chute du régime communiste polonais en 1989.

Enquête et controverse

Jusque dans les années 1997-2000, le massacre de Jedwabne est attribué aux « Einsatzgruppen ». Les documentaires d'Agnieszka Arnold, Ou est mon frère aîné, Caïn? et Les voisins, essai historique[2] du sociologue Jan T. Gross, établissent qu'il s'agit d'un pogrom.

Contrairement à nombre d'experts, Gross conclut que les Juifs de Jedwabne ont été encerclés, malmenés ou brûlés par leurs voisins polonais, sans intervention des Einsatzgruppen ou des autres troupes allemandes. Il estime à 1 600 le nombre des victimes, nombre rabaissé depuis à près de 340 victimes - même si le monument commémoratif de Jedwabne continue de reproduire l'ancien nombre de victimes[3].

Le livre de Gross a, sans surprises, suscité une énorme controverse en Pologne, de nombreuses personnes, dont des historiens mettant en cause ses conclusions. Tomasz Strzembosz, professeur d'histoire à l'université catholique de Lublin et à l'institut de sciences politiques de l'académie polonaise des sciences, soutient que si des Polonais ont bel et bien participé au massacre, celui-ci a été dirigé par des troupes allemandes[4].

L'Institut polonais de la mémoire nationale, dans un rapport paru en 2001, soutient une partie des éléments repris par Gross mais estime que le nombre des victimes est nettement inférieur à 1 600, s'élevant au minimum à 340 personnes[5]. La confirmation du nombre exact de victimes a été rendue impossible par l'opposition des autorités religieuses juives à l'exhumation des corps. L'Institut a également découvert que 8 membres de l' Ordnungspolizei étaient présents lors du massacre, ce qui laisse la question de l'implication allemande ouverte. De nombreux témoins affirment qu'ils ont vu des soldats de la Wehrmacht à Jedwabne le jour du massacre, alors que d'autres affirment le contraire.

L'implication active des Polonais dans ce massacre reste incertaine, de même que celle d'unités allemandes. L'institut estime que le crime doit être imputé aux Allemands, avec la participation d'au moins 15 Polonais.

En 2001, le président de la Pologne, Aleksander Kwaśniewski, a officiellement présenté les excuses de la Pologne aux Juifs pour ce crime[6]. Ces excuses ont provoqué des critiques, certains considérant qu'il s'agissait d'un massacre uniquement perpétré par les troupes allemandes, d'autres que la Pologne n'avait pas à présenter des excuses pour l'acte d'une minorité. Au moment de la prise de position du président, l'enquête de l'Institut de la mémoire nationale était toujours en cours.

Notes

  1. Michlic, Polonsky, p.317
  2. Gross, Neighbors.
  3. Le texte de la pierre commémorative élevée sur le lieu où se situait la grange de Jedwabne est le suivant : « L'endroit du génocide de la population juive. La Gestapo et la gendarmerie y ont brûlé vivants 1 600 personnes le 10 juillet 1941 » (Miejsce kaźni ludności żydowskiej. Gestapo i żandarmeria hitlerowska spaliła żywcem 1600 osób 10.VII.1941.). La pierre a été déplacée au musée de l'armée polonaise à Bialystok en 2001.
  4. Tomasz Strzembosz Jedwabne 1941
  5. Komunikat dot. postanowienia o umorzeniu śledztwa w sprawie zabójstwa obywateli polskich narodowości żydowskiej w Jedwabnem w dniu 10 lipca 1941 r.
  6. Poland's Kwasniewski apologizes for Jedwabne pogrom.

Source

Bibliographie

  • Anna Bikont, Le Crime et le Silence, Jedwabne 1941, la mémoire d'un pogrom dans la Pologne d'aujourd'hui, Denoël, 2011 (ISBN 2207260623) 
  • (en) Marek Jan Chodakiewicz, The Massacre in Jedwabne, July 10, 1941: Before, During, After, Columbia University Press and East European Monographs, 2005 (ISBN 0-88033-554-8) 
  • (en) Jan Tomasz Gross, Neighbors: The Destruction of the Jewish Community in Jedwabne, Poland, Princeton University Press, 2001 (ISBN 0-14-200240-2) 
  • (pl) Jan Tomasz Gross, Wokół Sąsiadów. Polemiki i wyjaśnienia, Sejny, Pogranicze, 2003 (ISBN 8386872489) 
  • Polonsky, A., & Michlic, J. B. (2004). The neighbors respond: the controversy over the Jedwabne Massacre in Poland. Princeton, N.J.: Princeton University Press. isbn 0-691-11306-8
  • Stola, Dariusz. {2003). Jedwabne: Revisiting the Evidence and Nature of the Crime. Holocaust and Genocide Studies. 17 (1):139–152.
  • Grünberg, S. (2005). The Legacy of Jedwabne. Spencer, NY: LogTV, LTD.
  • Zimmerman, J. D. (2003). Contested memories: Poles and Jews during the Holocaust and its aftermath. New Brunswick, NJ: Rutgers University Press. ISBN 0-8135-3158-6

Liens externes


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