- Massacre De Tamines
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Massacre de Tamines
On connaît sous le nom de Massacre de Tamines les événements ayant eu lieu les 21, 22 et 23 août 1914 à Tamines, au cours de la première Guerre mondiale.
Les événements des 21, 22 et 23 août 1914 à Tamines
Source: Alexandre Simon, Mémoire d’une « Cité martyre ». Le massacre de Tamines du 22 août 1914, Bruxelles, 2000.
Pour l'ensemble de ces événements qui peuvent concerner aussi Ethe, Dinant, Visé, Rossignol, Andenne Jemappes Nimy, Hastière-par-delà, Namur, Quaregnon Heure-le-Romain Neffe (Dinant) ( etc. :+ 100 autres localités de Wallonie)...) où le nom des unités allemandes responsables est précisé (liste à laquelle il faut ajouter de nombreuses localités en Flandre et en France) lire:
John Horne, Alan Kramer, 1914, Les atrocités allemandes, Tallandier, Paris, 2005 et son résumé à Atrocités allemandes
Éléments de critique historique
Afin de répondre aux questions de notre étude du massacre de Tamines d’août 1914 et de ses enjeux de mémoire nous avons utilisé plusieurs types de sources susceptibles d’apporter des éléments de réponses pertinents. Quantitativement plus nombreux et plus riches, les récits de témoins présents à Tamines en août 1914, constituent notre source principale. Ensuite, nous avons constitué un corpus d’articles de presse, traitant du massacre, parus entre 1914 et 1930 dans les journaux Vers l’Avenir, Le Rappel, Le journal de Charleroi ainsi que dans Le Vingtième Siècle. Par ailleurs, le dépouillement, aux dates clés, des quotidiens Le Soir (neutre) et de l’Indépendance Belge (libéral) s’est révélé infructueux. Nous avons analysé également les ouvrages de propagande publiés durant la guerre ou peu de temps après que nous avons pu collecter. Enfin, n’oublions pas l’examen minutieux de sources, récentes de par leur exploitation scientifique, mais contemporaines de l’époque étudiée, qu’incarnent les monuments aux morts de la commune. L’étude de ces derniers, a nécessité le dépouillement des archives communales qui leur furent consacrées.
Toutefois, l’utilisation de ces sources ne va pas sans poser quelques problèmes de critique. C’est pourquoi, dans les lignes suivantes, nous examinerons attentivement les problèmes, limites et avantages liés aux différentes sources.
Tout d’abord, apparaissent les récits de témoins recueillis pendant et dans l’immédiat après-guerre par le chanoine Jean Schmitz.[17] Ce dernier, secrétaire de l’évêché de Namur durant la guerre, aidé de Dom Norbert Nieuland, a interrogé plusieurs Taminois témoins directs des faits. Leur objectif était de collecter un maximum de documents nécessaires à la rédaction d’une histoire de l’invasion allemande dans les provinces de Namur et du Luxembourg.[18] Selon les deux auteurs ce travail a pour but non pas d’écrire l’histoire de l’invasion, mais de la documenter. Nous apportons ici une série de documents, de réelle valeur, croyons-nous, dans lesquels pourront puiser, en toute sécurité professionnelle, les historiens de l’avenir.[19] Ces récits présentent plusieurs particularités auxquelles il faut prêter attention. La majorité des témoignages ont été retranscrits par le chanoine Schmitz et quelques-uns seulement sont autographes. Nous possédons parfois plusieurs versions d’un témoignage. C’est-à-dire que le témoin a spontanément consigné ses observations après les événements. Ce document constitue la première version, qui peut comporter des corrections.
La seconde version, souvent plus détaillée, logiquement articulée, est de la main de J. Schmitz, et s’intitule toujours Déposition de Monsieur…et est datée précisément. Certains récits récoltés ne portent pas de dates mais le recoupement avec les versions recopiées par J. Schmitz prouve qu’ils ont été écrits avant 1918 et plus précisément entre 1914 et 1915 au moment où la majorité des témoignages ont été rassemblés.[20]
En outre, les deux auteurs expliquent dans la préface du premier volume la manière dont ils ont procédé : Nous nous sommes rendus sur place ; nous avons reconstitué avec un soin minutieux les horribles scènes de l’invasion, photographié les villages en ruines et les endroits de fusillade, recherché les papiers et les écrits abandonnés par les auteurs au moment des crimes. Nous avons colligé les dépositions au moment où les souvenirs étaient encore précis et lucide la mémoire des détails.(…) Chacun a déposé de sang-froid, avec le souci de modération et de précision que dictait la présence de l’ennemi, sur des faits qu’il connaît de science personnelle et certaine. (…) Leurs dépositions, nous les avons contrôlées les unes par les autres et par de nouvelles enquêtes faites sur place.[21] Remarquons que la rigueur que Jean Schmitz prête aux témoins (sang-froid, modération, précision) est souvent celle que ce dernier a essayé de respecter le plus possible dans l’ouvrage qu’il a rédigé avec Norbert Nieuland.
À tous ces témoignages, nous devons poser les questions fondamentales de la critique historique. C’est-à-dire dans l’ordre, la critique d’interprétation, de compétence, d’exactitude et de sincérité. Ces règles de critique s’imposent essentiellement pour la partie événementielle de ce mémoire. En l’occurrence, lorsqu’il s’agit de retracer les événements qui se sont déroulés à Tamines en août 1914. Car tous les écarts à ces règles « classiques » de la critique historique sont un apport extrêmement riche à l’étude des mentalités et de la mémoire collective.
La critique d’interprétation ou herméneutique, établit le sens du document, distingue ce que l’auteur a dit et ce qu’il a voulu dire. Nous devons pour cela, essayer de pénétrer la mentalité de chacun des témoins, en écartant nos préjugés.[22] Nous devons cerner les motivations des auteurs à témoigner. Souvent ce sont des victimes ayant survécu au massacre qui témoignent. Pourquoi font-elles cela ? Quelle est leur motivation personnelle ? Certains témoins expliquent leurs motivations à témoigner mais ce n’est pas souvent le cas. Toujours pour interpréter correctement le récit, nous devons connaître la langue employée par l’auteur, en l’occurrence, estimer correctement le poids des mots, les tournures, le style et le vocabulaire employés.[23] Par exemple, et cette remarque est valable pour beaucoup de récits, l’auteur utilise des qualificatifs injurieux afin de décrire les soldats allemands. À cette occasion, nous devons nous interroger sur le poids des mots à l’époque. Une injure de 1914 n’a sûrement plus la même portée aujourd’hui. Par conséquent, certaines d’entre-elles nous semblent de faible portée alors qu’à l’époque elles étaient lourdes de sens. Enfin, il s’agit d’extraire du texte ce qu’il contient mais rien de plus, et ne pas lui conférer trop vite une portée générale.[24]
Les principes d’interprétation exposés, nous allons examiner la compétence du témoin. Par compétence, on entend la capacité du témoin à relater les événements. Au sens strict, cela revient à demander si le témoin est doté de capacités physiques et intellectuelles suffisantes.[25] D’où l’importance des conditions dans lesquelles se trouvait le témoin. Effectivement, l’auteur est-il le témoin oculaire ou immédiat du fait qu’il rapporte. Dans beaucoup de témoignages, les auteurs rapportent les paroles prononcées par des soldats ou officiers allemands. Certains témoins, comme nous le verrons, connaissaient réellement la langue allemande. Par contre d’autres interprètent à leur manière les paroles des soldats. Distinguons ici deux cas de figure. Soit le soldat prononce quelques mots de français. Le témoin peut le comprendre. Ou bien, le soldat parle en allemand et dès lors le témoin les interprète, à sa façon, et selon la réalité qu’il perçoit. Cette question est récurrente à la majorité des témoignages. Plusieurs conditions posées par la critique historique classique doivent être ici réunies. Le témoignage doit être direct, sans intermédiaire. La plupart des récits, à une ou deux exceptions près, relatent des faits directement observés par leur auteur. Idéalement, selon certains historiens, le témoignage devrait être complet, par conséquent porter sur la totalité du fait observé, et brut, soit dépourvu de commentaires subjectifs.[26] Ces deux dernières qualités sont absentes de la quasi-totalité des récits. Et cette absence d’objectivité ou d’impartialité constitue toute la richesse de ces témoignages au niveau de l'histoire culturelle. Comment par exemple connaître la manière dont on désigne vraiment les Allemands si tous les récits se contentent de qualifications dites objectives ? En d’autres termes, de quelle manière appréhender l’esprit de l’époque si tous les indices susceptibles de nous le révéler sont effacés des récits par souci « d’objectivité » ? Autre élément à bien considérer dans le cas qui nous occupe : l’incidence de la peur et des émotions violentes. Ces deux facteurs, peuvent atténuer l’objectivité du témoignage. A cet égard, il faut se méfier des informations statistiques fournies par le témoin. Les chiffres qu’il affirme sont généralement approximatifs ou arrondis spontanément à l’unité supérieure afin d’impressionner. Par ailleurs, nous devons considérer une possible mauvaise compréhension des faits. Les circonstances traumatisantes des événements de Tamines peuvent être à l’origine d’erreur d’observation. Le témoin relate ce qu’il a cru sincèrement voir. La solution de ce problème, réside dans le recoupement possible avec d’autres témoignages en vue de confirmer ou infirmer certaines informations fragiles.
La compétence vérifiée, nous devons examiner si celui-ci ne ment pas, ne modifie pas les faits afin de servir un intérêt particulier. La haine d’une nation ou d’un peuple peut être, par exemple, à l’origine d’un mensonge. Cette vérification de la sincérité des documents permet d’asseoir ou non la crédibilité du témoignage. Ce problème de sincérité peut se poser, dans nos récits, à propos de la question litigieuse de l’époque : les francs-tireurs. Comme nous le verrons plus loin, la question des francs-tireurs est au centre du débat car ils furent pour les Allemands l’unique motif du massacre. Par conséquent, nous devons étudier attentivement les témoignage qui abordent cette question. Cela afin d’essayer de percevoir, par recoupement, si le témoin a travesti les faits.
Enfin, reste l’examen de l’exactitude, dernière qualité que les récits doivent posséder. La critique d’exactitude va s’efforcer de déceler les erreurs commises involontairement par l’auteur. Plusieurs facteurs peuvent être à l’origine d’erreurs involontaires. Toujours dans nos récits, l’auteur malgré tout bien placé pour observer un fait en a été empêché par un stéréotype ou un préjugé. Certaines affirmations, au sujet des Allemands en particulier, peuvent être des généralisations, fruits de clichés non vérifiés et schématisés à l’extrême.[27] Ou bien, l’auteur n’a pas correctement vu et entendu. Si l’auteur consigne sa version des faits plusieurs années après les faits, le risque d’erreurs augmente. A ce propos, signalons que la majorité de nos témoignages sont postérieurs aux événements de quelques mois seulement. Par ailleurs, il arrive que certains témoins traitent de faits auxquels ils n’ont pas assisté. C’est notamment le cas pour la description du massacre. Dans ce cas nous ne retenons, pour en parler, que les témoins directs.
[17] Archives de l’évêché de Namur. Fonds Schmitz et Nieuland. L’invasion allemande t.3 : Tamines et la bataille de la Sambre. Boîtes 99-100. Fardes 1 & 2 : Récits des événements de Tamines. Boîte 99-100 . Farde 4 : Publications, photos et plans. [18] SCHMITZ, J. et NIEULAND, N., Documents pour servir à l’histoire de l’invasion allemande dans les provinces de Namur et du Luxembourg. Vol. 1 : A proximité de la frontière. Les premières journées de l’invasion ; Vol. 2 : Le siège de Namur ; Vol. 3 : Tamines et la bataille de la Sambre ; Vol.4 : Le combat de Dinant ; la conquête de la Meuse ; le sac de la ville (2 parties) ; Vol. 5. : L’entre-Sambre-et-Meuse ; Vol.6 : La bataille de Neufchâteau et de Maissin ; Vol.7 : La bataille de la Semois et de Virton, Bruxelles – Paris, 1919-1924. [19] Ibidem, vol. 1., p. XI. [20] SCHMITZ, J. et NIEULAND, N., Documents pour servir à l’histoire de l’invasion allemande dans les provinces de Namur et du Luxembourg. Vol. 1 : A proximité de la frontière. Les premières journées de l’invasion, Bruxelles – Paris, 1919, p. VII-XII. [21] Ibidem, p. X. Voir le tableau reprenant l’ensemble des récits, recueillis par Schmitz et Nieuland à Tamines, utilisés dans ce mémoire en annexe XX. [22] GENICOT, L., Critique historique, Louvain-la-Neuve, 1987, p.41-42. [23] SALMON, P., Histoire et critique, Bruxelles, 1987, p. 123. [24] GENICOT, L., Critique historique, Louvain-la-Neuve, 1987, p. 43. [25] GENICOT, L., Ibid., p. 45. [26] SALMON, P., Histoire et critique, Bruxelles, 1987, p. 135. [27] SALMON, P., Histoire et critique, Bruxelles, 1987, p. 147.
Les événements de Liège à la Sambre.
Le 4 août 1914 au matin, la cavalerie allemande, fer de lance de l’invasion, pénètre sur le territoire belge. Le plan de campagne des Allemands, établi en 1905 par le général von Schlieffen (Plan Schlieffen) – et modifié par son successeur von Moltke – prévoit la traversée de la Belgique pour attaquer la France par le Nord. Cette traversée doit être rapide. Pour cela, il faut écraser l’armée belge, et surtout les francs-tireurs comme ceux qu’ils ont affrontés en France en 1870.[1] La neutralité de la Belgique, consacrée dès 1831 dans le protocole de la Conférence de Londres, est donc bafouée par l’intrusion de troupes allemandes sur le sol national. L’état de guerre est déclaré. Le Roi Albert prend le commandement de l’armée comme le prévoit la constitution. La Belgique entre en guerre pour la première fois de son histoire.
Les première et deuxième armées allemandes foncent, dès le 3 août, sur la ville de Liège dont elles doivent s’emparer. C’est chose faite le 8 août, date à laquelle la ville tombe officiellement entre les mains des Allemands. L’armée belge oppose cependant une résistance supérieure à ce que les stratèges allemands avaient pensé. La ténacité des nombreux forts avait surpris l’avancée allemande, et la prise de ceux-ci avait entraîné la mort d’environ 5 000 soldats allemands.[2] La ville de Liège, – seul barrage important sur la route de l’invasion – tombée entre ses mains, la première armée allemande peut se diriger vers Bruxelles. Tandis que le général von Bülow, à la tête de la deuxième armée, poursuit sa route vers la Basse-Sambre, en direction de Namur et Charleroi.[3] (Carte détaillée, Schmitz & Nieuwland, vol 3, p.12)
Il arrive le 12 août à Huy où une brigade belge s’était repliée sur Andenne après avoir fait sauter les passages sur la Meuse. Le 20 août, sur ordre du général von Bülow, une colonne allemande fusille, à Andenne, plus de deux cents civils.[4] La deuxième armée continue ensuite son chemin vers la Sambre. Elle arrive à proximité de la Sambre et de Tamines, entre Namur et Charleroi, le 20 août.[5] Face à elle, la 19e division d'infanterie du Xe corps d’armée français.[6] Ces troupes françaises sont secondées par un détachement, peu important, de gardes civiques de Charleroi. Ces gardes civiques étaient 19 artilleurs de Charleroi commandés par le capitaine Gillieaux.[7]
Avant de poursuivre la narration des principales manœuvres militaires marquons quelques instants d’arrêt, sur l’image de Tamines en août 1914. D’une superficie de 614 hectares, située sur la Sambre à mi-chemin entre Charleroi et Namur, la commune appartient à la province de Namur. Elle se trouve à l’extrémité ouest de l’arrondissement de cette même ville, dans le canton de Fosses.[8] Tamines est entourée au nord par Velaine sur Sambre, à l’est par Auvelais, au sud par Arsimont et Falisolle et à l’ouest par Moignelée.[9] Les deux paroisses de la commune, Saint-Martin et Notre-Dame des Alloux, relevaient du doyenné de Fosses et, depuis 1802, de l’évêché de Namur.[10] Avant la guerre, la population taminoise oscillait autour de 5 600 personnes.[11] Dès le début du XIXe siècle, le caractère industriel de Tamines s’est renforcé au détriment du secteur agricole avec l’implantation, en 1826-27, de deux sociétés minières importantes : celle des Charbonnages du Hazard et Valeresse et celle du Charbonnage de Tamines.[12] Politiquement, le conseil communal est composé d’une majorité de catholiques depuis la moitié du XIXe siècle.[13] Les élections communales de 1913, ont attribué, au sein du conseil communal, six sièges aux catholiques, quatre aux libéraux et un aux socialistes.[14]
L’arrivée des Allemands à Tamines.
Vendredi, vers 6h du matin, une patrouille composée de cinq cavaliers allemands, des uhlans, descend la route de Ligny, venant de Velaine-sur-Sambre. Il atteignent à peine l’hôtel de ville qu’une trentaine de soldats français et quelques artilleurs de la garde civique de Charleroi ouvrent le feu et blessent un des cavaliers.[15] Les quatre uhlans restant foncent chercher du renfort en direction du bois de Velaine. Le soldat blessé est fait prisonnier par la garde civique et soigné par le docteur Scohy.[16]
Une heure plus tard, environ trente uhlans, accompagnés de cyclistes, se présentent à l’entrée du village, par la route de Ligny. Ils subissent, au même endroit, les coups de feu des soldats postés près de l’hôtel de ville.[17] Mais entre-temps, des détachements entiers d’Allemands avaient investi le quartier de la Praile, situé à l’entrée du village.[18] Les soldats établissent, chez M. Mouffe, conseiller communal, un poste de la Croix-Rouge et y rassemblent une cinquantaine de civils, en majorité des hommes, qu’ils ont arrêtés sur leur chemin.[19] La tension est déjà vive puisque des soldats menacent de fusiller les prisonniers, qu’ils accusent d’avoir tiré sur leurs compagnons d’armes.[20] Vers huit heures, un officier ordonne à cinq prisonniers d’aller ramasser le cycliste blessé une heure avant.[21] Ces civils sont donc contraints de précéder le groupe de soldats qui, tout le long du chemin, tirent sporadiquement sur les maisons et dans la rue. Sur le chemin du retour, alors que le blessé est transporté par les civils, les soldats français visent l’escorte allemande qui immédiatement riposte.[22] C’est alors que, lors du retour vers le poste de la Croix-Rouge, des soldats allemands tuent, sans raison, à l’intersection du Baty Sainte-Barbe et de la rue de Velaine, une fillette de huit ans et blessent un homme et une jeune fille.[23] Ces mêmes hommes incendient et saccagent également quelques maisons du quartier de la Praile.[24]
De retour à la Croix-Rouge, où les Allemands détenaient toujours cinquante hommes, le commandant allemand ordonne à une femme d’aller chercher le bourgmestre de Tamines ainsi qu’un médecin.[25] Or M. Guiot, le bourgmestre faisant fonction, était parti depuis le matin.[26] Elle se rend alors au domicile d’Emile Duculot, conseiller communal au moment des faits, afin de le mettre au courant des événements. Ce dernier raconte : Entre-temps, – car il y avait urgence – j’entre chez Lalieu, médecin libéral et en même temps échevin et le mets au courant de la situation. Lalieu répond qu’il est trop vieux et demande qu’on aille chez le docteur Scohy.[27] Celui-ci refuse également, c’est alors que le docteur Defossé et M. Férange, chef de la Croix-Rouge locale accompagnés de cinq brancardiers arrivent à la rencontre d’Emile Duculot.[28] Une fois les nouveaux venus mis au fait, ils se rendent chez Mouffe où l’officier allemand les attend au milieu du chemin. Le docteur Defossé entre immédiatement soigner le blessé tandis que M. Duculot est rappelé par l’officier. M. Duculot lui expose alors la fuite du bourgmestre faisant fonction et se propose de le remplacer officieusement pour le moment.[29] Après avoir accepté, l’officier lui dit : « On a tiré sur nous !(…) J’ai déjà trois revolvers ! » Assertion à laquelle le témoin rétorque : « Monsieur, ce n’est pas possible ! On ne peut absolument pas avoir tiré ici ! La preuve en est qu’on a soigneusement repris toutes les armes ; il est strictement interdit de tirer. Personne n’y a d’ailleurs songé . »[30] L’officier change alors de sujet de conversation et demande au témoin jusqu’où ses hommes et lui peuvent avancer, sans danger dans le village. Emile Duculot dit à son interlocuteur qu’il lui est impossible de répondre à cette question ![31] L’officier lui intime alors l’ordre de se rendre avec d’autres civils, placés en tête des troupes, jusqu’à l’église des Alloux, afin d’y ôter le drapeau national fixé au clocher.[32] Il accompagne son ordre de la menace de détruire le clocher au canon puis relâche tous les otages.[33] Émile Duculot, avant de regagner son domicile, signale, aux troupes françaises, le nombre et la position des troupes allemandes.
La bataille.
Alors que le nouveau bourgmestre de Tamines rentre chez lui, vers 13 heures, la bataille fait rage au départ de Velaines, d’Auvelais, d’Arsimont. (…) « On n’avait pas la moindre idée du danger qu’on pouvait courir. Certains étaient courus aux combats antérieurs.[34] À ce moment, l’essentiel du combat entre Français et Allemands, consiste en un duel d’artillerie. Les canons allemands sont disposés du côté de Velaine et de l’église des Alloux, tandis que les canons français sont, eux, situés de l’autre côté de la Sambre, entre Tamines et Arsimont.[35] L’armée française, sachant qu’elle était confrontée à une armée qui lui était supérieure en nombre, avait opté pour une stratégie de ralentissement de la progression allemande. Elle avait donc laissé des troupes, peu nombreuses, à Tamines, Auvelais et Farciennes, c'est-à-dire sur les ponts de la Sambre, ravitaillées depuis la gare de Tamines et renforcée par un détachement d’artilleurs de la garde civique de Charleroi.[36] Dès le jeudi matin, un maximum de soldats français se repliaient, laissant un nombre suffisant de soldats pour garder le pont et donc entraver la marche des Allemands tout en sacrifiant le moins de vies possible.[37] Vers 13 heures donc, alors que le combat augmente en intensité, un groupe de cavaliers allemands descend vers l’église des Alloux. Trois soldats français embusqués derrière un mur en abattent deux, provoquant la fuite des autres. [38] Peu de temps après, des fantassins allemands, descendus de Moignelée, attaquent les soldats français, au pont de chemin de fer, à l’écluse et les obligent à se replier complètement de l’autre côté de la Sambre.[39]
Les troupes allemandes, investissent le centre du village, et « arrivent par la rue de la Station, fusil baissé. C’est l’attaque du pont. »[40] Il est environ quatre heures du soir, les soldats poussent devant eux des civils qu’ils obligent à dégager le pont obstrué par des véhicules, des sacs, etc.[41] Le pont dégagé, les fantassins allemands peuvent alors s’élancer en direction des positions françaises. Un témoin décrit la scène : « Lorsque les Allemands se trouvèrent en face des Français, ceux-ci les accueillirent par une grêle de balles, lancées par des fusils et des mitrailleuses, tant des maisons de la rue de Falisolles (rue située face au pont) que de la Tienne d’Amion. Ils furent littéralement fauchés. Il y eut là un affreux carnage de soldats allemands. »[42] Le combat d’une extrême violence, cesse en début de soirée, avec le repli des troupes allemandes vers l’intérieur de Tamines.[43] Pendant ce temps, de nouvelles troupes ne cessent d’affluer à l’intérieur du village et investissent la grande majorité des maisons et en incendient un grand nombre.[44]
Mais, vers deux heures du matin, les troupes allemandes s’élancent à nouveau en direction de l’armée française, de l’autre côté du pont.[45] Le combat fait rage à nouveau, le son des canons français et allemands se fait à nouveau entendre. Cette bataille, faite d’avancées et de reculs, va se poursuivre toute la journée du samedi jusqu’aux alentour de quatorze heures.[46] Un Frère des Écoles chrétiennes qui fut obligé, en pleine nuit, de ramasser les blessés allemands sur le pont avec d’autres ambulanciers décrit la scène : « Je dus en pleine bataille traverser le pont non achevé. Les balles pleuvaient : on les aurait ramassées avec une pelle, sur ce pont. Un frère, s’il ne s’était baissé, était tué. C’est merveille qu’il n’y ait eu aucune victime. Les jeunes gars de la Croix-Rouge qui accompagnaient étaient très émus. Ils récitaient avec cœur leur chapelet. »[47] La plupart des habitants du quartier avoisinant le lieu des combats quittent leur maison et remontent vers l’école des Frères ou à l’église des Alloux.[48] Le combat dure donc jusque quatorze heures, moment où les Français, incapables de continuer à faire face aux vagues d’assaut allemandes, se voient contraints de se replier vers le Sud.[49] Les pertes en vies humaines furent très lourdes dans les deux camps. Un officier allemand cita, devant le bourgmestre Duculot, le chiffre de 600 hommes mis hors de combat.[50]
La population durant la bataille.
Mais qu’advenait-il de la population taminoise durant les effroyables combats dont nous venons de parler ? Comme nous l’avons signalé plus haut, les soldats, dès leur arrivée, incendient plusieurs maisons du quartier de la Praile, au nord de Tamines, puis, au fur et à mesure de leur progression, d’autres foyers sont allumés ici et là.[51] Le nouveau bourgmestre témoigne : « J’ai vu moi-même un soldat mettre le feu aux volets et aux fenêtres du magasin Locus. »[52] Le chanoine Crousse se souvient que « pendant ce temps là (la bataille), un sergent et des soldats, incendiaires, mettaient le feu partout, dans le pâté de maisons qui domine la Station puis, bientôt après, de maison en maison, au fur et à mesure, jusqu’à l’autre bout, du côté de Falisolles. Ils s’aidaient de torchettes, de pastilles inflammables et, pour activer le feu, tiraient dans les fenêtres. »[53] Enfin, un autre témoin ajoute qu’ « au moment de la terrible attaque,(…) le feu fut mis à la plupart des maisons de la partie sud du village. »[54]
Durant cette nuit de vendredi à samedi eut lieu la fusillade au café Hennion, situé sur la place Saint Martin. En effet, les soldats avaient investi le café vers dix-sept heures, y réquisitionnant tous les combustibles possibles pour incendier les maisons voisines.[55] Tandis que M. Hennion, le tenancier, se rend, vers vingt et une heures, accompagné de soldats, au domicile du bourgmestre en fuite, les soldats retiennent vingt personnes en otages : cinq femmes, cinq enfants et dix hommes.[56] Ces derniers assistent terrifiés aux combats et voient arriver dans le café, alors transformé en ambulance, les blessés allemands.[57] Cependant, aux alentours de deux heures du matin, alors que le combat n’a pas encore repris, les soldats ordonnent aux dix hommes de sortir du bâtiment.[58] À peine ont-ils franchi le seuil de la porte que neuf d’entre eux sont abattus par les soldats qui incendient ensuite le café. Quant à M. Hennion, nul ne connaît précisément les circonstances de sa mort : son corps fut retrouvé sans vie dans le cimetière, les poignets liés.[59]
Enfin, d’autres exactions eurent lieu au cours de la nuit à divers endroits du village. Après minuit, la rue Centrale, la rue de la Station, la place Saint-Martin et la rue de Falisolle étaient en grande partie en flammes.[60] En effet, douze personnes réfugiées dans la cave d’un magasin, le « bazar Mombeek », rue de la Station, y furent retenues prisonnières par des soldats alors que l’immeuble brûlait, asphyxiant ainsi cinq d’entre elles. Les autres furent sauvées grâce à l’intervention d’un soldat allemand.[61] D’autres scènes du même genre se déroulèrent dans le centre de Tamines.[62] Les soldats arrêtent systématiquement les habitants qui leur tombent sous la main et les concentrent en divers endroits.
Les habitants de la section dite du Cailloux, quartier Ouest de Tamines, sont parmi les plus chanceux. Un groupe d’environ cinq cents civils, arrêtés dans ce quartier, est escorté par des soldats et conduits en dehors de Tamines.[63] « Comme les 500 personnes qui fermaient le groupe, nous partions, nous ne savons où, guidés par des soldats qui faisaient le coup de feu, sur les personnes qui voulaient s’écarter de la route désignée. Et cependant ils nous conduisaient « hors de danger ».(…) Ce fut seulement à Baulet que les soldats nous abandonnèrent pour se joindre à des troupes en marche. »[64]
Les arrestations du samedi
Tandis que la bataille continue de l’autre côté du pont de la Sambre, entre les troupes françaises et allemandes, les Taminois, pour la plupart, se terrent dans les caves ou tout ce qui peut servir de refuge pour échapper aux obus. La matinée, les soldats arrêtent systématiquement tous les habitants en disant « qu’on allait incendier les maisons, qu’on tuerait les civils qui seraient trouvés chez eux. »[65] Les Allemands vont constituer au cours de la journée, deux groupes de prisonniers composés chacun d’hommes, de femmes et d’enfants. Une partie des habitants, formant le premier groupe, arrêtés par les soldats, est conduite, après avoir été dévalisée, dans un champ de betteraves situé en bordure de Tamines vers Velaine.[66] « Il se forme un groupement assez important – 200 à 300 venant de l’école des Sœurs – et on nous dirige vers Velaines. »[67] Ce groupe de civil, gonflé par les nouveaux venus arrêtés sur le chemin, est placé au centre des troupes et se voit contraint de se coucher dans le champ, « à une centaine de mètres de leurs canons. »[68] Ensuite, pendant que les nouvelles troupes se dirigent vers le centre de Tamines, des soldats imitent un peloton d’exécution et font semblant de nous fusiller.[69] Les deux prêtres présents dans le groupe, l’abbé Donnet et l’abbé Hottlet récitent à haute voix l’acte de contrition.[70] Ils restent au même endroit pendant environ une demi-heure, puis, sont emmenés un peu plus loin.[71] Le groupe grossit sans cesse, il arrive en masse de nouveaux prisonniers.(…) Nous devons à nouveau nous coucher par terre. Il est manifeste qu’on veut imposer le silence aux canons français.[72] En effet, les canons français, mentionnés par ce témoin, avaient pris pour cible les nouvelles troupes ennemies arrivées de Velaine et ses environs. Aux alentours de 17 heures, sur ordre des Allemands, ces centaines de civils, pour la plupart traumatisés, descendent, escortés de soldats, vers l’église Notre-Dame des Alloux.[73] Sur le chemin, un Taminois d’origine autrichienne s’entretient avec des soldats et rassure la population, assurant qu’aucun mal ne lui serait fait.[74] Arrivés à l’église, ils découvrent celle-ci pleine de civils, arrêtés et retenus par les soldats. L’abbé Donnet, qui, à l’époque, y exerce son ministère la décrit en ces termes : « Nous entrons à l’église des Alloux. Quel spectacle ! Les trois nefs étaient bondées, car les soldats avaient fait le vide partout ! C’était la cohue ! Il y avait du monde sur tous les autels, plein les confessionnaux ! Voici l’impression que j’y constate en entrant : les gens se demandent s’ils seront fusillés ou s’ils seront brûlés dans l’église. »[75]
Pendant ce temps là, alors qu’un groupe de civils est retenu dans l’église des Alloux, les Allemands constituent, à un autre endroit, un second groupe de prisonniers. En effet, excepté un nombre assez restreint d’habitants cachés à un endroit ou l’autre de la localité ou retenus prisonniers chez eux, les Allemands ont divisé la population en deux grands groupes de prisonniers. D’une part, le premier, dont nous venons de parler retenu à l’église des Alloux et d’autre part un second groupe de civils gardé à l’école des Frères. C’est sur cet autre ensemble de prisonniers que notre attention va se porter.
Alors que les combats font rage de l’autre côté de la Sambre, une centaine de personnes décident en effet de se réfugier à l’école des Frères, abritant un local de la Croix Rouge.[76] Un témoin s’y rend vers 10 heures en compagnie de son frère et y trouve hommes, femmes, enfants et vieillards, soit environ cent cinquante personnes.[77] Remarquons qu’à ce moment précis, les soldats ne les retiennent pas encore, l’école n’ayant pas encore été investie par la troupe. Au cours de la journée, la masse de personnes ne cessera d’augmenter. Parmi tous ces gens, apparaît le nouveau bourgmestre de Tamines, Emile Duculot, ainsi que l’abbé Smal et le curé de Brye cachés jusque là dans le presbytère.[78] Vers 16 heures, les premiers soldats investissent les bâtiments scolaires où se sont réfugiés tous ces habitants. Ces soldats, sous les ordres d’un médecin, accompagnent l’ambulance allemande qui s’y installe avec les blessés du combat.[79] A peine arrivés, les Allemands ordonnent la séparation des hommes et des femmes, enfants et vieillards. Ces derniers sont enfermés dans les caves de l’établissement.[80] Les hommes cantonnés dans le réfectoire vont également passer la nuit à cet endroit.[81]
De l’église à la place Saint Martin.
L’après-midi touche à sa fin, que va-t-il advenir des otages retenus à l’église Notre-Dame des Alloux ? Après avoir déplacé une partie des femmes et des enfants dans un bâtiment voisin, et avoir distribué un peu de nourriture, un chef allemand se présente à l’entrée de l’édifice. Il est environ dix-neuf heures, cet officier interpelle l’abbé Hottlet, second prêtre de la paroisse, relativement âgé.[82] L’officier s’énerve alors contre le vieil homme – ne comprenant pas les injonctions qui lui étaient adressées en allemand – et annonce, selon un autre témoin comprenant l’allemand, qu’ils vont être fusillés.[83] Très peu de temps après, on donne le mot d’ordre : tous les hommes doivent sortir ![84]
Ils sont, aux dires des divers témoins, plus ou moins six cent hommes, poussés hors de l’église par les soldats allemands.[85] Selon les témoins présents, la scène se passe peu après dix neuf heures.[86] Afin de percevoir au mieux la situation, il ne faut pas oublier qu’à ce moment précis la moitié des maisons de Tamines sont en flammes, et que les débris incandescents jonchent rues et trottoirs. Ces six cents hommes sont donc debout, au milieu des incendies dans l’ignorance totale de ce qui va leur arriver. En effet, chacun a son idée sur ce qu’ils vont devoir faire. Certains ont entendu qu’ils sortaient parce qu’il y avait trop de foule (dans l’église) ou encore pour aller signer à l’hôtel de ville ou aller faire des tranchées.[87] Les soldats donnent l’ordre aux hommes de se mettre en rangs par quatre et distribuent des coups aux retardataires.[88] Le cortège, encadré de tous côtés par des soldats à pieds ou à cheval, commence à descendre la rue de Velaine en direction de la place Saint Martin. Ils empruntent successivement la rue de l’Hôtel-de-Ville, la rue Centrale et la rue de la Station débouchant directement sur la place. Avant d’arriver sur la place, des soldats voyant des jeunes garçons mêlés au cortège leur donnent l’ordre d’en sortir et de retourner à l’église.[89] Les trois prêtres du groupe reçoivent de nombreux coups de crosse et sont injuriés par les soldats formant l’escorte ou par les artilleurs et les cavaliers cantonnés le long du chemin : « Ils se penchèrent sur nous, faisaient le geste de nous tuer, de nous étrangler vivants, nous criaient jusque sous le nez, montraient le poing, ricanaient, vomissaient un flot de méchancetés, qu’heureusement nous ne comprenions pas… »[90] Un autre raconte : « Les soldats qui étaient sur les chariots nous frappaient brutalement. Les prêtres surtout faisaient l’objet de mauvais traitements : ricanements, injures, coups. »[91]Les hommes doivent parcourir la rue de la Station, jonchée de débris, en courant sous la menace de coups : « On nous fait courir sur les ruines des maisons, parfois encore fumantes, entre les rangées de soldats. Ceux-ci sont armés, de leurs fusils, de lances, de gourdins, de poutrelles même, et ils nous frappent à coups redoublés(…). »[92] Ces derniers doivent enfin passer dans un étroit goulot, formé par les soldats, à l’entrée de la place.[93]
Les premiers hommes arrivent sur la place Saint-Martin pleine de troupes allemandes. Un témoin raconte son arrivée : "Enfin on parvint péniblement sur la place Saint-Martin. Spectacle effrayant. Cette fois on avait conscience du danger, on voyait la mort. Je vis la place entièrement couverte de soldats.(…) Je n’ai jamais vu spectacle plus impressionnant. Ces hommes venant tous de l’église des Alloux reçoivent l’ordre d’aller se ranger au fond de la place, le long de la Sambre.[94] Les soldats divisent le groupe en deux parties séparées l’une de l’autre de quelques mètres seulement et somment les hommes de s’aligner correctement.[95]
La fusillade.
Au sujet des événements qui vont suivre, nous essayerons d’abord de décrire, le plus fidèlement possible, la situation de l’ensemble du groupe et en même temps nous relaterons divers cas particuliers. Cependant, retracer l’histoire du groupe n’est pas chose facile étant donné que chaque témoin, au moment de la fusillade, a surtout réagi dans l’urgence de sauver sa vie plutôt que d’observer l’ensemble de la situation.
« J’ai très bien remarqué la disposition du très long peloton d’exécution, qui faisait face aux exécutés. Il y avait bien, je pense, cinq étages de fusils superposés. Le premier rang de soldats était fortement accroupi et les fusils rasaient le sol ; au second rang, les fusils prenaient place un peu au-dessus du premier ; au dernier rang les hommes étaient debout dans la position normale. »[96] Face au peloton, les six cents hommes que des soldats essayent d’ordonner. Soudain, un officier allemand quitte les rangs et s’avance vers les civils. Il les accuse d’avoir tiré sur les soldats et ajoute qu’en conséquence ils seraient fusillés.[97] Il somme ces Taminois de crier « Vive l’Allemagne ! » et « Vive l’empereur ! », ordre auquel certains hommes obtempèrent, poussés par le désespoir et la peur.[98]
Un coup de sifflet retentit, signal de la première fusillade, il est environ huit heures du soir. Le peloton fait feu sur la masse compacte formée par les hommes. « Je me laissai tomber sur le sol. Mon impression fut de suite, que les soldats avaient tiré en l’air, car il n’y avait pas de tués dans mon voisinage. »[99] Un autre témoin, situé un peu plus loin se souvient : « Dans mon voisinage, pas un seul n’était tué ! A peine avions nous entendu le coup de sifflet que, tous, nous nous étions jetés par terre. »[100] La première fusillade semble en effet, n’avoir fait que très peu de victimes. Les Allemands crient alors aux hommes de se relever immédiatement. Personne ne bouge. Un groupe de soldat s’avance alors vers les hommes couchés à terre qui, effrayés, se relèvent rapidement.[101]
A peine sont-ils debout qu’une seconde salve, plus violente que la première, retentit sur la place. Les soldats sont, aux dires de témoins, secondés par une mitrailleuse placée à l’entrée du pont, fauchant une des extrémités du groupe.[102] « Alors il se produisit dans la masse humaine une débandade, un remous. Les uns s’affaissaient tués, les autres poussaient, se bousculaient d’une façon aveugle. Je me sentis emporté comme par une vague puissante et dépité dans tous les sens. Finalement, je cédai à la poussée et me trouvai par terre. La marée continua au-dessus de moi. Je sentis qu’on passait sur moi, qu’on m’écrasait la poitrine. J’étouffais. Je criai plus d’une fois, pour avertir celui qui marchait sur moi. Finalement, je fus dégagé, je me ressaisis et parvins à me relever. »[103]
A ce moment de la fusillade, de nombreuses personnes sont déjà mortellement blessées, d’autres sont tombés sur le sol et sont recouverts de cadavres. « Je tombai sur lui et plongeai la tête entre ses jambes. Arthur Fauvelle était tombé, tué, sur moi, frappé d’une balle qui lui avait traversé la tête, m’inondant complètement de son sang : je l’attirai et le mis en travers de moi. Sur Fauvelle reposaient deux vivants.(…) Pour moi qui aurait voulu me lever aussi, je ne parvins pas à me dégager du monceau de cadavres malgré tous mes efforts. »[104] Les soldats tirent maintenant de manière irrégulière sur les hommes encore debout. « On tirait dans le tas par intervalles. La tuerie se poursuivit encore pendant longtemps. Quelque temps après, je me sentis touché par deux balles dans les reins ; j’eus la sensation qu’elles m’y faisaient deux trous.(…) Peu de temps après, une nouvelle balle vint me toucher au coude. »[105]
De longues minutes s’écoulent durant lesquelles certains, indemnes ou presque, sautent dans la Sambre, puis, le peloton se disloque pour laisser la place à un groupe de soldats, portant des brassards de la Croix Rouge, venant de l’église. Accompagnés de soldats, ils se dirigèrent vers le tas de cadavres et de blessés, munis de leurs fusils avec baïonnette, de gourdins, de haches ou autres armes de fortune.[106] Ils venaient achever les blessés disséminés sur tous le tas. De nombreux blessés, apercevant leur brassard appellent à l’aide.[107] Parmi les premières victimes, le pharmacien Jules Delsauvenière, grièvement blessé est d’abord traité de franc-tireur avant d’être blessé à mort.[108]
De nombreuses personnes, indemnes ou blessées par la fusillade vont alors mourir dans d’atroces conditions. Certain se rappellent ces scènes : « A Fauvelle, on est venu fendre la tête, sur moi, d’un coup de hache.(…) Ils tranchèrent la tête au marchand de charbon de Charleroi, Achille Leroy : moi-même j’ai vu la tête séparée du tronc. »[109] L’abbé Donnet témoigne : « Il y eut dans l’opération, deux parties bien distinctes. Ils se mirent tout d’abord à tuer à tort et à travers, dans le tas. Ils longeaient le monceau, l’escaladaient, passaient sur les morts, sur les blessés, sur les mourants, et s’acharnaient sur tout ce qui paraissait âme vivante. (…) Pour leur terrible besogne, les ambulanciers et les soldats se servaient de toutes sortes d’instruments. d’abord et surtout de la baïonnette : ils l’enfonçaient partout, dans le monceau de chair humaine ; certains ont été transpercés qui étaient en dessous de plusieurs cadavres ;(…) Ils frappaient aussi de la crosse des fusils ; certains avaient de grosses bûches de bois, des barres de fer : j’en ai revu et retrouvé le lendemain à côté du carnage, toutes couvertes de chair, de cervelle et de sang. Enfin, j’ai entendu aussi donner sur les blessés des coups de cravache. (…) Nous arrivons ici, si je puis dire au clou de la cruauté. Les soldats opéraient à deux ; ils saisissaient les victimes une par une, examinaient si elles étaient en vie, puis les achevaient à coups violents et répétés de baïonnettes. …Après,…, ils les jetaient dans la Sambre. »[110]
Citons encore le récit d’Emile Leroy, blessé par ces soldats chargés d’achever les blessés : Du premier coup il me transperce la bras gauche de part en part ; le second plus furieux est porté en dessous du sein gauche – et c’est grâce à un calepin que j’ai en poche, et qui est transpercé d’outre en outre, que le cœur n’est pas atteint. Je reçois un troisième coup dans le flanc droit, après quoi, craignant que les coups ne m’atteignent à la figure ou dans le ventre, d’un effort surhumain, je me retourne. Exaspéré sans doute, mon bourreau me lance un terrible coup de son arme celle-ci pénètre dans le côté gauche du cou (en dessous de l’artère carotide à pour traverser une partie de la gorge et ressortir en dessous du menton – j’ai très bien senti le fer remuer dans la plaie, je l’ai même touché de ma main. Ayant retiré son arme de la blessure la brute m’offre le « coup de grâce » et me donne un coup formidable de crosse de fusil dans la nuque ; puis il m’abandonne croyant sans doute m’avoir tué. Il se trompe, je vis encore et j’ai toujours ma présence d’esprit. Cependant je perds mon sang ; craignant d’attirer à nouveau l’attention je n’ose faire aucun mouvement. Par un effort suprême de volonté je réussis cependant en usant de précautions – à nouer mon mouchoir de poche autour du cou pour essayer d’arrêter l’écoulement du sang car je me rends parfaitement compte que cette blessure est la plus grave de celles que j’ai reçues. Je viens à peine d’achever que j’entends tout à coup cette bande de sauvages qui revient à la charge ; la nuit est venue et pourtant je vois très bien qu’ils sont armés de pièces de bois ; à tour de bras ils frappent à nouveau dans le tas…, j’entends les coups qui martèlent les crânes. Au moyen de petits lampes électriques, ils inspectent leurs victimes, et celles qui se plaignent et elles sont nombreuses – sont prises à bras le corps et jetés à la Sambre.(…) C’est alors que soudain je sens la botte d’un de ces bandits qui touche ma figure, il est là debout près de moi… Quelques minutes d’attente qui me paraissent un siècle, et il s’en va…[111]
Estimant leur tâche accomplie, les soldats se retirèrent vers l’église. Maintenant, quant à savoir combien de temps a duré le massacre, l’ensemble des survivants s’accordent à dire qu’une grosse heure s’écoula entre le début de la fusillade et la fin de l’achèvement des blessés.[112] Commença alors pour les survivants une très longue nuit. Les Allemands placèrent très peu de sentinelles autour de l’amas de corps formé par les vivants et les morts. L’abbé Donnet, traîné hors de la masse, par deux soldats venus l’achever fut laissé pour mort à l’écart, avec, debout à ses côtés, deux sentinelles.[113] Saisissant l’opportunité, plusieurs hommes encore valides vont se laisser glisser dans la Sambre, et, s’enfuir, à la nage, en direction des fermes voisines de Tamines.[114]
La nuit, alors que certains hommes étaient évanouis ou assoupis, les plus grièvement blessés demandent aux plus valides d’aller leur chercher de l’eau : Ernest Labarre se leva et alla puiser de l’eau à la Sambre, pour l’apporter aux mourants. Il n’avait qu’une ou deux côtes froissées. A l’aide de bouteilles il donna à boire à un de ses voisins.[115] Ces derniers s’emploient également, dans la limite de leur possibilités, à dégager les vivants bloqués sous les cadavres.[116] L’abbé Donnet, réveillé par les cris décrit assez bien la situation : On était en pleine nuit. Mais les incendies projetaient sur la place une sinistre lueur, qui suffisait à distinguer le tableau. Les cadavres étaient, pour les trois quarts, affalés à genoux et repliés sur la tête. J’ai passé la nuit couché sur un cadavre qui était dans cette position et que je m’imaginais vivre toujours. …De cet horrible monceau, s’élevaient encore des cris, certains agonisaient, d’autres se plaignaient, gémissaient. Au début surtout, c’était terrible ; Grâce ! Pitié ! Grâce pour ma femme ! pitié pour mes enfants ! J’ai soif ![117]
Dimanche matin. Les survivants.
Au lever du jour, la garde allemande fut renforcée afin qu’aucun survivant ne puisse s’échapper de la place. Cédant aux supplications de plusieurs mourants, M. Seron se mit à la recherche d’un prêtre.[118] Après avoir découvert les corps sans vie de l’abbé Docq et de M. le curé Hottlet, il tombe sur l’abbé Donnet, blessé, mais capable de marcher un peu.[119] C’est ainsi que les deux hommes, sous l’œil d’abord inquiet puis désintéressé des sentinelles, vont se rendre auprès de plusieurs agonisants.[120] Vers six heures du matin, M. Seron décide de demander l’autorisation aux sentinelles d’aller chercher de l’eau et de la nourriture pour les blessés.[121] Les sentinelles le repoussent vers le tas de cadavres. Une heure plus tard, un officier allemand arrive devant les hommes et accuse à nouveau les survivants d’avoir tiré sur les soldats.[122] Ce dernier refuse bien sûr la demande d’eau et de nourriture formulée par les survivants. Ce n’est qu’un peu plus tard, qu’un autre officier, médecin, autorise enfin deux ou trois hommes à aller puiser de l’eau.[123] M. Seron profite de l’occasion pour questionner cet officier afin d’obtenir des éclaircissement sur le sort qu’ils réservent aux survivants.[124] L’officier leur répond que leur sort est entre les mains de l’Etat-Major allemand. Deux possibilités sont envisagées : soit les survivants sont fusillés, soit ils sont tous conduits à Fleurus, agglomération située à quelques kilomètres de Tamines.[125]
Pendant ce temps, plusieurs soldats parcourent l’endroit où gisent tous les corps. L’attitude de plusieurs d’entre eux a retenu l’attention de beaucoup de témoins. Par exemple, l’abbé Donnet a remarqué qu’un ou deux médecins allemands étaient émus du spectacle qui s’offrait à leurs regards et versaient des larmes.[126] Un autre témoin explique : "Je demandai des cigarettes pour fumer. Il alla chercher des cigares. Il alla ensuite à sa gibecière, prit une galette et la donna à un blessé qui se trouvait à proximité : J.-B. Demoulin (qui n’a pas survécu, il est mort sur la place même). Je lui demandai aussi s’il n’avait pas dans sa gourde de l’eau de vie ; il me la présenta et j’en donnai à boire à J.-B. Demoulin. Cet acte humanitaire lui valut une scène de reproches et de colère de la part du corps de garde de l’église."
Les civils détenus chez les Frères.
Pendant tout ce temps, qu’advenait-il du reste de la population taminoise détenue à l’école des Frères et à l’église des Alloux ? Après une nuit passée sans trop de problèmes, les civils reçoivent l’ordre, peu après neuf heures et demie, de sortir dans la cour de l’établissement et de s’y ranger à quatre de front.[127] Deux nouveaux cortèges s’organisent ainsi, le premier composé uniquement d’hommes et le second formé des femmes et enfants. Les hommes quittent les premiers la cour en direction de la place Saint Martin.[128] Aucun d’entre-eux ne se doute de ce qu’ils vont découvrir une fois arrivés sur la place. Le groupe des femmes et des enfants les suivent peu de temps après.
Les premiers hommes qui débouchent sur la place découvrent, avec stupeur, les survivants de la fusillade, debout au milieu des morts et des blessés. Ecoutons l’un de ces témoins parvenu parmi les premiers sur la place Saint Martin : Au milieu des morts, des gens assis et qui paraissent souffrants – ce sont les blessés – (de leur nombre M. Adolphe Seron et un prêtre que je ne reconnus pas dès l’abord, M. l’abbé Donnet) contre le mur du jardin adjacent à la Sambre un soldat tué, sur son séant, les yeux larges ouverts, à l’aspect terrifiant ; un civil vivant mais carbonisé qu’on amène sur sa civière, le fils Jaumain qui a épousé la demoiselle du Bazar,(…) Beaucoup de cadavres étaient horribles à voir, tellement les blessures et les plaies étaient affreuses. Les soldats étaient allés aussi chercher dans le village des cadavres d’hommes et de femmes qui avaient été carbonisés dans leur caves, de leur nombre, les cadavres des nombreuses personnes qui avaient été tuées chez Hennion, puis jetés dans la maison en feu : ces cadavres étaient gonflés démesurément. Je vis Mme Seguin, dont le corps était rapetissé et minuscule, par l’action du feu.
Face à eux, les survivants de la fusillade, debout parmi les morts et les blessés supportent difficilement leur condition. En effet, comme l’un d’eux l’explique : À partir d’environ 9h, les cadavres commencèrent à répandre une odeur insupportable. La chaleur de ces journées était, en effet, excessive ; les baïonnettes avaient fait des plaies affreuses : j’ai vu ces ventres ouverts, ces têtes sectionnées, ces boîtes crâniennes vides, dont toute la cervelle était emportée ; il y avait des têtes qui étaient aplaties, tout à fait comme une […], comme si on avait fait peser sur elles un poids énorme. J’avais une de ces têtes à mes pieds.[129] M. Seron dépeint la scène : Je me mis alors à examiner le charnier à mon aise et j’en devins comme abruti : il y avait des têtes fendues net au milieu, des crânes vidés, des ventres ouverts, des gorges coupées, des mâchoires brisées, des cervelles enlevées. Il se dégageait déjà une odeur insupportable.[130]
Arrive le groupe des femmes et des enfants, conduit sous escorte en face de l’église Saint Martin. A ce moment, la place se remplit de soldats disposés un peu partout.[131] Fréquemment, certains soldats vont menacer des hommes ou des femmes de l’un des deux groupes : entre le pont et nous, au milieu de la place, des soldats qui évoluent au signal donné par des coups de sifflets, d’autres qui circulent, s’approchent de nous menacent de la pointe de la baïonnette ; sur notre droite, une cinquantaine de soldats qui se reposent… Le chef, un sergent quelconque, se montrait particulièrement méchant : il venait nous parler durement à la figure, avec les yeux furibonds, les mains crispées, les muscles contractés. Quelques soldats seulement étaient bons, disant que nous ne serions pas fusillés.[132]
Ils restent à cet endroit jusqu’au environs de midi, quand arrivent les supérieurs militaires en auto et à cheval. On leur dresse une table sur la place, presque en face du lieu de la fusillade, et sous les yeux de la population, le militaires commencent à manger et à boire.[133] Peu de temps avant l’heure de midi arrivèrent les chefs, en auto et à cheval. Ils regardèrent orgueilleusement et avec complaisance le spectacle lamentable qui s’étalait devant eux. A peu de distance de nous on dressa une table et ils prirent leur déjeuner. (…) après eux à midi et demi , nous vîmes la soldatesque impie et cruelle s’asseoir à la même table, manger goulûment, boire force demi bouteilles de champagne et jeter vers nous, par dérision, les flacons vides, vers nous qui mourions de faim, de soif, de fatigue et d’épuisement.(…) Ils étaient ivres et j’avais l’impression qu’ils s’animaient au carnage en se saoulant.
Tâchons encore de nous imprégner de l’état d’esprit des deux groupes de civils en état d’attente angoissée, sur la place, tel que nous le dépeint le Chanoine Crousse. Son regard se porte tout d’abord sur les femmes : Les soldats préposés à la garde de ce groupe ricanaient, d’autres essayaient des entretiens intimes frisant l’immoralité. Mais les femmes restaient dignes et chose frappante, elles s’ingéniaient à soutenir notre courage en ne se livrant à aucune lamentation extérieure, comprimant leur douleur en pleurant en silence. Maintes fois elles nous faisaient de la main des gestes énergiques, pour nous signifier de mourir courageusement.[134] Il décrit ensuite les hommes : Une chose admirable que j’ai aussi constatée, c’est que les époux ou les fils qui avaient non loin de là leurs épouses ou leurs mères, se renforçaient dans l’intention d’obtenir une mort héroïque et méritoire en faisant le sacrifice volontaire et résolu de ce qu’ils avaient de plus cher au monde.[135] Enfin, il passe en revue toute une série d’enfants ou de jeunes gens qu’il connaissait, comme par exemple : M. Léon Dejaive avait à côté de lui un de ses fils, tous deux s’attendaient donc à la mort. J’entendis qu’il lui disait : »Mon fils, vois là ta mère, tes frères et tes sœurs, nous allons donc les quitter ! Mon pauvre enfant, j’ai fait tout ce que j’ai pu pour bien t’élever et tu dois mourir si jeune !…[136]
L’enterrement des victimes.
Après le repas des officiers et des soldats, quatre cavaliers arrivent au milieu d’eux : ce sont apparemment des officiers porteurs d’un message de l’État Major.[137] Il semble, au regard des événements, que le contenu de celui-ci épargnait le reste de la population taminoise et ordonnait l’enterrement des fusillés. Nous sommes à présent en début d’après-midi. Un officier demande un groupe de volontaires pour creuser une fosse dans un jardin attenant à la place.[138] Une quarantaine de civils sortent des rangs, tous reçoivent un outil et se mettent à la tâche. Ils creusent une fosse d’un dizaine de mètres de long et large de cinq ou six mètres.[139] Une fois la fosse achevée, les soldats apportent des brouettes, des portes et des volets arrachés aux fenêtres des maisons incendiées sur la place.[140] Une nouvelle équipe d’hommes est alors chargée de transporter les corps des fusillés, de la place à la fosse. Des hommes descendirent et rangeaient les corps au fur et à mesure qu’on les apportait. Sur la largeur de la fosse, les cadavres étaient alignés à l’aise dans leur longueur. Bientôt, ils marchèrent sur les corps, foulant aux pieds ceux des rangées inférieures.[141] Afin d’accélérer le mouvement, des soldats réquisitionnent des survivants de la fusillade pour aider au transport des cadavres.[142] Beaucoup de cadavres étaient horribles à voir, tellement les blessures et les plaies étaient affreuses. Les soldats étaient allés aussi chercher dans le village des cadavres d’hommes et de femmes qui avaient été carbonisés dans leur caves, de leur nombre, les cadavres des nombreuses personnes qui avaient été tuées chez Hennion, puis jetés dans la maison en feu : ces cadavres étaient gonflés démesurément.[143] Parfois, certains corps présentant des signes de vie sont mis à l’écart par les hommes malgré les ordres des soldats chargés de la surveillance de l’opération.[144] Une fois l’enterrement des corps terminé, le chanoine Crousse est désigné par les Allemands pour bénir la fosse avant qu’elle ne soit recouverte de terre.[145]
Son devoir accompli, il retourne parmi les autres hommes. A peine est-il réintégré dans le groupe, que le médecin allemand l’appelle.[146] Avant même que cet officier ne commence à parler, le chanoine lui dit : Docteur, nous sommes prêts à être fusillés. Vous pouvez me tuer le premier. Nous sommes des victimes innocentes.[147] L’officier lui annonce alors qu’aucun civil ne sera fusillé et que tous seront, sous la direction du chanoine, emmenés à Fleurus.[148] Le chanoine lui signale que tous ces civils ont faim et soif . L’officier commande à trois soldats d’amener du pain et une bassine d’eau potable.[149] Le chanoine retourne ainsi vers le groupe auquel il ne dit mot des intentions allemandes, les exhortant seulement à la confiance et au calme.[150]
Le départ de la population vers Velaine.
Il est à présent dix sept heures, un coup de sifflet retentit sur la place. Les hommes doivent se mettre en rang par cinq, entre deux haies de soldats, tandis que l’autorisation est accordée au groupe des femmes de les rejoindre.[151] Les blessés légers de la fusillade doivent s’incorporer au groupe, les autres seront soignés sur place par le Dr Defossé. Le groupe de civils se met en marche, par la rue de la Station, vers le nord de Tamines en direction de Velaine. Le long du chemin, ils croisent de nombreuses troupes : Les uns éclatent de rire en nous voyant si nombreux ; d’autres nous maudissent et nous menacent du poing ; d’autres ont les larmes aux yeux, surtout ceux qui, par leur tenue, et leur visage distingués semblaient plus compatissants. L’un d’eux demanda au soldat de garde près de nous : « Qu’est tout ce monde là ? » celui-ci répond : « Un monde que nous chassons et conduisons en exil. » Le cavalier s’essuyant les yeux de dire : « C’est honteux, c’est dégoûtant de traiter ainsi les gens. » Un autre cavalier voyant les femmes et les filles au bras de leur mari ou de leur père se retourne vers son compagnon : « Sale peuple belge ! Quelle nation ! Cette foule revient de la noce et de la danse et c’est toute la nuit ! ».[152] A l’église des Alloux, nouveau coup de sifflet, signal donné aux sentinelles de l’endroit de faire sortir le reste des femmes et des enfants retenus dans l’édifice depuis la veille.[153] Quelques minutes après, l’énorme cortège se remit en marche en direction de Velaines. Dans les bois, des soldats tirèrent plusieurs coups de feu en l’air pour effrayer les marcheurs.[154] C’est à ce moment que les soldats modifièrent la destination, refusant d’aller plus loin que Velaine.[155] Ils traversent une partie du village jusqu’à l’école St Joseph et là l’officier demanda de lever les bras et de crier « Vive l’Allemagne ! ».(…) Nous nous retournons et entendons le soldat qui continue : « Maintenant, vous êtes libres, vous pouvez vous disperser (…). Mais vous ne pouvez plus rentrer à Tamines avant la fin de la guerre ».[156]
Les blessés restés à Tamines. Le pillage.
A Tamines, les blessés les plus gravement atteints étaient pris en charge par les médecins et les religieuses du couvent des sœurs de la Providence et de l’Immaculée Conception. Ces dernières décrivent les corps entassés à l’intérieur de l’église Saint Martin : Quel tableau ! est-il possible d’arranger ainsi des êtres humains ! Les balles ont percé les bras, les jambes, les têtes ; les poitrines sont perforées. Le sang qui a coulé à flots s’est caillé dans les vêtements qui adhèrent à la peau.[157] L’abbé Donnet, incapable de se rendre à Velaine est transféré à l’intérieur de l’église : J’entrai donc à l’église remplie de soldats allemands et français couchés sur des matelas à terre. C’était le désarroi le plus complet ! Beaucoup de blessés, peu de matelas, une femme ou deux pour donner le nécessaire, quelques brancardiers avec le médecin Defossé se trouvant sans médicaments (les pharmacies étaient toutes incendiées) n’ayant que de l’eau pour faire leurs pansements.[158] Ce témoin sera par la suite pris en charge par le docteur Defossé qui soignera, à son domicile, toute une série de personne blessées au cours du massacre.[159]
Vidé de la quasi totalité de sa population, la localité est livrée au pillage systématique par les troupes allemandes. Le magasin du bourgmestre Duculot est pillé : Après l’expulsion de la population, les troupes se sont livrées à un pillage général, accompagné d’ordures sans nom. Dans le magasin de notre librairie, ils avaient enlevé les marchandises : des beaux carnets, les articles de maroquinerie, etc. Tout ce qui ne convenait pas avait été éparpillé sur place et couvert de leurs saletés et de leurs ordures. Il est impossible de se faire une idée de l’état de turpitude dans lequel ils avaient laissé nos habitations, après y avoir tout enlevé.[160] L’abbé Donnet resté sur place : Il faut avoir vu Tamines le lundi et le mardi : pas un civil dans les rues ; les soldats s’étaient livrés à un pillage général ; tous les meubles étaient sortis des maisons et rejetés sur la rue : tables, chaises, armoires, lits, etc. Nous entendions le sac des maisons et le bris des vaisselles.[161]
Conclusions.
Tels sont donc les faits qui se sont déroulés à Tamines au cours des journées des 21, 22 et 23 août 1914. Le bilan officiel, dressé après la guerre fait état de 613 victimes dont 384 tués, au total.[162] Parmi les décédés, on distingue 315 fusillés sur la place, 40 noyés, 22 tués hors de la fusillade, 9 tués au café Hennion, 13 carbonisés et 24 personnes décédées des suites des événements.[163] L’examen minutieux de la liste détaillée des victimes du massacre révèle la présence de nombreux jeunes tués par les soldats. On dénombre pas moins de 40 victimes presque toutes masculines, de moins de 21 ans.[164] Nous relevons ce fait car, comme nous le verrons plus loin, la mort de ces jeunes ne sera pas oubliée par la propagande. Enfin, les destructions, dues aux combats et aux incendies volontaires allumés par les soldats, approchent du chiffre de 300 maisons incendiées.
Notes et bibliographie
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[1] WINTER, J. et BAGGETT, B., 14-18 Le grand bouleversement, Presses de la Cité, 1997, p. 64.
[2] ROUQUEROL, J., Charleroi. Août 1914, Paris, 1932, p. 67.
[3] TASNIER, M. et VAN OVERSTRAETEN, R., L’armée belge dans la guerre mondiale, Bruxelles, 1923, p. 22-25.
LIVESEY, A., Atlas de la Première Guerre mondiale. 1914-1918, Paris, 1996, p. 26.
[4] PIRENNE, H., Histoire de Belgique des origines à nos jours., t. V, [s.l], 1975, p. 219.
[5] TASNIER, M. et VAN OVERSTRAETEN, R., op. cit., p. 90-92.
[6] Ibid., p.113.
[7] Archives de l’évêché de Namur. Fonds Schmitz et Nieuland. L’invasion allemande t.3 : Tamines et la bataille de la Sambre. Récits des événements de Tamines. Témoignage n°4 du Bourgmestre Duculot du 29/11/1915.
[8] FICHEFET, J., Nouvelle histoire de Tamines. Etude historique, économique et sociale, Gembloux, 1963, p.3-5.
[9] Ibidem, p. 38.
[10] Ibidem, p. 96.
[11] Ibidem, p.253.
[12] HASQUIN, H. (ss. dir. de), Communes de Belgique. Dictionnaire d’histoire et de géographie administrative, t.2. Wallonie-Bruxelles, [s.l.], 1980, p. 1425.
[13] FICHEFET, J., Nouvelle histoire de Tamines. Étude historique, économique et sociale, p. 333.
[14] FICHEFET, J., Nouvelle histoire de Tamines. Étude historique, économique et sociale, p. 333.
[15] Archives de l’évêché de Namur. Fonds Schmitz et Nieuland. L’invasion allemande t.3 : Tamines et la bataille de la Sambre. Récits des événements de Tamines. Témoignage du chanoine Crousse du 25/02/1915.
[16] Ibidem, Témoignage n°4 du Bourgmestre Duculot du 29/11/1915.
[17] Ibidem, Témoignage n°2 de l’abbé Donnet. Vicaire des Alloux de novembre 1915.
[18] Ibidem, Témoignage anonyme n°4. [s.d.]& Témoignage du chanoine Crousse du 25/02/1915.
[19] Ibidem, Témoignage du chanoine Crousse du 25/02/1915.
[20] Ibidem, Témoignage anonyme n°4. [s.d.]
[21] Ibidem, Témoignage du chanoine Crousse du 25/02/1915 & Témoignage n°4 du Bourgmestre Duculot du 29/11/1915.
[22] Ibidem, Témoignage anonyme n°4. [s.d.]
[23] Ibidem, Témoignage anonyme n°4. [s.d.] & Témoignage de M. Seron du 1/11/1915.
La fillette tuée s’appelait Céline Huybrecht et les deux autres blessés se nommaient, respectivement, Alphonse Van Griecken et Louise Hubeau.
[24] Archives de l’évêché de Namur. Fonds Schmitz et Nieuland. L’invasion allemande t.3 : Tamines et la bataille de la Sambre. Récits des événements de Tamines. Témoignage n°1 du Bourgmestre Duculot [s.d.]
[25] Ibidem, Témoignage n°4 du Bourgmestre Duculot du 29/11/1915.
[26] Ibidem.
[27] Ibidem, Témoignage n°4 du Bourgmestre Duculot du 29/11/1915.
[28] Ibidem, Témoignage du Bourgmestre Duculot n°2 et 3 [s.d.] et n°4 du 29/11/1915.
[29] Ibidem, Témoignage anonyme n°4. [s.d.] & du chanoine Crousse du 25/02/1915 & Témoignage du Bourgmestre Duculot n°2 et 3 [s.d.] et n°4 du 29/11/1915.
[30] Ibidem, Témoignage n°4 du Bourgmestre Duculot du 29/11/1915.
Plusieurs témoins affirment en effet que l’administration communale a ordonné aux habitants, selon les ordres du Gouvernement, d’une part de déposer les armes qu’ils possédaient à l’Hôtel de Ville et d’autre part de ne pas poser d’actes hostiles contre les belligérants. Même les hommes de la garde civique ont dû, très tôt, se plier à cette mesure, comme en témoigne Georges Locus qui en faisait partie : Nous avons conservé le fusil jusqu’au mardi soir. Il me fallut alors le déposer à l’Hôtel de Ville et on le remplaça par un bâton ! dans Archives de l’évêché de Namur. Fonds Schmitz et Nieuland. L’invasion allemande t.3 : Tamines et la bataille de la Sambre. Récits des événements de Tamines. Témoignage de M. Locus, [s.d.].
[31] Ibidem, Témoignage n°4 du Bourgmestre Duculot du 29/11/1915.
[32] Archives de l’évêché de Namur. Fonds Schmitz et Nieuland. L’invasion allemande t.3 : Tamines et la bataille de la Sambre. Récits des événements de Tamines. Témoignage anonyme n°4. [s.d.] & du Vicaire Gilon du 22/04/1915 & Témoignage du Bourgmestre Duculot n°2 et 3 [s.d.] et n°4 du 29/11/1915.
[33] Ibidem.
[34] Ibidem, Témoignage n°4 du Bourgmestre Duculot du 29/11/1915.
[35] Ibidem, Témoignage du chanoine Crousse du 25/02/1915.
[36] LEMAIRE, A., La tragédie de Tamines, 5e éd., Tamines, 1957, p. 13-14.
[37] Ibidem, p. 14.
[38] Archives de l’évêché de Namur. Fonds Schmitz et Nieuland. L’invasion allemande t.3 : Tamines et la bataille de la Sambre. Récits des événements de Tamines. Témoignage du Frère Guillaume Plum [s.d.].
[39] Ibidem, Témoignage du Frère Guillaume Plum [s.d.] & du chanoine Crousse du 25/02/1915.
[40] Archives de l’évêché de Namur. Fonds Schmitz et Nieuland. L’invasion allemande t.3 : Tamines et la bataille de la Sambre. Récits des événements de Tamines. Témoignage du Frère Guillaume Plum [s.d.] & du chanoine Crousse du 25/02/1915.
[41] Ibidem, Témoignage anonyme n°4. [s.d.].
[42] Ibidem, Témoignage du chanoine Crousse du 25/02/1915.
[43] Ibidem, Témoignage de l’abbé Donnet de novembre 1915 & du chanoine Crousse du 25/02/1915.
[44] Ibidem.
[45] Ibidem, Témoignage du chanoine Crousse du 25/02/1915.
[46] Ibidem, Témoignage du couvent des sœurs de la Providence et de l’Immaculée Conception de 1919.
[47] Ibidem, Témoignage d’un Frère des Ecoles chrétiennes de Tamines ambulancier au moment des faits, du 29 novembre 1914.
[48] Ibidem, Témoignage du chanoine Crousse du 25/02/1915.
[49] Archives de l’évêché de Namur. Fonds Schmitz et Nieuland. L’invasion allemande t.3 : Tamines et la bataille de la Sambre. Récits des événements de Tamines. Témoignage anonyme n°4. [s.d.] & du Vicaire Gilon du 22/04/1915 & Témoignage du Bourgmestre Duculot n°2 et 3 [s.d.] et n°4 du 29/11/1915 & du chanoine Crousse du 25/02/1915.
[50] Ibidem, Témoignage n°4 du Bourgmestre Duculot du 29/11/1915.
[51] Après l’examen de l’ensemble des témoignages il semble bien que tous ces incendies allumés par les troupes allemandes dans la commune relèvent de plutôt de l’acte gratuit que de la stratégie. Il s’agit de les replacer dans le contexte de la flambée de violence que nous expliquerons dans le chapitre suivant.
[52] Archives de l’évêché de Namur. Fonds Schmitz et Nieuland. L’invasion allemande t.3 : Tamines et la bataille de la Sambre. Récits des événements de Tamines. , Témoignage n°4 du Bourgmestre Duculot du 29/11/1915.
[53] Ibidem, Témoignage du chanoine Crousse du 25/02/1915.
Le chanoine Crousse, chanoine honoraire du chapitre de la cathédrale de Namur, dirigeait à l’époque le Collège Saint Joseph à Virton. Il était âgé de 64 ans en 1914.
Dans Directorium ad rite divinum officium recitandum missaque celebrandos ad usum cleri dioecesis namurcensis, 1911, Namur, 1911, p. 120. Et dans Annuaire complet du clergé Belge et répertoire des Etablissements religieux. 1912, Bruxelles, 1912.
[54] Archives de l’évêché de Namur. Fonds Schmitz et Nieuland. L’invasion allemande t.3 : Tamines et la bataille de la Sambre. Récits des événements de Tamines. Témoignage anonyme n°4. [s.d.]
[55] Ibidem, Témoignage de M. Seron du 1/11/1915. Signalons au lecteur que l’épisode du café Hennion apparaît presque dans tous les récits de témoins. Cependant, le témoignage de M. Adolphe Seron reste le plus précis à ce sujet.
[56] Archives de l’évêché de Namur. Fonds Schmitz et Nieuland. L’invasion allemande t.3 : Tamines et la bataille de la Sambre. Récits des événements de Tamines. Témoignage de M. Seron du 1/11/1915.
[57] Ibidem.
[58] Ibidem, Témoignage anonyme n°4, [s.d].
[59] LEMAIRE, A., op. cit., p. 20-21.
[60] Archives de l’évêché de Namur. Fonds Schmitz et Nieuland. L’invasion allemande t.3 : Tamines et la bataille de la Sambre. Récits des événements de Tamines. Témoignage du Bourgmestre Duculot n°2 et 3 [s.d.] et n°4 du 29/11/1915 & du chanoine Crousse du 25/02/1915.
[61] LEMAIRE, A., op. cit., p. 23-25.
[62] Archives de l’évêché de Namur. Fonds Schmitz et Nieuland. L’invasion allemande t.3 : Tamines et la bataille de la Sambre. Récits des événements de Tamines. Témoignage du Bourgmestre Duculot n°2 et 3 [s.d.] et n°4 du 29/11/1915.
[63] Ibidem, Témoignage de M. Latteur [s.d.].
[64] Ibidem.
[65] Archives de l’évêché de Namur. Fonds Schmitz et Nieuland. L’invasion allemande t.3 : Tamines et la bataille de la Sambre. Récits des événements de Tamines. Témoignage de l’abbé Donnet de novembre 1915.
[66] Ibidem, Témoignage d’un Frère des Ecoles chrétiennes de Tamines ambulancier au moment des faits, du 29 novembre 1914 & de l’abbé Donnet de novembre 1915 & de Lise Hottlet, 1915.
[67] Ibidem, Témoignage de l’abbé Donnet de novembre 1915.
[68] Ibidem, Témoignage d’un Frère des Ecoles chrétiennes de Tamines ambulancier au moment des faits, du 29 novembre 1914 & citation de l’abbé Donnet de novembre 1915 & de Lise Hottlet, 1915.
[69] Ibidem, Témoignage de l’abbé Donnet de novembre 1915.
[70] Ibidem.
L’abbé Donnet était âgé de 29 ans au moment des faits. Il avait été ordonné prêtre en 1910 et attaché à l’église Notre-Dame des Alloux la même année. Quant à l’abbé Hottlet, il était né en 1852, fut ordonné en 1879 et nommé en 1892. Il était donc âgé de 62 ans au moment des faits.
Renseignements dans Directorium ad rite divinum officium recitandum missaque celebrandos ad usum cleri dioecesis namurcensis, 1911, Namur, 1911, p. 122 et 127.
[71] Archives de l’évêché de Namur. Fonds Schmitz et Nieuland. L’invasion allemande t.3 : Tamines et la bataille de la Sambre. Récits des événements de Tamines. Témoignage d’un Frère des Ecoles chrétiennes de Tamines ambulancier au moment des faits, du 29 novembre 1914.
[72] Ibidem, Témoignage de l’abbé Donnet de novembre 1915.
[73] Archives de l’évêché de Namur. Fonds Schmitz et Nieuland. L’invasion allemande t.3 : Tamines et la bataille de la Sambre. Récits des événements de Tamines. Témoignage d’un Frère des Ecoles chrétiennes de Tamines ambulancier au moment des faits, du 29 novembre 1914 & citation de l’abbé Donnet de novembre 1915.
[74] Ibidem, Témoignage d’un Frère des Ecoles chrétiennes de Tamines ambulancier au moment des faits, du 29 novembre 1914.
[75] Ibidem, Témoignage de l’abbé Donnet de novembre 1915.
[76] Ibidem, Témoignage du chanoine Crousse du 25/02/1915.
[77] Ibidem.
[78] Ibidem, Témoignage n°4 du Bourgmestre Duculot du 29/11/1915.
L’abbé Smal, était né en 1857 et ordonné prêtre en 1881. Il était donc âgé de 57 ans lors des événements.
Dans Directorium ad rite divinum officium recitandum missaque celebrandos ad usum cleri dioecesis namurcensis, 1911, Namur, 1911, p.138.
[79] Archives de l’évêché de Namur. Fonds Schmitz et Nieuland. L’invasion allemande t.3 : Tamines et la bataille de la Sambre. Récits des événements de Tamines. Témoignage du Bourgmestre Duculot n° 3 [s.d.] et n°4 du 29/11/1915 & du chanoine Crousse du 25/02/1915 & du Vicaire Gilon du 22 avril 1915.
[80] Ibidem, Témoignage du Bourgmestre Duculot n°2 & 3 [s.d.] et n°4 du 29/11/1915 & du chanoine Crousse du 25/02/1915 & du Vicaire Gilon du 22 avril 1915.
[81] Ibidem, Témoignage du Bourgmestre Duculot n°2 & 3 [s.d.] et n°4 du 29/11/1915 & du chanoine Crousse du 25/02/1915 & Témoignage du chanoine Crousse du 25/02/1915 & du Vicaire Gilon du 22 avril 1915.
[82] Ibidem, Témoignage de l’abbé Donnet de novembre 1915.
[83] Ibidem, Témoignage de l’abbé Donnet de novembre 1915 & de M. Seron du 1 novembre 1915.
[84] Ibidem, citation de l’abbé Donnet de novembre 1915 & Témoignage de M. Seron du 1 novembre 1915 & de M. Lardinois [s.d].
[85] Ibidem, Témoignage de l’abbé Donnet de novembre 1915 & & Témoignage de M. Seron du 1 novembre 1915 & de M. Lardinois [s.d] & de M. Moussiaux [s.d] & de M. Heuckelom [s.d] & de M. Minon [s.d] & de Anonyme n°2 [s.d] & M. Leroy [s.d] & de Anonyme n°4 [s.d] & Anonyme n°3 [s.d].
[86] Ibidem, Témoignage de l’abbé Donnet de novembre 1915 & Témoignage de M. Seron du 1 novembre 1915 & de M. Lardinois [s.d] & de M. Heuckelom [s.d].
[87] Archives de l’évêché de Namur. Fonds Schmitz et Nieuland. L’invasion allemande t.3 : Tamines et la bataille de la Sambre. Récits des événements de Tamines. Citations de M. Heuckelom [s.d] & de l’abbé Donnet de novembre 1915.
[88] Ibidem, Témoignage de l’abbé Donnet de novembre 1915 & Anonyme n°2 [s.d].
[89] Archives de l’évêché de Namur. Fonds Schmitz et Nieuland. L’invasion allemande t.3 : Tamines et la bataille de la Sambre. Récits des événements de Tamines. Témoignage de M. Lardinois [s.d].
[90] Ibidem, Témoignage de l’abbé Donnet de novembre 1915
[91] Ibidem, Témoignage de M. Seron du 1 novembre 1915.
[92] Ibidem, Témoignage de l’abbé Donnet de novembre 1915.
[93] Ibidem, Témoignage de l’abbé Donnet de novembre 1915 && Témoignage de M. Seron du 1 novembre 1915 & de M. Lardinois [s.d] & de M. Heuckelom [s.d].
[94] Archives de l’évêché de Namur. Fonds Schmitz et Nieuland. L’invasion allemande t.3 : Tamines et la bataille de la Sambre. Récits des événements de Tamines. Témoignage de l’abbé Donnet de novembre 1915 & Témoignage de M. Seron du 1 novembre 1915 & de M. Lardinois [s.d] & de M. Moussiaux [s.d] & de M. Heuckelom [s.d] & de M. Minon [s.d] & de Anonyme n°2 [s.d] & M. Leroy [s.d] & de Anonyme n°4 [s.d] & Anonyme n°3 [s.d].
[95] Ibidem.
[96] Archives de l’évêché de Namur. Fonds Schmitz et Nieuland. L’invasion allemande t.3 : Tamines et la bataille de la Sambre. Récits des événements de Tamines. Citation de l’abbé Donnet de novembre 1915. On peut remarquer ici que l’auteur a exagéré sa description en affirmant avoir vu cinq étages de fusils superposés et en décrivant seulement trois. Il est impossible en réalité de superposer, dans un peloton, cinq étages de fusils. On peut sans aucun doute mettre cette modification sur le compte du travail de la mémoire.
[97] Ibidem, Témoignage d’anonyme n°4 [s.d]& de M. Seron du 1 novembre 1915.
[98] Ibidem, Témoignage de l’abbé Donnet de novembre 1915 & Témoignage de M. Seron du 1 novembre 1915 & de M. Heuckelom [s.d] & de M. Minon [s.d] & M. Leroy [s.d] & de Anonyme n°4 [s.d] & Anonyme n°3 [s.d].
[99] Archives de l’évêché de Namur. Fonds Schmitz et Nieuland. L’invasion allemande t.3 : Tamines et la bataille de la Sambre. Récits des événements de Tamines. Témoignage de M. Seron du 1 novembre 1915.
[100] Ibidem, Témoignage de l’abbé Donnet de novembre 1915.
[101] Archives de l’évêché de Namur. Fonds Schmitz et Nieuland. L’invasion allemande t.3 : Tamines et la bataille de la Sambre. Récits des événements de Tamines. Témoignage de l’abbé Donnet de novembre 1915 & Témoignage de M. Seron du 1 novembre 1915 & de M. Lardinois [s.d] & de M. Moussiaux [s.d] & de M. Heuckelom [s.d] & de M. Minon [s.d] & de Anonyme n°2 [s.d] & M. Leroy [s.d] & Anonyme n°3 [s.d].
[102] Ibidem, Témoignage de M. Seron du 1 novembre 1915 & de M. Minon [s.d] & de M. Vanderwaeren [s.d].
La question de la mitrailleuse a fait couler beaucoup d’encre dans les années qui suivirent les événements. En effet, plusieurs témoins affirment avoir vu une mitrailleuse à l’entrée du pont. C’est le cas de M. Seron qui explique : C’est à ce moment que j’aperçus la mitrailleuse, près de la Sambre, à quelque distance du pont, en haut du chemin. Et ce n’est pas une imagination. L’officier, courbé, apprêtait l’objectif, tout comme on prépare un appareil photographique. (…) on a par exemple retrouvé dans le soulier de Labarre (ndlr : Blessé, survivant) une balle en plomb, ronde, qui a malheureusement été donné à l’officier enquêteur. Dans Témoignage de M. Seron du 1 novembre 1915.
En décembre 1914, des officier ainsi qu’un magistrat allemand vinrent à Tamines pour enquêter sur les événements du mois d’août. Ils interrogèrent le bourgmestre ainsi que plusieurs civils dont M. Seron uniquement sur la question de la mitrailleuse. Pour ces enquêteurs, il n’y avait pas eu de mitrailleuse sur la place et tous ces témoins mentaient. (dans Archives de l’évêché de Namur. Fonds Schmitz et Nieuland. L’invasion allemande t.3 : Tamines et la bataille de la Sambre. Récits des événements de Tamines. Témoignage n°4 du Bourgmestre Duculot du 29/11/1915 & de M. Seron du 1 novembre 1915.
[103] Ibidem, Témoignage de l’abbé Donnet de novembre 1915.
[104] Archives de l’évêché de Namur. Fonds Schmitz et Nieuland. L’invasion allemande t.3 : Tamines et la bataille de la Sambre. Récits des événements de Tamines. Témoignage de M. Seron du 1 novembre 1915.
[105] Archives de l’évêché de Namur. Fonds Schmitz et Nieuland. L’invasion allemande t.3 : Tamines et la bataille de la Sambre. Récits des événements de Tamines. Témoignage de l’abbé Donnet de novembre 1915.
[106] Ibidem, Témoignage de l’abbé Donnet de novembre 1915 & Témoignage de M. Seron du 1 novembre 1915 & de M. Lardinois [s.d] & de M. Moussiaux [s.d] & de M. Heuckelom [s.d] & de M. Minon [s.d] & de Anonyme n°2 [s.d] & M. Leroy [s.d] & Anonyme n°3 [s.d].
[107] Ibidem, Témoignage de l’abbé Donnet de novembre 1915 & Témoignage de M. Seron du 1 novembre 1915 & de M. Lardinois [s.d] & de M. Moussiaux [s.d].
[108] Ibidem, Témoignage de l’abbé Donnet de novembre 1915.
[109] Archives de l’évêché de Namur. Fonds Schmitz et Nieuland. L’invasion allemande t.3 : Tamines et la bataille de la Sambre. Récits des événements de Tamines. Témoignage de M. Seron du 1 novembre 1915.
[110] Archives de l’évêché de Namur. Fonds Schmitz et Nieuland. L’invasion allemande t.3 : Tamines et la bataille de la Sambre. Récits des événements de Tamines. Témoignage de l’abbé Donnet de novembre 1915.
[111] Ibidem, Témoignage de M. Leroy [s.d].
[112] Ibidem, Témoignage de l’abbé Donnet de novembre 1915 & Témoignage de M. Seron du 1 novembre 1915 & de M. Lardinois [s.d] & de M. Moussiaux [s.d] & de M. Heuckelom [s.d] & de M. Minon [s.d].
[113] Ibidem, Témoignage de l’abbé Donnet de novembre 1915.
[114] Ibidem, Témoignage M. Minon [s.d].
[115] Ibidem, Témoignage de l’abbé Donnet de novembre 1915 & de M. Seron du 1 novembre 1915.
[116] Ibidem, Témoignage de M. Seron du 1 novembre 1915.
[117] Ibidem, Témoignage de l’abbé Donnet de novembre 1915.
[118] Archives de l’évêché de Namur. Fonds Schmitz et Nieuland. L’invasion allemande t.3 : Tamines et la bataille de la Sambre. Récits des événements de Tamines. Témoignage de M. Seron du 1 novembre 1915.
[119] Ibidem.
[120] Ibidem, Témoignage de l’abbé Donnet de novembre 1915 et de M. Seron du 1 novembre 1915 & de M. Leroy [s.d].
[121] Ibidem, Témoignage de l’abbé Donnet de novembre 1915 et de M. Seron du 1 novembre 1915.
[122] Ibidem, Témoignage de M. Seron du 1 novembre 1915.
[123] Ibidem, Témoignage de l’abbé Donnet de novembre 1915 & Témoignage de M. Seron du 1 novembre 1915 & de M. Lardinois [s.d].
[124] Ibidem, Témoignage de l’abbé Donnet de novembre 1915.
[125] Ibidem, Témoignage de M. Seron du 1 novembre 1915.
[126] Ibidem, Témoignage de l’abbé Donnet de novembre 1915.
[127] Archives de l’évêché de Namur. Fonds Schmitz et Nieuland. L’invasion allemande t.3 : Tamines et la bataille de la Sambre. Récits des événements de Tamines. Témoignage du chanoine Crousse du 25/02/1915 & témoignage n°3 du Bourgmestre Duculot [s.d].
[128] Ibidem.
[129] Archives de l’évêché de Namur. Fonds Schmitz et Nieuland. L’invasion allemande t.3 : Tamines et la bataille de la Sambre. Récits des événements de Tamines. Témoignage de l’abbé Donnet de novembre 1915.
[130] Ibidem, Témoignage de M. Seron du 1 novembre 1915.
[131] Ibidem, Témoignage du chanoine Crousse du 25/02/1915 & de l’abbé Smal du 30 septembre 1914.
[132] Ibidem.
[133] Archives de l’évêché de Namur. Fonds Schmitz et Nieuland. L’invasion allemande t.3 : Tamines et la bataille de la Sambre. Récits des événements de Tamines. Témoignage du chanoine Crousse du 25/02/1915 & témoignage n°3 [s.d ] & Témoignage n°4 du Bourgmestre Duculot du 29/11/1915 & Témoignage de M. Seron du 1 novembre 1915 & de l’abbé Donnet de novembre 1915 & de M. Leroy [s.d ] & de l’abbé Smal du 30 septembre 1914.
[134] Ibidem, Témoignage du chanoine Crousse du 25/02/1915.
[135] Ibidem.
[136] Archives de l’évêché de Namur. Fonds Schmitz et Nieuland. L’invasion allemande t.3 : Tamines et la bataille de la Sambre. Récits des événements de Tamines.. Nous reviendrons ultérieurement sur le sens et la portée de ces descriptions, l’état d’esprit qui se cache derrière celles-ci.
[137] LEMAIRE, A., La tragédie de Tamines, p. 91.
[138] Archives de l’évêché de Namur. Fonds Schmitz et Nieuland. L’invasion allemande t.3 : Tamines et la bataille de la Sambre. Récits des événements de Tamines. Témoignage du chanoine Crousse du 25/02/1915 & témoignage n°3 [s.d ] & Témoignage n°4 du Bourgmestre Duculot du 29/11/1915 & Témoignage de M. Seron du 1 novembre 1915 & de l’abbé Donnet de novembre 1915 & de M. Leroy [s.d].
[139] Ibidem, Témoignage du chanoine Crousse du 25/02/1915.
[140] Ibidem, Témoignage du chanoine Crousse du 25/02/1915 & de l’abbé Donnet de novembre 1915.
[141] Ibidem, Témoignage du chanoine Crousse du 25/02/1915.
[142] Ibidem, Témoignage du chanoine Crousse du 25/02/1915 & de l’abbé Donnet de novembre 1915 & anonyme n°3 [s.d], anonyme n°2 [s.d].
[143] Ibidem, Témoignage du chanoine Crousse du 25/02/1915.
[144] Ibidem.
[145] Archives de l’évêché de Namur. Fonds Schmitz et Nieuland. L’invasion allemande t.3 : Tamines et la bataille de la Sambre. Récits des événements de Tamines. Témoignage du chanoine Crousse du 25/02/1915 & de l’abbé Smal du 30 septembre 1914.
[146] Ibidem.
[147] Ibidem, Témoignage du chanoine Crousse du 25/02/1915 & Témoignage n°4 du Bourgmestre Duculot du 29/11/1915 & de l’abbé Donnet de novembre 1915.
[148] Ibidem, Témoignage du chanoine Crousse du 25/02/1915.
[149] Ibidem, Témoignage du chanoine Crousse du 25/02/1915 & Témoignage n°4 du Bourgmestre Duculot du 29/11/1915 & de l’abbé Donnet de novembre 1915.
[150] Ibidem, Témoignage du chanoine Crousse du 25/02/1915.
[151] Ibidem, Témoignage du chanoine Crousse du 25/02/1915 & Témoignage n°4 du Bourgmestre Duculot du 29/11/1915.
[152] Archives de l’évêché de Namur. Fonds Schmitz et Nieuland. L’invasion allemande t.3 : Tamines et la bataille de la Sambre. Récits des événements de Tamines. Témoignage de l’abbé Smal du 30 septembre 1914.
[153] Ibidem, Témoignage du chanoine Crousse du 25/02/1915 & de l’abbé Smal du 30 septembre 1914.
[154] Ibidem.
[155] Ibidem.
[156] Ibidem, Témoignage du chanoine Crousse du 25/02/1915.
[157] Ibidem, Témoignage du Couvent des sœurs de la Providence et de l’Immaculée Conception de 1919.
[158] Ibidem, Témoignage de l’abbé Donnet, [s.d].
[159] Archives de l’évêché de Namur. Fonds Schmitz et Nieuland. L’invasion allemande t.3 : Tamines et la bataille de la Sambre. Récits des événements de Tamines. Témoignage de l’abbé Donnet de novembre 1915.
[160] Ibidem, Témoignage n°4 du Bourgmestre Duculot, du 29/11/1915.
[161] Ibidem, Témoignage de l’abbé Donnet de novembre 1915.
[162] LEMAIRE, A., La tragédie de Tamines, p.188. Alfred Lemaire cite les chiffres repris dans la liste dressé par l’abbé Paul Gilon, vicaire de Saint-Martin. Le chanoine Schmitz qui a également dressé une liste des victimes, peu de temps après les événements, atteint, quant à lui, le chiffre de 372 tués. (dans Nécrologue de la paroisse de Tamines. Archives de l’évêché de Namur. Fonds Schmitz et Nieuland. L’invasion allemande t.3 : Tamines et la bataille de la Sambre. Farde n°3 Nécrologie de la paroisse de Tamines.) Le bilan tel qu’il a été officiellement consacré sur le monument aux fusillés est de 384 morts.
Photographies de la commune de Tamines en août 1914 en Annexe I.
[163] LEMAIRE, A., op. cit., p. 188.
[164] Ibidem.
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