Anthestéries

Anthestéries
Œnochoé des Anthestéries, v. 430-390 av. J.-C., musée du Louvre.

Les Anthestéries (en grec ancien Ἀνθεστήρια / Anthestếria, de ἄνθος / anthos, la fleur, donc « la fête des fleurs ») sont un festival grec antique célébré en l'honneur du dieu Dionysos. Fête de religion paysanne parmi les plus typiques qui se soient conservées, elles figurent au calendrier d'Athènes et de plusieurs autres cités[1]. Elles ont lieu du onzième au treizième jour du mois anthestérion, huitième mois du calendrier attique, correspondant dans le calendrier grégorien à la fin de février et au début de mars.

Sommaire

Célébrations religieuses

La première journée est appelée Πιθοιγία / Pithoigía, c'est-à-dire « l'ouverture des jarres ». Les Athéniens se rendent près du sanctuaire de Dionysos « dans les marais » (en limnais) pour ouvrir les jarres contenant le vin nouveau, fruit des vendanges précédentes. Sur le parcours, les fêtards, juchés sur des chariots rustiques, profèrent des lazzi et moqueries à l'adresse des passants[2].

La seconde journée est appelée Χόες / Khóes, c'est-à-dire « la fête des pichets ». On sert des pichets de vin nouveau et un concours de boisson est organisé. Le sanctuaire de Dionysos dans les marais est alors ouvert pour la seule et unique fois de l'année ; on y organise la hiérogamie (union sacrée) de la femme de l'archonte-roi et de Dionysos : quatorze femmes de bonne naissance, qualifiées de γεραραί en grec, assistent la Reine et opèrent sur autant d'autels[3].

Le troisième jour est appelé Χύτροι / Khýtroi, c'est-à-dire « la fête des marmites ». On fait cuire dans chaque maison des marmites de graines à l'intention des morts. Car ce dernier jour est consacré au culte des morts. Les âmes des morts reviennent ce jour là. On prie pour les mourants. Hermès Psychopompe, conducteur des âmes, reçoit des offrandes de gruau de graines (en grec παγκαρπία) que l’on ne devait pas consommer. La cérémonie des hydrophoria consiste à offrir aux morts des libations d'eau, versées dans des excavations. À la fin de la fête, on congédie les morts : tout se passe comme si leur association avec les vivants durait pendant la période d'hiver et se terminait avec elle.
L'ensemble de ces cérémonies semble se dérouler sans le ministère de prêtres.

Interprétation

Dionysos est associé aux Anthestéries, qui s'appelaient d'abord Dionysies tout court, et Thucydide signale même que ce sont « les plus anciennes Dionysies »[4].

L’interprétation des Anthestéries comme « une fête des fleurs » remonte à l’Antiquité, alors même que les fleurs n’y tiennent aucune place. C’est, selon Henri Jeanmaire[5], la fête des morts qui donne la tonalité funèbre de la fête. Jean Haudry[6] rapproche anthos de la notion d’obscurité et interprète le nom des Anthestéries comme « [la fête] de celui qui traverse l’obscurité (hivernale) ». L’arrivée sur l’eau de Dionysos symbolise la « traversée de la ténèbre hivernale » et la sortie de l’hiver. À la fois fête des morts et fête du vin, les Anthestéries, à la fin de la période hivernale, correspondent aux Pyanepsies d'Athènes, à l'automne, par l'offrande de graines bouillies, et laissent ainsi apercevoir un rythme saisonnier dans les fêtes de paysans.

Concours

Les Anthestéries donnent lieu à un concours de comédie destiné aux acteurs, que Plutarque[7] attribue à l'orateur Lycurgue (IVe siècle av. J.‑C.) Le vainqueur du concours a droit de figurer ipso facto sur la liste des acteurs pour les Dionysies urbaines. Ce concours a probablement lieu au théâtre de Dionysos à Éleuthères.

Selon Philostrate[8], les Anthestéries sont également l'occasion, au temps d'Apollonius de Tyane (Ier siècle ap. J.-C.), de danses lascives accompagnées par l'aulos et d'une lecture de l'épopée orphique.

Notes et références

  1. Gernet et Boulanger 1970, p. 252. Mais même homonymes et synchroniques, les Anthestéries n'apparaissent pas comme identiques d'une cité à l'autre : le fonds est commun, mais les particularismes locaux existent ; cette fête est avant tout celle de chaque cité en particulier.
  2. Suidas et Photios parlent en effet de « moqueries du chariot », en grec τὰ ἐκ τῶν ἁμαξῶν σκώμματα : voir Gernet et Boulanger 1970, p. 52.
  3. P. Foucart, Le Culte de Dionysos en Attique, Mémoire de l'Académie des Inscriptions et Belles Lettres, t. XXXVII, 1904, p. 138 et suiv.
  4. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse [détail des éditions] [lire en ligne], II, 15, 4.
  5. Henri Jeanmaire, Dionysos, Payot, 1951.
  6. Jean Haudry, La Religion cosmique des Indo-européens, Archè, 1987.
  7. Plutarque, Vie des dix orateurs, 841f.
  8. Philostrate, Vie d'Apollonios de Tyane, IV, 21.

Bibliographie

  • Louis Gernet et André Boulanger, Le Génie grec dans la religion, Paris, Albin Michel, 1970 (ISBN 70-III-91022-850) .
  • (de) Ludwig Deubner, Attische Feste, Berlin, 1932, réimpression Hildesheim, New York, 1969.
  • (en) Richard Hamilton, Choes and Anthesteria. Athenian Iconography and Ritual, University of Michigan Press, 1992.
  • Jean-Charles Moretti, Théâtre et société dans la Grèce antique, Paris, Le Livre de Poche, coll. « Références », 2001 (ISBN 2-253-9058-52) .

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