Mamma Roma

Mamma Roma

Mamma Roma est le second film de Pier Paolo Pasolini réalisé en 1962. Il fait suite à Accatone réalisé 1961 et vient prolonger la vague du néo-réalisme italien des années 1950.

Sommaire

Synopsis

Mamma Roma, prostituée d'une quarantaine d'années pense être libérée de son jeune souteneur, Carmine, et tente de refaire sa vie. Elle reprend à ses côtés son fils, Ettore, qui ignore son passé. Ils emménagent dans l'appartement d'une nouvelle cité de banlieue qu'elle rêve idéale. Mamma Roma travaille désormais comme vendeuse sur le marché, pleine d'espoirs pour Ettore et la nouvelle vie qui commence. Ettore fait la connaissance des autres adolescents du quartier, qui trainent dans le terrain vague devant la cité, sous un soleil de plomb...

Le néo-réalisme de Pier Paolo Pasolini

Pasolini emprunte ses thèmes au néo-réalisme : l’errance, les paysages de terrain vague, les immeubles en ruine, les personnages, le souteneur, la prostituée, l’adolescent oisif et le choix du noir et blanc qui accentue la tristesse et la froideur d'une vie misérable, sans couleur, qui n'a pas de goût. Pasolini souligne cette réalité en filmant de longs moments où il ne se passe pratiquement rien, le temps réel que prendrait une action peu importante ou se fige en gros plan sur des visages pour en capter toutes les émotions. Le spectateur est en contemplation avec des moments de vide, correspondant très souvent à l'errance des adolescents dans les terrains vague.

Les procédés filmiques

Pasolini utilise de nombreux travellings du film ; un arrière accompagne la marche nocturne de Mamma Roma, dans les faubourgs, parmi les prostituées, avec à l’arrière les lumières de la ville omniprésente. La caméra suit le parcours sinueux de Mamma Roma qui dans son ivresse se plonge dans un monologue de rédemption, des personnages l’abordent, marchent à ses côtés puis disparaissent dans la nuit, pour être remplacés par d’autres. Ce travelling appuie l’ambiance des nuits romaines, anime l’action, révèle l’emprise de Mamma Roma (toujours au premier plan au centre du cadre) dans ce milieu qui peu à peu se retire de ce monde parallèle presque irréel, de débauche et prostitution comme happée par une force invisible.

Le cinéma, langage de la réalité

Pasolini considère le cinéma comme autre élément d’expression au même titre que l’écriture, la musique ou le dessin, qui traduit le langage. Il qualifie l’image de « langue écrite de la réalité » et disait même « le cinéma me permet de maintenir le contact avec le réel, un contact physique, charnel. Et cette réalité se livre dans le seul acte de filmer, qui met à nu la réalité quotidienne ». Il y a un désir dans la façon de filmer, d’oubli de la caméra, comme si l’œil observait par lui-même le quotidien purement et simplement. Volonté presque documentaire à montrer les choses telles qu’elles sont. Pour Pasolini, l’être humain aussi simple puisse-t-il être est œuvre cinématographique par sa seule existence, la vie est un film naturel, une langue universelle. Pour lui, l’éclairage, le son, les paysages, les personnages doivent paraître réels et rien n’est retouché. Dans Mamma Roma, la Magnani joue son rôle avec par moment de libres improvisations (séquence de danse avec son fils, chute des deux personnages et éclats de rire non coupés au montage).

Le décor

Le décor joue un rôle important dans le film : d'un côté les immeubles résidentiels de la ville moderne, de l'autre des vestiges de la Rome antique. Au centre de ces espaces se déroule la majorité de film dans un monde en marge où se côtoie le sous-prolétariat. En parallèle la ville apparaît oppressante, ravageuse qui engloutie l'homme. Pasolini fait le procès de la société et de ses classes. La scène finale est très éloquente et souligne bien le pouvoir de la force de la ville urbaine. Lorsque comme par télépathie, Mamma Roma ressent l’agonie de son fils qui l’appelle en vain. Celle-ci effondrée se lance dans une course folle jusque la fenêtre de son appartement et lorsque retenue de justesse par ses voisins elle jette un regard muet et hébété sur cette impassible banlieue. La réalité lui saute enfin aux yeux lui révèlant peut-être son échec face à la force ravageuse de cette ville et du sort qu'elle réserve à chacun.

La religion et la peinture

Le réalisateur passionné par l’image du christ crucifié très tôt, déclare : « je cherche le Christ parmi les pauvres ». Dans la scène finale, lorsqu’Ettore est attaché au lit de contention, le plan évoque le Christ mort de Mantegna. Le corps étant filmé en travelling pour faire remarquer la parfaite symétrie du corps comme sur le tableau et souligne chaque membre pour faire ressentir la douleur de la torture. Le cri qu’il lance en appelant sa mère a valeur christique et rédemptrice, retour à la matrice à la fin de sa vie. Le film par ailleurs débuté sur une cène (cérémonie de mariage autour d’une table en fer à cheval) reconstitution du tableau de Vinci.

La musique

Passionné de musique, Pasolini lui consacre une place importante dans ses films. Tout le long du film, la musique accompagne les scènes. Notamment un concerto de Vivaldi qui est en forte opposition à ce monde déshumanisé. Pasolini ne croit pas en la nécessité de concordance entre l’image et la musique. Dans la scène finale, cette musique très puissante fait ressortir la colère, l'injustice de la situation exposée souligne le côté tragique plutôt que la tristesse de la mort.

Les personnages

Au lendemain de la seconde guerre mondiale, le cinéma doit faire face aux peu de moyens disponibles. Pasolini y concède en recrutant des acteurs amateurs à même les rues Cette contrainte vient renforcer l'effet de réel prôné par le réalisateur. Par ailleurs, figure phare du film, Anna Magnani connue pour son rôle dans Rome, ville ouverte, film de Roberto Rossellini, donne toute sa singularité au film. Personnage caractériel, très affirmé, elle incarne l'image d’une femme qui se débat emprisonnée par un destin tragique. Très appréciée de Pasolini qui d'ailleurs composera un poème en son honneur faisant référence à la dernière scène du film : « Presque un emblème Désormais, le cri de Magnani,Sous les mèches en désordre absolu,Résonne dans les panoramiques désespérés,et dans ses coups d’œil vifs et muets,Se concentrent le sens de la tragédie »[1].

Fiche technique

  • Titre original : Mamma Roma
  • Scénario et Réalisation : Pier Paolo Pasolini
  • Images : Tonino Delli Colli
  • Son : Renato Cadueri et Leopoldo Rosi
  • Direction artistique : Flavio Mogherini
  • Décorateur : Massimo Tavazzi
  • Producteur : Alfredo Bini
  • Noir et blanc
  • Durée : 110 min
  • Année : 1962

Distribution

  • Anna Magnani : Mamma Roma
  • Ettore Garofolo : Ettore
  • Franco Citti : Carmine
  • Silvana Corsini : Bruna
  • Luisa Loiano : Biancofiore
  • Paolo Volponi : le prètre
  • Luciano Gonini : Zacaria
  • Vittorio La Paglia : Pellissier
  • Piero Morgia : Piero
  • Lanfranco Ceccarelli : Carletto
  • Marcello Sorrentino : Tonino
  • Sandro Meschino : Pasquale
  • Franco Tovo : Augusto
  • Pasquale Ferrarese : Lino
  • Leandro Santarelli : Begalo
  • Emanuele Di Bari : Gennarino il trovatore

Notes et références

  1. Martine Boyer (dir.), Les films de Pier Paolo Pasolini, Dark Star, 2002, p. 56 


Liens externes


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