Lojong

Lojong

Les Sept points de l'esprit (lojong en tibétain signifie littéralement « transformer l'esprit ») sont une pratique de la tradition bouddhiste basée sur un groupe de proverbes formulés au Tibet par Chekawa Yeshe Dorje, au 12e siècle. La pratique implique de redéfinir, conceptualiser à nouveau et reprogrammer les intentions et la façon de penser d'un individu (par lui-même).

Sommaire

Définition

Les textes de base de la pratique du lojong sont conçus comme un ensemble d'antidotes contre les habitudes mentales, la paranoïa et les idées fixes qui causent de la souffrance. Ils contiennent à la fois des suggestions de type « Bodhicitta absolues » pour élargir l'esprit, telle que Contemple l’essence de l’intelligence d'avant ta naissance ou Considère les phénomènes perçus comme rêves, et des suggestions de type « Bodhicitta relatives » pour se connecter au monde de façon plus constructive, comme Sois reconnaissant envers tous.

Les principes en sont attribués au grand maître indien Atisha. Systématisés au XIIe siècle sous la forme de 59 slogans, ils constituent autant d'instructions condensées du Mahayana.

Selon le premier Dalaï-lama, lui-même une réincarnation de Drömtonpa (un disciple laïc d'Atisha), Atisha aurait hérité de trois maîtres : Suvarnadvipa, Maitriyogi et Dharmarakshita, ou Dharmakirti (Serlingpa). L'enseignement des deux premiers fut intégré dans le lamrim (compilation de textes d'éveil spirituel bouddhistes) dès l’époque des trois nobles frères, mais celui de Serlingpa, la tradition orale du lojong (ou "blo-ljong" en tibétain), « formation de l’esprit de bodhicitta », encore appelé Instructions pour l’entraînement de l’esprit dans la tradition mahayana ("Theg-chen-blo-sbyong-gi-gdampa-pa") se transmit secrètement jusqu’au geshé (lama) Kham Lungpa qui publia Huit leçons pour former l’esprit ("bLo-sbyong-thun-brgyad-ma"), premier texte de la littérature lojong; suivirent Huit versets pour former l’esprit (bLo-sbyong-tshig-brgyad-ma) du geshé Langri Tangpa (1054-1123), Explication publique ("Tshogs-bshad-ma") de Sangye Gompa, Sept points pour former l’esprit ("bLo-sbyong-don-bdun-ma") du geshé Chekhawa, et d’autres. Il en existe une anthologie : Cent textes pour former l’esprit ("bLo-byong-brgya-rtsa").

En s'inspirant des principes du lojong, dans le livre Transformer son esprit, le quatorzième Dalaï-lama en développe les thèmes : culture de la compassion, comportement équilibré à l'égard de soi-même et des autres, construction d'une pensée positive, transformation des situations négatives en moyens d'évoluer vers l'harmonie. Cette discipline intérieure a un objectif : apprendre à distinguer l'important du superflu et, au bout de la voie, trouver le bonheur et la sérénité.

Les professeurs occidentaux qui ont popularisé cette pratique dans l'Ouest incluent Pema Chödrön, Ken McLeod, Alan Wallace, Chögyam Trungpa et Osho (Rajneesh). Par exemple, dans le livre L'entraînement de l'esprit, Chögyam Trungpa a aussi repris ces enseignements en les commentant. Selon lui, cela représente une méthode d'entraînement de l'esprit s'appuyant à la fois sur la pratique formelle de la méditation et sur la prise en charge des événements de la vie quotidienne.


Historique

La pratique du lojong s'est développée initialement sur une période de 300 ans entre 900 et 1200, dans le cadre de l'école bouddhiste Mahayana. Le moine du Bengale Atisha (983–1054), est généralement considéré comme le créateur de la pratique du lojong. La pratique est décrite dans son livre La lampe pour la voie. Mais le contenu repose sur ses études avec un maître de Sumatra, Dharmaraksita, auteur d'un texte alors réputé La roue des armes aiguisées. Atisha voyagea à Sumatra où il étudia avec Dharmarakshita pendant douze ans. Il retourna alors enseigner en Inde, mais à un âge avancé il accepta une invitation à aller au Tibet, où il resta pour le reste de sa vie.

La tradition dit que Atisha, apprenant que les habitants du Tibet étaient très plaisants et sociables, au lieu d'être content de cela, fut préoccupé de ne pas avoir assez d'émotions négatives pour y travailler à sa pratique de lojong. Il amena donc avec lui son serviteur du Bengale qui avait mauvais caractère et qui, le critiquant constamment, était pénible à vivre. Les professeurs tibétains aiment bien alors dire que, lorsque Atisha arriva au Tibet, il réalisa qu'il n'y avait pas besoin de son serviteur...

Les proverbes lojong modernes ont été composés par Chekawa (1101–1175). On raconte que Chekawa vit un texte sur le lit de son confrère de cellule, ouvert sur la phrase : gain et victoire pour les autres, perte et défaite pour moi[1]. Cette phrase le frappa et il chercha son auteur, Langri Tangpa (1054–1123)[2]. Quand il le trouva, celui-ci était mort, mais il étudia avec un de ses disciples, Sharawa, pendant douze ans. On dit que Chekawa aurait guéri des lépreux avec le lojong. Dans un de ses récits, Chekawa s'en fut vivre avec un groupe de lépreux et pratiqua le lojong avec eux. Graduellement plusieurs furent guéris, d'autres accoururent, et éventuellement des non lépreux commencèrent à y prendre intérêt. Une autre histoire populaire sur Chekawa concerne son frère et comment il devint une personne plus gentille grâce au lojong.


Proverbes

Un des commentaires importants sur la pratique du lojong a été écrit par Jamgon Kongtrul (un des fondateurs du mouvement Rime) au 19e siècle. La liste des proverbes ci-dessous est une traduction possible de son texte original tibétain[3].

  • Commence par pratiquer les préliminaires.
  • Considère les phénomènes perçus comme rêves.
  • Contemple l’essence de l’intelligence d'avant ta naissance.
  • Même ce qui fut remède s’élimine de soi-même.
  • Rester alors en la nature de la conscience est l’essence de la voie.
  • Entre méditations, traite toute chose comme une illusion.
  • À l'inspiration, accepte dans ton cœur tout le malheur, la douleur et la négativité du monde entier, et les tiens. À l'expiration, donne toute ta joie et ton bonheur et remercie l'existence.
  • Comprend les trois objets (attachement, aversion, indifférence), poisons mais sources de vertus.
  • Incite-toi au rappel en toute activité en t’entraînant par des paroles.
  • La séquence de l’accueil commence par soi.
  • Quand habitacle et habitants sont pleins de maux, transforme les mésaventures en voie d’éveil.
  • Ramène tous les blâmes à toi-même.
  • Sois reconnaissant envers tous.
  • Vivre les illusions comme les quatre corps de Bouddha est l’absolue protection de la vacuité.
  • Applique la pratique à tout ce qui survient.
  • Travaille avec les cinq forces, qui sont :
  1. la motivation;
  2. l'entraînement (à ce que tu veux faire et être);
  3. la culture des semences positives;
  4. la renonciation à l'ego;
  5. l'aspiration (dédier son propre mérite pour le bénéfice des autres).
  • Au moment de la mort : la réconciliation avec celle-ci est aussi les cinq forces.
  • Tous les enseignements se résument en un.
  • De deux témoignages retiens le principal, l'intérieur.
  • Sois toujours en un état d’esprit heureux.
  • Qui pratique même distrait a la maîtrise.
  • Entraîne-toi toujours à pratiquer les trois principes :
  1. garder les promesses faites;
  2. ne pas faire de démonstration ostentatoire;
  3. avoir une patience impartiale.
  • Ne sois pas celui qui ne pardonne jamais.
  • Change ton attitude tout en restant toi-même.
  • Ne fais pas conversation de tes défaillances.
  • Ne te préoccupe pas des agissements d'autrui.
  • Travaille sur ta plus grande imperfection d'abord.
  • Abandonne tout espoir de fruit.
  • Abandonne les nourritures mauvaises.
  • Ne sois pas trop consistent.
  • Ne sois pas dans le jugement d’autrui (ou Les quatre pratiques sont la meilleure des méthodes).
  • N'attend pas l’occasion de te venger.
  • Ne prend pas plaisir aux paroles malicieuses.
  • Ne transfère pas la charge du bœuf sur l’âne.
  • Ne sois pas dans l'esprit de compétition.
  • Ne fais pas de ta pratique une déformation.
  • Ne fais pas choir le dieu en démon.
  • N'espère jamais un bonheur qui serait un malheur pour autrui.
  • Corrige tous tes torts avec une même intention.
  • Ramène tous les remèdes à un seul : l'accepter-donner.
  • Fais une action au début du jour et une à la fin.
  • Quoi qu’il arrive de bon ou mauvais, accueille-le dans les deux cas.
  • Observe ta discipline, fût-ce au péril de ta vie.
  • Reconnais tes passions, traite-les, puis transcende-les.
  • Aie un guide qualifié, une bonne discipline, un mode de vie adéquat.
  • Respecte ton guide, sois enthousiaste, garde le chemin.
  • Concentre ton corps, ta pensée et ton esprit vers la bonne voie.
  • Du fond du cœur, n'exclut rien de ta pratique d'accueil.
  • Médite toujours sur ce qui t'est pénible.
  • Ne sois pas dépendant des circonstances.
  • Pratique ce qui est essentiel maintenant.
  • Ne laisse pas tes émotions inverser ta compréhension.
  • Ne pratique pas avec intermittence.
  • Entraîne-toi de tout cœur.
  • Libère-toi par l'examen puis la pensée.
  • Ne sois pas complaisant avec toi-même.
  • Reste concentré.
  • Ne sois pas jaloux.
  • N'espère aucun applaudissement.

Notes


Références

  • Transformer son esprit, sur le chemin de la sérénité. Dalaï-lama, Yolande Du Luart (traduction), Essai (poche), 2003.
  • L'entraînement de l'esprit et l'apprentissage de la bienveillance. Chögyam Trungpa, Points, 2008.
  • La voie commence là où vous êtes, Pema Chödrön, La Table Ronde, 2000.
  • Mind Training: The Great Collection, Geshe Geshe Thupten Jinpa. (en)
  • Lojong, Developing the Good Heart: Level 3 of The Steps to Buddhahood (Lam Rim) by The Asian Classics Institute (en)
  • Universal Compassion: Inspiring Solutions for Difficult Times (commentary on "Training the Mind in Seven Points" by Geshe Chekawa), Kelsang Gyatso. (en)


Liens externes


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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Lojong de Wikipédia en français (auteurs)

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