- Le communisme comme réalité
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Le Communisme comme réalité
Le Communisme comme réalité est un essai de l'écrivain et logicien russe Alexandre Zinoviev, paru en 1980 en russe, puis en 1981 en français chez Julliard dans une traduction de Jacques Michaut. Zinoviev a voulu, après avoir décrit la réalité soviétique dans de nombreux romans (Les Hauteurs béantes, Notes d'un veilleur de nuit, L'Avenir radieux, L'Antichambre du paradis ou La Maison jaune), exposer ses thèses sur le communisme « réel » hors de tout contexte romanesque, afin que son message soit parfaitement perçu. Par communisme réel, Alexandre Zinoviev entend sa mise en œuvre effective dans un pays - en l'occurrence l'URSS où il a vécu - par opposition à un communisme utopique, au premier sens - neutre - du terme , c'est-à-dire « sans lieu ».
Citations
- Sur la tendance à la kremlinologie des spécialistes du communisme : « Au niveau de la collectivité de base, les gens ne passent pas tant leurs journées à travailler qu'à échanger des informations, à se divertir, à faire en sorte de conserver et d'améliorer leur situation, à établir des contacts avec les personnes dont dépend leur bien-être, à assister à d'innombrables réunions, à tenter d'obtenir des bons de séjour, un logement, quelques fois même du ravitaillement supplémentaire. Ils améliorent leur qualification, reçoivent des certificats. Ils font partie de troupes d'amateurs, de clubs sportifs, sans parler bien sûr des cercles d'éducation politique. Ils font du travail social. Ils participent à des manifestations, des rencontres, des fêtes, des soirées, des excursions et des voyages. C'est leur vie propre qui se déroule là avec ses joies et ses peines, ses réussites et ses échecs, une vie pleine de passions et de drames. Et c'est de cette vie réelle que doit tenir compte en premier lieu toute description scientifique du communisme. Or c'est généralement la chose qu'ignorent tous ceux qui parlent du communisme. Ils préfèrent parler de choses extérieures beaucoup plus frappantes (les répressions, l'absence de libertés civiques), mais qui demeurent pratiquement inexistantes pour tous ceux qui vivent au niveau de la collectivité de base. Lorsque celle-ci aborde ces problèmes, c'est uniquement pour condamner les dissidents et exprimer son soutien aux autorités. » (p. 161).
- Sur l'illusion selon laquelle les privations de liberté ne seraient dues qu'à un "méchant pouvoir" : « Les gens ne découvrent le cadre de leur liberté (ou de leur manque de liberté) que lorsqu'ils se mettent à enfreindre les lois écrites et non écrites qui régissent le mode de vie communiste. Par exemple, lorsqu'ils organisent des sectes religieuses ou des groupes politiques, lorsqu'ils tentent de publier telle ou telle œuvre sans passer par la censure ou d'organiser des manifestations non autorisées, ils découvrent aussitôt l'absence de toute une série de libertés considérées comme banales dans les démocraties occidentales. On sait d'ailleurs parfaitement la façon dont réagit le pouvoir officiel. Mais ce qui est plus important encore, c'est que les autorités ne font en réalité qu'exprimer les réactions d'une très large fraction de la population face à ce qu'elle considère comme des dérogations aux normes de vie communiste. Nous n'avons pas ici affaire à un pouvoir méchant qui prive intentionnellement les individus des libertés les plus élémentaires, mais à une société qui dans ses fondements mêmes n'a nul besoin de ces libertés-là et qui leur est même hostile. Elles lui sont étrangères. Et la lutte menée contre elles se déroule avant tout au niveau des collectifs de base. » (p. 183).
- Sur les mouvements anarchistes ou gauchistes : « Il n'y a guère qu'une fraction insignifiante de la population qui ait intérêt à ce que la hiérarchie soit détruite, soit parce qu'ils sont avant tout guidés par leurs propres intérêts égoïstes ou encore parce qu'ils ne réfléchissent pas ; mais le plus souvent leurs discours soi-disant humanitaires sont des paroles en l'air. De nombreux mouvement d'opposition en Occident (particulièrement dans la gauche et chez les jeunes) sont en fait dirigés contre la structure inévitable de la société contemporaine, bien qu'habituellement leurs slogans soient ceux de la lutte contre l'impérialisme et le capitalisme. Ces mouvements sont dans leur essence anticommunistes, même si en vertu des conditions historiques ils revêtent l'habit communisme.» (p. 264).
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