Les deux Traités du gouvernement civil

Les deux Traités du gouvernement civil

Traité du gouvernement civil

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Le Traité du gouvernement civil (Two Treatises of Government en anglais) est un essai philosophique rédigé par le philosophe anglais John Locke, publié en 1690, consacré à l’origine, à la légitimité et aux problèmes posés par tout gouvernement politique.

Sommaire

Structure

Comme l’indique son titre original en anglais, le Traité du gouvernement civil est en réalité composé de deux traités distincts. Le premier a pour objet de « mettre en évidence et de renverser les faux principes et arguments de Sir Robert Filmer et de ses disciples ». Le second, beaucoup plus célèbre et publié à titre anonyme, « est un essai concernant la véritable origine, le développement et le but du gouvernement civil ».

Premier Traité

(Traduction de la page anglaise)

Le Premier Traité est une attaque en règle contre Sir Robert Filmer. Locke aborde la discussion selon deux aspects: il réduit à néant l'appui des Écritures à la thèse de Filmer, et montre que l'acceptation de cette thèse ne peut que conduire à une absurdité. Locke a choisi Filmer comme cible à cause, dit-il, de sa réputation et qu 'il « porte cet Argument [jure divino] le plus loin, et est supposé l'avoir amené à sa perfection » (1er Traité, §5).

Filmer a argumenté en faveur d'un droit divin, héréditaire, absolutiste et monarchique. Adam possédait un pouvoir illimité sur ses enfants en tant que père, et cette autorité s'est transmise d'une génération à l'autre. Locke attaque ceci sous différents angles. Accepter que la paternité donne autorité, argumente-t-il, ceci se produirait seulement par l'acte d'engendrer, et donc ne peut pas être transmis à ses propres enfants. Ni le pouvoir d'un père sur ses enfants est absolu, comme l'affirme Filmer (ceci est repris dans le Second Traité). Finalement, quel que soit le pouvoir que le fait d'engendrer confère, il serait partagé avec la mère. Ce dernier argument a amené des féministes contemporaines à étudier le Premier Traité.

Filmer a aussi suggéré que le pouvoir absolu d'Adam lui venait du fait qu'il avait la possession du monde entier. A ceci, Locke oppose qu'à l'origine le monde était en propriété commune (dans les deux Traités). Mais, même dans le cas contraire, Dieu n'a accordé qu'un droit sur la terre et les animaux, mais pas sur les être humains. Ni Adam, ou ses héritiers, ne peuvent utiliser ce droit pour soumettre à l'esclavage l'humanité, car la loi de la nature interdit de réduire son prochain à un état de désespoir, si l'on possède un excédent suffisant pour se maintenir en sécurité. Et même si ceci n'était pas commandé par la raison, poursuit Locke, une telle stratégie pour la domination prouverait seulement que le fondement du gouvernement réside dans le consentement.

Dans tout le Premier Traité, Locke suggère que la doctrine de jure divino détruira n'importe quel gouvernement. Le dernier chapitre pose la question, « Quel héritier ? » Si Filmer a raison, il devrait y avoir un seul roi légitime dans le monde entier, à savoir l'héritier d'Adam. Ceci relèverait les membres de chaque communauté de leurs obligations envers leurs dirigeants, ce qui conduirait à l'anarchie, si celà était pris sérieusement. Et comme nous ne connaissons pas le véritable héritier d'Adam, et ne pouvons le trouver, tous les gouvernements sont dans cette position. Filmer doit donc dire que les hommes sont liés par devoir à obéir à leurs dirigeants actuels. Locke déclare sur ce point:

Je pense qu'il est le premier Politicien, qui, prétendant établir un Gouvernement sur de véritables Bases, ainsi que le Trône des Princes licites, n'ait jamais dit au Monde qu'était véritablement Roi, celui dont la Manière de Gouverner était par le Pouvoir Suprême, par quelque Moyen qu'il l'ait obtenu; ce qui en bon Anglais signifie, que le Pouvoir Royal et Suprême est justement et véritablement sien, pour celui qui par quelque Moyen arrive à s'en saisir; et si ceci étant, être véritablement Roi, je me demande comment a-t-il pu en venir à le penser, et où trouvera-t-il un usurpateur. (1er Traité, §79)

Locke conclue le Premier Traité par l'examen de l'histoire racontée dans la Bible et de l'histoire du monde depuis lors, et note qu'il n'y a aucune preuve qui supporte l'hypothèse de Filmer. Aucun roi n'a jamais proclamé que son autorité repose sur le fait d'être l'héritier d'Adam. C'est Filmer, prétend Locke, qui innove en politique, et non ceux qui déclare l'égalité naturelle et la liberté de l'homme.

Pensée

Dans la lignée de Thomas Hobbes et avant Jean-Jacques Rousseau, John Locke consacre pleinement la notion d’un contrat social passé entre les hommes, qui a la faculté de faire passer une société donnée de l’état de nature à l’état de civilisation. Contrairement à Rousseau, Locke envisage l’état de nature non pas comme une simple hypothèse de travail mais comme un véritable fait historique : l’auteur en veut pour preuve que l’état de nature persistait encore de son temps, non seulement chez certaines peuplades particulièrement primitives mais aussi dans la conduite des relations entre États, qui n’obéissent à aucune règle.

Contrairement à Hobbes, Locke distingue l'état de nature à l'état de guerre. L'état de nature constitue un état de paix par excellence. Il est en effet limité par la loi naturelle et oblige ainsi l'homme à se conserver non seulement lui-même, mais également, l'ensemble de l'humanité. L'état de nature reste toutefois un état d'insécurité, car tout le monde y est à la fois juge et bourreau. Les hommes qui enfreignent cette loi, entrent ainsi dans un état de guerre, d'inimitié, et entrainent avec eux leur victime. Cette insécurité dans l'état de nature a poussé les hommes à former des sociétés civiles.

Cette même raison fonde le droit de chacun à protéger sa propre liberté et, le cas échéant, à punir tout violateur de cette règle. C’est pour assurer l’efficacité de la punition, et par conséquent l’efficacité de la protection, que les hommes, naturellement égoïstes, se constituent en États par un contrat social.

Locke achève son traité en suggérant un régime politique idéal, fortement inspiré du modèle britannique : le pouvoir législatif, considéré comme le plus important, doit être l’apanage exclusif d’un Parlement organisé en un ou plusieurs corps législatifs et représentant les intérêts des citoyens. Le pouvoir exécutif, simple délégué du Parlement, doit assurer l’exécution de ses décisions, et serait selon Locke le mieux assuré par un monarque héréditaire.

Ces considérations de philosophie politique reviennent à corroborer et justifier les réformes engagées par Guillaume III d'Angleterre suite à son arrivée sur le trône en 1688, après la Glorieuse Révolution.

Voir aussi

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