- Littérature-monde
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La littérature-monde est un concept apparu en mars 2007 lors de la publication par le journal Le Monde le 16 mars 2007, au cœur de la campagne présidentielle qui allait mener à l'élection de Nicolas Sarkozy, d'un manifeste intitulé Pour une littérature-monde en français, suivi, en mai de la même année, d'un ouvrage collectif intitulé Pour une littérature-monde, signé par Michel Le Bris, Jean Rouaud, Eva Almassy et Alain Borer.
Sommaire
Motivation
Ce concept de littérature-monde vise essentiellement à mettre fin à certaines des ambiguïtés qui s’attachent à la notion de littérature francophone, qui, selon l’étymologie, devrait désigner toute littérature écrite en langue française. Le concept de « littérature francophone » serait, en pratique, selon les défenseurs du concept de littérature-monde, exclusivement destiné à désigner les œuvres produites en français par des écrivains, dont la langue maternelle n’est pas le français ou dont la nationalité n'est pas française. Cette notion créerait une opposition artificielle entre écrivains « français » et « francophones », reposant sur des distinctions douteuses dans la mesure où la délimitation entre les deux paraît reposer sur des bases encore moins évidentes que ne laisserait paraître une première définition déjà inexacte, selon l’étymologie.
La constatation d’une équivoque
Bien qu’ils soient de nationalité française, les écrivains comme Aimé Césaire, Patrick Chamoiseau, Édouard Glissant, issus d’un département d'outre-mer, seront étiquetés « écrivains francophones » tandis que Saint-John Perse, écrivain guadeloupéen, sera étiqueté écrivain » français ». De même, les écrivains québécois, comme un Réjean Ducharme, dont le français est pourtant la langue maternelle, seront classés, à la différence des Belges ou des Suisses francophones, comme « écrivains francophones ». En revanche, les librairies rangeront des auteurs comme les Italiens Christine de Pisan et Casanova, l’Uruguayen Lautréamont, le Cubain José-Maria de Heredia, le Grec Jean Moréas, l’Irlandais Samuel Beckett, le Roumain Eugène Ionesco, l’Espagnol Jorge Semprún ou l’Américain Julien Green, pour n’en citer que quelques-uns, dans leur rayon littérature française. Seuls de très bons chiffres de vente peuvent permettre à un écrivain « francophone » d’espérer l’accès aux rayons littérature française, comme aux auteurs de chez Gallimard de passer de la collection « Continents noirs » à… la « Collection blanche ».
Réponse à des limitations
L’examen du label « francophone » montrant que son attribution est cantonnée aux écrivains en instance ou en mal d’indépendance ou de décolonisation, il s’ensuit que l’on s’attend également à ce que leur littérature se ressente des inflexions de leur langue, et surtout, de leur imaginaire.
Ce contingentement de l’imaginaire associé à la notion de « littérature francophone » s’avère également comme une limitation imposée aux écrivains « francophones » : on ne demande pas à la Canadienne Nancy Huston de limiter son imaginaire au Canada ou à l’Américain Jonathan Littell de limiter le sien aux États-Unis, tandis que, par exemple, la critique a gardé, en dépit de sa bonne réception par le public, le silence sur Violon, le roman de l’écrivain français de naissance vietnamienne Anna Moï, dont l’action se passe en Normandie. C’est en réaction à ce genre de tentative de limitations que Dany Laferrière répond par des textes provocateurs comme Je suis un écrivain japonais.
Critiques
Plusieurs auteurs se sont élevés contre le concept de littérature-monde et l'attaque portée ainsi à la francophonie, parmi eux l'avocat et écrivain du liban, Alexandre Najjar[1] et le secrétaire général de l'Organisation internationale de la francophonie (OIF) Abdou Diouf [2].
Notes
Bibliographie
- Michel Le Bris, Jean Rouaud et Eva Almassy, Pour une littérature-monde , Paris, Gallimard, 2007 (ISBN 9782070785308)
Catégorie :- Manifeste littéraire
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