- Marie-Angélique, la fille sauvage de Songy
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Marie-Angélique
Dans l'historique millénaire des enfants sauvages et enfants-loups, le cas majeur, certifié par de très nombreuses archives, est celui de Marie-Angélique (née en 1712 au Wisconsin et décédée à Paris en 1775), « la fille sauvage de Songy », capturée dans ce village de Champagne en septembre 1731, connue dans la littérature anglophone sous le nom de « fille sauvage de Champagne » (wild girl of Champagne).
Biographie
Selon Serge Aroles, qui a retrouvé des centaines de documents relatifs à cette fille et qui en a publié 30, il s'agit :
- du seul cas authentique d'un enfant ayant survécu dix ans en forêt (Marie-Angélique était une petite Amérindienne du Wisconsin — alors colonie française —, de la tribu des Renards — ou Fox, tels qu’ils sont appelés aux États-Unis —, ce qui explique sa longue survie en forêt, attendu que, très jeune déjà, elle savait nager, coudre des vêtements de peaux, etc.);
- le seul enfant pour lequel la survie en forêt pendant une décennie puisse être authentifiée par un vaste corpus d'archives (elle s'évada en novembre 1721, durant la grande peste de Provence, où son navire venant du Canada avait accosté un an plus tôt ; erra durant une décennie dans les forêts du royaume de France, et fut capturée en septembre 1731, à Songy, dans la partie aride de la Champagne, où l'absence de massif forestier la mettait dangereusement à vue) ;
- et le seul enfant sauvage qui, découvert dans un grand état de régression comportementale, eut ensuite présenté une résurrection intellectuelle, ayant pu apprendre à lire et écrire (nous possédons des écrits d'elle et même, fait exceptionnel, la mention des livres de sa bibliothèque, puisque un inventaire notarié de ses biens fut dressé en janvier 1776, un mois après son décès).
Seules les archives ont permis de reconstruire la vie de Marie-Angélique, car les livres et les nombreux articles écrits à son sujet, eux, sont d'une extrême fantaisie : elle n'était pas « une Esquimaude du Labrador », mais une Amérindienne du Wisconsin ; elle n'était pas « âgée de dix ans » lors de sa capture, mais âgée de dix-neuf ans ; elle n'est pas « morte pauvre à trente ans », mais décédée riche à 63 ans (le 15 décembre 1775), à Paris, alors pensionnée par la reine de France…
Dans son livre sur les enfants-loups, Serge Aroles écrit :
« Ces archives attestent que l’unique enfant qui eût pu survivre une décennie en forêt sans altération irréversible de son corps et de son esprit, fut une petite Amérindienne du peuple des Renards (actuellement les Fox ; Etats-Unis), emmenée en France par une dame du Canada qui eut le malheur d’aborder à Marseille lors de la grande peste de 1720.Evadée lors de la terrible épidémie dont elle eut dû être la victime, Marie-Angélique parcourut sur des milliers de kilomètres les forêts du royaume de France, avant d’être capturée en Champagne, en 1731, dans un fort état d’ensauvagement. Durant cette décennie, elle n’a pas vécu au sein des loups, mais survécu au péril de ceux-ci, s’étant armée d’un gourdin et d’une arme métallique, volée ou découverte. Lorsqu’elle fut capturée, cette chasseresse noirâtre, chevelue, griffue, présentait certes des éléments de régression (elle s’agenouillait pour boire l’eau et ses yeux étaient animés d’un battement latéral permanent, tel un nystagmus, stigmate de sa vie dans l’alerte), toutefois, cette enfant avait triomphé d’un défi inouï, non tant la lutte contre le froid, les loups et la faim, mais bien le combat de préserver son langage articulé, fut-ce après une décennie de mutisme, de parole envolée.
Considérée par le philosophe écossais Monboddo, qui l’interrogea en 1765, comme le personnage le plus extraordinaire de son époque, cette femme d’autrefois est tombée en notre oubli ; elle s’efface, depuis plus de deux siècles, derrière toutes les héroïnes de la fiction. »
Alors que les archives assurent qu’elle était âgée d’environ 19 ans lors de sa capture, un texte imprimé lui attribua la moitié de cet âge, cette erreur monumentale, infiniment reprise, ayant empêché, depuis trois siècles, les enquêteurs de découvrir son origine, attendu qu’il fallait chercher sa naissance et sa venue en France dans les registres antérieurs d’une décennie. Sa résurrection intellectuelle fut majeure ; elle apprit à lire et écrire, devint un temps religieuse en une abbaye royale, tomba dans la misère, fut secourue par la reine de France, épouse de Louis XV, refusa un amour qu’un lettré lui offrait, fut tant digne lors de son ultime maladie, un asthme aux longues asphyxies, et mourut assez fortunée, son inventaire après décès en faisant foi.
Sources
- Serge Aroles, Marie-Angélique (Haut-Mississippi, 1712 - Paris, 1775). Survie et résurrection d'une enfant perdue dix années en forêt, 2004 (ISBN 2 915587 019).
La biographie de Marie-Angélique, avec 30 documents d'archives en fac-similé
- Serge Aroles, L’Énigme des enfants-loups. Une certitude biologique mais un déni des archives., 2007 (ISBN 2748339096).
Une approche générale très critique, basée sur les archives, relative à l'ensemble des cas d'enfants sauvages
Catégorie : Enfant sauvage
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